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ESSAIS POUR CARACTERISER LES RESISTANCES HORS-PLAN
Comme cela a été vu dans les paragraphes précédents, les critères de rupture nécessitent l’identification de plusieurs résistances : les résistances hors-plan en traction et compression (respectivement Zt et Zc) et les résistances de cisaillement hors-plan (S13R et S23R). Le but de cette section est de présenter les essais permettant d’identifier ces valeurs. Nous présenterons également un essai permettant de solliciter de manières multiaxiales un stratifié dans la direction hors-plan afin de valider la forme des critères de rupture proposés. En complément de ce chapitre, le lecteur intéressé pourra se reporter à un article de revue sur l’ensemble des essais de caractérisation plan et hors-plan proposés récemment par [Olsson 11].
Caractérisation de la résistance de traction hors-plan Zt.
Traction hors-plan sur plaque épaisse.
Pour ce type d’essai, une éprouvette haltère de forte épaisseur est réalisée et un essai de traction hors-plan est mis en œuvre. L’avantage de ce type d’essai réside dans application directe du chargement de traction hors-plan sur le matériau. L’analyse de l’essai est ainsi relativement simple à effectuer. Les propriétés élastiques hors-plan (E33, υ31, υ32) peuvent également être mesurées grâce à l’utilisation de jauges de déformation dans la zone utile.
Différentes formes géométriques ont été testées dans la littérature afin d’obtenir un champ de contrainte le plus uniforme possible dans la zone utile, et éviter ainsi les ruptures prématurées près des mors.
[Kitching 84] ont testé 2 types d’éprouvette haltère de forte épaisseur (au alentour de 150 mm) une avec une section rectangulaire et l’autre avec une section circulaire (Figure II-7). Les résultats obtenus pour les deux types d’éprouvettes sont similaires. La difficulté majeure de ce type d’essai réside dans la réalisation d’éprouvettes de forte épaisseur, soit plus de 500 plis. Un inconvénient de cette méthode réside dans le fait que l’on ne peut tester que des éprouvettes de forte épaisseur ; se pose alors la question de la représentativité de telles éprouvettes en regard des structures aéronautiques qui peuvent être de différentes épaisseurs (entre 12 plis et 250 plis).
Développement de méthodologies dédiées à l’analyse robuste de la tenue de structures composites sous chargements complexes tridimensionnels [Ishai 96] a développé une éprouvette composée de 3 blocs de composite collés entre eux, afin d’éviter de réaliser des éprouvettes de trop forte épaisseur. Des goupilles sont utilisées pour transmettre le chargement afin que le champ de contrainte soit le plus uniforme possible dans la zone utile.
[Lagace 89] ou [Hodgkinson 92] ont proposé d’utiliser une éprouvette, de plus faible épaisseur, collée à des blocs d’aluminiums, par lesquels est transmise la charge. Le choix de la colle est un point crucial de la méthode. Lors de l’essai, des problèmes d’alignement pouvant entraîner de la flexion et ainsi altérer les résultats ont été constatés.
L’incertitude sur les résultats de ce type d’essais est relativement importante et de l’ordre de 20%, ce qui les rend difficilement transférable vers l’industrie.
En conclusion, l’avantage de ce type d’approche réside dans la simplicité de la mise en œuvre de l’essai et de son analyse. Toutefois, suivant la forme et l’épaisseur de l’éprouvette utilisée, des chargements parasites de flexion peuvent apparaître et perturber les mesures. L’inconvénient majeur de ce type d’essai réside dans l’épaisseur importante des éprouvettes qui induit (i) un problème de coût de fabrication et (ii) un problème de représentativité des éprouvettes en regard de cornières composites dont les épaisseurs peuvent être variables en fonction de leur localisation au sein de l’avion.
Essais de délaminage en bord de plaque.
Cet essai [O’Brien 82] a été conçu pour caractériser principalement l’amorçage du délaminage dans les stratifiés. Des éprouvettes, présentant des séquences d’empilement fortement délaminantes telles que [±30/±30/90/90]s, ont été testées en traction uniaxiale. Lors de l’essai, les contraintes hors-plan générées par les effets de bords entraînent l’amorçage du délaminage. Les avantages de ces essais résident dans (i) la possibilité de réaliser les essais sur des plaques composites de toute épaisseur (épaisseurs faibles comprises) et (ii) la simplicité des essais de traction à mettre en œuvre. Toutefois, l’inconvénient majeur de cette méthode réside dans l’analyse de ce type d’essai qui est complexe et présentent deux difficultés majeures.
En effet, l’analyse de l’essai nécessite la description fine des gradients de contrainte hors-plan observés en bord de plaque, ce qui nécessite soit des modèles analytiques avancés [Lecuyer 91], soit des modélisations éléments finis lourdes avec un maillage très fin en bord de plaque [Carrère 09]. De plus, comme tout essai présentant de forte singularité, l’analyse de la rupture par un critère de rupture nécessite l’utilisation d’une méthode à longueur caractéristique (comme dans la méthode de type Point-Stress par exemple) compliquant à nouveau l’analyse [Lagunegrand 06].
Essai de compression sur disque perforé.
L’application d’une compression sur un disque (diamètre de 20 à 40 mm), présenté sur la Figure II-8 permet d’induire un chargement de traction hors-plan sur la normale au chargement (axe z) en bord de trou. Ce type d’essai est utilisé pour mesurer le module d’Young hors-plan E33 [Pierron 00] mais également pour mesurer la résistance de traction hors-plan. Les forces à rupture mesurées pour ce type d’essai sont relativement dispersées (30%). L’analyse de cet essai sur structure présentant une singularité géométrique n’est pas triviale et nécessite des calculs de structures par éléments finis. Enfin, le problème de la représentativité de ce type de structure, en regard des cornières composites étudiées dans le cadre de cette thèse, se pose à nouveau.
Essais sur éprouvette « Humpback ».
[Wisnom 96] a proposé une éprouvette dont la géométrie est présentée Figure II-9. Il convient de noter la géométrie complexe de l’éprouvette induisent des difficultés de réalisation de ce type de structure. En effet, la partie délicate réside dans le contrôle des tolérances géométriques en sortie de cuisson des 3 rayons de raccordement, nécessitant un dimensionnement du/des moules intégrant les contraintes résiduelles de cuisson. Cette éprouvette est soumise à un essai de flexion quatre points permettant de générer un moment dans le rayon de l’éprouvette comme dans le cas des cornières, ce qui permet d’obtenir la rupture dans la zone d’intérêt de l’éprouvette. Ce type d’essai peut être réalisé sur des éprouvettes de différentes épaisseurs.
Le moment est estimé par la mesure de la déformation en surface au moyen de jauges et par l’utilisation du résultat par méthode inverse de simulations éléments finis 2D (réalisée sous les hypothèses de déformations planes). La contrainte en traction hors-plan maximale déterminée par le calcul éléments finis pour la charge à rupture expérimentale est alors considérée comme égale à la résistance de traction hors-plan. Toutefois, la flèche à rupture étant très importante, la réalisation de calcul éléments finis sous les hypothèses de grandes transformations prenant en compte la réorientation du matériau au cours de l’essai, reste délicate.
Développement de méthodologies dédiées à l’analyse robuste de la tenue de structures composites sous chargements complexes tridimensionnels
En conclusion, un essai de flexion quatre points est réalisé sur une éprouvette de forme complexe, mais représentative des structures aéronautiques. Les limitations de cet essai résident donc (i) dans la complexité de la fabrication de l’éprouvette présentant 3 rayons de raccordement et (ii) dans l’analyse de l’essai qui ne peut être fait que par calculs éléments finis prenant en compte les importants déplacements à rupture de l’éprouvette.
Essai de flexion quatre points sur cornière.
Cet essai a été conçu de manière à créer un mode de rupture de traction hors-plan pure dans le rayon de la cornière [Jackson 96]. L’éprouvette, en forme de cornière en L, est chargée en flexion quatre points afin de générer un moment uniforme dans le rayon de la cornière et produire une contrainte normale hors-plan induisant la rupture par délaminage, comme montré sur la Figure II-10. La propagation de ce délaminage dans le rayon est instable et induit la ruine totale de l’éprouvette.
L’intérêt de cet essai réside dans le fait que l’on teste des éprouvettes qui ont été fabriquées avec le même procédé de fabrication que les pièces aéronautiques. De plus, il est également possible de venir découper ce type d’éprouvette directement dans des pièces aéronautiques de raccordement de panneaux comme des « shear ties » pour être vraiment représentatif du matériau dans la structure finale. Enfin, les essais de flexion quatre points peuvent être appliqués à des cornières de différentes épaisseurs, en prenant soin de modifier les distances entre les rouleaux du montage. L’inconvénient de cet essai vient du fait que les éprouvettes ne sont pas simples à réaliser (il faut gérer le rétreint du rayon en fin de cuisson pour garantir les tolérances de l’ordre de ±1°) ; mais elles ne sont pas plus complexes à fabriquer que les pièces aéronautiques et bénéficient donc du savoir-faire de l’industriel.
Le deuxième avantage de ce type d’approche réside, comme précédemment, dans la simplicité de la procédure d’essais de flexion quatre points. On notera également un auto-alignement de l’éprouvette avec l’introduction des efforts, contrairement au montage précédent. Cet essai a été normalisé et est détaillé dans la norme [ASTM 06a].
Le dernier avantage de cet essai réside dans la simplicité d’analyse de l’essai qui peut être effectuée par des modèles analytiques, présentée dans la norme [ASTM 06a], dont le domaine de validité sera défini dans le chapitre IV. L’intérêt d’une analyse par éléments finis sera également abordé ultérieurement dans ce manuscrit.
Caractérisation de la résistance de compression hors-plan Zc.
« Short block ».
C’est le principal essai [Mespoulet 98] que l’on trouve dans la littérature pour la détermination des propriétés hors-plan de compression. Il consiste à appliquer un effort de compression sur des cubes de composites stratifiés dans la direction z (voir Figure II-11). Ce test possède trois avantages : le montage est simple, l’épaisseur est réduite par rapport aux essais de traction hors-plan, et il n’y a pratiquement pas de flambement du fait de la géométrie massive des éprouvettes. Un des avantages de ce type d’essai est de pouvoir mesurer de façon simple et relativement fiable les propriétés élastiques hors-plan du matériau comme le module de Young E33 et les coefficients de Poisson hors-plan à l’aide de jauges et de la corrélation d’image.
Développement de méthodologies dédiées à l’analyse robuste de la tenue de structures composites sous chargements complexes tridimensionnels
La rupture dans la zone utile de ces éprouvettes reste dans ce type d’essai relativement aléatoire. La forme de ce type d’éprouvette est un point devant être abordé de façon plus poussée. De plus, les conditions aux limites ne sont pas triviales et constantes au cours de l’essai et nécessitent une instrumentation fine des éprouvettes.
Compression sur plaque épaisse.
Comme pour la traction sur plaque épaisse, il existe un essai de compression hors-plan sur plaques stratifiées constituées d’un grand nombre de plis pour déterminer les propriétés en compression (rigidité et résistance). L’augmentation de l’épaisseur permet un usinage de l’éprouvette permettant de garantir la rupture dans la zone utile (via un usinage en haltère par exemple). Cet essai pose les mêmes problèmes de fabrication d’éprouvette en termes de coût et de représentativité. De plus, l’usinage des éprouvettes peut induire une dispersion relativement importante.
Enfin, l’analyse de ces essais présentant des formes usinées ne peut être réalisée que par simulations éléments finis et n’est pas triviale à mettre en place. A nouveau, la question de la pertinence des conditions aux limites introduite dans le calcul reste ouverte pour ce type d’essais.
Caractérisation de la résistance de cisaillement hors-plan S13R.
Essai Iosipescu.
Dans cet essai [Odegard 00], une poutre est chargée asymétriquement en flexion quatre points. Pour éviter des compressions locales, le chargement est réparti sur de larges surfaces en utilisant des cales. Pour avoir un champ relativement uniforme dans la zone utile de mesure, les éprouvettes possèdent des encoches symétriques représentées sur la Figure II-12.
L’usinage de ces encoches pose des problèmes de reproductibilité des essais et induit une dispersion importante sur les résultats d’essais, rendant cet essai difficilement transférable vers l’industrie. Un autre inconvénient de ce type d’approche réside dans la complexité de la méthode d’analyse qui ne peut être faite que par éléments finis. En effet, il faut être capable de décrire le fort gradient de contrainte en pointe de fissure ce qui nécessite des calculs éléments finis présentant des maillages fins au voisinage de la singularité géométrique.
« Modified rail shear test ».
Dans cet essai, une plaque composite est boulonnée à des rails en acier. Ces rails sont ensuite soumis à un chargement de traction pour induire une sollicitation de cisaillement dans le stratifié. Cependant l’épaisseur de l’éprouvette doit être très importante (76 mm). [Post 89] a proposé des améliorations pour diminuer cette épaisseur. Elles consistent à coller l’éprouvette sur les rails et d’avoir des éprouvettes dont la section est réduite (usinage en forme d’haltère) dans la zone utile afin de minimiser les chargements parasites au bord de l’éprouvette (voir Figure II-13). Cette forme d’éprouvette reste difficile à contrôler et ne permet pas d’avoir du cisaillement pur. De plus, ce type d’essai peut induire des moments parasites au sein de l’éprouvette, comme il est couramment observé pour les essais de single lap joint [ASTM 10]. Cette flexion parasite pourrait être néanmoins atténuée voir supprimée en symétrisant le montage et en réalisant des essais de double cisaillement où l’on viendrait tester en même temps deux éprouvettes.
L’avantage de ce type d’essai réside dans la méthode d’analyse de l’essai qui est analytique et simple à mettre en œuvre en supposant que la chargement introduit est pur, ce qui reste discutable à la vue des montages d’essais proposés.
Essai de cisaillement interlaminaire.
L’essai de flexion trois points rapproché noté usuellement essai d’ILSS (Interlaminar Shear Stress) [ASTM 06b] est utilisé pour mesurer la résistance apparente de cisaillement hors-plan S13R sur plaques composites unidirectionnelles (voir Figure II-14). Cet essai consiste à effectuer une flexion trois points, avec une distance inter appui faible (de l’ordre de 5 fois l’épaisseur de la plaque) sur une éprouvette de section rectangulaire afin qu’une rupture par cisaillement hors-plan se produise entre les rouleaux d’appui et le rouleau d’amorçage.
Cet essai est simple à mettre en place et a été normalisé [DIN 97] afin de permettre d’optimiser la distance entre les rouleaux d’appui pour obtenir une rupture en cisaillement inter-laminaire dans la zone d’intérêt de l’éprouvette.
La méthode d’analyse de cet essai, proposée dans la norme, est analytique et est très simple, ce qui constitue un avantage important de ce type d’essai. Cet essai est aujourd’hui très utilisé dans l’industrie de par son rapport facilité de mise en œuvre de l’essai, simplicité de la méthode d’analyse. La validité de cette méthode analytique sera analysée dans le chapitre V de cette thèse.
Il convient de noter que l’ensemble des essais de cisaillement hors-plan sont réalisés sur éprouvettes dont le procédé de fabrication n’est pas nécessairement représentatif de celui des cornières composites qui nous intéresse dans ce travail. Ce point constitue une limitation majeure à l’ensemble des essais de cisaillement présents dans la littérature.
Essais multiaxiaux hors-plan.
Il n’existe à notre connaissance que peu d’essais pour solliciter de manière multiaxiale un stratifié dans les directions hors-plan afin de valider un critère de rupture 3D comme celui qui sera présenté dans le chapitre III. Seul l’essai Arcan apparait comme un candidat sérieux pour atteindre de tels chargements.
Le montage Arcan permet de solliciter une éprouvette en combinant et en contrôlant les sollicitations dans les directions normale et tangentielle (Figure II-15). Il est constitué de deux pièces métalliques symétriques présentant chacune une série de points de traction angulairement répartis sur leur périphérie. Ces points de tractions permettent de fixer le montage sur les mors d’une machine de traction/compression standard.
Les éprouvettes, taillées dans une plaque stratifiée épaisse, sont placées au centre du montage et sont maintenues collées à l’aide deux talons métalliques supérieur et inférieur bridés dans le montage.
Avec cet essai, [Cognard 06] a obtenu des résultats intéressants qui montrent un renforcement en faible compression et fort cisaillement hors-plan pour une résine époxy Vantico Redux 420 (Figure II-16). Ce type d’essai est donc très intéressant pour obtenir des résistances sous sollicitations multiaxiales afin de valider un critère de rupture tridimensionnel.
Toutefois, la réalisation de ce type d’essai est complexe et nécessite un savoir-faire important. En effet, la mise en place de l’éprouvette dans le montage nécessite une grande attention pour éviter de la précharger avant le début de l’essai. De plus, [Cognard 06] a montré l’importance des effets de bords et des concentrations de contraintes sur les résultats obtenus. Pour pallier ce problème, ils ont proposé une géométrie de mors spécifique (Figure II-17) pour limiter l’influence des effets de bords.
Il convient de noter à nouveau que les essais ARCAN ne peuvent être réalisés que sur éprouvettes planes dont le procédé de fabrication n’est pas nécessairement représentatif de celui des cornières composites, ce qui constitue une limitation forte pour ce type de montage.
PRESENTATION DE L’APPROCHE GENERIQUE INDUSTRIELLE.
A la vue de la bibliographie réalisée précédemment sur les modèles de rupture hors-plan et les essais d’identification des résistances hors-plan, la méthodologie de dimensionnement de structures composites sous chargements tridimensionnels utilisée actuellement au sein de l’industrie aéronautique va être analysée afin de comprendre les choix qui ont été effectués, déterminer les avantages et les inconvénients. Le processus de dimensionnement peut se décomposer en trois étapes majeures, et est synthétisé sur la Figure II-18 :
Détermination des zones critiques : A partir d’un modèle global, représentant de façon simplifiée une structure aéronautique importante, telle que le caisson central de voilure de l’avion, il est possible d’identifier les zones critiques de la structure, telles que les rayons de cornières ou les fixations, et de déterminer les chargements appliqués sur ces « maillons faibles ».
Détermination des chargements critiques : L’étape de pré-dimensionnement consiste à sélectionner parmi l’ensemble des cas de chargements possibles appliqués à la structure, les cas de charges les plus critiques à l’aide de modèles analytiques simplifiés et présentant des coûts de calculs réduits.
Prévision de la rupture des zones critiques : Enfin, le dimensionnement des zones critiques des structures est effectué à partir de modèles avancés pouvant être basés sur des calculs par éléments finis. La prévision fine de la rupture de la pièce est effectuée lors de cette étape.
Les trois étapes du processus de dimensionnement sont décrites plus en détails dans la suite de ce document.
Etape de calcul global.
Cette partie est consacrée à la détermination des zones critiques au sein de pièces composites de forme complexe. Dans cette partie, la géométrie de la structure est idéalisée (Figure II-19). Les fixations, les bras des cornières ne sont pas modélisés. Un calcul éléments finis grossier de la pièce est effectué afin de déterminer les différentes zones critiques, comme le rayon des cornières, les zones présentant des perforations, les assemblages. Lors de cette étape, les chargements appliqués aux zones critiques sont estimés. Dans le cas de la jonction de panneaux composites perpendiculaires, il est nécessaire de déterminer les chargements appliqués à la cornière à savoir les efforts d’arrachement et de pliage ainsi que le moment appliqué.
Etape de pré-dimensionnement.
L’étape de pré-dimensionnement a pour but de sélectionner les cas de charges les plus critiques parmi l’ensemble des cas de charges possibles. A titre d’exemple, il convient de traiter 450 cas de chargements pour le caisson central de voilure et ce pour chaque chargement thermique appliqué. Il est donc nécessaire de présélectionner les cas de charges les plus critiques que l’on traitera par la suite avec les méthodes plus avancées et présentant des coûts de calculs importants.
Cette méthode requiert comme entrée les flux de forces et de moments déterminés à l’étape précédente. La pertinence de ces chargements dépend du niveau de discrétisation du modèle éléments finis global.
Pour le pré-dimensionnement d’une structure, les chargements exprimés dans le repère global de la pièce doivent être transférés dans le repère local de la zone critique étudiée. Dans le cas d’une cornière composite, les forces de traction f, de cisaillement s et le moment m doivent être transférées dans le repère local du rayon, comme montré sur la Figure II-20.
La force tangentielle sr() et le moment mr() sont exprimés dans le rayon pour un angle donné et sont calculés analytiquement de la manière suivante :
mr m f R1 cos s Rsin II-7
sr fsin cos II-8
Avec R le rayon moyen, les forces tangentielles (f, s) et le moment m appliqué au bout du bras de la cornière. Ces équations sont déterminées en considérant le matériau isotrope et homogène. L’état de contrainte dans le rayon de la cornière est supposé biaxiale et constitué uniquement des contraintes normale hors-plan σ33 et de cisaillement hors-plan τ13. Elles sont calculées simplement de la manière suivante :
Ces contraintes sont par la suite utilisées dans un critère de rupture hors-plan quadratique, de type Kim-Soni (voir II.2.2.4), afin de prévoir l’amorçage de délaminage dans le rayon de la cornière. Les cas de chargement pour lesquels les valeurs du critère de rupture sont les plus élevées sont considérées comme les cas de charges les plus critiques. Cette étape de pré-dimensionnement peut également être utilisée pour l’optimisation de formes géométriques de pièces composites.
Il convient toutefois de noter que l’étape de pré-dimensionnement utilise une idéalisation de la géométrie et des chargements appliqués. Il convient toutefois de noter que la présence de fixation proche des rayons entraîne des concentrations de flux induisant des modifications du champ de contraintes au sein du rayon et pouvant entraîner une rupture prématurée au sein du rayon de la cornière.
Dimensionnement.
La différence majeure entre l’étape de pré-dimensionnement et l’étape de dimensionnement consiste en une description fine de la géométrie de la zone d’intérêt. La détermination du champ de contraintes régnant au sein du rayon de la cornière est alors effectuée essentiellement par calculs éléments finis et utilise des modèles de rupture plus avancés.
Afin de réduire les coûts de calcul, des stratégies de calcul ont été mises en place permettant d’effectuer une description fine des zones d’intérêt, tel que le rayon de la cornière ou les fixations, et une description grossière des parties courantes plus faiblement chargées.
La modélisation des zones d’intérêt est effectuée avec des éléments volumiques linéaires (un élément par pli) alors que les parties courantes sont représentées par des éléments coques multicouches, comme montré sur la Figure II-21. Le contact entre les fixations et les différentes parties de la structure est pris en compte dans les simulations éléments finis.
Le dimensionnement de la structure peut être décomposé en deux parties principales :
La première étape consiste à calculer les contraintes et déformations au sein de la structure. Cette étape peut être réalisée à l’aide de simulations éléments finis ou par des méthodes analytiques. La comparaison entre les méthodes de calculs éléments finis et analytiques sera réalisée dans le chapitre IV pour le cas de la flexion quatre points. Le comportement du matériau est supposé linéaire élastique. Ces méthodes d’analyse sont spécifiques aux pièces telles que les cornières.
Ensuite, la rupture des plis au sein de la structure est prévue en utilisant des critères de rupture. Trois modes de ruine différents sont considérés : (i) la rupture du pli en mode fibre dans la première rangée de fixations, (ii) le délaminage dans le rayon de la cornière et (iii) l’arrachement de la fixation dans les bras de la cornière due aux contraintes de cisaillement hors-plan. Les critères de ruptures sont utilisés pour la prévision de l’amorçage de la rupture pour les différents modes de ruine et la propagation est supposée instantanée et catastrophique.
Le critère utilisé pour la rupture de pli en mode fibre est celui de Yamada-Sun [Yamada 78], recommandé pour les plaques planes soumises à des chargements plan. Ce critère est un critère en contrainte formulé de la façon suivante : où Xt et Xc sont respectivement les résistances en traction et compression longitudinale et S12R la résistance de cisaillement plan. Le pli est considéré comme rompu dès que le critère de rupture f1 est supérieur à 1. L’enveloppe de rupture du critère Yamada-Sun dans le plan (11, 12) est représentée sur la Figure II-22.
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Table des matières
CHAPITRE I : INTRODUCTION GÉNÉRALE
I.1 CONTEXTE INDUSTRIEL 3
I.2 OBJECTIFS ET PLAN DE LA THÈSE
CHAPITRE II : ETAT DE L’ART SUR LA TENUE DE STRUCTURES SOUS CHARGEMENT HORS-PLAN
II.1 INTRODUCTION
II.2 MODELES POUR LA DESCRIPTION DU DELAMINAGE
II.2.1 Approches proposées pour la modélisation du délaminage
II.2.2 Présentation des critères de ruptures pour la rupture hors-plan
II.3 ESSAIS POUR CARACTERISER LES RESISTANCES HORS-PLAN 19
II.3.1 Caractérisation de la résistance de traction hors-plan Zt
II.3.2 Caractérisation de la résistance de compression hors-plan Zc
II.3.3 Caractérisation de la résistance de cisaillement hors-plan S13R
II.3.4 Essais multiaxiaux hors-plan
II.4 PRESENTATION DE L’APPROCHE GENERIQUE INDUSTRIELLE
II.4.1 Etape de calcul global
II.4.2 Etape de pré-dimensionnement
II.4.3 Dimensionnement
II.4.4 Identification des résistances hors-plan
II.5 AXES D’AMELIORATION POUR UNE APPROCHE DE TYPE INDUSTRIELLE
II.6 CONCLUSIONS
CHAPITRE III : PRESENTATION DE L’APPROCHE PROGRESSIVE DE LA RUPTURE 3D
III.1 INTRODUCTION 41
III.2 PRESENTATION DU COMPORTEMENT MESOSCOPIQUE
III.3 PRESENTATION DU CRITERE DE RUPTURE 3D DU PLI UNIDIRECTIONNEL
III.3.1 Rupture en mode fibre
III.3.2 Rupture en mode transverse
III.3.3 Rupture en mode hors-plan
III.4 PRESENTATION DU MODELE DE DEGRADATION PROGRESSIVE
III.5 PRESENTATION DU COUPLAGE PLAN/HORS-PLAN
III.6 CONCLUSIONS
CHAPITRE IV : IDENTIFICATION DE LA RESISTANCE DE TRACTION HORS-PLAN
IV.1 INTRODUCTION
IV.2 PRESENTATION DE L’ESSAI DE FLEXION QUATRE POINTS SUR CORNIERE
IV.3 PRESENTATION DE LA CAMPAGNE EXPERIMENTALE
IV.4 PRESENTATION DES METHODES D’ANALYSES
IV.4.1 Méthode d’analyse analytique
IV.4.2 Méthode d’analyse par simulation éléments finis
IV.5 EXPLOITATION DES DONNÉES EXPÉRIMENTALES
IV.5.1 Détermination de la résistance de traction hors-plan Zt
IV.6 INTERET DE L’ESSAI DE FLEXION QUATRE POINTS SUR CORNIERE
IV.6.1 Influence des propriétés élastiques sur la détermination de la résistance de traction hors-plan Zt
IV.6.2 Etude sur la stabilité de la propagation du délaminage
IV.6.3 Etude de l’influence des effets de bords sur la détermination de la résistance de traction hors-plan
IV.7 INFLUENCE DU PROCÉDÉ DE FABRICATION SUR LA DÉTERMINATION DE LA RÉSISTANCE DE TRACTION HORS-PLAN
IV.8 CONCLUSIONS
CHAPITRE V : IDENTIFICATION DES RESISTANCES DE CISAILLEMENT HORS-PLAN 111
V.1 INTRODUCTION
V.2 IDENTIFICATION DES RESISTANCES DES CISAILLEMENT HORS-PLAN S13 R ET S23
R SUR CORNIERE
V.2.1 Détermination de la configuration de l’essai alternatif
V.2.2 Présentation de la campagne expérimentale
V.2.3 Méthode d’analyse de l’essai
V.2.4 Exploitation des données expérimentales
V.2.5 Intérêts de l’essai de pliage sur cornières stratifiées
V.3 PRESENTATION DE L’ESSAI DE CISAILLEMENT INTERLAMINAIRE (CIL)
V.3.1 Principe de l’essai
V.3.2 Présentation de la campagne expérimentale
V.3.3 Présentation des méthodes d’analyses
V.3.4 Exploitation des données expérimentales
V.3.5 Intérêts et limitations de l’essai de cisaillement interlaminaire CIL
V.3.6 Influence du procédé de fabrication sur la détermination des résistances de cisaillement hors-plan
V.4 COMPARAISON DES RÉSULTATS D’ESSAIS DE CISAILLEMENT INTERLAMINAIRE SUR PLAQUES ET DE PLIAGE SUR CORNIÈRES
V.5 CONCLUSIONS
CHAPITRE VI : VALIDATION EXPERIMENTALE DU CRITERE DE RUPTURE HORS-PLAN
VI.1 INTRODUCTION
VI.2 DEFINITION DE LA CAMPAGNE D’ESSAIS POUR LA VALIDATION DU CRITERE DE RUPTURE HORS-PLAN
VI.2.1 Essai de validation classiquement utilisé dans l’industrie aéronautique
VI.2.2 Définitions des configurations d’essais alternatives
VI.3 PRESENTATION DE LA CAMPAGNE EXPERIMENTALE DE VALIDATION SUR CORNIERES STRATIFIEES
VI.4 METHODE D’ANALYSE DES ESSAIS DE VALIDATION SUR CORNIERES
VI.5 EXPLOITATION DES DONNEES EXPERIMENTALES
VI.5.1 Détection de l’endommagement intralaminaire avant rupture par délaminage
VI.5.2 Validation des simulations éléments finis par comparaison avec les mesures de déformations et de déplacement
VI.6 ANALYSE DES ESSAIS
VI.6.1 Analyse classique des essais de validation sur cornières
VI.6.2 Principe de la méthode d’analyse des essais
VI.6.3 Validation de l’enveloppe de rupture dans les plans (33,13) et (33,23)
VI.6.4 Validation du couplage entre le cisaillement hors-plan et la compression sens fibre
VI.7 CONCLUSION
CHAPITRE VII : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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