Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle due à des parasites transmis à l’homme par des piqures de moustiques femelles infectés (OMS, 2018a). Il touche une centaine de pays dans le monde ; particulièrement les zones tropicales défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine (Pasteur, 2013). Au Sénégal, cette maladie demeure l’une des principales causes de morbidité et de mortalité. Elle est aussi responsable de conséquences économiques et de pauvreté (PNLP, 2013). Le paludisme peut être évité avec l’utilisation de méthodes préventives (médicaments de prévention, moustiquaires imprégnés d’insecticides et/ou produits anti-moustiques,…) et soigné grâce aux traitements disponibles (quinine, combinaisons thérapeutiques,…). Cependant, la situation socio-économique des pays d’endémie palustre couplée au développement de la résistance de certaines souches aux molécules thérapeutiques exigent la mise au point de nouveaux médicaments antipaludiques (Nassouri et al., 2015a). La médecine traditionnelle, utilisée depuis des millénaires par les populations, se révèle d’une grande utilité pour soigner des maladies (Sofowora, 1996). De plus, les antipaludiques les plus efficaces à l’heure actuelle (quinine et artémisinine) ont été extraits de plantes issues des pharmacopées péruvienne et chinoise. Ces plantes ont été utilisées depuis des siècles pour traiter le paludisme (Nassouri et al., 2015a). C’est dans ce contexte que se base notre travail qui consiste à contribuer au développement de nouveaux remèdes antipaludiques issus du règne végétal. Pour cela, nous avons préparé des extraits de feuilles de Detarium senegalensis à visée antiplasmodiale ; ceux-ci étant utilisés en médecine traditionnelle pour le traitement du paludisme. La caractérisation phytochimique des extraits a également été effectuée.
RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
LE PALUDISME
Définition
Le paludisme, encore appelé malaria, est une maladie parasitaire provoquée par un hématozoaire du genre Plasmodium, inoculé à l’homme par des piqures de moustiques (Leclercq, 2011).
Epidémiologique
Le paludisme sévit dans toute une ceinture de pauvreté du globe terrestre et demeure redoutable en zone tropicale et subtropicale (Stefanie, 2011). Au niveau mondial, près de la moitié de la population était exposée au risque de paludisme en 2015 et on estimait à 212 millions le nombre de cas dont 429.000 décès (OMS, 2017). En 2016, le paludisme avait touché 216 millions de personnes dans 91 pays : 4 millions de plus qu’en 2015. Il avait aussi provoqué 445.000 décès, chiffre comparable à celui de l’année précédente (LeMonde, 2018 ; OMS, 2018a). L’Afrique subsaharienne supporte une part disproportionnelle de la charge mondiale du paludisme. En 2016, 90% des cas de paludisme et 91% des décès dus à cette maladie sont survenus dans cette région (OMS, 2018a). En 2015, près de 200.000 cas de paludisme ont été notés au Sénégal contre 300.000 cas en 2014 avec une régression du nombre de décès de 250 à 102 entre 2013 et 2015 (Seneplus, 2015). En effet, les tests de diagnostic rapide (TDR) et les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) ont permis une prise en charge rapide et efficace ; et l’utilisation de moustiquaires imprégnés de même que le traitement préventif intermittent ont également permis de lutter efficacement contre le paludisme (Ndiaye, 2013).
La transmission
Le vecteur
Le vecteur est un moustique femelle appartenant à l’ordre des Diptères, au genre Anophèle, à la famille des Culicidae et à la sous-famille des Anophelinae. Plus de 450 espèces d’anophèles ont été à ce jour décrites mais seulement une soixantaine constitue les espèces vectrices responsables de la transmission du parasite à l’homme (Pasteur, 2017). Les parasites peuvent être transmis à l’homme de différentes manières :
✓ inoculation du parasite par l’anophèle femelle infestée (principale transmission),
✓ par barrière hémato-placentaire entre une mère et un enfant durant la grossesse,
✓ suite à une transfusion sanguine (Ndiaye, 2013).
L’essentiel des piqures de moustique ont lieu à partir du coucher du soleil avec un maximum d’activité entre 23h et 6h (Rodriguez et al., 2009).
Agents pathogènes
Il existe de très nombreuses espèces de Plasmodium (plus de 140) mais seulement 5 de ces espèces sont retrouvées en pathologies humaines. Il s’agit de Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malarea ou malaria et Plasmodium knowlesi (ANOFEL, 2014). Parmi ces 5 espèces, Plasmodium falciparum est l’agent causal des formes cliniques potentiellement mortelles du paludisme. C’est encore elle qui présente une résistance clinique à la plupart des antipaludiques disponibles sur le marché (Das et al., 2009). Au cours de son développement, l’agent pathogène peut se présenter sous différentes formes.
Cycle Biologique
Le cycle biologique de transmission du Plasmodium est un processus complexe nécessitant l’interaction entre l’hôte vertébré (homme = hôte intermédiaire) hébergeant la multiplication asexuée (schizogonie), le parasite, le moustique vecteur (hôte définitif) chez lequel se déroule la reproduction sexuée (sporogonie) et un environnent propice (Beavogui, 2010).
Le cycle asexué chez l’homme
L’anophèle femelle injecte à l’homme le parasite sous forme de sporozoites. Celui-ci migre rapidement via la circulation sanguine vers le foie. Il pénètre dans la cellule hépatique où il se divise très activement pour donner naissance en quelques jours à des dizaines de milliers de nouveaux parasites : les mérozoites (cette phase hépatique dure 6 à 10 jours). La cellule du foie éclate en libérant les parasites dans le sang. Ceux-ci pénètrent à l’intérieur des globules rouges et se multiplient. Lorsque ces derniers éclatent à leur tour, les mérozoites libérés dans la circulation sanguine infectent de nouveaux globules rouges (cycle érythrocytaire) (Pasteur, 2013).
Le cycle sexué chez l’anophèle
Après quelques cycles de réplication des mérozoites, des parasites sexués mâles et femelles (gamétocytes) sont formés à l’intérieur des globules rouges. Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il ingère ces gamétocytes qui se transforment en gamètes. Leur fécondation engendre un zygote, qui se différencie en oocyste dans le tube digestif du moustique. Les oocystes produisent des sporozoites qui migrent vers les glandes salivaires du moustique (Pasteur, 2013). Le sporozoite est la forme infectante prête à être inoculée avec la salive du moustique lors d’un prochain repas de sang sur un hôte vertébré. La durée du cycle de l’anophèle varie entre 10 et 40 jours en fonction de la température et de l’espèce plasmodiale (Diakhaté, 2005).
Les formes cliniques
L’expression et la gravité de la maladie dépendent du parasite (espèce plasmodiale, densité parasitaire) et de l’état de l’individu (prémunition) (Mouchet, 2004). Les manifestations cliniques du paludisme sont exclusivement liées à la schizogonie intra-érythrocytaire. Les principaux symptômes sont la fièvre, l’anémie et le subictère qui sont dus à l’éclatement des hématies et des rosaces avec libération du pigment malarique (Danis et Mouchet, 2006). Le tableau clinique peut évoluer de l’accès palustre au paludisme grave ou neuropaludisme en passant par différentes formes cliniques.
Accès palustre simple
Au cours des 2 à 3 jours précédents l’accès fébrile, le patient peut présenter des symptômes : fatigue, maux de tête, vertiges, nausées et vomissements. Dans les cas typiques, on observe la séquence : frissons intenses (1 à 2h) puis une fièvre de température corporelle élevée (40-41°C pendant 1 à 4h) suivie d’un stade de sueurs abondantes précédant la disparition de la fièvre (1 à 2h) (Ndiaye, 2013). Classiquement, on distingue :
– une fièvre tierce : survenant tous les deux jours et due à P. vivax, P. ovale (fièvre tierce bénigne) et P. falciparum (fièvre tierce maligne)
– une fièvre quarte : survenant tous les trois jours et due à P. malarae.
Dans le paludisme à P. falciparum, l’accès peut évoluer rapidement vers une complication grave en l’absence de traitement (Diakhaté, 2005).
Le neuropaludisme
Encore appelé accès pernicieux, le neuropaludisme est la forme la plus grave du paludisme. Il est dû à P. falciparum et affecte le cerveau. Au départ, les symptômes sont de simples tremblements, des délires et une fièvre très élevée. Des troubles neurologiques de types troubles de la conscience et convulsions peuvent survenir allant parfois même jusqu’au coma (Chavain, 2008). Cette encéphalopathie aigue fébrile grave résulte d’une intense multiplication des hématozoaires dans les capillaires intracérébraux. L’évolution se fait rapidement vers la mort en l’absence de traitement. Après traitement bien conduit, l’évolution peut se faire vers la guérison avec ou sans séquelles (Sall, 2006).
Le paludisme viscéral évolutif
Il survient en zone d’endémie, essentiellement chez les enfants. Forme subaiguë ou chronique du paludisme, la symptomatologie associée est le suivant : une anémie avec asthénie, anorexie, fièvre, retard staturopondéral,… (Gning Ndiaye, 2008).
Fièvre bilieuse hemoglobinurique
Cette fièvre résulte d’un accident de mécanisme immuno-allergique déclenchant une hémolyse vasculaire. C’est une complication actuellement rarissime survenant chez des sujets fragilisés et affaiblis vivants en zone d’endémie déjà infectés par P. falciparum et prenant irrégulièrement une prophylaxie et/ou un traitement antipaludique (quinine, amino-quinoleines) (Gning Ndiaye, 2008).
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
I. LE PALUDISME
I.1. Définition
I.2. Epidemiologique
I.3. La transmission
I.3.1. Le vecteur
I.3.2. Agents pathogènes
I.3.3. Cycle Biologique
I.4. Les formes cliniques
I.4.1. Accès palustre simple
I.4.2. Le neuropaludisme
I.4.3. Le paludisme viscéral évolutif
I.4.4. Fièvre bilieuse hemoglobinurique
I.4.5. Autres formes de paludisme
I.4.5.1. Le paludisme de la femme enceinte
I.4.5.2. Le paludisme de l’enfant
I.4.5.3. Le paludisme transfusionnel
I.5. Prophylaxie
I.5.1. Lutte anti-vectorielle
I.5.2. Protection de l’homme sain
I.5.3. Les vaccins
I.6. Les techniques de diagnostic
I.6.1. Goutte épaisse
I.6.2. Frottis mince
I.6.3. Tests de diagnostic rapide (TDR)
I.6.4. Autres techniques de diagnostic
I.7. Traitement
I.7.1. Traitement conventionnel
I.7.1.1. Les schizonticides
I.7.1.1.1. Molécules utilisées en monothérapie
I.7.1.1.2. Associations médicamenteuses
I.7.1.2. Les gametocytocides
I.7.2. Le traitement non conventionnel
II. PRESENTATION DE DETARIUM SENEGALENSIS
II.1. Historique
II.2. Description botanique
II.3. Distribution géographique
II.4. Nomenclatures
II.5. Composition chimique
II.6. Utilisations de Detarium Senegalensis
PARTIE II : TRAVAIL EXPERIMENTAL
I. OBJECTIF
I.1. Objectif général
I.2. Objectifs spécifiques
II. CADRE D’ETUDE
III. MATERIELS ET METHODES
III.1. Matériel végétal
III.2. Extraction
III.3. Dégraissage des extraits
III.4. Screening phytochimique
III.5. Dosage des polyphénols totaux
III.6. Mise en contact des extraits et du sang parasite
IV. RESULTATS
IV.1. Rendements et aspects des extraits
VI.2. Screening phytochimique
VI.2.2. Caracterisation des saponines
VI.2.3. Caractérisation des alcaloïdes
VI.2.4. Caractérisation des flavonoïdes
VI.2.5. Caractérisation des caroténoïdes
VI.2.6. Dosage des polyphénols totaux
VII. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES