Les parcelles expérimentales
Mon travail de thèse est basé sur l’analyse de mesures in situ micro météorologiques et météorologiques ainsi que sur le suivi des caractéristiques de la végétation (surface foliaire, biomasse). Ces mesures ont été effectuées sur deux parcelles expérimentales, Auradé et Lamasquère, situées au sud-ouest de Toulouse (Figure 1). Les données utilisées dans ce travail de thèse correspondent aux cultures des années 2005, 2006 et 2007 (Tableau 2). Ces deux parcelles font partie du réseau Européen CarboEurope-IP, et ont contribuées à ce projet via les composantes écosystème (WP1) et expérience régionale (WP5) (Dolman et al., 2006). Les deux parcelles, cultivées depuis plus de trente ans, sont séparées d’environ 12 Km, ce qui leur confère des conditions climatiques proches ; cependant les conditions édaphotopographiques ainsi que les pratiques culturales sont contrastées. Les rotations de cultures sont assez représentatives des principales rotations de la région.
Le premier site se situe dans le Gers à la limite de la Haute Garonne, sur la commune d’Auradé, à une altitude de 245 m. La parcelle instrumentée de 23.5 ha (Figure 1) gérée par Mr Andréoni, appartient au GAEC de Lambert. Elle est située sur une zone de coteaux, juste au dessus d’un petit bassin versant (3 x 1,6 Km) taillé dans la molasse en limite des terrasses de la Garonne, bien drainé et sans nappe profonde. Elle présente une pente d’environ 2 % orientée vers le Nord-Est. La parcelle est caractérisée par une rotation colza/blé/tournesol/blé. Elle est labourée (labour avec et sans retournement) et fertilisée (engrais minéral). Elle n’est jamais irriguée en raison de l’absence de point d’eau à proximité. Le second site est situé au Sud-Ouest de Toulouse en bordure de la rivière « le Touch », à une altitude de 180 m. La parcelle instrumentée de 32.3 ha (Figure 1) appartient au domaine de Lamothe, ferme expérimentale de l’ESAP (Ecole Supérieure d’Agronomie de Purpan). Elle suit une rotation de cultures de type triticale/maïs/blé/maïs. Elle est labourée (labour avec et sans retournement), fertilisée (engrais minéral et engrais organique : fumier et lisier) et irriguée lorsque du maïs est cultivé.
Mesures effectuées
Les mâts de mesures météorologiques et micro météorologiques ont été installés vers le milieu des parcelles (Figure 1) à l’intérieur d’un enclos grillagé (Figure 2). Ils ont été positionnés de façon à optimiser les zones d’échanges surface/atmosphère perçues par le système d’EC pour qu’elles soient représentatives de la parcelle, en se basant sur la rose des vents.
Les mesures de flux sont complétées par une station météorologique installée sur chaque parcelle au même emplacement que le système de flux hormis les mesures de rayonnement net (Rn), de PAR (rayonnement photosynthétiquement actif) réfléchi et transmis qui sont déportées en bordure de l’enclos pour qu’elles soient représentatives de la parcelle .
Les paramètres mesurés sont la température et l’humidité de l’air, la température de surface, les précipitations, la pression atmosphérique, la vitesse et la direction du vent, le rayonnement global, incident (courtes et longues longueurs d’ondes séparément), réfléchis (courtes et longues longueurs d’ondes séparément), Rn et le PAR incident (total et diffus), réfléchi et transmis. Des profils de température, d’humidité et de flux de chaleur sont mesurés dans le sol (3 répétitions à 0.01, 0.05, 0.10, 0.30 m de profondeur et une mesure à 0.60 m et 1 m à Auradé et Lamasquère, respectivement). Des profils verticaux aériens de mesure de la concentration en CO2, de la température et de l’humidité, permettant de calculer les stockages de matière et d’énergie dans la colonne d’air sous le système d’EC (voir section 5.2) ont été mis en place sur chaque parcelle depuis septembre 2006. La mesure de chaque capteur est effectuée toutes les minutes par une centrale d’acquisition (Campbell, CR10x ou CR10) et une moyenne par demi-heure est stockée dans la mémoire interne de la centrale.
Des mesures destructives de la végétation ont été effectuées sur chaque parcelle à intervalles réguliers (tous les mois pendant les phases de croissance lente et tous les quinze jours pendant les phases de croissances rapides), afin de suivre la dynamique des cultures en terme de répartition de la biomasse et de surfaces assimilatrices (LAI pour Leaf Area Index et PAI pour Plant Area Index).
La méthode des fluctuations turbulentes
Théorie du calcul des flux
Un flux se défini comme le transfert d’une grandeur scalaire (quantité de matière ou d’énergie) par unité de surface et par unité de temps. Le flux total (F) d’une grandeur scalaire donnée au dessus d’une surface donnée, correspond à la somme de trois composantes principales suivantes :
F = Ft + Fs + Fa (1)
Avec Ft , le flux turbulent vertical qui est calculé à partir des mesures d’EC. Les deux principaux moteurs de la turbulence sont : 1) les mouvements d’air créés par les forces de cisaillement, correspondant à l’interaction du vent avec une surface rugueuse, 2) la convection résultante du réchauffement de la surface par le soleil qui correspond à l’action de la poussée d’Archimède des masses d’air réchauffées en surface, donc moins denses, sur les masses d’air plus denses situées au dessus.
Fs correspond à la variation de stockage du scalaire considéré sous la hauteur de mesure d’EC. Quand les conditions turbulentes dans la couche limite de surface sont suffisamment développées, le terme Fs peut être négligé, le stockage étant alors quasi nul (Figure 5). Une description des problèmes liés à l’utilisation des mesures d’EC en conditions de stabilité atmosphérique sera effectuée dans la section 5.2 du présent chapitre. Le flux d’advection (Fa) correspond au transport horizontal ou vertical du scalaire selon un écoulement non turbulent. L’hypothèse de l’homogénéité spatiale des flux, qui suppose une parcelle suffisamment grande, plane avec un couvert homogène, permet généralement de négliger le terme Fa . Une description exhaustive des différents termes composant le flux total est donnée dans Aubinet et al. (2000) et Aubinet (2008) pour les différents types d’advection. Sur une période d’intégration donnée (n), Ft se calcule comme la covariance entre la vitesse verticale du vent (w) et le scalaire considéré (ρ). Pour pouvoir obtenir ce flux moyen, un échantillonnage temporel suffisant de w et ρ est nécessaire, afin de bien prendre en compte l’ensemble des évènements se produisant à des échelles de temps propres aux phénomènes de turbulence.
Dispositif expérimental
La méthode des fluctuations turbulentes requiert deux instruments principaux : un anémomètre/thermomètre sonique à trois dimensions (SAT pour Sonic Anemometer Thermometer) et un analyseur de gaz infra rouge (IRGA pour InfraRed Gas Analyzer). Ces deux instruments doivent être capable de faire des acquisitions rapides (20 Hz dans notre cas) pour une bonne prise en compte des hautes fréquences du signal turbulent. Le SAT est composé de trois couples d’émetteurs/récepteurs d’ultrason. Le temps de propagation des ondes sonores permet une évaluation directe de la vitesse du vent dans les trois directions de l’espace (u, v et w) ainsi que la vitesse du son dans l’air. La vitesse du son étant directement reliée à la densité de l’air (dépendant de la température, de l’humidité et de la pression), le SAT permet de calculer la température sonique virtuelle (Ts) (voir les manuels des SAT pour le détail des calculs). Sur nos parcelles expérimentales les SAT étaient des CSAT3 (Campbell Scientific Inc, Logan, UT, USA). L’IRGA permet de mesurer la fraction molaire de CO2 et d’H2O dans l’air (c et q, respectivement). Il existe deux types d’IRGA, ceux qui fonctionnent en système ouvert et ceux qui fonctionnent en système fermé. Les analyseurs en système ouvert permettent une mesure directe dans l’air ambiant de c et q à proximité du SAT, ce qui permet une mise en œuvre plus simple car les problèmes de synchronisations avec le SAT sont limités, la consommation électrique est faible et les re-calibrations sont relativement espacées (plusieurs mois). Le système fermé nécessite un système de pompage de l’air au niveau du SAT qui engendre une importante consommation électrique et un décalage temporel plus important entre les mesures de l’IRGA et du SAT. Il nécessite des calibrations fréquentes (environ tous les 15 jours). Par contre il permet d’effectuer des mesures plus stables notamment lors des périodes de précipitations ou le système ouvert ne peut pas fonctionner en raison de la perturbation du signal infrarouge par l’humidité déposée sur le capteur et par les goûtes de pluies qui interceptent le signal en passant entre les deux fenêtres. Sur nos parcelles expérimentales, seul des systèmes ouverts ont été utilisés (LI7500, LiCor, Lincoln, NE, USA); les problèmes relatifs aux systèmes fermés ne seront donc pas traités dans ce manuscrit. Pour l’IRGA en système ouvert, deux signaux infra rouges (chacun spécifique d’une bande d’absorption du CO2 et de H2O) sont envoyés entre une fenêtre émettrice et une réceptrice. La fraction molaire de gaz est ainsi calculée proportionnellement à l’absorption du signal infra rouge considéré (CO2 ou H2O). Un baromètre est aussi intégré à l’IRGA, permettant par la suite d’effectuer les corrections et changements d’unités nécessaires aux calculs des flux.
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Table des matières
Introduction générale
1. Contexte général
2. Contexte scientifique
3. Objectifs de la thèse
Chapitre 1. Présentation des sites et méthodes de traitement des données de flux
1. Introduction
2. Les parcelles expérimentales
3. Mesures effectuées
4. La méthode des fluctuations turbulentes
4.1. Théorie du calcul des flux
4.2. Dispositif expérimental
4.3. Le logiciel EdiRe
5. Filtrage et vérification de la qualité des flux
5.1. Détection des données aberrantes
5.2. Problèmes en conditions de faibles turbulences
5.3. Représentativité spatiale des flux
5.4. Tests de qualité des flux
5.5. Le bilan d’énergie
6. Remplacement des données manquantes
7. Décomposition des flux de CO2 et d’eau
7.1. Décomposition de NEE en GEP et RE
7.2. Décomposition de ETR en E et TR
8. Estimation de l’incertitude des bilans d’eau et de CO2
8.1. Incertitude liée aux erreurs aléatoires de mesure des flux semi horaires
8.2. Incertitudes sur la détection automatique du seuil de u*
8.3. Incertitude liée à la répartition et au nombre de trous dans le jeu de données
8.4. Combinaison des incertitudes
Chapitre 2. Analyse des flux et bilans de CO2 à l’échelle de la parcelle agricole
Article 1 : « Carbon balance of a three crop succession over two cropland sites in South West France »
1. Résumé en Français
2. Abstract
3. Introduction
4. Materials and methods
4.1. Site descriptions
4.2. Field measurements
4.3. Flux data treatments
5. Results and discussion
5.1. Site meteorology
5.2. Crop growth and production
5.3. Seasonal changes in carbon fluxes
5.4. NEE response to light
5.5. Crop carbon balance
6. Summary and conclusions
7. Acknowledgements
Article 2 : « Management effects on net ecosystem carbon and GHG budgets at European crop sites »
1. Résumé en Français
2. Abstract
3. Introduction
4. Material and Methods
4.1. Sites and biospheric fluxes
4.2. Net Ecosystem Carbon budget calculations
4.3. Emissions from farm operations
4.4. Total GHG Balance
5. Results
5.1. Net Ecosystem Production
5.2. Carbon exports
5.3. Carbon inputs
5.4. Net Ecosystem Carbon budget
5.5. Emissions from farm operations
5.6. Total GHG budget
5.7. Assessment of crop performance
6. Discussion
6.1. Net ecosystem production
6.2. NECB and NBP
6.3. Emissions from farm operations
6.4. GHG budgets
6.5. Crop performance
7. Conclusion
8. Acknowledgements
Chapitre 3. Analyse des flux, bilans et efficiences de l’utilisation de l’eau à l’échelle de la parcelle agricole
Crops evapotranspiration partitioning and comparison of different water use efficiency approaches
1. Résumé en Français
2. Abstract
3. Introduction
4. Material and methods
4.1. Site and measurement descriptions
4.2. Evapotranspiration (ETR) partitioning between soil evaporation (E) and vegetation transpiration (TR)
4.3. SVAT model description and calibration
4.4. Application and evaluation of partitioning methods
4.5. WUE calculations
5. Results and discussions
5.1. Seasonal ETR dynamics
5.2. Evaluation of the ICARE-SVAT model performance
5.3. Comparison of partitioning methods
5.4. Water budget
5.5. Daily water use efficiencies dynamics
5.6. Seasonal and annual water use efficiencies
6. Conclusion
7. Acknowledgements
Chapitre 4. Modélisation des flux de la parcelle au paysage
1. Introduction
2. Modélisation mécaniste à l’échelle de la parcelle
2.1. Description du modèle couplé ICASTICS
2.2. Présentation des simulations du modèle couplé ICASTICS
2.3. Discussion et conclusions
3. Modélisation spatialisée des flux de CO2
3.1. Description du modèle SAFYE
3.2. Description du module de flux de CO2
3.3. Evaluation du module de flux de CO2
3.4. Spatialisation de SAFYE et du module de flux de CO2
3.5. Discussion et conclusions
Conclusion générale