Prévalence et sous-diagnostic du syndrome pica

Le pica

Définition

Selon les critères du DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th edition) le pica est un trouble alimentaire caractérisé par :

– L’ingestion compulsive de substances non nutritives pendant une période de plus d’un mois. Les substances fréquemment ingérées sont le papier, le caoutchouc, les cheveux, la laine, l’argile, la terre, la peinture (favorisée par le goût sucré de certaines d’entre elles)… mais aussi -et plus rarement- des objets métalliques comme des clous, des pièces de monnaie… Ce type de pica est particulièrement observé dans les populations présentant des troubles psychiatriques. (1)
– La consommation de ces substances n’est pas en adéquation avec le développement intellectuel de l’individu. Ainsi, l’âge minimum pour pouvoir poser le diagnostic de pica est de 2 ans.
– L’ingestion de ces substances n’est pas une pratique culturelle ou sociale du patient. En effet, dans certaines ethnies, l’ingestion de produits issus de la terre peut revêtir un sens spirituel particulier ou être considérée comme ayant des vertus médicinales. Par exemple, dans certains pays d’Afrique Subsaharienne, la consommation d’argile blanche (Kaolin) est relativement répandue chez les femmes enceintes pour ses supposées propriétés antiémétiques et anti-pyrosis (par augmentation du pH gastrique).(2) En France sont également commercialisés des « pansements gastro-intestinaux » à base d’argile (Propargile®, Stomargil®…).

Étymologie : du latin pica signifiant « pie », oiseau réputé pour son comportement cleptomane en volant et consommant des objets non comestibles. Pour désigner le pica, on utilise plus rarement le terme de « cittose », du grec ancien κίττα, kítta (« pie ») et -osis (maladie).

Prévalence

Nous ne possédons pas de données de prévalence du pica dans la population générale pédiatrique en France. On retrouve cependant dans la littérature des données de prévalence dans quelques pays limitrophes : en 2018, une équipe Suisse a étudié la prévalence du pica chez les enfants et pré-adolescents. 1430 enfants âgés de 7 à 13 ans ont ainsi été inclus. La prévalence du pica était de 10%(3) . Une autre étude réalisée en Allemagne a quant à elle retrouvé une prévalence de 12,3% .

Historique

Les plus anciens textes connus rapportant des comportements de pica datent de l’Antiquité .

Hippocrate, au IVe siècle avant Jésus-Christ, décrit des comportements de géophagie selon ces termes : «Les hommes et les femmes qui ont une mauvaise couleur de peau, mais non une jaunisse […] mangent des pierres et de la terre, et ont des hémorroïdes ». On remarque déjà à cette époque l’association faite entre le pica et l’anémie («mauvaise couleur de peau» ; «hémorroïdes» à l’origine de l’anémie chronique). Au XIe siècle, le médecin perse Ibn Sina (dit « Avicenne ») évoque le pica en ces termes : « Il est nécessaire de réprimer cette habitude, chez les garçons par l’usage du fouet, chez les plus âgés par la contrainte et la prison, car les incorrigibles sont destinés au tombeau » . Le terme de pica fait pour la première fois son apparition en 1563 dans un traité de chirurgie An excellent Treatise of Wounds made with Gonne, de Thomas Gales, chirurgien de l’armée de Henri VIII. Toujours au XVIe siècle, Ambroise Paré, anatomiste et chirurgien français, décrit le pica comme « une perversion du goût caractérisée par de l’éloignement pour les aliments ordinaires et par le désir de manger des substances non nutritives telles que craies, terre, charbon ». Toujours en France, on associe le pica à l’anémie par carence martiale, désignée par le terme de « chlorose ». C’est ainsi que le médecin Lazare Rivière (1589-1655) écrit : «dans la maladie verte, appelée chlorose, […] ils ont un désir de manger de mauvaise viandes, et des choses non comestibles, comme du sel, des épices, de la craie, du charbon, des cendres et autres choses similaires, qui fait que cette maladie est appelée « pica malacia » ou « étrange envie »» .

Etiologies supposées

Le pica peut survenir dans plusieurs contextes :
– Contexte physiologique : le pica peut en effet apparaître dans certains contextes physiologiques comme une grossesse, où l’on peut observer une impulsivité pour la consommation de craie, de glaçons (pagophagie), parfois même de terre (géophagie).
– Contexte psychiatrique : le pica peut également se manifester chez certains individus présentant certaines affections psychiatriques. L’un des plus sévères cas de pica rapportés dans la littérature scientifique concerne un homme japonais de 51ans, présentant une schizophrénie, ayant ingéré 1894 pièces de monnaie, aboutissant à une perforation gastrique à l’origine du diagnostic.(1)
– Contexte carentiel : le pica semble associé à une carence en zinc et en fer (8–13) même si la physiopathologie semble encore mal connue. On trouve dans la littérature deux hypothèses quand à la nature du lien entre pica et carence en fer et zinc :
– Le pica comme cause de carences :

Certains produits ingérés dans un contexte de pica pourraient eux-mêmes, de part leurs propriétés chélatrices, être à l’origine de carences. C’est par exemple le cas pour la terre ou l’argile. En 1964, Mengel et al(14) étudiaient le cas d’une jeune femme présentant à la fois un pica à l’argile et une carence martiale. Ils avaient conclu, suite à des expériences in vitro, que l’anémie par carence martiale était secondaire à une chélation du fer par l’argile, empêchant son absorption intestinale. Le principe de la chélation est un échange de cations (Ca2+, Na+ , H+ , Mg2+, Mn2+, K+ ) provenant de l’argile, contre un cation Fe2+ .

De la proportion de cations dans l’argile dépend ses capacités chélatrices. C’est ainsi qu’une étude a montré une différence dans l’intensité de la carence martiale selon le type d’argile consommée.(15) La capacité de chélation de l’argile dépend également de la surface d’échange : plus la surface d’échange sera grande, plus la chélation sera importante. Ainsi, plus les grains d’argile seront petits, plus la surface d’échange sera grande et plus les capacités chélatrices seront importantes.

En 1968, Halsted(16) a démontré in vitro qu’une argile provenant d’Iran chélatait également le zinc. Cette hypothèse est applicable à la géophagie, voire au pica au carton. En effet, on retrouve la présence d’argile (Kaolin) dans la composition de certains d’entre eux.(17) Cependant, cette hypothèse n’étant applicable qu’à ces deux produits, elle n’explique que très partiellement le lien qui lie le pica à la carence martiale ou en zinc. Une autre hypothèse que l’on retrouve dans la littérature est que la malabsorption du fer serait secondaire à une atrophie de la muqueuse intestinale, elle-même liée au produit ingéré dans le contexte de pica (20) Quelques années plus tard, les mêmes auteurs émettent l’hypothèse que l’atrophie villositaire retrouvée chez des patients atteints du syndrome de Prasad serait elle-même secondaire à une carence en zinc.

➤ Le pica comme conséquence des carences :

Cette hypothèse semble être privilégiée dans la littérature, car expérimentalement la correction des carences entraîne la disparition du pica. En effet, ceci a été observé dans de nombreuses études réalisées ces dernières décennies(11,12,20), dont une étude réalisée par Reynolds et al en 1968(21), dans laquelle 38 patients présentant une anémie par carence martiale et un pica (une pagophagie chez 23 d’entre eux) ont bénéficié d’une supplémentation en fer. Après correction de la carence martiale, le pica disparaissait chez 22 des 23 patients présentant une pagophagie. Cependant, cette hypothèse reste difficile à expliquer sur le plan physiopathologique. En effet, les principaux matériaux consommés en cas de pica dans un contexte de carence en oligo-éléments sont la glace, le papier ou encore l’argile, des matériaux pauvres en fer voire ne contenant pas de fer.

La question du pica comme cause ou conséquence reste encore controversée. Gutman et al(23), évoque la possibilité d’un cercle vicieux : la carence entraînant un pica, luimême aggravant la carence. Une carence en zinc peut être à l’origine du syndrome de Prasad, associant anémie, hépato-splénomégalie, nanisme, hypogonadisme, géophagie et carence en fer et zinc. La carence chronique en zinc entraine une atrophie de la muqueuse intestinale entrainant une malabsorption du fer (à l’origine de l’anémie et donc possiblement de la géophagie) et du zinc. La correction de la carence martiale et en zinc entraîne une disparition de la géophagie.(24) Hambidge et al, dans un case report, rapportaient le cas de patients présentant un pica ainsi qu’une carence en zinc, sans carence martiale associée, et chez qui la correction de la carence faisait cesser le pica.

Complications

Ainsi, le syndrome de pica est à l’origine, selon sa sévérité, de différentes complications, potentiellement létales :

– Complications digestives : syndrome occlusif sur bézoard (accumulation de matières non ou partiellement digérées dans le tube digestif), perforation digestive, douleur abdominales chroniques, parasitoses en cas de géophagie
– Complications métaboliques : intoxication aux métaux lourds (du fait de la présence de plomb dans certaines peintures murales par exemple) Il convient également de ne pas omettre les conséquences psychologiques de cette affection.

Prise en charge thérapeutique

Comme développé précédemment, certaines études ont mis en évidence une efficacité de la supplémentation martiale -en cas de carence- renforçant l’idée selon laquelle un déficit en fer pourrait être une cause de pica. Une prise en charge comportementale (conditionnement négatif, renforcement positif, déviation de l’attention…) a été étudiée à plusieurs reprises. Malgré tout l’évolution reste souvent rythmée par des périodes de rémissions et de rechutes.

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Table des matières

I) INTRODUCTION
I.1) Le pica
I.1.1) Définition
I.1.2) Prévalence
I.1.3) Historique
I.1.4) Etiologies supposées
I.1.5) Complications
I.1.6) Prise en charge thérapeutique
I.2) La drépanocytose
I.2.1) Physiopathologie de la drépanocytose
I.2.2) Historique
I.3) Association entre drépanocytose et pica
I.4) Rationnel de l’étude
II) MATERIEL ET METHODES
II.1) Description de l’étude
II.2) Critères d’inclusion et modalités pratiques de recrutement
II.3) Recueil des données
II.4) Analyse statistique
III) RESULTATS
III.1) Prévalence du pica chez les enfants présentant un syndrome drépanocytaire majeur suivis aux CHU de Caen et Tours
III.2) Taux de sous-diagnostic de pica et ses causes chez les enfants présentant un syndrome drépanocytaire majeur aux CHU de Caen, Tours, Rouen et Nantes
III.3) Caractéristiques cliniques des enfants présentant un pica
III.4) Caractéristiques biologiques des enfants présentant un pica
IV) DISCUSSION
IV.1) Points forts de l’étude
IV.2) Points faibles de l’étude
IV.3) Caractéristiques cliniques et biologiques des patients
IV.4) Produits consommés
IV.5) Prise en charge des patients avec pica dans les différents centres
V) CONCLUSION
Bibliographie
Annexes

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