Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Les facteurs de création d’une politique publique sportive
L’intervention municipale pour dynamiser et développer le sport est d’abord rendue possible réglementairement par la non attribution de compétence sportive spécifique, puis par la volonté politique au sein de chaque collectivité. Dans l’exercice politique, plusieurs freins existent et perturbent les possibilités d’innover la politique publique mise en place.
La compétence des collectivités pour intervenir sur le sport
Les principaux textes relatifs à la décentralisation2 sont muets en ce qui concerne le rôle attribué aux collectivités locales dans le domaine du sport. Encore aujourd’hui, les récentes réformes de l’organisation administrative de la France (loi du 27 janvier 2014 sur la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – Loi MAPTAM – et loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République – Loi NOTRe -) n’ont toujours pas précisé explicitement le quelconque rôle d’une collectivité dans le domaine sportif.
A l’inverse, la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives précise dans son article premier que « le développement des activités physiques et sportives du sport de haut-niveau incombe à l’Etat et au mouvement sportif (…) avec le concours des collectivités locales des entreprises et de leurs institutions sociales (…). La promotion de la vie associative dans le domaine des activités physiques et sportives est favorisée par l’Etat et les personnes publiques ».
Ainsi, malgré le silence des textes fondamentaux redistribuant les compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées, le sport n’est a priori pas exclu des collectivités locales puisque la loi de 1984 l’affirme expressément. Les communes ont bien pris conscience de la nécessité d’une action dans ce domaine, et ont utilisé leur clause générale de compétence pour mettre en place des services conçus pour répondre à la demande sportive locale.
Cette clause générale de compétence a fait l’objet d’une première suppression par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, sauf pour les communes. Les départements et régions devaient alors disposer uniquement que de compétences exclusives. Cependant, cette interdiction visant le cumul des subventions ne devait pas s’appliquer au sport, au tourisme et à la culture. Si la clause générale de compétences sera réintroduite par la loi du 27 janvier 2014 de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (Loi MAPTAM), elle sera définitivement supprimée pour les régions et les départements sauf pour le sport, la culture et le tourisme par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTre) : « les compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et Impulser l’innovation d’une politique publique sportive territoriale d’éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier » (article 104).
Ainsi, chaque niveau de collectivités territoriales peut continuer à intervenir dans le domaine du sport comme il l’entend, selon ses volontés politiques propres.
Le processus de prise de décision au sein de la collectivité
L’article L. 100-2 du code du sport pose un principe de partage de la compétence sportive entre l’Etat, les collectivités territoriales et le mouvement sportif. Il s’agit par conséquent d’un principe général et non d’une mesure à caractère impératif. C’est donc la volonté politique qui permet de mettre en place une politique sportive, et selon ses orientations propres. Une commune pourrait d’ailleurs, si elle le souhaitait, ne pas mener du tout de politique sportive.
Ainsi, il appartient à l’assemblée délibérante de la commune, c’est-à-dire au conseil municipal, de définir le périmètre de son service public local des activités physiques et sportives ainsi que le niveau et le contenu de son intervention. Cette grande liberté laissée à l’initiative des élus explique notamment les disparités des politiques sportives sur le territoire français, que j’aurais pu constater au cours de mon stage sur la réalisation d’un benchmark des politiques sportives des collectivités territoriales des communes de 80 000 à 150 000 habitants. Pour une commune de même taille, les moyens consacrés au sport peuvent varier du simple au double.
Le rôle du conseil municipal et du maire ne sont donc pas à minimiser dans le processus de mise en place d’une politique sportive. Les questions sportives sont étudiées au sein des commissions municipales, conformément à l’article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales, qui stipule que « le conseil municipal peut former, au cours de chaque séance, des commissions chargées d’étudier les questions soumises au conseil soit par l’administration, soit par l’un de ses membres ». Ces commissions, exclusivement composées de conseillers, sont présidées par le maire mais c’est l’adjoint délégué au domaine discuté qui exerce généralement l’animation effective du groupe en qualité de vice-président. C’est un moment de débats, d’échanges mais aussi de choix : les décisions sont préparées et mises en forme pour être ultérieurement proposées au vote du conseil municipal. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, la composition de ces différentes commissions doit respecter le principe de la représentation proportionnelle pour permettre l’expression pluraliste des élus en charge de l’assemblée communale.
En dehors de ces commissions, le rôle du maire adjoint est également important. En effet, par le jeu de la délégation, le maire « peut, sous sa surveillance et sous sa responsabilité, déléguer une partie de ses fonctions à un ou plusieurs adjoints » (article L. 121-11 du code des communes). Le texte peut paraître ambigu car il suggère l’idée que le maire délègue ses pouvoirs tout en ne s’en dessaisissant pas réellement. On s’accorde à voir néanmoins dans ces dispositions du code des communes une délégation de signature, ce que la pratique municipale confirme. De sorte que l’adjoint au maire est investi d’une mission limitée car la délégation dont le maire le charge ne lui transmet pas un pouvoir de décision exclusif : le maire chargeant un adjoint des affaires sportives ne se décharge pas pour autant de ses prérogatives en la matière, conservant le droit d’évoquer les dossiers et de faire prévaloir ses vues et choix. Le maire se fait donc aider mais par remplacer. Cela est d’autant plus important que les actes de l’adjoint sont imputables au maire : c’est ce dernier qui est réputé avoir pris les décisions émanant de son adjoint « transparent ».
Plus précisément, pour ce qui est de l’adjoint délégué aux sports, sa création ne se justifie que si la commune a une certaine importance géographique et si les questions sportives font l’objet d’une attention particulière de la part de la municipalité. Le plus souvent, le sport fera partie des attributions d’un adjoint chargé d’autres délégations : les affaires culturelles, la vie associative, la jeunesse ou encore le tourisme… Des formules différentes sont fréquemment rencontrées. A Caen, ville au sein de laquelle j’ai effectué mon stage, Aristide Olivier est actuellement le 8ème adjoint de Joël Bruneau, Maire de Caen, en charge de « la jeunesse, des sports et de la vie étudiante ».
Afin de se faire aider dans sa prise de décision politique, mais également de faire fonctionner la politique sportive de la collectivité, l’élu politique s’appuie sur un service administratif, qui sera présenté dans la seconde partie du mémoire. L’élu politique est toutefois le représentant des citoyens, il a donc la légitimité politique de la prise de décision, tandis que le service administratif dispose de la légitimité d’expertise pour mettre en place les décisions des élus.
Le plus souvent, la volonté politique est d’ancrer son mandat dans une orientation définie, parfois inverse du précédent mandat. La tentation politique de l’innovation est donc forte, afin de donner une coloration politique forte et mémorable aux yeux de tous. Quoi de plus remarquable pour les administrés que du changement, qu’il soit perçu positivement ou négativement. Cette tentation de l’innovation est toutefois confrontée à quelques contraintes.
La difficulté du changement politique et le poids de la continuité administrative
Les freins individuels & psychologiques
Comme dans toutes structures professionnelles, de nombreux freins existent quant au changement. Cette résistance au changement a tout d’abord des aspects psychologiques inhérents aux acteurs eux-mêmes, qui peuvent être transposés à tout acteur dans une structure professionnelle, qu’elle soit publique, privée ou encore associative.
Le changement est en effet parfois vécu difficilement au niveau de chaque individu. Chacun, à son niveau, identifie plus facilement les pertes que les gains face à un changement. Les bénéfices sont en effet davantage identifiables au niveau de l’efficacité globale qu’au niveau personnel pour chaque agent, une résistance inhérente à chacun existe donc.
Les différents facteurs psychologiques de résistance sont multiples : ils proviennent de la peur de l’inconnu de chacun, préférant une situation de stabilité confortable plutôt que de faire face à l’incertitude du lendemain. Derrière une façade d’adhésion au projet, le changement inquiète l’ensemble des collaborateurs et les managers eux-mêmes. Il peut générer des phénomènes d’incompréhension, voire de rejet car le poids des habitudes et des routines est fort.
Par ailleurs, le changement bouleverse le quotidien professionnel de chacun, une certaine crainte existe donc dans l’imaginaire sur la perte de l’avantage de ses acquis : si certains individus font preuve d’ambition professionnelle et se satisfont d’un poste qui évolue et dans lequel ils peuvent s’épanouir professionnellement en touchant de nouvelles missions, d’autres individus expriment une peur du changement provenant du fait de ne pas se sentir à la hauteur des nouvelles missions, de la nécessité d’apprentissage des nouvelles tâches, et peuvent craindre une remise en cause de certaines de leurs compétences professionnelles. Leurs activités peuvent désormais relever d’autres personnes que leurs managers directs, ils peuvent être sollicités directement par des interlocuteurs d’autres directions ou d’autres services, source éventuelle de stress.
En bref, l’individu éprouve en lui-même une certaine résistance au bouleversement de sa routine professionnelle. Le changement fait peur car le collaborateur ne souhaite pas changer ses habitudes, il peut avoir peur de ne pas se sentir à la hauteur, de perdre une situation qu’il a mis du temps à acquérir ou encore avoir peur de perdre son confort au quotidien. « Ce n’est pas le changement qui fait peur aux gens, mais l’idée qu’ils s’en font » Sénèque
Le frein politique : la peur de l’échéance électorale
L’innovation implique de prendre des risques, de vivre davantage d’incertitudes entre la réalité connue et les conséquences qui ne sont pas connues à l’avance. Le risque de l’innovation pour les élus politiques en place peut donc être fort, celui-ci pouvant être sanctionné électoralement (même si toutefois l’inaction pourra également être sanctionnée). La tentation politique pourrait être de promouvoir du changement tout en restant dans l’héritage d’un fonctionnement reconnu et auquel adhèrent les administrés (en fait les citoyens en âge de voter), et d’ainsi jouer sur le double tableau du tâtonnement de l’innovation et de la continuité politique.
Le sport, comme toute politique publique, entre dans une démarche politique même si son aspect de loisirs lui donne un aspect politique secondaire dans les discours, contrairement à d’autres politiques publiques beaucoup plus sensibles comme les politiques de l’emploi, du logement, de l’environnement ou encore de la culture. Pourtant, le sport semble bien être un outil politique : tous les programmes électoraux consacrent quelques lignes au sport au sein de la collectivité. Pour les sortants, ces lignes présentent généralement le bilan de la politique sportive. Les opposants, quant à eux, après avoir critiqué le bilan, proposent un programme qui en fait bien souvent diffère que très peu de celui du sortant. Certes, l’équipement à construire n’est pas forcément le même (et même bien souvent utilisé comme marqueur de différenciation politique), les animations varient également, mais force est de constater qu’établir une distinction politique concernant le sport n’est pas aisé pour les administrés.
La question du mandat électoral peut également être invoquée : comment promouvoir un changement global lorsque le décideur, qui est l’élu politique, ne peut être en poste que pour 6 années seulement, et que l’héritier peut désirer s’inscrire dans aucune continuité politique avec le programme mis en place.
Les freins inhérents à la fonction publique
Au-delà des freins inhérents à toute structure professionnelle, il est légitime de penser que le fonctionnement particulier de la fonction publique représente également des freins propres au changement.
Tout d’abord, il est nécessaire d’aborder la question du statut de la fonction publique et des fonctionnaires. Il n’est toutefois ici absolument pas l’objet de rentrer dans des considérations qui prennent rapidement une dimension politique, très actuelle qui plus est. La question soulevée n’est en effet pas de savoir si le statut des fonctionnaires demande une réforme, mais plutôt de s’interroger sur la place que représente ce statut dans les possibilités d’innovation de la fonction publique. La question se pose particulièrement du fait qu’elle concerne un nombre significatif de salariés en France puisqu’à la fin de l’année 2013, le pays comptait 5,6 millions d’agents publics au total, ce qui représente 21 % de l’emploi total en France. Les fonctionnaires, titulaires de leur statut à vie, représente une contrainte en ressources humaines pour toute volonté de changement ou d’innovation : l’innovation doit se faire avec les ressources humaines en place, qui ne peuvent diminuer volontairement (sauf en décidant de ne pas remplacer le départ d’un agent). Ressources humaines et possibilités d’innovation sont en effet intimement liées puisque l’innovation est une question de personne.
A l’inverse, les contraintes budgétaires accentuent les difficultés en gestion des ressources humaines et sont également un frein à l’innovation : comment pouvoir en partie chercher à innover pour être plus performant sans pouvoir être budgétairement en mesure d’embaucher du personnel qualifié et compétent pour l’innovation ? La collectivité, comme toute structure, a besoin de personnels compétents pour ses missions de quotidien, mais a également besoin de « sang neuf » afin d’apporter des idées nouvelles, et de contribuer à la modernisation de la structure en partie. Le statut ne permettant que peu de souplesse sur la création d’un poste, le turn-over professionnel est faible et contraint les champs d’innovation.
Problématisation du rapport
Comme il a été démontré, l’enjeu du développement d’une politique sportive est essentiel pour les collectivités territoriales. Toutefois, le poids de la continuité administrative comme la difficulté du changement politique représentent une tentation pour l’immobilisme : pourquoi innover et ainsi bouleverser une situation qui, a priori, fonctionne et ne suscite pas de mécontentements particuliers ou forts auprès des administrés ?
Le rapport de ce stage tentera donc de montrer pourquoi, au même titre que dans une autre branche d’activité, ou dans le secteur privé, l’enjeu d’innovation est pourtant essentiel dans l’impulsion et le fonctionnement des politiques publiques sportives territoriales actuelles.
Riche des diverses missions de mon stage, mais également de l’aperçu du métier de Directeur des sports que j’ai pu avoir grâce à mon rôle en appui de M. Salomon sur certains dossiers spécifiques, le mémoire va chercher à mettre en lumière cette nécessité d’innovation pour un Directeur des Sports afin d’impulser une politique publique sportive cohérente. Ce mémoire présentera par conséquent dans un premier temps la structure d’accueil et le cadre du stage, pour dans un second temps s’intéresser aux raisons de la nécessité d’innover sa politique sportive territoriale. Enfin, le dernier temps de l’étude s’attachera à observer les démarches permettant l’innovation.
Ce mémoire est le fruit de la réalisation de mes différentes missions de stage, de mes observations professionnelles de terrain, de mes lectures académiques, mais également de mes réflexions personnelles guidées par mes nombreuses discussions avec M. Salomon quant à sa fonction et son rôle de manager public. La question de l’innovation publique correspond au fil directeur des différents contours de mes 6 mois de stages.
Caen : d’une collectivité territoriale à une ville sportive et dynamique
Afin de présenter le cadre de réalisation de mon stage, il convient tout d’abord de rappeler que la ville de Caen est une collectivité territoriale, au sein de laquelle une dimension politique existe, et coexiste au côté de la dimension administrative de la collectivité. Caen est une ville dynamique et sportive, avec une récente réorientation des priorités politiques sportives.
Une collectivité territoriale…
Dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 72 de la Constitution française énonce que les collectivités territoriales de la Républiques sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier ainsi que les collectivités d’outre-mer. En tant que commune, la ville de Caen est donc une collectivité territoriale.
Une collectivité territoriale est une structure administrative, distincte de l’administration de l’État, qui a en charge les intérêts des habitants d’un territoire donné. Une collectivité territoriale est définie par trois critères :
• Elle est dotée de la personnalité morale, ce qui lui permet d’agir en justice ;
• Elle bénéficie de la libre administration et de compétences propres, ainsi que d’un budget et de son propre personnel. Cependant, contrairement à un Etat, elle ne détient pas de souveraineté et ne peut donc, de sa propre initiative, se doter de nouvelles compétences ;
• Elle dispose d’une assemblée délibérant élue au suffrage universel direct (le conseil municipal pour les communes).
La réforme constitutionnelle de 2003 et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n’ont pas modifié les principes régissant le fonctionnement des collectivités territoriales mais opéré un certain nombre de transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités (en fait surtout aux régions et départements). Cet acte II de la décentralisation, renforçant le rôle et l’indépendance des collectivités, confirme l’article 72 de la constitution qui énonce que « les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils d’élus ».
Comme toute commune, la commune de Caen est donc gérée par son conseil municipal et par son maire. Si le conseil municipal est élu au suffrage universel direct, le maire est quant à lui élu indirectement par et parmi le conseil municipal. Le Maire de Caen est actuellement Joël Bruneau, élu le 5 avril 2014 pour un mandat de 6 ans.
Comme évoqué dans le chapitre introductif, l’impulsion des politiques publiques a donc un caractère politique fort. L’administration de la collectivité se partage toutefois entre les élus politiques, et les cadres administratifs en place.
… Au sein de laquelle se partage pouvoir politique et services administratifs
Le maire, et par délégation son adjoint au sport, sont donc les responsables de la politique sportive de la collectivité, mais également de l’organisation administrative du sport. Il convient en effet tout d’abord de rappeler que le chef de l’exécutif d’une collectivité est le chef de l’administration. Au sein d’une commune, le maire est par conséquent le supérieur hiérarchique des agents territoriaux et dispose d’un pouvoir d’organisation des services.
Le maire et l’adjoint entretiennent donc un rapport hiérarchique avec les chefs de services administratifs. Le lien entre le politique et l’administratif s’efface par conséquent dans les rapports entre l’élu au sport et le directeur des sports selon les relations que les deux entretiennent. Patrick Bayeux décrit les rapports entre élus et chefs de services dans le fonctionnement des collectivités selon quatre principes3 :
• le principe de l’influence : les élus interviennent alors sur la stratégie et la politique, les fonctionnaires gérant la tactique ;
• le principe de la distance : les élus se cantonnent uniquement au management politique, les fonctionnaires étant responsables autonomes des objectifs, moyens et des dimensions tactiques ;
• le principe de la négociation : concertation entre les élus et les fonctionnaires sur la stratégie ;
• le principe de l’interférence : l’élu intervient à tous les niveaux de décision, provoquant un fonctionnement qui génère de nombreux effets pervers.
Si ces quatre principe restent théoriques, force est de constater que dans la pratique le fonctionnement est souple et dépend le plus souvent des dossiers, et de leur dimension politique éventuelle. Plus le dossier détient une dimension politique, plus l’influence et l’intervention de l’élu dans l’administratif autour de ce dossier sera forte.
La question du processus de décision au sein de la Direction des Sports et de l’Evénementiel est donc importante, puisque j’ai pu, à travers mon stage en appui sur certains dossiers du Directeur, percevoir dans le quotidien de certaines de ses missions l’enjeu important de certains dossiers qui se trouvent à la limite de la gestion administrative et de la gestion politique (notamment mes missions autour des questions du sport de haut-niveau, demandant régulièrement des arbitrages politiques de l’élu). Le Directeur des Sports détient par conséquent une place au croisement entre le personnel politique (l’élu délégué aux sports) et le personnel administratif de la collectivité (dont il fait partie en tant que responsable). Responsable politique et responsable administratif détiennent alors des responsabilités et une obligation de travailler ensemble pour mener à bien la politique sportive, mais les deux n’ont toutefois pas la même légitimité dans leurs actions : le maire adjoint délégué au sport est un élu politique qui tient sa légitimité de son élection par les administrés de la collectivité selon un programme politique, tandis que le directeur est un fonctionnaire territorial placé à ce poste pour ses compétences professionnelles à administrer sa direction.
Selon les organisations, la répartition des rôles entre l’administration et le politique dépend du degré d’ingérence du politique dans la gestion quotidienne. Les bonnes décisions peuvent être prises conjointement, mais l’élu, sur qui repose la politique publique, doit pouvoir s’appuyer sur le directeur pour réussir son action publique, dans une relation qui nécessite alors de la confiance.
Le Directeur des Sports doit donc être un cadre disponible, sachant répartir son temps entre la gestion et le management de ses équipes, la gestion administrative courante et l’organisation de sa direction, ainsi que ses nombreux temps d’échanges avec son élu. La difficulté principale pour le directeur des sports est de s’organiser en fonction des objectifs déterminés par les élus. En effet, il existe une ambiguïté dans les objectifs, entre ceux fixés par un programme généralement de campagne et ceux en lien avec l’activité au quotidien. C’est donc au Directeur de savoir s’organiser et prioriser les objectifs de sa direction sans devenir simples prescripteurs d’actions politiques. Sur la question de l’innovation, cette distinction entre le rôle du politique et de l’administratif est bien à mettre en lumière, puisque le politique et l’administratif s’appuient sur eux-mêmes afin de pouvoir innover : une innovation à dimension uniquement administrative n’est pas possible car demande un arbitrage politique, mais une innovation à dimension uniquement politique sans l’expertise administrative en place a de gros risques de perturber un fonctionnement et d’avoir finalement des effets contre-productifs.
Présentation de l’offre sportive caennaise
Caen est une commune d’environ 107 000 habitants intramuros, appartenant à une aire urbaine peuplé de 405 000 habitants. La ville est la première commune du Calvados, et la 3e commune de la Normandie unifiée. L’aire urbaine de Caen occupe le 21e rang national, c’est donc une commune d’envergure nationale.
La ville appartient à la communauté d’agglomération de Caen la Mer, regroupant 35 communes (et 236 000 habitants), mais qui disparaîtra au 1er janvier 2017 pour devenir une communauté urbaine d’environ 256 000 habitants. Une partie de la politique sportive sur le territoire est menée par la communauté d’agglomération Caen la Mer, qui dispose, parmi ses compétences, de la création, la gestion et l’entretien d’équipements sportifs. A ce titre, la communauté d’agglomération est gestionnaire de 4 piscines publiques (dont 3 sur le territoire caennais : le Stade Nautique Eugene Maes, la piscine du Chemin-Vert et la piscine de la Grâce de Dieu) ainsi que de la patinoire.
Le sport du haut-niveau est particulièrement bien représenté à Caen, puis la ville dispose d’une équipe de football et de tennis de table jouant au plus haut niveau national (le Stade Malherbe de Caen en Ligue 1 et le Caen Tennis de Table en Pro A), une équipe de handball et de hockey sur glace évoluant au deuxième plus haut niveau (le Caen Handball en Pro-Ligue et le Caen Hockey Club en division 1), une équipe de basket au troisième niveau (le Caen Basket Calvados en national 1), ainsi qu’un club de rugby féminin évoluant au plus haut niveau (Ovalie Caennaise en Top 8).
Plusieurs grands événements sont organisés sur le territoire de la ville. Si les Jeux Equestres Mondiaux, événement international, a animé l’année sportive 2014, la ville est le lieu d’organisation de plusieurs événements sportifs récurrents et d’ampleur national : l’Open de tennis, le BMX indoor ou encore les Courants de la Liberté.
Mon travail de benchmarking, qui sera évoqué plus en détail par la suite, a renforcé l’image de ville sportive et dynamique, puisque la place du sport au sein de la ville de Caen est représentative et peut être mise en avant par rapport à d’autres collectivités de taille comparable sur notre territoire.
Les grandes orientations de la politique sportive caennaise
Caen souhaite valoriser son attractivité et son dynamisme à travers sa politique sportive. Le sport doit en effet pouvoir contribuer à la dynamisation économique et associative du territoire, tout en renforçant le caractère identitaire de ville « verte et bleue ». En outre, la ville souhaite favoriser l’accessibilité du sport pour tous les publics sur l’ensemble de son territoire afin de véhiculer des valeurs éducatives et sociales.
Par remplir ces objectifs généraux, la politique sportive de la ville de Caen, pour le mandat actuel, s’appuie sur quatre axes stratégiques : la modernisation du parc d’équipements sportifs et l’optimisation de sa gestion, le développement de l’attractivité de la ville par une stratégie événementielle et de communication renforcée, le développement de l’animation municipale et le renforcement du partenariat associatif.
La volonté de modernisation du parc d’équipements sportifs et l’optimisation de sa gestion
Caen disposant d’un patrimoine sportif vieillissant, un programme global d’investissement conséquent a été acté par les élus afin de proposer des nouveaux équipements qui répondent aux nouvelles attentes en terme de salles spécifiques et de rénover les équipements sportifs existants. Ainsi, une hausse de 27% du budget a été dédiée aux restructurations d’équipements (soit 1,1 million d’euros en 2014 et 1,7 millions d’euros en 2015). Ce budget doit également permettre de valoriser la dimension « verte et bleue » du territoire par des équipements « sport et nature ».
La mise en place d’une stratégie événementielle et de communication renforcée pour développer l’attractivité
Caen est classé 5ème ville française pour ses espaces verts, et doit donc définir une stratégie événementielle basée sur les forces de la ville. L’objectif est de placer les événements sportifs de « nature » au centre de la politique de valorisation de la ville, tout en étant connectés aux animations de proximité proposées par les éducateurs sportifs. C’est pourquoi la ville souhaite accompagner les organisateurs « outdoor » à développer des manifestations durables et faire de Caen une ville à la pointe dans ce secteur.
Le développement de l’animation sportive municipale
La demande de la société en termes d’activités sportives et de loisirs ayant fortement évolué durant ces vingt dernières années, la direction des sports doit ajuster et moderniser son programme d’animations en fonction de la demande. Les activités sportives doivent être complémentaires et en cohérence avec celles portées par les clubs et doivent s’adresser à un large public. La ville souhaite faire du sport un véritable outil d’éducation, d’apprentissages et d’épanouissement en direction des jeunes mais également des seniors et des personnes vulnérables. De plus, une des orientations fortes de la ville est le souhait de développer et structurer l’offre d’activités physiques et sportives sur le volet santé, mais également de redéfinir la politique scolaire et périscolaire, ainsi que la politique sportive municipale avec un accent particulier sur les quartiers prioritaires.
Le renforcement du partenariat associatif
Il existe plus de 215 associations sportives à Caen, regroupant plus de 30 000 pratiquants licenciés. Les associations sportives représentant le partenaire privilégié de la direction des sports et de l’événementiel, une volonté forte existe afin de renforcer la qualité des liens, condition indispensable à la réussite des projets sportifs. Ces liens doivent permettre de développer le partenariat entre le sport professionnel, les associations amateurs et l’animation sportive, afin de soutenir le sport de haut-niveau et d’accompagner les associations sportives dans leur organisation, leur structuration et la réalisation de leurs projets associatifs et sportifs.
La Direction des Sports et de l’Evénementiel
Une structure administrative repensée
Une direction municipale pour administrer le sport
La structuration progressive des politiques sportives municipales découle en partie de la création de services municipaux des sports. Une étude réalisée en 19974 démontre que l’existence d’une telle structure était déjà quasi systématique dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Cela témoigne non seulement de l’enjeu que peut représenter le sport pour ces collectivités, mais également de la volonté d’assumer son organisation et sa gestion de manière rationnelle et par des professionnels de la gestion et de l’administration des activités physiques et sportives.
Chaque collectivité construit comme elle l’entend l’organigramme de son service des sports. Pour Patrick Bayeux, « elle le construit en fonction de sa taille, des choix quant aux modes de gestion, des missions dévolues au service des sports, des prestations mises en œuvre ».
La Direction des Sports et de l’Evénementiel de la ville de Caen se situe rue des blanchisseries, elle est donc une direction délocalisée de la mairie. Jean-François Salomon en est le directeur depuis 2014.
L’organisation de la Direction des Sports jusqu’au 1er janvier 2016
Jusqu’au 1er janvier 2016, la Direction des Sports était organisée en deux services :
• Un service opérationnel, « la vie sportive », chargé de la mise en œuvre de la politique sportive (besoins sportifs, gestion des équipements, relation avec les clubs) ;
• Un service fonctionnel, le « service ressources », chargé de la gestion des moyens financiers et humains de la direction.
Le service de la vie sportive établissait une division de la ville en 4 secteurs (le pôle nord-ouest, le pôle nord-est, le pôle rive droite et le pôle centre-sud-ouest), chacun dirigé par un coordinateur sportif appuyé par un assistant, une secrétaire, plusieurs éducateurs, un responsable d’installations sportives et par plusieurs agents d’installations sportives.
|
Table des matières
REMERCIEMENTS
PREFACE
CHAPITRE INTRODUCTIF ET PROBLEMATISATION DU SUJET
I. La municipalisation des politiques sportives
A. Naissance et renforcement de l’intervention sportive des communes
B. La mise en œuvre de politiques sportives communales : un service public facultatif maisactuellement indispensable
II. Les facteurs de création d’une politique publique sportive
A. La compétence des collectivités pour intervenir sur le sport
B. Le processus de prise de décision au sein de la collectivité
C. La difficulté du changement politique et le poids de la continuité administrative
III. Problématisation du rapport
CHAPITRE 1 : PRESENTATION DE LA STRUCTURE D’ACCUEIL DU STAGE
I. Caen : d’une collectivité territoriale à une ville sportive et dynamique
A. Une collectivité territoriale…
B. … Au sein de laquelle se partage pouvoir politique et services administratifs
C. Présentation de l’offre sportive caennaise
D. Les grandes orientations de la politique sportive caennaise
II. La Direction des Sports et de l’Evénementiel
A. Une structure administrative repensée
B. Focus sur les moyens de la Direction
III. Les différentes missions du stage
CHAPITRE 2 : POURQUOI VOULOIR INNOVER SA POLITIQUE SPORTIVE TERRITORIALE ?
I. L’innovation : travail de contextualisation
A. Qu’est-ce que l’innovation ?
B. Innovation et volonté de moderniser l’action publique
II. S’adapter aux transformations du sport et de la société
A. L’évolution de la pratique sportive
B. L’engagement associatif et bénévole bouleversé
C. Le développement de l’offre marchande pour répondre à une diversité de sportifs
D. Quel service public sportif proposer ?
III. Les enjeux de l’innovation pour le service public
A. L’exigence d’adaptabilité du service public
B. La contrainte budgétaire
C. Le devoir de transparence de l’action publique
IV. La place de l’innovation dans l’élaboration d’une politique sportive
A. Le processus de construction d’une politique sportive
B. Les finalités de l’action publique sportive
C. La mutation profonde de l’engagement politique et la volonté de résultats à court-terme .39Impulser l’innovation d’une politique publique sportive territoriale
CHAPITRE 3 : LE PILOTAGE DE L’INNOVATION
I. Le rôle des différents acteurs
A. Les agents en interne
B. La place du manager
C. Les partenaires de la politique sportive
D. L’opportunité de création d’un OMS
II. L’observation extérieure
A. Benchmarking
B. Susciter la créativité
C. Mise en pratique : de l’observation extérieure à l’innovation sur l’offre d’animations sportives caennaise
III. Faire accepter le changement
A. L’innovation ne doit pas être une révolution permanente
B. La force du management dans la conduite du changement: faire des agents les acteurs de la réussite de l’innovation
C. La place de la communication interne et externe
CONCLUSION
APPORTS DU STAGE & PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet