PRESCRIPTION DE PRESERVATIFS REMBOURSES PAR LES MEDECINS GENERALISTES DE L’EURE

Epidémiologie

              En Octobre 2019, Santé Publique France publie un bulletin de santé publique intitulé « Découvertes de séropositivité VIH et diagnostics de sida – France, 2018 » (4). Ce bulletin révèle qu’en 2018, 6200 découvertes de séropositivités ont été déclarées, chiffre en légère diminution depuis 2017 (-7%, p=0,040). Parmi ces 6200 découvertes :
– 29% ont été diagnostiqué à un stade avancé (lymphocytes CD4<200/mm3 ou stade Sida).
– 40% des découvertes de séropositivité concernaient des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), 56% étaient hétérosexuels et 2% étaient des utilisateurs de drogues injectables (UDI). 56% concernaient des personnes nées à l’étranger, dont 66% étaient originaires d’un pays d’Afrique subsaharienne.
– Plus de la moitié (52%), des personnes ayant découvert leur séropositivité en 2018 n’avaient jamais été testées pour le VIH auparavant.
– 21% résultaient d’une sérologie réalisée à la demande du patient et 79% à l’initiative du professionnel de santé.
Le taux de positivité est très variable selon les régions, de 0,7 à 6,9 pour 1 000. Il est plus élevé dans les départements d’outre-mer (de 2,1 en Martinique à 6,9 en Guyane) et en Île de-France (3,3).

Prévention combinée

                  La politique de prévention en santé sexuelle s’articule autour du préservatif dans une logique de prévention combinée. (15) Le préservatif est utilisé comme outil de base. Du fait de son accessibilité, il est le moyen de prévention le plus répandu pour se protéger et protéger les autres du VIH et des IST. La prévention combinée (6) regroupe différents dispositifs de prévention des IST que sont :
– Les préservatifs (préservatif externe / masculin ; préservatif interne / féminin)
– Le Traitement Post Exposition au VIH (TPE) : traitement préventif du VIH délivré en urgence après un risque d’exposition au virus qui vise à réduire le risque de transmission. Ce traitement ne concerne que la transmission du VIH et non pas celle des autres IST.
– La Prophylaxie Pré-Exposition au VIH (PrEP) : traitement délivré en amont de la prise de risque sexuelle de transmission du VIH dans le but d’éviter la transmission du virus. Elle ne concerne que le VIH et pas les autres IST. Elle peut être prescrite selon deux schémas différents en fonction des besoins du patients et de sa demande (continu / discontinu).
– Le Treatment as Prevention (Traitement comme prévention / TasP) : qui permet, si le traitement pris pour le VIH est efficace et la charge virale plasmatique indétectable depuis au moins 6 mois, de réduire le risque de transmettre le virus à son partenaire.
– Le dépistage régulier du VIH et des autres IST : qui permet un dépistage et un traitement précoce des différentes IST, ainsi qu’une éducation ciblée à la santé sexuelle et aux différents moyens de prévention.
– La vaccination : contre le VHB et l’HPV.

Neisseria gonorrhoeae

Le dépistage peut être réalisé par différents tests en fonction des situations :
– La culture bactérienne : indiquée chez les patients symptomatiques (urétrite, cervicite ou anite). Elle est réalisée en 48h et permet l’obtention d’un antibiogramme. Elle est systématiquement couplée à un test d’amplification d’acides nucléiques (TAAN). Le prélèvement se fait chez l’homme sur 1er jet d’urines ou écouvillonnage urétral par autoprélèvement, chez la femme le prélèvement se fait par auto-prélèvement vaginal ou prélèvement endocervical.
– Les tests d’amplification d’acides nucléiques (TAAN) : indiqués chez les patients symptomatiques en association à la culture, et chez les patients asymptomatiques seuls. Selon les pratiques l’écouvillonnage pharyngé ou anal peut être pratiqué. (22) (23)

Les avantages du préservatif externe

– Il demeure le seul moyen de prévention qui protège du VIH et des autres IST.
– Il est accessible à tous, hommes et femmes, dans les relations hétérosexuelles ainsi que dans les relations entre hommes.
– Son efficacité théorique de protection contre les IST est bonne, même si son efficacité réelle diffère selon le type d’IST, les pratiques sexuelles (hétérosexuelles/ homosexuelles), et le type de rapports (vaginal/ anal).
– Il reste le pilier central de la prévention diversifiée.
– Il protège des grossesses non désirées.
– Il est facile d’utilisation, et dispose d’une bonne acceptabilité auprès du public.
– Son utilisation n’expose pas le patient à des effets indésirables secondaires en dehors du risque d’allergie au latex pour les préservatifs qui en contiennent.
– Il est facile d’accès et dispose d’un faible coût.
L’efficacité théorique en terme de protection contre les IST des préservatifs masculins (lorsqu’ils sont utilisés de manière correcte et systématique) varie selon les IST (30) :
– 70 % à 80 % pour le VIH
– 66 % pour le VHB
– 30 % pour la syphilis
– 70 % pour l’HPV
– 30 % pour l’Herpès génital
– 59 % pour le Ct
– 59 % pour les gonococcies
– 59 % pour le Trichomonas

Conditions de prescription

                 Après avoir interrogé les médecins sur l’adhésion qu’ils portaient au dispositif, ils ont été questionnés sur les conditions de prescription. Lorsqu’on s’intéresse aux conseils dispensés lors des prescriptions, une très grande majorité de médecins ne se cantonnait pas à la rédaction de l’ordonnance mais accompagnait les patients pour une bonne utilisation du préservatif. Par ailleurs, en grande majorité, les médecins répondants se disaient à l’aise lors de la dispense de conseils (28 sur 30). L’ordonnance de préservatif peut alors être une porte d’entrée à la prévention plus large en santé sexuelle auprès des patients. Notre étude s’est intéressée à la demande de prescription de préservatifs remboursés de la part des patients. Seule la moitié des prescripteurs avait reçu une demande spontanée de la part de patients (6). On peut supposer qu’une part des prescriptions résultaient d’une demande formulée par le patient et non d’une proposition du médecin dans une démarche active de prévention. Il serait alors intéressant de réaliser un travail en parallèle afin de déterminer les connaissances des patients sur ce dispositif de remboursement ainsi que leurs intérêts et freins à sa prescription en médecine générale. Ensuite, lorsque l’on s’intéressait aux motifs de consultation aboutissant à une prescription, quatre grands thèmes ont été abordés : la consultation de contraception, la présence de signes fonctionnels d’IST, la demande de dépistage et la consultation dédiée de prévention en santé sexuelle. La consultation dédiée en santé sexuelle en médecine générale implique que le médecin généraliste aborde avec le patient sa vie affective et sexuelle en dehors des motifs de recours qui l’abordent de façon implicite. Dans le chapitre précédent nous avions mis en exergue que l’abord de la sexualité du patient pouvait être un frein pour les médecins. Dans l’étude Baromètre santé 2009 (36) les MGs français étaient interrogés sur leurs pratiques de prévention en santé sexuelle et la place donnée à cette thématique au sein de la médecine générale. Lors de cette étude, 58,7% des médecins interrogés jugeaient que la vie affective et sexuelle faisait partie des thématiques les plus difficiles à aborder en médecine générale. D’autre part, la facilité à aborder chaque thème de prévention était significativement liée au fait que le médecin considérait la prévention sur ce thème comme faisant partie de son rôle(p<0,001). Ainsi, 28,8 % des médecins qui indiquaient que la prévention dans le domaine de la vie sexuelle relevait de leur rôle déclaraient qu’il était facile d’aborder la sexualité, versus 7,0 % de ceux qui estimaient que cela ne relevait pas de leur rôle. L’une des propositions qui pourrait être apportée pour améliorer la prévention en santé sexuelle serait de mener une campagne d’information auprès du corps médical le plus rétif pour informer les praticiens sur l’existence des structures dédiées de prévention en santé sexuelle. Faire d’avantage connaître les CeGIDD et leurs missions auprès de ce public permettrait de les identifier comme une trajectoire de soins possible et ainsi améliorer l’articulation ville/hôpital avec les acteurs de première ligne. Si l’on s’intéresse à l’étude du Baromètre santé 2009, on constate que 66,4% des médecins jugeaient que la prévention en médecine pouvait être réalisée par des médecins hospitaliers et 85,4 % étaient prêts à leur déléguer des tâches de prévention. La médecine générale et les CeGIDD s’inscrivent dans une politique de complémentarité de l’offre. Enfin la contraception demeurait le motif de prescription le plus souvent évoqué. La population la plus ciblée était les femmes en âge de procréer, probablement car celles-ci sont dans une démarche de prendre en charge leur santé sexuelle et reproductive. En ce sens, l’Observatoire Régional de Normandie publie un article sur la santé sexuelle en Normandie (40) et consacre un chapitre sur la prescription de préservatifs remboursés: 4055 prescriptions de préservatifs remboursés ont été recensées par l’ARS de Normandie dont 3814 de janvier 2019 à août 2019 à une majorité de femmes (87%). 42% de ces prescriptions étaient effectuées par des MGs, 30% par des gynécologues et 31% par des sages-femmes. 13% des prescriptions étaient réalisées auprès des hommes dont 86% étaient faites auprès des généralistes. La prescription de préservatif semble toucher principalement un public féminin dans le cadre de la prévention en santé sexuelle et reproductive avec une prescription effectuée par les MGs en majorité (42%) mais aussi par les gynécologues et sages-femmes. Le public masculin est moins représenté avec seulement 13% des prescriptions. Néanmoins, les prescriptions auprès des hommes sont en grande majorité réalisées par les généralistes. L’un des publics identifié comme public cible en matière de prévention des IST dans le plan santé sexuelle national demeure le public HSH (6) (public largement touché par le VIH et la syphilis). On peut supposer que les généralistes en tant que principaux prescripteurs de préservatifs auprès des hommes en Normandie ont un rôle clé à jouer auprès de ce public cible. En effet les autres prescripteurs que sont les gynécologues et les sages-femmes ne peuvent toucher ce public de par leurs fonctions. L’une des missions des CeGIDD pourrait être de travailler avec les généralistes pour améliorer la prévention auprès des publics cibles notamment auprès de la communauté HSH avec les spécificités de prévention que cela implique.

Population vulnérable / TROD en médecine générale

                 Les MGs de notre étude ont été interrogés sur l’utilisation du TROD au cours de consultation de médecine générale. Un seul médecin sur les 32 interrogés avait déjà réalisé un TROD au décours d’une consultation de médecine générale dans la structure « médecins du monde ». En grande majorité, les MGs jugeaient que la pratique du TROD n’était pas appropriée à la consultation en médecine générale mais le TROD était tout de même identifié comme un outil pertinent pour les publics vulnérables afin d’entrer dans le soin.

CONCLUSION

               Pour conclure, la connaissance et l’appropriation du dispositif de prescription de préservatifs remboursés par les MGs exerçant dans les zones d’influence des CeGIDD de l’Eure a été évaluée à un an de la mise en place du dispositif. Si les généralistes qui ont répondu semblaient avoir pris connaissance du dispositif de prescription, peu de prescriptions étaient réalisées à ce jour. Le taux de non-réponse suggère également que la mise en application du dispositif était probablement inférieure aux données récoltées. L’une des explications pourrait être la voie de diffusion de l’information de remboursement. La voie médiatique qui était privilégiée peut être discutée et laisse à penser que le manque d’information sur les conditions de mise en application et de remboursement du dispositif peut être un frein pour les MGs. Le taux de non-réponse suggère également qu’il existe encore des marges de progression sur la prévention en santé sexuelle d’une manière générale mais, tout particulièrement auprès des publics plus vulnérables au risque d’infection à VIH et des autres IST. La prévention en santé sexuelle reste un sujet qui semble difficile à aborder en consultation de médecine générale, et l’abord de la sexualité avec le patient reste complexe dans la pratique de la médecine générale. Le plan national de santé sexuelle 2017 – 2030 prévoit de renforcer la formation des MGs et de conforter leur place de premier recours en matière de dépistage et de prévention des IST et il semble important à ce jour que les CeGIDD s’investissent plus largement auprès des MGs en devenir et déjà installés. Les critiques qui ont pu être apportées au dispositif initial de remboursement portaient sur l’uniformité de l’offre. L’universalisation de l’offre calquée à l’offre commercialisée existante pourrait être l’une des propositions à envisager pour une meilleure adhésion au dispositif. Une autre proposition pourrait être la dispensation d’une offre gratuite chez les généralistes. Si l’on s’intéresse au dépistage des IST, le dépistage systématique comme proposé par la HAS en population générale en l’absence de facteurs de risques identifiés, n’était réalisé que par un tiers des médecins interrogés. L’identification des publics cibles, plus vulnérables au VIH et aux autres IST semblait être réalisée. Néanmoins les recommandations de dépistage des IST et les spécificités de dépistage de ces publics (HSH, public jeune 15-24 ans…) ne semblaient pas connues par les praticiens interrogés. Pour exemple, la sérologie hépatite A n’était quasiment jamais demandée pour les patients HSH et le dépistage des Ct n’était pas systématiquement proposé auprès des 15-24 ans. Pour accompagner les généralistes dans leur démarche de prévention, les CeGIDD principaux et leurs antennes pourraient être un lieu ressource identifié par les professionnels de santé. Les CeGIDD semblent avoir un rôle à jouer auprès des MGs, comme collaborateurs et promoteurs de la prévention en santé sexuelle. Un travail de proximité pourrait être mené par les CeGIDD dans l’Eure afin de mieux se faire connaître d’une part, et de proposer aux généralistes dans un second temps des formations sur les thématiques de prévention en santé sexuelle. Un format de « Quoi de neuf en santé sexuelle », ou la création de documents d’aide à la prescription pourraient leur être proposés. D’autre part, avec la création du service sanitaire, les étudiants médicaux et paramédicaux se voient proposer pendant leur cursus des projets de prévention au sein des équipes en place dans ces structures. Le plan national de santé sexuelle 2017 – 2030 appuie sur la nécessité de former d’avantage les généralistes à travers leur cursus étudiant puis au cours de leur pratique. L’ouverture des CeGIDD comme terrains de stages pour les internes permettrait de plus les sensibiliser à la prévention et à l’exercice de la médecine à travers la santé sexuelle et ses outils de prévention pendant leur cursus. Le préservatif s’inscrit aujourd’hui dans une politique de prévention combinée. Il demeure un outil indispensable qui garde toute sa place en termes de prévention des IST. Dans un avenir proche, avec l’arrivée de la prescription et du suivi de la PreP en médecine générale, l’articulation ville / hôpital à travers la structure du CeGIDD se doit d’être renforcée.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
1. Définitions
a. Santé sexuelle
b. Infections sexuellement transmissibles
2. Epidémiologie des IST
a. Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH)
b. IST bactériennes
c. Hépatites virales
d. Papillomavirus (HPV)
e. Herpès génital (HSV2)
f. Trichomonas
3. Prévention des IST
a. CeGIDD
b. Plan national
c. Prévention combinée
d. Dépistage
e. Vaccination
4. Médecins libéraux au cœur de la prévention en santé sexuelle
5. Focus préservatif
a. Petite Histoire du préservatif
b. L’utilisation du préservatif en France
c. Préservatif ses avantages et ses limites
d. Prescription du préservatif externe remboursé
6. Rationnel du travail et objectifs
II. METHODOLOGIE
1. Elaboration du questionnaire
2. Diffusion / Recueil
a. Périmètre de diffusion
b. Modalités de diffusion
3. Traitement des données
4. Aspects réglementaires
III. Résultats
1. Généralités 
2. Profil des médecins répondants
3. Dépistage des Infections sexuellement transmissibles
4. Focus préservatif
IV. DISCUSSION
1. Rationnel de l’étude
2. Population étudiée
3. Résultats discutés
a. La connaissance du dispositif de prescription et la mise en application
b. Conditions de prescription
c. Dépistage des IST
V. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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