Présentation du système BaCo1−xNixS2, état de l’art

Présentation du système BaCo1−xNixS2, état de l’art

BaCo1−xNixS2 fait partie des systèmes où l’effet des corrélations électroniques a un rôle majeur dans la compréhension des propriétés physiques. Avec une structure cristallographique en réseau carré quasi-2D, ce système présente une transition de Mott, pour une valeur x en nickel, où les mécanismes qui pilotent cette transition ne sont pas clairement élucidés. Dans la première partie, nous reprendrons quelques concepts pour comprendre la base de la transition de Mott illustrée par deux exemples types.

La transition de Mott 

Il est possible de répertorier les isolants en plusieurs catégories suivant les interactions présentent dans le matériau :

◦ Les isolants de Bloch-Wilson plus communément appelés isolants de bandes sont dus à l’interaction des électrons avec le potentiel périodique des ions.
◦ Les isolants de Peierls dus à l’interaction des électrons avec les déformations statiques du réseau.
◦ Les isolants dus à l’instabilité des ondes de densité de charge ou de spin, CDW ou SDW.
◦ Les isolants d’Anderson dus à la présence de désordre, ex. interaction des électrons avec des impuretés ou avec d’autres imperfections du réseau.
◦ Enfin, les isolants de Mott dus à des interactions électrons-électrons.

Dans la plupart des cas une théorie simplifiée ne considérant qu’un seul électron est suffisante pour comprendre les mécanismes responsables du comportement isolant, cependant les isolants de Mott nécessitent un modèle à plusieurs électrons pour être décrits. Il existe quelques revues sur le sujet, parmi lesquelles l’ouvrage historique de Mott [56], une revue de Imada et al. [28], ainsi que l’ouvrage « The Mott Metal-Insulator transition » de F Gebhardt. Signalons enfin par V. Dubost un travail récent (2014) de compilation, de synthèse et de « vulgarisation » des principaux travaux théoriques sur le sujet, sous la forme d’un document de travail disponible en accès libre en ligne sur le serveur HAL Archives Ouvertes [13].

L’isolant de Mott

Un isolant de Mott se forme lorsque l’énergie de répulsion Coulombienne U entre deux électrons sur un même site devient dominante devant l’énergie de stabilisation cinétique t (terme de saut) intervenant entre les plus proches voisins. De ce fait chaque électron reste localisé sur le site atomique parent . Une simple théorie des bandes ne suffit plus pour expliquer le comportement isolant du système qui présente des bandes partiellement remplies.

Il y a deux paramètres importants dans le modèle de Hubbard : la force des corrélations électroniques identifiée par le terme U/t et le remplissage de la bande n identifié par le terme P ni,↑ni,↓. Considérons un matériau formé par un métal de transition et par un ligand, normalement si U < W alors le composé est métallique avec une bande à demi remplie alors que si U > W il y a apparition d’un gap de charge, et la bande d de conduction initiale se sépare en deux sous-bandes dites de Hubbard . Une autre grandeur est importante pour distinguer les isolants de Mott d’autres isolants à fortes corrélations qui est l’écart d’énergie (∆) entre la bande p du ligand et d du métal . Si ∆ > U ce qui est généralement le cas lorsque le ligand est de l’oxygène le comportement isolant est principalement déterminé par U/t et donc l’isolant sera appelé isolant de Mott. Cependant si nous descendons dans la colonne des chalcogènes (O, S, Se, Te) l’énergie de la bande p du ligand va augmenter et va se rapprocher de plus en plus de la bande 3d du métal, jusqu’à ce que ∆ < U. Dans cette dernière configuration le comportement isolant est plutôt déterminé par le transfert de charge et sera appelé isolant à transfert de charge.

Le modèle de Hubbard est un modèle simple qui permet de modéliser un isolant de Mott mais à cependant quelques limitations : L’hamiltonien de Hubbard permet de prendre en compte les électrons seulement sur une seule bande et ne trouve de solution exacte que dans deux limites opposées. Le cas unidimensionnel, où il est exactement soluble par l’anzatz de Bethe [41], et le cas de la dimentionnalité infinie, c’est à dire où un site serait entouré d’une infinité de voisins, résolu par la Théorie Dynamique des Champs Moyen (DMFT) [24, 37].

Transition isolant-métal dans les systèmes fortement corrélés

Les termes de répulsion Coulombienne et d’énergie cinétique du saut d’un électron d’un site à l’autre sont essentiels pour expliquer et piloter la transition métal-isolant de Mott. Les matériaux à fortes corrélations électroniques se rencontreront principalement dans des composés de métaux de transition ou de terres rares car les orbitales s et p sont généralement étendues dans l’espace alors que les orbitales d et f sont plus contractées (dû au fait que les électrons sont plus proches du noyau). Ceci a deux conséquences : (1) Le recouvrement entre les orbitales d ou f de deux atomes voisins est relativement faible, ce qui limite la délocalisation des électrons. (2) L’occupation de la même orbitale par deux électrons va entrainer, du fait de la répulsion Coulombienne, un coût énergétique plus important. Nous nous attendons à ce que la transition se produise lorsque ces deux énergies sont comparables. En effet lorsque la distance inter-atomiques est importante, le recouvrement entre orbitales est faible et le système est isolant. Et au fur et à mesure que la distance inter-sites diminue, le recouvrement entre orbitales atomiques augmente jusqu’au croisement des bandes, pour une distance notée b0 correspondant à la transition métal-isolant .

Dans les composés de métaux de transition, le métal est généralement entouré d’atomes ligands de valence négative, comme les chalcogènes. Le recouvrement est alors déterminé par le transfert indirect entre les orbitales d et les orbitales p du ligand noté tdp, le saut entre deux atomes du métal sera effectué par l’intermédiaire d’un atome du ligand. Ainsi le recouvrement entre les orbitales contrôle directement l’amplitude du saut t. Finalement les deux paramètres importants qui permettent de piloter la TMI de Mott sont le rapport U/t (U/W) contrôlable via le recouvrement entre orbitales (ex. par modification de la pression hydrostatique ou de la pression chimique) et le remplissage de la bande n (ex. par dopage chimique).

La TMI de Mott survient donc lorsque la largeur de bande, mesurant l’énergie cinétique, devient comparable à la répulsion Coulombienne. Dans le premier cas, lorsque l’énergie cinétique est supérieure à la répulsion, l’on obtient un métal, dans l’autre cas, la tendance à la localisation par la répulsion l’emporte et l’on obtient l’isolant de Mott. Historiquement, les approches théoriques sont parties des deux pôles : isolant puis métal. L’approche de Mott Hubbard (1963-1965), prend comme point de départ les niveaux atomiques et comme nous l’avons discuté, la répulsion Coulombienne ouvre un gap de charge et le matériau est isolant. Les deux bandes de Hubbard sont donc des niveaux atomiques élargis par l’hybridation avec le couplage entre sites définit par le terme de saut.

Peu après (1965-1970) c’est développé l’approche de Gutzwiller Brinkman Rice. Le point de départ est cette fois ci le métal sans corrélations. Pour introduire les dites corrélations due à la répulsion Coulombienne, on va peu à peu interdire la double occupation des sites pour les électrons du métal . Or pour se propager de site en site, un électron doit créer des paires « sites vides – sites doublement occupés ». Intuitivement, si la double occupation est petit à petit interdite, l’électron aura de plus en plus de mal à se propager dans le milieu : sa masse effective renormalisée va augmenter jusqu’à devenir infinie à la transition. Or la masse effective renormalisée est une grandeur accessible expérimentalement par les mesures de chaleur spécifique et de susceptibilité magnétique : on s’attend donc à ce que leur augmentation, tout en gardant un rapport de Wilson proche de 1, soit une signature expérimentale des fortes corrélations dans un métal que l’on va donc rechercher dans ces matériaux.

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Table des matières

Introduction
1 Présentation du système BaCo1−xNixS2, état de l’art
1.1 La transition de Mott
1.1.1 L’isolant de Mott
1.1.2 Transition isolant-métal dans les systèmes fortement corrélés
1.1.3 Quelques exemples de transition isolant-métal
1.2 Évolution des propriétés structurales et physiques de BaCo1−xNixS2 en fonction du dopage
1.2.1 Structure cristalline
1.2.2 Propriétés de transport
1.2.3 Propriétés magnétiques
1.2.4 Études de la structure électronique de BaCo1−xNixS2
1.2.5 Analogie avec des systèmes supraconducteurs HTc
1.3 Études autour du système BaCo1−xNixS2
1.3.1 Effets de la pression dans BaCoS2
1.3.2 Effets des lacunes de soufre dans BaCo1−xNixS2−δ
1.3.3 Effets du dopage autre que le Co/Ni
1.4 Conclusions
2 Méthodes expérimentales
2.1 Synthèse et caractérisations structurales
2.1.1 Technique de croissance cristalline
2.1.2 Études structurales
2.2 Système de mesures, études des propriétés physiques
2.2.1 Le transport électrique
2.2.2 La susceptibilité magnétique
2.2.3 La chaleur spécifique
2.2.4 Les oscillations quantiques
2.2.5 La Spectroscopie de PhotoÉmission Résolue en Angle
3 Synthèse et études structurales de monocristaux
3.1 BaNiS2
3.1.1 Synthèse par voie stoechiométrique
3.1.2 Synthèse par voie non stoechiométrique
3.1.3 Optimisation de la qualité cristalline
3.2 BaCoS2
3.2.1 Cycles thermiques et synthèses réalisées
3.2.2 Détermination du pré-traitement thermique : étape 1
3.2.3 Optimisation de la croissance cristalline : étape 2
3.3 BaCo1−xNixS2
3.3.1 Cycles thermiques
3.3.2 Étude structurale des poudres par DRX
3.3.3 Étude structurale des monocristaux par DRX
3.3.4 Analyse quantitative du rapport Ni/Co : MEB
3.4 Conclusion
4 La structure électronique de BaNiS2 − partie I
4.1 Calculs de bandes : Théorie de la fonctionnelle de la densité
4.2 Article : « Very large spin-orbit and Rashba couplings in BaNiS2 bulk metal »
4.3 Bilan des résultats
4.3.1 Effets du potentiel de répulsion U et du coulage spin-orbite sur la structure électronique
4.3.2 Contribution des orbitales : expérimentale et calculée
4.3.3 Dispersions des bandes ARPES et des bandes calculées
4.3.4 Dispersion suivant kz
4.4 Conclusions
5 Étude des propriétés physiques de BaNiS2
5.1 Article : « Magnetic and magnetotransport properties of single crystals of BaNiS2 semimetal with a quasi two-dimensional lattice »
5.2 Bilan des résultats
5.2.1 Propriétés magnétiques
5.2.2 Propriétés thermodynamiques
5.2.3 Propriétés de transport
5.3 Conclusions
6 La structure électronique de BaNiS2 − partie II
6.1 Article : « Quantum oscillations study of the Fermi surface of BaNiS2 with a remarkable spin-orbit interaction »
6.2 Bilan des résultats
6.2.1 Dépendance en température
6.2.2 Dépendance angulaire
6.3 Conclusions
Conclusions

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