L’infection par le VIH est un problème de santé publique majeur à l’échelle mondiale. Selon le programme des Nations Unies pour la lutte contre le VIH/SIDA (ONUSIDA), environ 68% d’adultes et près de 90% d’enfants infectés par le VIH dans le monde vivent en Afrique subsaharienne [1]. Pour faire avancer la riposte au SIDA, l’ONUSIDA a élaboré une approche d’accélération pour atteindre un ensemble de cibles assorties de délais d’ici à 2020. Les cibles sont notamment : 90% de toutes les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) connaissent leur statut VIH, 90% des personnes qui connaissent leur séropositivité au VIH ont accès au traitement, et 90% des personnes sous traitement ont une charge virale supprimée. Elles comprennent également la réduction des nouvelles infections à VIH de 75% et la réalisation de zéro discrimination [2]. Ainsi, en 2015, grâce à l’accès universel au traitement antirétroviral (TARV), les nouvelles infections à VIH ont chuté de 35% depuis 2000 ; une augmentation de l’accès à la thérapie antirétrovirale de 84% depuis 2010 et une diminution des décès liés au SIDA de 45% depuis le pic de 2004 [2, 3]. Au Sénégal, l’épidémie du VIH est de type concentré, avec une faible prévalence au niveau de la population générale (0,7%) et des prévalences élevées chez les populations à risque: les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ou HSH (21,8%) et les travailleuses du sexe (19,8%) [4].
L’Initiative sénégalaise d’accès aux antirétroviraux (ISAARV) a été l’une des premières à être mise en place dans la sous-région dès 1998. Initialement limitée à quelques centres de référence régionaux, tel que le service des maladies infectieuses de Dakar, cette prise en charge a été progressivement décentralisée au niveau des structures sanitaires périphériques [5]. Les trithérapies antirétrovirales ont permis une amélioration de la qualité et de la durée de vie par le ralentissement de la dégradation immunitaire ainsi qu’une diminution de la fréquence des infections opportunistes. L’efficacité de ce traitement est étroitement liée à la précocité de son instauration [6, 7]. Malgré les progrès remarquables pour la prise en charge des PVVIH, la létalité reste toujours importante [8, 9, 10, 11]. C’est dans ce contexte que nous avons mené cette étude au Centre de Traitement Ambulatoire (CTA) du CHNU de Fann à Dakar.
RAPPELS SUR L’INFECTION A VIH ET SIDA
Définition
L’infection à VIH est une maladie infectieuse, virale, chronique, due aux virus de l’immunodéficience humaine (VIH-1 et VIH-2), qui s’attaquent aux cellules du système immunitaire et les détruisent ou les rendent inefficaces. Le SIDA correspond au dernier stade de l’infection à VIH. On a dénombré chez le VIH-1 trois groupes distincts : les groupes M, N et O. Le groupe M (majoritaire) regroupe neuf sous-types (A, B, C, D, F, G, H, J, et K). En France et dans les pays occidentaux, le sous-type B prédomine et dans le monde, le sous-type C.
Epidémiologie
Situation globale de l’infection à VIH dans le monde
En 2013, 35 millions de personnes [33,2 millions–37,2 millions] vivaient avec le VIH.
En Afrique subsaharienne
En 2014 en Afrique subsaharienne, on estime à 1,4 million le nombre de nouvelles infections à VIH. Une chute de 41% depuis 2000 :
● En 2000 : 2,3 millions [2,2 millions–2,4 millions] ;
● En 2014 : 1,4 million [1,2 million–1,5 million].
Au Sénégal
Au cours de L’Enquête Démographique et de Santé à Indicateurs Multiples du Sénégal de 2010-11, plus de 5 300 femmes et 4 500 hommes ont été testés pour le VIH. Les résultats montrent que 0,7 % des personnes sont infectées par le VIH (VIH-1 et VIH-2). La prévalence du VIH est la plus élevée à Kolda (2,4%) et Kédougou (1,7%). Les niveaux de prévalence les plus faibles sont observés à Louga (0,1%) et Diourbel (0,2%).
Le cycle de la réplication virale
❖ Les cellules cibles de l’infection sont :
➤ Les lymphocytes LT CD4+ qui possèdent les récepteurs CD4 et les corécepteurs nécessaires à la pénétration du virus dans la cellule. Ces cellules cibles du VIH constituent la clé de voûte du système immunitaire, leur destruction progressive conduit à une immunodépression majeure ;
➤ D’autres cellules telles que les monocytes/macrophages, les cellules dendritiques, les cellules de Langerhans au niveau la peau et les cellules microgliales au niveau du cerveau.
❖ Les étapes de réplication du virus sont communes à tous les rétrovirus :
➤ La première étape correspond à la pénétration du virus dans la cellule. Cette étape nécessite la reconnaissance par l’enveloppe du virus (gp120) des molécules de surface cellulaire appelées récepteurs (molécule CD4) et corécepteurs du VIH (molécules CXCR4 et CCR5);
➤ La deuxième étape comporte :
● La synthèse d’ADN proviral résultant de la copie de l’ARN viral grâce à la transcriptase inverse. Lors de cette synthèse, des erreurs à l’origine de la variabilité génétique sont commises par cette enzyme peu fidèle.
● L’intégration de l’ADN proviral dans le génome de la cellule lymphocytaire grâce à l’intégrase.
➤ La troisième étape consiste en la production de nouvelles particules virales de la manière suivante :
● Transcription de l’ADN viral en ARN ;
● Puis synthèse des protéines virales à partir des ARN messagers viraux ;
● Assemblage des protéines virales après activation de la protéase ;
● Et formation de nouvelles particules virales libérées dans le secteur extracellulaire et prêtes à aller infecter d’autres cellules.
La réplication du virus est intense : environ 1 à 10 milliards de virus sont produits chaque jour chez une personne infectée et non traitée.
HISTOIRE NATURELLE DE L’INFECTION A VIH
L’infection par le VIH induit un déficit progressif du système immunitaire conduisant à l’apparition d’infections opportunistes et de néoplasies caractérisant le SIDA clinique; quoique la vitesse de progression de la maladie soit très variable, la durée médiane séparant le contact infectant des premiers signes du SIDA est de 10 ans en moyenne. Les manifestations cliniques de l’infection par le VIH se répartissent de l’infection aigue aux manifestations de déficit immunitaire évolué avec des infections opportunistes en passant par le portage asymptomatique. L’évolution spontanée de l’infection VIH peut être divisée en trois phases :
● La phase aigue ou primo infection, qui dure en moyenne 3 à 12 semaines.
● La phase asymptomatique ou d’infection chronique, qui dure plusieurs années. Elle est caractérisée par une latence clinique mais sans latence virologique.
● La phase maladie ou symptomatique finale, qui dure quelques mois à peu d’années.
Durant ces trois phases, il n’y a jamais de latence virale et le VIH se réplique activement à un niveau élevé durant la phase aigue, à un niveau plus faible mais continu durant la phase chronique (principalement dans les organes lymphoïdes), suivie d’une recrudescence de la réplication durant la phase finale.
Cette virémie massive durant la primo infection expose à un risque majeur de transmission sexuelle ; au décours de cette phase, la réponse immune vis-à-vis du virus permet de contrôler partiellement et pour une durée variable la réplication virale.
Les manifestations de la Primo infection
Entre 2 et 6 semaines après la pénétration du virus dans l’organisme, un peu plus de la moitié des personnes ont des manifestations cliniques proches de celles de la mononucléose infectieuse et on parle de syndrome rétroviral aigu ou de primo-infection symptomatique.
Manifestations cliniques
Syndrome pseudo-grippal persistant pendant plus de 7 jours.
● Eruption maculo-papuleuse ;
● Pharyngite ;
● Poly adénopathies ;
● Douleurs abdominales et diarrhées ;
● Méningite à liquide clair ;
● Méningo-encéphalite ;
● Mono ou polyradiculonévrite ;
● Infections opportunistes.
Manifestations biologiques
● Leuco-neutropénie ;
● Lymphopénie ou hyper lymphocytose avec syndrome mononucléosique ;
● Thrombopénie ;
● Cytolyse hépatique ;
● Rapport CD4/CD8 inférieur à 1.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. RAPPELS SUR L’INFECTION A VIH ET SIDA
I.1. DEFINITION
I.2. EPIDEMIOLOGIE
I.2.1. Situation globale de l’infection à VIH dans le monde
I.2.2. En Afrique subsaharienne
I.2.3. Au Sénégal
I.3. LE CYCLE DE LA REPLICATION VIRALE
II. HISTOIRE NATURELLE DE L’INFECTION A VIH
II.1. LES MANIFESTATIONS DE LA PRIMO INFECTION
II.2. MANIFESTATIONS A LA PHASE CHRONIQUE
II.3. MANIFESTATIONS AU STADE SIDA
II.4. CLASSIFICATION DU VIH
III. DIAGNOSTIC DE L’INFECTION A VIH
III.1. DIAGNOSTIC INDIRECT
III.2. DIAGNOSTIC DIRECT
IV. PRISE EN CHARGE DE L’INFECTION A VIH
IV.1. BUTS
IV.2. PRISE EN CHARGE PSYCHO-SOCIALE
IV.3. PRISE EN CHARGE NUTRITIONNELLE
IV.4. PRISE EN CHARGE VACCINALE
IV.5. PRISE EN CHARGE MEDICALE
IV.6 PRISE EN CHARGE DES INFECTIONS OPPORTUNISTES
IV.7. PRISE EN CHARGE PAR LES ARV
IV.8. INDICATIONS
IV.9. PRINCIPAUX PROTOCOLES THERAPEUTIQUES
IV.10. PREVENTION DE L’INFECTION A VIH
V. CADRE D’ETUDE
VI. PATIENTS ET METHODES
VI.1. POPULATION D’ETUDE
VI.2. TYPE D’ETUDE
VI.3. PERIODE D’ETUDE
VI.4. CRITERES DE SELECTION
VI.5. VARIABLES MESUREES
VI.6. SAISIE ET ANALYSE DES DONNEES
VI.7. CONSIDERATIONS D’ORDRE ETHIQUE
VII. RESULTATS
VIII. DISCUSSION
IX. CONCLUSION