Historique de la pratique de DCV
C’est dans les années 50 que le potentiel éclaircissant de l’hydroquinone a été découvert de façon fortuite, sur des ouvriers à peau dite noire travaillant dans une usine de caoutchouc aux Etats-Unis (dépigmentation des parties découvertes). Dès lors, la dépigmentation volontaire commence à se développer dans les années 60 et 70. Historiquement, la pratique de la dépigmentation volontaire prend son essor en Afrique du Sud. Les marchés anglophones africains constituent la destination initiale des produits (descriptions dès 1961 en Afrique du Sud et dès le début des années 70 au Sénégal). Le phénomène se répand rapidement en Afrique subsaharienne à partir des années 80. La dépigmentation volontaire s’est largement développée au cours de ces 20 dernières années, avec la mise à disposition, à la fin du XXème siècle de moyens techniques d’éclaircissement efficaces, faciles d’emploi et bon marché. Cette progression pourrait en partie s’expliquer par l’influence que peuvent exercer certaines industries spécialisées dans les cosmétiques pour peaux fortement pigmentées*, par le biais de publicités volontairement agressives et omniprésentes dans certaines presses féminines. Elle semble s’être développée de manière contemporaine à la commercialisation des dermocorticoïdes et de composés à base d’hydroquinone. Ce sont en fait les problèmes posés par les complications liées à l’utilisation de certains produits qui ont initialement permis de connaître cette pratique et de prendre conscience de l’ampleur du problème. Barr et coll. [10] avaient rapporté en 1972 que de nombreux cas de syndromes néphrotiques survenant chez des femmes adultes à Nairobi résultaient de l’utilisation des dérivés mercuriels comme dépigmentant. Peu après (1974), en Afrique du Sud, Dogliotti et coll. [27,26] rapportaient une “épidémie” de leuco – mélanodermie en rapport avec l’utilisation de monobenzyl éther d’hydroquinone. Findlay et coll. [34,35] (1975) rapportaient les premiers cas d’ochronose exogène chez des africaines utilisant des préparations à base d’hydroquinone pendant plusieurs années. Cette pratique cosmétique a été rapportée pour la première fois en Afrique de l’Ouest par Marchand et coll. [69,67] au Sénégal en 1975, puis plus récemment au Mali et au Togo [62,67,79,81]. Quelques données parcellaires ou communications personnelles indiquent que cette pratique existe également dans d’autres pays tels que le Zimbabwe, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Congo, la Gambie, le Malawi, le Kenya [46], la Tanzanie [17]. De plus il semblerait que certains pays d’Asie soient également concernés tels le Vietnam, la Malaisie ou les Philippines, mais les données sur ce sujet sont très limitées [30,57]. Les communautés d’origine africaine d’Amérique (afro-américains) et d’Europe (immigrés) sont aussi concernées. Cette pratique concerne quasi-exclusivement la population féminine ; les seules données concernant l’homme proviennent du Congo [83]. Les données documentant son ampleur dans la population générale qui soient de bonne qualité méthodologique sont peu nombreuses. Considéré depuis des générations comme une molécule «de blanchiment magique de la peau » dans des pays comme la République des Philippines, le glutathion s’est rapidement répandu dans le monde entier, en très peu de temps. Le glutathion (GSH) est le thiol non protéique naturel le plus abondant qui protège les cellules de mammifère contre le stress oxydatif. Le GSH intraveineux (IV) pour éclaircir la peau est publié en ligne par des cliniques en Afrique du Sud et dans le monde. * noire, mate, métissée et asiatique.
Dermatophytose circinée
Affection fréquente, touchant des individus de tout âge, elle se traduit par de lésions qui débutent par une macule érythémateuse, prurigineuse, à centre squameux et à extension centrifuge, parfois en cocarde. La confluence de plusieurs lésions donne naissance à des éléments polycycliques. Les poils et les duvets recouvrant les placards peuvent être parasités. Au cours de l’évolution, le centre de la lésion à tendance à pâlir et peut prendre une teinte bistre. Cette lésion devient particulièrement profuse chez les personnes dépigmentées.
Les complications liées à l’utilisation de dermocorticoïdes
Il est bien connu que l’application de dermocorticoïdes sur de larges surfaces, à long terme, en grande quantité et/ou sous occlusion, expose aux mêmes risques que l’utilisation des corticoïdes par voie générale [38, 56].
Vu les troubles métaboliques que sont la rétention hydro sodée et les troubles de la glycorégulation, on peut facilement comprendre que Raynaud et al. nous aient rapporté l’utilisation cosmétique de dermocorticoïdes comme facteur d’aggravation et d’entretien ou au moins comme facteur d’induction de l’HTA et du diabète [84]. La déplétion cortisolique avec chute de la production de cortisol endogène de base est un effet secondaire bien connu rapporté dans plusieurs études [14, 38, 72], elle traduit une inertie hypothalamo-hypophyso-surrénalienne. Cette inertie hypophysaire a été décrite au Sénégal chez des femmes qui utilisaient des dermocorticoïdes à visée dépigmentant [87].
Le risque de développer un syndrome de Cushing est à craindre, mais apparemment il a été rarement rapporté [38]. Les risques d’effets secondaires seraient majorés par des quantités supérieures à 50 mg/semaine et l’application sur une peau lésée [72, 73].
Le risque de survenue de métrorragies au cours de la grossesse, d’hypotrophie fœtale mais également de xérose rebelle a été rapporté par Fall. F. [33].
Ethnie
Parmi les 330 femmes qui faisaient usage de produits dépigmentant, 108 (32,72%) étaient de l´ethnie wolof ; les peulhs venaient en deuxième position avec 14,84%. Ceci étant assimilable à l’étude de Lèye M. N. [58] dans le département de Pikine où 24,1% des femmes dépigmentées étaient de l´ethnie wolof et, celle de Fall. F, chez les femmes enceintes qui avait retrouvé plus de wolof (30,3%) [33]. Cependant, peulhs, malgré leur teint clair, représentent 14,84% des femmes dépigmentées. Ceci nous permet d’en déduire que ce phénomène concerne aussi bien les femmes de teint foncé que celles qui sont claires. A noter également que la pratique de la DCV est particulièrement importante au sein de l´ethnie Laobé. En effet sur les 16 femmes de cette ethnie, 15 faisaient usage de produits dépigmentant soit 94% avec un p-value à 0,0005 et un OR = 15. Cela peut avoir une explication culturelle.
Type de produits
Dans notre étude, les femmes qui se dépigmentent utilisaient plus des mélanges de produits de composition inconnue avec un taux de 41,81% (n = 138) ; suivis des produits à base d´hydroquinone avec 25,45% (n = 84). Le marché des cosmétiques sénégalais, comme celui de la plupart des pays africains est submergé par une multitude de produits dépigmentant. Ce taux élevé de produits de composition inconnue s´explique par l´essor, sur les réseaux sociaux comme Facebook, de multitudes de pages proposant des produits pour se blanchir efficacement la peau. L´une des pages célèbres est « Mya White Wekh Tall » (plus de 55 000 membres) avec sa gamme : « Miracle Wekh Tall ». En effet, au cours de notre enquête plusieurs femmes ont déclaré avoir acheté les mélanges chez MYA, et les étiquettes ne renseignaient pas sur la composition des produits. Parmi les dermocorticoïdes qu´utilisaient les femmes de notre étude, on note des dermocorticoïdes de classes I (Propionate de chlobétasol) qui ne sont pas autorisés au Sénégal. Ceci est confirmé par une étude réalisée par Sylla R. et Coll. [89], qui ont trouvé que 94% des corticoïdes vendus sur le marché n’ont pas de visa de commercialisation. Ces résultats montrent que ces produits dépigmentant ne sont soumis à aucun contrôle au niveau des marchés. Dans l´étude réalisée à Pikine en 2019, les femmes utilisaient plus les produits à base d´hydroquinone (31,4%), suivis des produits de composition inconnue (18,2%). Au Mali, les corticoïdes étaient plus fréquemment utilisés [62], au Togo les produits mercuriels ont été trouvés en majorité dans l’étude de Pitche et al [80], et au Bénin dans l´étude de Glélé [40], les produits à base d´hydroquinone était majoritairement utilisés. Ainsi, les produits utilisés ainsi que les modalités de dépigmentation cosmétique varient d’un pays à l’autre.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. HISTORIQUE DE LA PRATIQUE DE DEPIGMENTATION COSMETIQUE ET LES AGENTS DEPIGMENTANTS
1. Historique de la pratique de DCV
2. Epidémiologie de la DCV
2.1. Prévalence de la DCV
3. Agents dépigmentant
3.1. Agents dépigmentant d´origine chimique
3.1.1. Les dérivés phénoliques
3.1.2. Les dermocorticoïdes
3.1.3. Les produits mercuriels
3.1.4. Le Glutathion
3.1.5. Les mercaptoamines
3.2. Agents dépigmentant naturels : les plantes
3.2.1. Acide ascorbique : vitamine C
3.2.2. Arbutine et methylarbutine
3.2.3. Luteoline
3.2.4. Dérivés cinnamiques
3.2.5. Acide kojique
3.3. Autres agents dépigmentants
3.3.1. Acide azélaïque
3.3.2. Le butyl-hydroxytoluene (B.H.T)
3.3.3. Divers
3.3.4. Les produits de fabrication artisanale
II. COMPLICATIONS DE LA DCV
1. Complications dermatologiques
1.1. Les complications infectieuses
1.1.1. Les infections parasitaires : la gale
1.1.2. Les infections bactériennes
1.1.3. Les infections staphylococciques
1.1.4. Les infections mycosiques
1.2. Les complications non infectieuses
1.2.1. Les troubles pigmentaires et esthétiques
1.2.1.1. Les troubles trophiques
1.2.1.2. Les toxidermies bulleuses
1.2.1.3. Cancers cutanés
2. Complications non dermatologiques
2.1. Les complications liées à l’utilisation de dermocorticoïdes
2.1.1. Complications liées à l’utilisation de produits mercuriels
2.1.2. Les complications liées à l’utilisation de l’hydroquinone
2.1.3. Les complications liées à l’utilisation du glutathion
III. PREVENTION
DEUXIÈME PARTIE
I. CADRE, POPULATION D’ETUDE ET METHODE
1. Cadre de l’étude
1.1. Situation géographique
1.2. Principaux repères historiques de la commune
1.3. La structure démographique
1.4. Les aspects économiques
2. Type d’étude
3. Population d’étude
4. Echantillonnage
4.1. Procédure d’échantillonnage
4.2. Collecte des données
4.3. Traitement des données
4.4. Aspects éthiques
4.5. Variables étudiées
II. RÉSULTATS
1. Phase descriptive
1.1. Profil sociodémographique des personnes enquêtées
1.1.1. Répartition des femmes enquêtées selon la tranche d’âge
1.1.2. Répartition des femmes enquêtées selon l´ethnie
1.1.3. Répartition selon la catégorie socioprofessionnelle
1.1.4. Répartition selon la situation matrimoniale
1.1.5. Répartition selon le nombre d’enfants
1.1.6. Répartition selon la scolarisation
1.1.7. Répartition selon l’enseignement suivi
1.1.8. Répartition selon le niveau de scolarisation
1.1.9. Répartition selon le niveau de revenus
1.2. Profil cosmétologique
1.2.1. Répartition selon la couleur initiale de la peau
1.2.2. Prévalence de la DCV
1.2.3. Prévalence de la DCV selon l’âge
1.2.4. Prévalence de la DCV selon l’ethnie
1.2.5. Prévalence de la DCV selon la catégorie socioprofessionnelle
1.2.6. Prévalence de la DCV selon la situation matrimoniale
1.2.7. Répartition selon le nombre d’enfants
1.2.8. Prévalence de la DCV selon la scolarisation
1.2.9. Prévalence de la DCV selon la formation scolaire des femmes dépigmentées
1.2.10. Prévalence de la DCV selon le niveau de scolarisation des femmes dépigmentées
1.2.11. Répartition des femmes dépigmentées selon le revenu mensuel
1.2.12. Enquête cosmétologique
1.2.12.1. Produits dépigmentant utilisés par les femmes
1.2.12.1.1. Dénominations commerciales, formes galéniques et principes actifs des dermocorticoïdes
1.2.12.1.2. Dénominations commerciales, formes galéniques et principes actifs des produits phénoliques
1.2.12.1.3. Dénominations commerciales, formes galéniques et principes actifs des autres produits utilisés par les femmes
1.2.12.2. Fréquence des produits dépigmentant utilisés par les femmes
1.2.13. Prévalence de la DCV sur la base de l’observation des produits utilisés
1.2.13.1. Principe actif – DCI des produits utilisés
1.2.14. Ancienneté de la pratique de la DCV
1.2.15. Répartition selon les motivations de la DCV
1.2.16. Répartition selon le procédé de DCV
3.2.16.1. Mode d’application
3.2.16.2. Nombre de produits utilisés au cours de la pratique
3.2.16.3. Horaire de l’application
3.2.16.4. Nombre d’application
3.2.16.5. Zones d’application
1.2.17. Répartition selon l´application de produits dépigmentant pendant la maternité
1.2.17.1. Avez-vous déjà pris une grossesse ?
1.2.17.2. Avez-vous appliqué des produits durant la grossesse ?
1.2.17.3. Avez-vous appliqué ces produits durant l’allaitement ?
1.2.18. Répartition selon le budget mensuel alloué à la DCV
1.2.19. Répartition selon le lieu d’approvisionnement des produits dépigmentant
1.2.20. Répartition selon ceux qui suggèrent les Produits dépigmentant
1.2.21. Répartition selon la source de financement des produits de la DCV
1.2.22. Etes-vous satisfaites du résultat obtenu ?
1.2.23. Répartition selon le désir d’arrêter la DCV
1.2.24. Répartition selon celles qui ont au moins une fois arrêté la DCV
1.2.25. Répartition selon la durée de l’arrêt de la DCV
1.2.26. Répartition selon les obstacles à l’arrêt de la pratique
1.2.27. Répartition selon la connaissance du glutathion
1.2.28. Répartition selon le canal de connaissance du glutathion
1.2.29. Répartition selon l’utilisation du glutathion
1.2.30. Répartition selon le lieu de procuration du glutathion
1.2.31. Répartition selon la forme de glutathion utilisée
1.2.32. Répartition selon le rythme d’utilisation du glutathion
1.2.33. Répartition selon les problèmes rencontrés et les complications dermatologiques
1.2.33.1. Répartition selon les problèmes rencontrés
1.2.33.2. Répartition selon les complications dermatologiques
1.2.34. Répartition selon la connaissance des dangers de la DCV et les sources d’information sur les complications
1.2.34.1. Répartition selon la connaissance des dangers de la DCV
1.2.34.2. Répartition selon les sources d’information sur les complications
1.2.35. Répartition selon les personnes qui désirent arrêter la pratique de la DCV
1.2.36. Répartition selon la pertinence du contenu des messages de sensibilisation
1.2.37. Comment améliorer la sensibilisation ?
1.3. Examen clinique
1.3.1. Répartition selon les antécédents médicaux
1.3.2. Répartition selon la présence d´une tare
1.3.3. Constantes
1.3.3.1. Répartition de la dépigmentation selon la tension artérielle
1.3.3.2. Répartition de la dépigmentation selon l´indice de masse corporelle
2. Phase analytique
2.1. Profil socio démographique et DCV
2.1.1. DCV et tranches d’âges
2.1.2. DCV et situation matrimoniale
2.1.3. DCV et niveau d’instruction
2.1.4. DCV et revenu mensuel fixe
2.1.5. Ethnie et DCV
2.2. Profil clinique et DCV
2.2.1. TA et DCV
2.2.2. IMC et DCV
III. COMMENTAIRES ET DISCUSSION DES RESULTATS
1. La prévalence de la dépigmentation cosmétique volontaire
1.1. Aspects épidémiologiques
1.1.1. Prévalence
1.1.2. Caractéristiques spécifiques
1.1.2.1. Age
1.1.2.2. Ethnie
1.1.2.3. Revenu mensuel fixe et Catégorie socio-professionnelle
1.1.2.4. Situation matrimoniale
1.1.2.5. Niveau d´instruction
1.1.2.6. Type de produits
1.1.2.7. Motivations
1.1.2.8. Procédés de la dépigmentation
1.1.2.9. Budget
1.1.2.10. Durée d´utilisation des produits
1.1.2.11. Lieu d´approvisionnement des produits
1.1.2.12. Connaissance des effets néfastes de la DCV
1.2. Les complications dermatologiques
1.3. Prévalence des facteurs de risque cardiovasculaires
1.3.1. Prévalence de l´HTA
1.3.2. Prévalence de l´obésité
1.4. Associations statistiques
1.4.1. Variables sociodémographiques et DCV
1.4.2. Profil clinique et DCV
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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