PRESENTATION DES ATELIERS A VISEE PHILOSOPHIQUE 

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Présentation de l’école

Ma classe de CE2 – CM1 se trouve dans une école élémentaire du neuvième arrondissement de Paris. Il s’agit d’un établissement composé d’une équipe enseignante : 9 Professeurs des écoles, 3 Professeurs de la Ville de Paris, un Maitre E et une psychologue scolaire (RASED) ; et de 195 élèves répartis en 8 classes : 2 CP, 2 CE1, 1 CE2, 1 CE2-CM1, 1 CM1-CM2 et 1 CM2. Le Directeur d’établissement ainsi que tous les enseignants, à l’exception de mon binôme et moi-même, sont en poste depuis de nombreuses années dans cette école, et l’équipe enseignante y est stabilisée depuis six ans.
Connaissant donc bien les élèves et les difficultés qu’ils peuvent avoir, c’est dans l’objectif de générer un climat de classe favorisant les apprentissages que la décision de répartir les CM1 sur deux doubles – niveaux a été prise par le Directeur d’établissement et plébiscitée par l’ensemble des enseignants déjà en poste dans cette école.
En effet, le groupe d’élèves de CM1 avait posé de nombreuses difficultés d’ordre comportemental l’an passé, et la répartition de ces élèves en deux classes est alors apparu comme une nécessité par le personnel enseignant. Le climat général de l’école (quelques conflits, incivilités et dégradations au sein de l’établissement) a généré des concertations de l’équipe enseignante afin d’élaborer des pistes d’amélioration qui apparaissent dans le projet d’école.

Le projet d’école

Dans cet établissement, le projet d’école est renouvelé tous les trois ans. A mon arrivée, c’est la dernière année que celui-ci est en cours, ayant été élaboré en 2013. Après un diagnostic, trois axes d’amélioration ont été retenus : Améliorer le vivre ensemble, mieux intégrer les TICE dans la pédagogie, et améliorer la maîtrise de la langue. Voici les objectifs spécifiques des axes un et trois qui nous concerne plus particulièrement ici :
– Axe 1 : Améliorer le vivre ensemble.
Objectifs : S’approprier les règles pour mieux les respecter.
S’approprier les locaux pour mieux les respecter.
Coopérer pour mieux vivre ensemble.
Favoriser l’émergence de la parole des élèves et susciter leur participation.
Compétence(s) du socle concernée(s) : Les compétences sociales et civiques, Autonomie et initiative ; La maîtrise de la langue française.
– Axe 3 : Améliorer la maîtrise de la langue.
Objectifs : Mettre en place des situations d’expression et de communication.
Entrer dans une culture littéraire commune.
Valoriser les productions, affichages, publications à destination des différents publics.
Compétence(s) du socle concernée(s) : La maîtrise de la langue française, Autonomie et initiative, Les compétences sociales et civiques, La culture humaniste.
Afin d’améliorer le vivre ensemble, des actions ont été mises en place telles que les conseils d’école des enfants. Les objectifs étant ici de responsabiliser les élèves, et les éduquer à la citoyenneté pour leur permettre de mieux appréhender leurs devoirs et les limites de leurs droits. A l’occasion des élections des représentants de parents d’élève au conseil d’école, chaque classe organise l’élection de 2 délégués de classe. Ceux-ci ont pour rôle d’assister au conseil des délégués de classe qui se réunit quatre fois par an, une fois par période, durant les APC. Le conseil est présidé par un enseignant de l’école. Lors de ces réunions, les délégués exposent les remarques, les demandes qui concernent le fonctionnement de l’école et soumettent des projets pour la classe ou l’école.
Chaque réunion du conseil est précédée, dans chaque classe, de temps de débat sur toutes les questions relatives à la vie de la classe et/ou de l’école. Les délégués restituent aux élèves de leur classe les débats et les décisions prises. Un compte-rendu est distribué dans chaque classe et affiché au sein de l’école.
Les améliorations attendues ici sont de l’investissement et de l’implication à la vie de l’école de la part des élèves, du respect des règles de prise de parole dans les classes lors d’un débat collectif, et du respect des personnes, des matériels et des locaux.
Ayant participé à la préparation d’un conseil d’école, j’ai pu constater le besoin des élèves de s’exprimer, émettre des idées, donner leur opinion et argumenter. Mais le temps consacré à cette activité m’a paru trop court et peu fréquent, bien que régulier tout au long de l’année. De plus, étant enseignante – stagiaire à mi-temps, la préparation du conseil d’école n’a pas été attribuée de façon définitive à mon binôme titulaire ou moi-même, mais plutôt selon les disponibilités de chacun, une fois l’échéance du conseil connue. Cela ne permettait donc pas un réel suivi, ni la construction d’une progression des apprentissages.
Mettre en place des ateliers à visée philosophique au sein de ma classe m’a donc paru favorable à l’élaboration d’un projet d’apprentissage, avec objectifs spécifiques visés et compétences des élèves à développer ; tout en s’inscrivant dans la démarche du projet d’école et complémentant les actions déjà engagées. Ainsi ce n’est plus seulement à l’échelle de l’école, mais de la classe que ma démarche vise les principaux axes d’amélioration attendue :
Le vivre ensemble et la Maîtrise de la langue française.

Ma formation

J’ai découvert la pratique des ateliers à visée philosophique lors de ma formation à l’ESPE de Paris, au cours du premier semestre de mon année de M2 en cours. En effet, afin de valider l’unité d’enseignement « tronc commun », l’étudiant pouvait lui-même choisir un cours parmi une liste proposée. Mon choix s’est donc porté sur « La mise en place d’ateliers à visée philosophique à l’école », enseigné par Madame Sylvie Daley-Le-Merrer.
Ce fut pour moi une réelle découverte. En effet, j’étais intriguée par l’appellation « ateliers à visée philosophique » et ignorais ce que cela signifiait concrètement, j’étais donc curieuse de savoir en quoi consistaient ces ateliers, quels étaient les enjeux pédagogiques, les apprentissages visés, et les compétences développées. De plus, la mise en place, l’organisation, la place de l’enseignant et le déroulé de cette activité m’étaient inconnus, j’attendais donc en choisissant ce cours d’être initié à cette pratique innovante ; pour pouvoir ainsi, par la suite, tenter de mettre en place des ateliers à visée philosophique au sein de ma classe.

PRESENTATION DES ATELIERS A VISEE PHILOSOPHIQUE

Ateliers à visée philosophique : « à visée » est un mot important.
En effet, il ne s’agit pas de faire de la philosophie à proprement parler avec les élèves, mais de les solliciter pour qu’ils réfléchissent et tentent de penser par eux-mêmes. Il convient de mettre en place avec les élèves un mécanisme, des méthodes de réflexion, et d’échanger sur une problématique qui n’a pas de réponse sûre.
Ainsi, les élèves construisent ensemble les apprentissages : le but des ateliers à visée philosophique étant d’élaborer une recherche commune. Ils doivent donc établir des rapports avec autrui de telle manière que l’autre soit considéré comme un alter ego.
Développer la coopération et l’entraide entre pairs, apprendre à conceptualiser, problématiser et argumenter sont les enjeux de cette pratique pédagogique.
Plusieurs objectifs sont visés avec la mise en place de ces ateliers lors d’une séquence d’enseignement :
– Approfondir un thème qui peut être en lien avec d’autres activités de la classe en dégageant la complexité de la notion.
– Structurer la pensée, construction collective d’une pensée.
– S’autoriser à penser, se poser des questions pour penser sa vie.
– Explorer et développer sa propre capacité à penser en induisant une démarche réflexive sur des thèmes touchant l’existence.
Des compétences spécifiques sont ainsi développées :
– Logique : raisonner, conceptualiser, problématiser, argumenter et être capable d’exposer ses raisons, enrichissement de la culture générale.
– Ethique : émettre des jugements, avoir le souci de l’objectivité, être dans la recherche de sens et de vérité.
– Socio-affectives : développer son rapport aux autres, écouter et respecter la parole de l’autre, structurer sa pensée, valoriser son image, prendre en compte que tout le monde ne pense pas pareil, découvrir que l’autre peut se poser les mêmes questions, comparer opinions et expériences, se soucier de l’autre et être capable de faire évoluer son point de vue (va-et-vient pour aller plus loin).

Instructions officielles

La mise place d’ateliers à visée philosophique en cycle 3 permet de viser des objectifs et développer des compétences inscrites dans les programmes, le Bulletin Officiel n°3 Hors-série, du 19 juin 2008, ainsi que dans le deuxième palier du socle commun, notamment concernant la Maîtrise de la langue française, les compétences sociales et civiques ainsi que l’autonomie et l’initiative.

Le courant Lévine : L’atelier philosophie AGSAS

Cette pratique est née en 1997, de la rencontre de Jacques Lévine, psychanalyste et fondateur de 1’Association des Groupes de Soutien Au Soutien (AGSAS), et d’Agnès Pautard, enseignante. La caractéristique de cette pratique est le statut particulier donné aux enfants, celui de co-penseurs, d’habitants de la terre engagés dans l’aventure humaine :
« Nous définissons l’ATELIER PHILOSOPHIE comme une expérience de la vie pensante, faite d’une série de découvertes :
– la découverte du cogito (c’est à dire être à l’origine de sa propre pensée et en prendre conscience).
– la découverte de l’appartenance à une pensée groupale large et universelle.
– la découverte des étapes conditionnant la formation rigoureuse des concepts.
– la découverte du débat d’idées impliquant la prise en compte des ambiguïtés, des incompatibilités, du lien entre le même et le contraire. ».
Ici l’objectif principal n’est pas l’argumentation ou le développement de compétences langagières spécifiques aux débats ; mais il s’agit de provoquer, chez l’enfant, la découverte qu’il est capable d’émettre des pensées sur les grands problèmes de l’humanité, dans l’immédiat ou à terme : « L’idée de débat est présente dans le projet, mais l’accent est mis en priorité sur une pensée qui se construit en écho, et qui est alimentée autant par le “langage interne” (les pensées intimes de chacun), que par le discours explicite. »7.
Le protocole des ateliers philosophie AGSAS est constitué de trois temps et a été défini de la façon suivante :
– Les enfants sont réunis en cercle, et l’enseignant annonce le protocole à chaque début de séance, de manière ritualisée, rappelant les objectifs et les règles du dispositif.
– Après l’annonce du sujet, l’enseignant est présent mais n’intervient pas. Les élèves ont deux minutes de réflexion individuelle, puis 8 minutes d’échange oral. Les échanges entre enfants au sein du groupe peuvent être enregistrés ou filmés par l’enseignant.
– Puis, les dix minutes peuvent être suivies d’une ré-écoute (ou d’un visionnage), et d’un débat court (dix minutes et plus, selon l’âge des élèves). Durant ce débat, l’enseignant tient une place, discrète mais active, pour accompagner les réactions du groupe. Il peut relancer le débat, en demandant par exemple : « Qui est resté silencieux ? Pourquoi ? Qui peut redire la question ? Ces deux idées sont-elles de même nature ? Qui n’est pas d’accord avec cette idée et pourquoi ? » La question posée doit être une question ouverte. Elle est formulée de préférence par un enfant, reformulée au besoin par un autre élève ou l’enseignant. Elle peut être proposée par l’enseignant ; c’est généralement le cas quand on démarre l’atelier philosophie, et c’est ce que j’ai fait en débutant cette activité, comme nous le verrons par la suite.
Ainsi, le but de ce protocole est de faire prendre conscience aux enfants de leur production de pensée. Les caractéristiques de ce dispositif sont tout d’abord les objectifs visés :
Cette pratique est un apport pour la formation à la citoyenneté, et l’apprentissage d’un « vivre ensemble » se construisant sur le respect de la parole de chacun et le respect du travail de groupe ; mais pas seulement : « Plus que la citoyenneté, ce qui nous importe est que les enfants d’aujourd’hui aient le sentiment d’universalité, d’appartenance à l’espèce humaine et le désir de contribuer à son amélioration. »8
La seconde spécificité des ateliers philosophie AGSAS est la non-intervention de l’enseignant pendant les dix minutes de réflexion et d’échanges entre élèves. Cependant il reste très présent, son rôle est défini et il est le garant du bon fonctionnement du dispositif. Il présente l’atelier philosophie, énonce la question du jour, s’occupe de l’enregistrement ou prend en note les réflexions des élèves, et reste silencieux pendant les dix minutes. « Lorsque le maître se tait, l’enfant s’autorise enfin à dire ce qu’il pense »9. L’enseignant peut intervenir ensuite pour relancer une discussion sur les réflexions émises

Le courant Tozzi : La discussion à visée philosophique

Michel Tozzi est professeur en sciences de l’éducation à l’université Montpellier 3, ainsi qu’un didacticien du débat et de l’apprentissage du philosopher. Il met en place un dispositif qui s’est développé dans les classes depuis les années 2000 en collaboration avec Alain Delsol et Sylvain Connac, enseignants : la « discussion à visée philosophique » (DVP).
Il s’agit d’un dispositif avec une double visée : démocratique par ses règles de prise de parole, et sa répartition des fonctions entre élèves, inspirées de la pédagogie institutionnelle ; et philosophique, par trois objectifs essentiels que l’enseignant vise par ses interventions et son type d’animation :
– la problématisation : mise en recherche individuelle et collective à partir des questionnements de l’élève et de la classe .
– la conceptualisation qui cherche à définir des notions notamment à partir de distinctions notionnelles, pour que la parole permette une pensée précise .
– l’argumentation qui implique d’expliciter et justifier son point de vue, ses affirmations, et de donner des objections justifiées quand on n’est pas d’accord, « en vue d’une pensée consistante, non contradictoire, qui vise à penser le réel. ».
L’objectif principal des discussions à visée philosophique est ici d’apprendre à penser par soi-même, et à élaborer une pensée rationnelle et fondée sur les questions importantes posées à la condition humaine, au contact des autres.
Le protocole Tozzi est le suivant :
– En cycle 3, la durée préconisée d’une discussion est de 40 à 60 minutes.
– Parmi les élèves, trois co-animateurs volontaires (en plus de l’enseignant) sont désignés :
 Un président, qui répartit la parole selon des règles : donner la parole à ceux qui lèvent la main par ordre d’inscription, avec priorité à ceux qui ne se sont pas exprimés ou se sont moins exprimés que d’autres.  Un reformulateur, qui à la demande de l’enseignant, redit ce qui vient d’être dit par un camarade : il apprend à écouter, à comprendre ce qu’il a entendu, à le redire comme s’il était un autre.
 Un synthétiseur, qui écoute et essaye de comprendre, note ce qu’il a compris, et renvoie au groupe lorsque le président le lui demande ce qu’il a retenu à partir de ses notes.
– Les élèves discutants sont placés en cercle, les observateurs éventuels se mettent derrière pour ne pas interférer.
– Les élèves observateurs (à partir du CM1-CM2), ont pour fonction de prélever des informations précises pour prendre conscience de ce qui se passe, sur des domaines distincts : observation de la communication dans le groupe (qui parle, ou pas, combien de fois), puis par la suite, observation des processus de pensée : donner des exemples de questions posées par les élèves dans la discussion, de tentatives de définition, de distinctions entre les notions, de thèses énoncées…
– L’enseignant anime le débat sur le fond. Il met en place le dispositif, demande des volontaires pour les fonctions, installe les élèves dans leur nouvelle fonction en leur demandant de reformuler leur « métier ». Pendant la discussion, il lance les échanges, les cadre et les recadre quand les élèves s’égarent, les relance, interroge pour demander à un élève une précision, un développement, une définition, une argumentation ; il souligne les points de vue contradictoires et amène les élèves à en discuter entre eux ; il construit du sens et de la progression dans le débat collectif, en faisant le lien entre les interventions et le sujet (pour éviter les dérives, recentrer), et entre le contenu des différentes interventions (pointage des questions, éléments de définition, thèses qui émergent, arguments contradictoires, niveaux ou registres de la discussion …)
– Enfin, une phase d’analyse de la discussion animée par l’enseignant clôture la séance. L’objectif étant ici de faire un retour réflexif sur ce qui a fonctionné, ce qui nécessite des améliorations, ce qui a posé des difficultés. Les élèves ainsi que l’enseignant peuvent ainsi proposer des pistes d’amélioration à mettre en place, l’élève pouvant ainsi s’autoévaluer et prendre conscience du processus de progression engagé.
Les caractéristiques principales de la discussion à visée philosophique selon Tozzi portent sur le fond et la forme. En effet, les objectifs principaux visés par cette pratique portent sur la mise en oeuvre de trois processus intellectuels : développer les facultés de problématisation, de conceptualisation et d’argumentation des élèves.
Sur la forme, la spécificité est le dispositif mis en place pour discuter faisant référence à la pédagogie coopérative : la co-animation enseignant- élèves permettant une forte dimension d’éducation à la citoyenneté. Ici, contrairement au protocole des ateliers philosophie AGSAS, l’enseignant anime la discussion sur le fond, et laisse les élèves, chacun ayant son rôle défini participer à la gestion du dispositif.

L’atelier Agsas en CE2-CM1 : Déroulement

J’ai choisi de mettre en place des ateliers à visée philosophique au sein de ma classe, en m’inspirant du protocole Lévine, les ateliers AGSAS. D’abord, dans un premier temps pour des raisons pratiques, en effet le dispositif me paraissait plus simple à mettre en place en tant qu’enseignant pour une entrée en matière : la durée, le choix de la question, le rôle du maître ; mais surtout, pour mes élèves n’ayant jamais pratiqué ce type d’activité auparavant, il m’a semblé pertinent de débuter par ce protocole. Cela me semblait être une bonne façon d’introduire et d’habituer les élèves au dispositif d’ateliers à visée philosophique. Ainsi, je souhaitais libérer la parole des élèves dans cet espace défini afin d’instaurer progressivement une communauté de recherche entre pairs qui permette à chaque élève de trouver sa place au sein groupe ; et par la même d’améliorer et d’unifier le climat de classe. En cela, le courant Lévine me paraissait être le dispositif le plus pertinent.
Le premier atelier fut mis en place dans la classe le 12 janvier 2016, le mardi après-midi. La fréquence prévue était d’un atelier par semaine, mais une sortie scolaire, un retard pris concernant une évaluation, puis ma nouvelle affectation et mon changement soudain d’établissement n’ont pas permis de tenir ce programme dans la durée, comme souhaité.
En amont de cette première séance, j’avais quelques appréhensions : je n’ai malheureusement pas de réel coin regroupement dans ma classe, et l’école située dans le neuvième arrondissement de Paris, est configurée de telle façon que pour accéder à la bibliothèque, il fallait descendre avec les élèves trois étages, traverser la cour et monter les trois étages du second bâtiment. Cela nous ferait donc perdre un temps considérable, compte tenu des difficultés que j’éprouvais à établir un rang convenable.
De plus, je craignais que les élèves, ou certains élèves, ne soient pas intéressés et ne rentrent pas dans l’activité. Et ayant déjà des difficultés concernant la gestion de classe, je pensais que les élèves auraient beaucoup de mal à respecter la prise de parole, à s’écouter, et que cela allait générer encore plus d’agitation qu’à l’accoutumée, que j’aurai énormément de mal à maitriser. Pour débuter donc, j’ai tenté de mener cette séance en classe entière, avec les 26 élèves de mon double niveau, et l’organisation spatiale de la classe n’a pas été modifiée.
J’ai choisi de commencer cette activité en proposant le sujet « La désobéissance ».
Le choix de ce sujet me paraissait pertinent étant donné le climat de classe d’abord entre élève, mais également dans la relation élève-enseignant. Il y a en effet dans ma classe quelques élèves particulièrement perturbateurs, comme vu précédemment, qui ne sont pas attentifs, ne respectent ni la prise de parole ni l’écoute des autres ; il y a parfois des incivilités, et un non-respect à l’égard des adultes de l’école et de l’autorité. Néanmoins, les élèves de ma classe sont actifs, et je ressentais de leur part un besoin de s’exprimer, d’être écouté. J’ai donc choisi cette question ouverte sans aucun a priori, ne sachant pas le type de réponses qui allaient émerger, ni le comportement que les élèves allaient adopter.
J’ai présenté la séance aux élèves en annonçant le protocole :
Aujourd’hui nous allons faire de la philosophie. Nous allons nous intéresser à un sujet qui concerne le Monde entier depuis la nuit des temps car il n’y a pas une seule vraie bonne réponse. Pendant le temps de l’atelier vous allez être des Personnes du Monde. Pour prendre la parole, il y a un bâton. L’enfant qui détient le bâton choisit en priorité celui qui ne l’a pas encore eu. Vous allez avoir deux minutes pour réfléchir tout seul, puis 8 minutes pour échanger à l’aide du bâton de parole. Le sujet d’aujourd’hui est la désobéissance.
Un élève a alors immédiatement réagi : « Maîtresse, c’est quoi la philosophie ? »
Constatant que mon introduction méritait d’être reprise et explicitée pour bon nombre d’élèves, j’ai tenté de définir dans un langage simple, que nous allons faire de la « philosophie, c’est-à-dire qu’on va apprendre à réfléchir sur les questions que se posent les hommes depuis très longtemps. Apprendre à réfléchir signifie que l’on va prendre son temps pour penser dans sa tête, avant de parler, que tout le monde n’est pas obligé de prendre la parole au cours d’une séance et qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses aux questions sur lesquelles on réfléchit ».
J’ai ensuite précisé que je n’interviendrais pas, qu’ils allaient discuter entre eux, j’ai bien insisté sur les contraintes de temps et la nécessité du bâton de parole.
N’ayant pas plus d’indications, certains élèves ont demandé que j’explicite plus précisément ce que j’attendais d’eux : « Maitresse, il faut faire quoi ? », « On peut chercher dans le dictionnaire ? » J’ai alors reformulé : « Le sujet d’aujourd’hui est la désobéissance. Vous allez donc chacun réfléchir à ce sujet pendant 2 minutes en silence, et ensuite vous échangerez entre vous avec le bâton de parole vos idées, vos pensées…vos questions aussi. Donc on n’utilise pas le dictionnaire. Ce qui est intéressant là, ce sont vos idées à vous. »
Les deux minutes de réflexion silencieuse individuelle ont alors pu débuter. Pour cette première séance, je n’avais pas prévu d’imposer ce temps de réflexion à l’écrit ; et j’ai vite pu me rendre compte que le silence et la concentration attendue n’était pas effectifs pour quelques élèves. A la séance suivante, j’ai donc instauré cette phase à l’écrit, ce qui a permis aux élèves même les plus dissipés de rentrer dans l’activité avec sérieux, et de poser le cadre et les conditions nécessaires pour entreprendre une réelle réflexion et un questionnement intérieur. La fin de ce temps a été signalé par un signal sonore : une sonnette présente sur le bureau des enseignants, et utilisée à diverses occasions afin de remobiliser l’attention des élèves.
Puis les 8 minutes d’échange entre élèves ont démarré. La configuration de l’espace classe n’ayant pas été modifié, les élèves se trouvaient à leur place habituelle, et souhaitant rester en retrait, je me suis installée à mon bureau, près du tableau, pour prendre en note sur une feuille les réflexions des élèves telles qu’elles ont été énoncées, que j’ai organisé en quatre catégories, sur les conseils de Mme Daley-Le-Merrer :
– Définitions/concepts.
– Exemples.
– Arguments/contre-arguments.
– Mise en perspective.

La discussion à visée philosophique en CM1

En fin de période 3, suite aux visites formatives de mes tutrices de l’ESPE de Paris, la décision a été prise après concertation avec l’IEN de la circonscription de me changer d’établissement, pour avoir une classe de niveau simple.
En effet, comme évoqué précédemment, j’éprouvais de grandes difficultés à gérer le groupe classe, et malgré la mise en place d’ateliers à visée philosophique et les améliorations constatées durant le temps de l’atelier, la configuration d’un double niveau présentait de trop nombreux obstacles qui ne me permettaient pas, en tant que débutante stagiaire, d’assurer un enseignement propice aux apprentissages dans son ensemble. La décision fut donc prise, mais je n’en ai été informée que la veille de ma nouvelle affectation.
Je suis donc arrivée précipitamment dans ma nouvelle classe le 14 mars 2016, remplaçant une collègue partie plus tôt que prévu en congé maternité. Il s’agit d’une classe de CM1 de 23 élèves, dans une école élémentaire du XIXème arrondissement de Paris, en REP (Réseau d’Education Prioritaire), et qui fait partie du RSS (Réseau de Réussite Scolaire). Le quartier est situé en ZSP (Zone de Sécurité Prioritaire) depuis 2012.
La particularité de cette école est sa configuration, en effet les élèves font uniquement partis du cycle 3, répartis en 13 classes : 4 CE2, 1 CE2-CM1, 4 CM1 et 4 CM2.
L’équipe enseignante est constituée de 16 Professeurs des écoles, dont une faisant partie du dispositif « Plus de maîtres que de classes » afin de remédier aux difficultés scolaires des élèves. De nouveaux départs et arrivées ont lieu chaque année, et la Directrice de l’établissement est en poste depuis 2012. L’équipe éducative comprend également six PVP, une équipe de RASED complète (maître E, maître G, psychologue scolaire), cinq AVS, et une éducatrice en accompagnement d’un élève autiste.
Le climat général de l’école est conflictuel, les incivilités étant fréquentes. De plus, une grande partie des élèves ont du mal à entrer dans les apprentissages et éprouvent de grandes difficultés concernant les fondamentaux. Le projet d’école, datant de 2013 est pour la dernière année encore en vigueur. Les trois axes d’améliorations retenus après diagnostique sont :
– La maîtrise de la langue : expression orale et écrite.
– Les mathématiques : calcul mental, techniques opératoires, et résolution de problèmes.
– Le vivre ensemble : la citoyenneté.

Déroulement et analyse

Ma classe de CM1 est constituée de 23 élèves, et la répartition filles-garçons est équilibrée : 12 filles et 11 garçons. De nombreux élèves ont de grandes difficultés, notamment en maîtrise de la langue orale et écrite, ainsi qu’en lecture. Cinq élèves sont suivis par le maître E toutes les semaines, et trois d’entre -eux vont également au CMP (Centre Médico-psychologique). Un élève, Evan, particulièrement remuant, est suivi par le maître G, un autre Ilyan, ayant de grandes difficultés à s’intégrer dans la vie scolaire et à entrer dans les apprentissages, est suivi au CAPP (Centre d’Adaptation Psycho-Pédagogique). Enfin, Gary qui est un élève arrivé dans cette école l’an dernier, en cours d’année, suite à son exclusion d’une école privée juive, est suivi par le maître E, voit régulièrement la psychologue scolaire, est suivi par l’assistante sociale, et va au CMP. Cet élève a d’énormes difficultés et exprime un refus scolaire. L’équipe éducative et le service social ont repéré des difficultés d’apprentissage, difficultés relationnelles avec le personnel enseignant, et avec les élèves ; violence et agressivité, mutisme. De plus, il refuse de se rendre à l’école, et le cadre familial étant compliqué, la famille ne s’investit pas. La Directrice de l’établissement a alors constitué un dossier individuel d’absentéisme transmis au Rectorat.
Dans ce contexte particulier, et étant arrivée dans cette classe depuis peu, en cours d’année, j’ai repris l’emploi du temps et la répartition des matières disciplinaires qu’avait effectué l’enseignante que je remplace. Au cours de quelques concertations avec ma collègue titularisée, dont je partage la semaine, j’ai appris qu’elle avait mené avec la classe des ateliers philosophiques inspirés du courant Lipman, au cours des périodes 2 et 3. En effet, elle utilisait comme support un extrait de texte, tiré des Philo-fables de Michel Piquemal, (2003), mais également de bandes dessinées, ou textes de littérature jeunesse, afin de faire émerger un questionnement de la part des élèves, et de mettre en place une discussion. Elle m’a également signalé qu’elle allait probablement reprendre ces ateliers par la suite.
Ainsi, il ne s’agissait pas pour moi de reprendre le processus déjà entrepris par ma collègue, et de risquer de mettre en péril les actions engagées. Cependant, j’ai rapidement constaté que des incivilités, et principalement des injures et grossièretés étaient fréquentes, malgré les outils mis en place au sein de l’école et de la classe pour améliorer le vivre ensemble. Ces outils sont semblables à ceux utilisés dans ma précédente école. Les règles de vie de l’école sont donc affichées à divers endroits dans l’établissement, et sont systématiquement rappelées aux élèves par l’ensemble du personnel, lors d’infractions. Elles sont également collées dans le cahier de correspondance, signées par les élèves et les parents.
Au sein de la classe, les règles de vie ont été établies avec les élèves, elles sont aussi affichées dans la classe, et collées/ signées dans le cahier de correspondance.
De plus, un système de tableau des couleurs concernant le comportement, semblable à celui utilisé dans ma précédente classe a été mis en place par mes collègues dès le début de l’année.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. ATELIERS A VISEE PHILOSOPHIQUE, POURQUOI ?
1. Contexte
A. Présentation de la classe
B. Présentation de l’école
C. Le projet d’école
2. Constat et déclencheur
A. La gestion de classe
B. Ma Formation
II. PRESENTATION DES ATELIERS A VISEE PHILOSOPHIQUE 
1. Objectifs visés et compétences à développer
2. Instructions officielles
3. Différents courants méthodologiques
III. MISE EN OEUVRE DANS LA CLASSE
1. L’atelier Agsas en CE2-CM1: déroulement
2. Analyse
A. Le contenu
B. L’organisation
3. La discussion à visée philosophique en CM1
A. Contexte
B. Déroulement et analyse .
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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