Lestroubles musculo-squelettiques(TMS) constituent un problème majeur de santé publique. Ils représentaient en 2015 87% des maladies professionnelles reconnues par le Régime Général de la sécurité sociale et 10 millions de journées de travail perdues. Cependant, les TMS déclarés ne décrivent qu’une modeste proportion de l’ensemble des TMS. Parce que tous les TMS ne relèvent pas d’une prise en charge en tant que maladie professionnelle. Mais aussi parce que, bien qu’ils soient le plus souvent associés au travail, les origines des TMS sont multi-factorielles.
Parmi les possibles étiologies de TMS, il faut distinguer les facteurs intrinsèques, dits de susceptibilité individuelle, propres à chaque individu (l’âge, les antécédent médicaux ou les caractéristiques génétiques) et les facteurs extrinsèques ou environnementaux , lesquels peuvent être liés aux activités de loisirs, aux habitudes de vie ou à l’exposition professionnelle.
Si les risques professionnels des TMS mobilisent l’attention de l’ensemble des enquêtes épidémiologiques et des efforts de prévention, les risques extra-professionnels sont plus souvent négligés. Pourtant, l’épicondylite du tennisman ne touche pas seulement le joueur professionnel et ses conséquences éventuelles sont toutes aussi importantes : douleurs, incapacités fonctionnelles. Celles-ci peuvent compromettre la réalisation d’activités quotidiennes diverses comme le travail, les loisirs ou les tâches de la vie courante et peuvent aussi mener à des difficultés familiales et sociales. Les TMS, ont donc un impact sur la qualité de vie des patients, un coût pour le système de soins et pour la société. Leur prévention à tous les niveaux est donc un enjeu important pour éviter leur apparition ou leur chronicisation.
Depuis la réforme du médecin traitant menée par l’Assurance Maladie en 2004, le médecin généraliste est au centre du système de soins. Il constitue souvent le premier interlocuteur face aux problèmes musculo-squelettiques de ses patients. Il assure le 1er niveau de recours aux soins et, entres autres, concourt aux soins de prévention et à la promotion de la santé. Il doit donc être en mesure de repérer et d’informer ses patients d’éventuelles conduites qui pourraient constituer des facteurs de risque de TMS.
Les Nouvelles Technologies d’Information et de Communication (NTIC) sont de plus en plus présentes dans notre quotidien. Parmi ces technologies, les appareils électroniques portables et tactiles sont largement privilégiés pour leurs utilisations rapides et simplifiées. Leur intuitivité les rend facilement manipulables, dès le plus jeune âge, pour communiquer, s’informer ou se divertir, quel que soit le lieu ou le moment de la journée. Ainsi, en 2016, 93% des Français de plus de 12 ans possédaient un téléphone portable, 65% un smartphone et 40% une tablette tactile.
Les usages mentionnés par les utilisateurs sont multiples et comprennent principalement la navigation sur Internet, les échanges sur les réseaux sociaux, la consultation et l’envoi de courriels et messages, le visionnage de vidéos, lesjeux et la téléphonie. Dèslors, on comprend rapidement pourquoi les jeunes de 16 à 30 ans passent en moyenne 2,2h par jour sur leur smartphone.
Toutefois, ces nombreuses activités pratiquées sur ces dispositifs électroniques portatifs demandent des gestes précis, répétitifs, dans des postures parfois incorrectes et souvent prolongées. C’est ainsi que, depuis quelques années, de nouvelles expressions, telles « textonite » ou « text neck », ont fait leur apparition, révélant subtilement certaines conséquences néfastes de l’utilisation de ces nouvelles technologies.
Au cours de ces dernières années, les cliniciens se sont intéressés aux problèmes médicaux relatifs à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Plusieurs études suggèrent d’ailleurs que l’utilisation prolongée d’ordinateurs fixes au travail favoriserait l’apparition de troubles musculo-squelettiques. Alors qu’en est-il lors de l’utilisation de ces appareils tactiles et nomades qui ont envahi notre quotidien ? En dépit de l’importance du problème, nous disposons de peu d’information sur la fréquence de ces troubles en France et sur les facteurs pouvant favoriser leur développement.
Définition
Le LAROUSSE définit les TMS comme « une affection péri-articulaire, liée à une sollicitation excessive de l’articulation concernée. (Ce trouble est souvent d’origine professionnelle) ». L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) évoque « des troubles de l’appareil locomoteur pour lesquels l’activité professionnelle peut jouer un rôle dans la genèse, le maintien ou l’aggravation. Ils affectent principalement les tissus mous ».
Ces deux premières définitions nous donnent un aperçu rapide de la difficulté à clarifier l’expression « troubles ». Elles offrent l’idée globale d’un ensemble de maladies peu spécifiques, qui auraient plusieurs étiologies et danslesquellesle travail apparait comme l’une des causes possibles.
L’Organisation Mondiale de la Santé se fait un peu plus précise sur les structures anatomiques mises en jeu lors de ces atteintes qui affectent « des muscles, des tendons, du squelette, des cartilages, des ligaments et des nerfs. Les TMS couvrent toutes sortes d’affections, des troubles légers et passagers jusqu’aux lésions irréversibles et aux états chroniques d’incapacité ». Pourtant, les TMS n’apparaissent pas dans la classification internationale des maladies de l’OMS.
Le site en ligne de l’assurance maladie décrit les parties du corps les plus fréquemment atteintes « le dos, les membres supérieurs (épaule, coude, poignet), plus rarement les membres inférieurs » ainsi que les affections les plus déclarées : « les lombalgies, les cervicalgies, les douleurs articulaires, les tendinites ( tendinite de la coiffe des rotateurs, …) et le syndrome du canal carpien ».
Une dernière définition intéressante concerne celle d’un groupe de travail européen, nommé SALTSA, pour lequel les TMS sont « une plainte de l’appareil locomoteur se traduisant par une fatigue, deslourdeurs, des douleurs ou une impotence fonctionnelle ». Cette définition met un peu plus l’accent sur les symptômes qui peuvent apparaître dans les TMS. Les TMS ne constituent donc pas en eux-mêmes un diagnostic. Il s’agit plutôt d’un terme générique représentant l’ensemble des plaintes et pathologies pouvant affecter l’appareil locomoteur, dans un contexte d’hyper-sollicitation. Ils peuvent se présenter initialement par une sensation de malaise ou de gêne, dans une ou plusieurs régions anatomiques. Cet inconfort peut se convertir en douleurs lancinantes puis s’associer progressivement à une raideur, une maladresse ou des difficultés de mobilisation et entrainer un handicap fonctionnel.
Certaines atteintes sont reconnues en tant que maladies professionnelles indemnisables par l’Assurance Maladie et regroupées dans des tableaux décrivant les pathologies concernées, leurs délais de prises en charge, ainsi que les professions ou causes susceptibles de les engendrer.
Notions anatomo-physiologiques
L’appareil locomoteur est constitué d’un ensemble de structures qui permettent la mobilisation du corps :
Les os
Ils forment le squelette du corps et vont permettre l’ancrage des tissus mous et organes. Ils ont une véritable fonction de levier pour les muscles qui s’y insèrent par l’intermédiaire des tendons. La contraction des muscles permet la mobilisation d’un segment osseux par l’intermédiaire de l’articulation.
Les articulations
Elles servent d’union entre les différentes pièces osseuses rigides du squelette, auquel elles apportent une certaine mobilité. Cette mobilité dépend essentiellement de la congruence des surfaces articulaires : plus elle est faible, plus les axes de mouvement de l’articulation sont nombreux et plus les possibilités fonctionnelles sont importantes. La stabilité de l’articulation dépendra alors principalement de l’appareil capsulo-ligamentaire ainsi que des muscles et des tendons périphériques.
Les articulations mobiles, de type synovial, sont les plus fréquentes dans le corps humain. A leur niveau, la surface osseuse est recouverte de cartilage dont le rôle est la protection de l’os sous-jacent. Le cartilage, par nature, est capable de résister aux contraintes de pression, lors de la mise en charge et à celles de friction, lors des mouvements. Il n’est ni vascularisé ni innervé et nourri, en partie, par le liquide synovial de l’articulation ainsi que par l’intermédiaire des mouvements. La capsule articulaire forme un manchon fibreux qui s’insère sur chaque os à proximité des surfaces articulaires et permet le maintien des surfaces articulaires entre elles.
Les ligaments sont des structures fibreuses compactes reliant les segments osseux, qui participent à la stabilisation passive de l’articulation lors des mouvements. Ils peuvent être soumis à des forces importantes dans le respect de leur capacités biomécaniques, au-delà desquelles leur étirement limitera en partie leur fonction.
Les bourses séreuses sont des structures péri-articulaires semblables à des coussins fibreux, contenant du liquide synovial et facilitant le glissement des différents éléments anatomiques entre eux. Elles limitent le phénomène de friction entre les structures voisines : os, tendons, muscles, ou peau) lors des mouvements.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. Définition
II. Notions anatomo-physiologiques
A. Les os
B. Les articulations
C. Les muscles striés squelettiques
D. Les tendons
E. Le système vasculaire
F. Le système nerveux
III. Modèles physiopathologiques de compréhension des TMS
A. Modèle biomécanique
B. Modèle fondé sur les sollicitations
C. Modèle psychobiologique
D. Modèle de Bruxelles / Fibres de Cendrillon
IV. Principales lésions musculo-squelettiques
A. Atteintes osseuses et articulaires
B. Atteintes musculaires
C. Atteintes tendineuses
D. Atteintes nerveuses
E. Atteintes vasculaires
V. Facteurs de risques
A. Les facteurs individuels ou intrinsèques
B. Les facteurs environnementaux ou extrinsèques
VI. Les appareils électroniques portables
A. Rappels historiques
B. Quelques chiffres
DEUXIEME PARTIE
I. Objectifs de l’étude
II. Matériel et méthode
A. Type d’étude
B. Recrutement des cabinets médicaux
C. Description des cabinets médicaux
D. Population cible
E. Modalités de distribution et de recueil des questionnaires
F. Le questionnaire
G. Taille de l’échantillon
H. Analyse des résultats
TROISIEME PARTIE : LES RESULTATS
I. Caractéristiques générales des répondants
A. Sexe des participants
B. Age des participants
C. Catégories socioprofessionnelles
D. Main dominante
II. Utilisation des appareils électroniques
A. Appareils utilisés
B. Temps d’utilisation des appareils fixes et portatifs
C. Temps de possession de l’appareil
D. Pauses pendant l’utilisation des appareils
E. Principales activités réalisées sur les appareils mobiles
F. Positions de la main lors de l’utilisation du téléphone portable
G. Postures lors de l’utilisation des portables et tablettes
H. Nombre de messages écrits
I. Accessoires complémentaires
III. Plaintes musculo-squelettiques lors de l’utilisation d’appareils portables et tactiles
A. Prévalence des TMS
B. Fréquence des TMS
C. Durée des TMS
D. Intensité des douleurs perçues
E. Conséquences des troubles MS
IV. TMS de la région cervicale
A. Plaintes musculo-squelettiques cervicales
B. Fréquence des troubles cervicaux
C. Durée des troubles cervicaux
V. TMS de la région dorsale
A. Plaintes musculo-squelettiques dorsales
B. Fréquence des troubles dorsaux
C. Durée des troubles dorsaux
VI. TMS des poignets et mains
A. Plaintes musculo-squelettiques des poignets et mains
B. Fréquence des troubles des poignets et mains
C. Durée des troubles des poignets et mains
VII. TMS des épaules et bras
A. Plaintes musculo-squelettiques des épaules et bras
B. Fréquence des troubles des épaules et bras
C. Durée des troubles des épaules et bras
VIII. TMS des pouces
A. Plaintes musculo-squelettiques des pouces
B. Fréquence des troubles musculo-squelettiques des pouces
C. Durée des troubles des pouces
IX. TMS des coudes et avant-bras
A. Plaintes musculo-squelettiques des coudes et avant-bras
B. Fréquence des troubles des coudes et avant-bras
C. Durée des troubles des coudes et avant-bras
X. TMS des index
A. Plaintes musculo-squelettiques des index
B. Fréquence des troubles des index
C. Durée des troubles des index
XI. Facteurs liés à l’apparition des TMS dans la population
A. Analyse bivariée
B. Régression logistique
XII. Autres résultats
A. TMS cervicaux
B. TMS dorsaux
C. TMS des membres supérieurs
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION
CONCLUSION