PREPARATION D’EXOSOMES DE CELLULES DENDRITIQUES DE SOURIS

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Isolement des organites à partir d’un homogénat d’organe ou de cellules isolées 

La stratégie la plus couramment utilisée consiste à séparer les organites présents dans l’homogénat par des méthodes de centrifugation. Cette stratégie présente notamment l’avantage de permettre l’isolement de grandes quantités de matériel, parfois indispensables à certaines analyses par spectrométrie de masse. Les étapes de centrifugation, permettant la séparation des compartiments en fonction de leur taille et de leur densité, peuvent être remplacées ou suivies d’une étape d’immunopurification. Pour ce faire, la fraction contenant les organites à purifier est mise en contact avec des anticorps dirigés contre des protéines spécifiques de l’organite, les anticorps étant généralement fixés sur des billes ou sur une matrice de colonne de chromatographie.
Les compartiments de la voie endocytaire peuvent également être isolés grâce à des molécules ou des particules internalisées par la cellule. Par exemple, si la molécule endocytée est fluorescente, l’organite dans lequel elle aboutit (endosome ou lysosome en fonction du temps d’internalisation) pourra être isolé par cytométrie en flux (Bananis et al. 2004). Si la particule endocytée est de nature métallique, les compartiments de la voie endocytaire pourront être isolés par tri magnétique. Enfin, si la densité de la particule internalisée est très différente de celle de l’ensemble des organites intracellulaires, le compartiment dans lequel elle aboutit peut être isolé par gradient de densité. C’est en particulier cette dernière approche qu’a utilisée le groupe de Desjardins pour isoler des quantités importantes de phagosomes de cellules J774, après phagocytose de billes de latex (Garin et al. 2001).

Séparation des protéines de l’organite.

Avant l’analyse par spectrométrie de masse, les protéines contenues dans l’échantillon isolé peuvent être séparées par électrophorèse mono ou bi-dimensionnelle. Lors de l’électrophorèse mono-dimensionnelle, les protéines sont séparées en fonction de leur poids moléculaire, après avoir été solubilisées par le détergent ionique SDS (Sodium DodécylSulfate). Après migration, le gel est découpé en plusieurs bandes et les protéines qu’elles contiennent sont extraites et analysées séparément par spectrométrie de masse.
Lors d’une analyse bi-dimensionnelle, les protéines sont séparées, en première dimension, en fonction de leur point isoélectrique et, en deuxième dimension, en fonction de leur masse moléculaire (Klose and Kobalz 1995). Les protéines sont ensuite isolées sous forme de « spots », puis identifiées par séquençage d’Edman ou par spectrométrie de masse. L’inconvénient majeur de la séparation bi-dimensionnelle vient du fait que cette technique est peu compatible avec l’analyse des protéines membranaires (Luche et al. 2003).
Il est également possible de réaliser une analyse protéomique en faisant abstraction de toute étape de séparation des protéines par électrophorèse. L’ensemble des protéines d’un échantillon est alors digéré par la trypsine. Le mélange complexe de peptides ainsi obtenus est séparé par chromatographie liquide avant d’être analysé par spectrométrie de masse (McCormack et al. 1997, Aebersold and Mann 2003).

Identification des protéines.

Dans les années 1960, Edman met au point le premier procédé d’identification d’une protéine sur la base de sa séquence en acides aminés (Edman and Begg 1967). Il faut attendre la fin des années 90 et le développement d’outils de spectrométrie de masse adaptés à l’analyse des peptides pour pouvoir identifier de façon fiable les protéines présentes en faibles quantités (quelques fentomoles) dans des échantillons biologiques plus ou moins complexes.
La méthode analytique de choix (figure 6) consiste à coupler chromatographie liquide à faible débit (nanoLC) et spectrométrie de masse en mode tandem (MS/MS) (pour revue détaillée et comparaison des différentes analyses possibles par spectrométrie de masse, voir Domon and Aebersold 2006). Cette étape chromatographique permet à la fois de concentrer les peptides présents dans l’échantillon et de répartir dans le temps leur passage dans le spectromètre de masse. L’analyse des peptides est réalisée à l’aide d’un spectromètre de masse de type Quadrupole-ToF utilisé en mode tandem (MS/MS). Concrètement, le rapport masse sur charge de chaque peptide élué de la colonne de chromatographie est déterminé au niveau d’un premier analyseur ; le peptide est ensuite sélectionné afin d’être fragmenté par collision avant une seconde analyse MS. Les fragmentations étant générées au niveau des liaisons peptidiques, elles permettent la détermination complète ou partielle de la séquence en acides aminés du peptide par mesure d’écarts de masse entre les pics. Plus récemment, des logiciels ont été développés afin d’identifier les protéines présentes dans l’échantillon biologique de départ en comparant les spectres MS/MS expérimentaux produits par le spectromètre de masse avec les spectres MS/MS théoriques qui peuvent être déduits des séquences des peptides trypsiques présents dans les banques de données protéiques.
Comme nous le disions précédemment, l’identification, par spectrométrie de masse, des protéines contenues dans les différents compartiments intracellulaires, a permis de comprendre la dynamique et la fonction de ces compartiments. Par exemple, l’étude menée sur le phagosome par Garin et collaborateurs a permis d’identifier 140 protéines de ce compartiment des cellules J774, dont plusieurs étaient classiquement associées au réticulum endoplasmique (Garin et al. 2001). La découverte surprenante d’une telle concentration en protéines de ce compartiment a permis à l’équipe de Desjardins de proposer, un an plus tard, un modèle expliquant la formation de la membrane du phagosome via le recrutement du réticulum endoplasmique à la surface cellulaire, où il fusionne directement avec la membrane plasmique au niveau du bol phagocytaire (Gagnon et al. 2002). Par ailleurs, la découverte, dans la membrane du phagosome, de protéines du réticulum endoplasmique participant à la présentation antigénique sur les molécules CMH (Complexe Majeur d’Histocompatibilité) de classe I, a permis d’expliquer les mécanismes de présentation croisée des peptides antigéniques (Houde et al. 2003, Jutras and Desjardins 2005).

Protéomique du lysosome

Comme nous l’avons évoqué précédemment, le lysosome est un organite intracellulaire représentant le compartiment terminal de la voie endocytaire, où se produit la dégradation de différentes macromolécules. Ces processus dégradatifs sont assurés par une cinquantaine d’enzymes hydrolytiques solubles localisées en grande majorité dans le lumen de l’organite. Les substrats de ces enzymes leur parviennent par endocytose, phagocytose, ou autophagie. Le rôle clé des lysosomes dans le métabolisme cellulaire est notamment souligné par l’existence d’une quarantaine de maladies héréditaires, dites « lysosomales », affectant le catabolisme de lipides neutres, de phospholipides ou de glycolipides. Ces maladies, dont les origines moléculaires ne sont pas toujours parfaitement connues, se traduisent généralement par une accumulation de matériel non dégradé dans le lysosome (pour revue, voir Meikle et al. 1999).
La majeure partie des maladies lysosomales est attribuable à un défaut affectant les enzymes solubles. Ces protéines sont adressées au lysosome grâce à l’acquisition d’un sucre mannose-6-phosphate dans le réseau trans-Golgien (von Figura and Hasilik 1986). La fixation de ce sucre permet en effet la reconnaissance des enzymes lysosomales nouvellement synthétisées par deux types de récepteurs membranaires au mannose-6-phosphate (MPR), l’un étant dépendant, l’autre indépendant, de cations. Ces récepteurs lient les enzymes phosphorylées dans l’environnement neutre du réseau trans-Golgien, puis se déplacent vers un compartiment prélysosomal acide où la dissociation des récepteurs et de leurs ligands a lieu.
Une quantité non négligeable de maladies impliquant le lysosome sont dues à un défaut associé aux protéines présentes dans la membrane de l’organite, protéines pour lesquelles nous ne disposons que de maigres informations en comparaison aux données relatives aux protéines solubles du même compartiment. En effet, seules quelques pathologies comme la maladie de Danon affectant la protéine LAMP2 (Nishino et al. 2000), la maladie de Neimann-Pick C affectant NPC1 (Carstea et al. 1997), la cystinose pour laquelle la protéine cystinosin est défectueuse (Town et al. 1998) et la maladie de Salla affectant la sialin (Verheijen et al. 1999), ont à ce jour été attribuées à un défaut dans une protéine membranaire du lysosome.
Par ailleurs, il est classiquement admis aujourd’hui que le lysosome est impliqué dans un certain nombre de maladies ne se caractérisant pas par une accumulation de matériel non dégradé, comme la maladie d’Alzheimer (Pasternak et al. 2003), des maladies autoimmunes et la résistance à diverses maladies infectieuses. Le rôle joué par le lysosome dans ces pathologies est mal défini du fait de la méconnaissance des protéines de la membrane de cet organite, ou des protéines cytosoliques qui lui sont associées.
De nombreux travaux visant à mieux connaître le répertoire des protéines solubles et membranaires du lysosome se sont multipliés dans la littérature ces dernières années. Nous décrirons certains de ces travaux dans la partie qui suit.

Protéines solubles de lysosomes tissulaires

La purification des protéines solubles lysosomales est grandement facilitée par la présence du résidu mannose-6-phosphate. En effet, il est possible d’utiliser une forme soluble du récepteur spécifique de ce sucre (récepteur de boeuf au mannose-6-phosphate, indépendant des cations, CI-MPR) pour capturer les protéines mannose-6-phosphate présentes dans un échantillon (Hoflack et al. 1987). Cependant, dans la plupart des tissus, ce sucre est rapidement enlevé, par un mécanisme encore non élucidé, une fois que l’enzyme a atteint le compartiment lysosomal (Einstein and Gabel 1991, Steinberg et al. 1994). L’application d’une telle méthode de purification par affinité n’est donc applicable que dans certains cas particuliers, pour lesquels le mannose-6-phosphate est encore fixé aux enzymes lysosomales. C’est notamment le cas des hydrolases acides du cerveau, qui conservent leur « étiquette » mannose-6-phosphate jusque dans le lysosome (Jadot et al. 1999). Aussi, le groupe de Peter Lobel a appliqué au cerveau de rat et au cerveau humain (Sleat et al. 1996, Sleat et al. 1997b) la méthode mise au point quelques années auparavant par Hoflack et collaborateurs (Hoflack et al. 1987). En piégeant les protéines mannose-6-phosphate contenues dans le cerveau de rat, puis en les analysant par séquençage N-terminal, leurs travaux ont permis de confirmer l’abondance des protéines mannose-6-phosphate dans ce tissu et d’identifier la Palmitoyl-Protein-Thioesterase (PPT), impliquée dans la maladie lysosomale « céroïde-lipofuscinose neuronale infantile », comme protéine potentiellement lysosomale (Sleat et al. 1996). Dans leurs travaux sur le cerveau humain, ce même groupe a comparé en gel bi-dimensionnel le protéome mannose-6-phosphate du cerveau d’un patient atteint de la maladie « céroïde-lipofuscinose neuronale infantile » à celui d’un individu sain (Sleat et al. 1997b). Cette maladie se caractérise par l’accumulation de matériel autofluorescent au niveau de corps intra-cytoplasmiques dans différentes cellules de l’organisme, en particulier dans les neurones. En montrant que la protéine encodée par le gène CLN2 est absente de l’échantillon de protéines mannose-6-phosphate issues du cerveau du malade et en complétant ce travail par une analyse du gène codant pour cette protéine chez le patient et chez l’individu sain, Sleat et collaborateurs proposent que cette protéine soit à l’origine de la céroïde-lipofuscinose neuronale tardive. Cette hypothèse a par la suite été confirmée par d’autres groupes de recherche (Rawlings and Barrett 1999, Vines and Warburton 1999).
Plus récemment, l’équipe de Lobel a procédé à la complétion du protéome mannose-6-phosphate de cerveau humain grâce à l’utilisation de technologies de type « haut débit » (Sleat et al. 2005). Cette étude a permis l’identification de 54 protéines potentientiellement associées au lysosome, dont neuf n’avaient jamais été identifiées auparavant.
Les travaux que nous venons de détailler ont donc représenté les premières grandes analyses du protéome soluble du lysosome de cerveau. Nous avons vu comment ces analyses, menant à la découverte de nouvelles protéines, ont pu participer à l’augmentation des connaissances du lysosome et des maladies qui l’affectent. Par ailleurs, l’étude du protéome lysosomal soluble du cerveau est d’autant plus justifié que cet organe est généralement le plus affecté par les différentes maladies lysosomales. Cependant, la connaissance de ce compartiment, d’un point de vue fondamental, doit également passer par l’étude de son protéome soluble dans des organes autres que le cerveau. En effet, comme le soulignent Sleat et collaborateurs dans leur dernier article publié sur le protéome lysosomal soluble du cerveau (Sleat et al. 2005), « l’analyse complète du glycoprotéome issu de différentes sources (tissulaires ou cellulaires) est nécessaire à la constitution d’un catalogue des protéines lysosomales (solubles) ». Nous avons vu que la purification des protéines solubles des lysosomes du cerveau est grandement facilitée du fait de la conservation de l’étiquette mannose-6-phosphate sur les protéines issues de cette organe, même dans le lysosome (Jadot et al. 1999). Cependant, le cerveau n’est pas l’unique source potentielle d’hydrolases lysosomales phosphorylées. En effet, ces protéines sont également présentes dans l’urine et le plasma sanguin. Comme le proposent Sleat et collaborateurs (Sleat et al. 1997a), les hydrolases lysosomales mannose-6-phophate de l’urine proviennent probablement de l’épithélium longeant certains tubules rénaux. Ce groupe a purifié ces protéines à partir d’urine humaine, par chromatographie d’affinité, comme ils l’avaient précédemment fait à partir de cerveau. Le séquençage N-terminal de ces protéines a permis de montrer l’abondance, jusque là insoupçonnée, de l’alpha-glucosidase et la N-acétylglucosamine-6-sulfatase dans cet échantillon. Différents travaux ont montré qu’une partie des protéines lysosomales nouvellement synthétisées par des lignées cellulaires, bien que possédant un sucre mannose-6-phosphate, échappent à l’adressage au lysosome et sont sécrétées dans le milieu (Ludwig et al. 1994, Kasper et al. 1996). Un mécanisme similaire pourrait être à l’origine de la présence de protéines mannose-6-phosphate dans le plasma sanguin, comme le proposent Sleat et collaborateurs (Sleat et al. 2006). Ce groupe a isolé les protéines mannosylées du sérum humain par chromatographie d’affinité sur MPR immobilisé, puis a identifié ces protéines par LC-MS/MS. Leurs travaux ont notamment permis la découverte de neuf nouvelles protéines potentiellement lysosomales. Par ailleurs, cette étude constitue une première tentative d’utilisation des outils protéomiques pour le diagnostique de maladies lysosomales à partir de sérum.

Protéines solubles de lysosomes de lignées cellulaires

Dans l’ensemble des cellules de l’organisme, les protéines lysosomales solubles nouvellement synthétisées conservent leur étiquette mannose-6-phosphate dans les compartiments pré-lysosomaux. Un des moyens d’obtention d’une quantité suffisante de protéines phosphorylées consiste à provoquer l’accumulation de ces protéines mannose-6-phosphate en les empêchant d’atteindre le lysosome, où elles seraient immédiatement dé-phosphorylées. C’est ce qu’ont réalisé Journet et collaborateurs à partir de lignées cellulaires monocytaires ou de cancer du sein (Journet et al. 2000, Journet et al. 2002). Pour cela, ce groupe a provoqué la sécrétion, dans le milieu de culture, des protéines lysosomales nouvellement synthétisées, par incubation pendant 24 h dans un milieu contenant du NH4Cl. Cette substance est dite, comme la chloroquine, lysomotropique (base faible). Elle traverse, sous sa forme non chargée, les membranes biologiques et s’accumule dans les endosomes, perturbant leur acidification. Les protéines mannose-6-phosphate nouvellement synthétisées sont alors détournées de leur adressage au lysosome et sont sécrétées. Elles sont alors purifiées par chromatographie d’affinité et séparées par gel bi-dimensionnel. L’analyse par spectrométrie de masse des différents spots a mené à l’identification de 22 protéines, dont six de localisation inconnue.

Protéines de la membrane du lysosome

Contrairement aux protéines solubles, les protéines de la membrane du lysosome ne possèdent pas d’étiquettes particulières qui auraient pu permettre de les isoler à partir d’un homogénat cellulaire, par chromatographie d’affinité. Elles sont adressées au lysosome grâce à des motifs spécifiques inclus dans la séquence de leur queue cytoplasmique (pour revue, voir Bonifacino and Traub 2003). Aussi, la purification des protéines membranaires du lysosome passe nécessairement par l’isolement du granule dans sa totalité, dans des conditions qui permettent de conserver son intégrité. En effet, les lysosomes intacts peuvent être isolés des autres compartiments intracellulaires sur la base de leurs propriétés physiques ou biochimiques.
Les organites intracellulaires sont chargés négativement à pH physiologique, leur charge globale dépendant notamment de la composition de leur membrane. Cette propriété physique a permis d’envisager la séparation des différents compartiments intracellulaires d’une fraction complexe, par électrophorèse (Davenport 1964). Les travaux de Hannig, dans lesquels il décrit le premier appareil d’électrophorèse en phase fluide, ont permis d’adapter cette technique à la préparation d’une quantité importante d’organites intracellulaires (Hannig 1964). Les travaux de Stahn et collaborateurs montrent qu’il est ainsi possible d’obtenir une fraction enrichie en lysosomes d’un facteur 40 à 240 fois (selon l’enzyme lysosomale mesurée), à partir d’un homogénat de foie de rat, en combinant des techniques de centrifugation et d’électrophorèse en phase fluide (Stahn et al. 1970). Cependant, ce taux élevé d’enrichissement est atteint au détriment du rendement qui, lui, est relativement faible (4 %). Par ailleurs, le coût élevé et la complexité de l’équipement d’électrophorèse en phase fluide limitent son utilisation dans les laboratoires et incitent les chercheurs à avoir plutôt recours à des techniques de centrifugation, moins coûteuses et plus aisées, pour isoler les compartiments intracellulaires.
Les techniques de centrifugation permettent de séparer les organites, à partir d’un homogénat cellulaire, sur la base de leur taille et de leur densité. Les travaux du groupe de Christian de Duve ont notamment porté sur l’utilisation de ces techniques pour étudier les lysosomes de foie de rat (De Duve et al. 1955, Beaufay et al. 1959, Baudhuin et al. 1965). Pour obtenir un taux de purification satisfaisant des lysosomes par le biais de la centrifugation, il est indispensable d’exploiter l’ensemble des propriétés biochimiques qui permettent de distinguer ces organites des autres compartiments intracellulaires. En effet, la séparation des différents organites d’une fraction complexe dépend grandement du milieu et des conditions de centrifugation utilisées. Par exemple, comme le montrent les travaux de Wattiaux et collaborateurs (1978), si les lysosomes et les peroxysomes d’une fraction « mitochondriale totale » se superposent après centrifugation isopycnique dans un gradient continu de saccharose, ces organites sont mieux séparés dans un gradient continu de metrizamide ou de Nycodenz. Cependant, cette séparation n’est pas suffisante pour obtenir une préparation de lysosomes avec un taux d’enrichissement satisfaisant. Ces auteurs ont montré qu’en utilisant un gradient discontinu de metrizamide et en chargeant la fraction mitochondriale légère au fond du gradient, il était possible de séparer les lysosomes des mitochondries et d’obtenir des lysosomes avec un taux de purification très élevé (66 à 80 fois) et un rendement satisfaisant (10 à 12 %). Cette méthode a été utilisée par les groupes de Michel Jadot (FUNDP, Namur, Belgique) et Jérôme Garin (CEA, Grenoble, France) pour purifier des lysosomes de foie de rat, avant de procéder à l’identification, par spectrométrie de masse, des protéines membranaires de ce compartiment (Boonen et al. 2006 ; Boussac 2001).
Une autre méthode pour purifier les lysosomes consiste à modifier spécifiquement la densité de ces organites par injection de Triton WR-1339, in vivo, à l’animal. Comme le décrivent les travaux de Wattiaux et collaborateurs (Wattiaux et al. 1963), ce détergent non-ionique est endocyté par les cellules du foie, s’accumule dans le lysosome, en même temps qu’une quantité considérable de différents lipides. L’accumulation de ces molécules non dégradées dans le lysosome provoque une augmentation de la taille de cet organite, ainsi que la diminution drastique de sa densité. En gradient de saccharose, cela se traduit par le déplacement des lysosomes devenus des « tritosomes » vers le sommet du gradient, loin des mitochondries, peroxysomes et membranes plasmiques. Cette méthode a été appliquée par Trouet et collaborateurs afin d’obtenir une fraction de tritosomes enrichis 30 fois par rapport à l’homogénat, avec un rendement de l’ordre de 20 % (Trouet 1964). Cette technique présente l’avantage de provoquer la modification de la densité de l’ensemble des lysosomes du foie et ainsi d’éviter de ne sélectionner, au cours des étapes de purification, qu’une sous population de lysosomes. C’est aussi la technique qu’ont choisie Bagshaw et collaborateurs pour purifier des lysosomes de foie de rat dans le but d’étudier, par spectrométrie de masse, la composition protéique de leur membrane (Bagshaw et al. 2005). Leurs travaux ont permis d’identifier 215 protéines, dont seule une partie avait déjà été décrite comme associée au lysosome. Les autres protéines identifiées au cours de cette étude sont originaires du réticulum endoplasmique, du Golgi et de la membrane plasmique ou sont de nouvelles protéines dont la localisation subcellulaire demeure à ce jour inconnue. L’inconvénient majeur de la méthode de purification des lysosomes de foie par injection de Triton WR-1339 est qu’il mène à l’obtention d’organites « anormaux », car modifiés par le détergent. En effet, même si de nombreux travaux ont montré que ces organites conservent leur activité enzymatique (Leighton et al. 1968, Burnside and Schneider 1982, Pasternak et al. 2003) ainsi que leurs propriétés de fusion avec le phagosome (Wattiaux et al. 1996), nous ne pouvons totalement exclure que la composition de la membrane du lysosome puisse être affectée par le traitement au Triton WR-1339.

Les différentes cellules du foie

Le foie est composé de deux types de cellules : les cellules parenchymateuses et les cellules non-parenchymateuses. Les cellules parenchymateuses, ou hépatocytes, sont les cellules les plus importantes en nombre et en volume, puisqu’elles représentent 60 à 70 % des cellules et 70 à 80 % du volume du foie (Widmann et al. 1972, Blouin et al. 1977). Les cellules non parenchymateuses peuvent être classées en deux groupes : les cellules sinusoïdales et les cellules biliaires. Ces dernières, représentant moins de 1 % des cellules hépatiques, entourent le canal biliaire à sa sortie du lobule. Elles jouent un rôle capital dans la transformation de la bile (Arias et al. 1982). Les cellules sinusoïdales représentent 30 à 40 % des cellules hépatiques mais, en raison de leur petite taille, seulement 6 % du volume total du foie. Sous ce nom générique sont réunies les cellules endothéliales (48 % des cellules sinusoïdales), les cellules de Kupffer (39 %), les cellules de Ito (Fat-storing cells, 13 % des cellules sinusoïdales) et les « Pit cells » (moins de 1 % des cellules hépatiques) (Widmann et al. 1972, Blouin et al. 1977).
Aussi, même si le foie est globalement l’organe le plus « homogène » en terme de composition cellulaire, il est constitué d’une quantité non négligeable de cellules minoritaires. Si ce nombre de cellules n’influence que très peu l’interprétation des études biochimiques sur des compartiments présents en quantités égales dans l’ensemble des types cellulaires, il peut en revanche avoir une influence importante sur les études des compartiments très abondants dans ces cellules minoritaires. Ceci est appuyé par les travaux morphométriques de Blouin et collaborateurs (Blouin et al. 1977), qui montrent qu’une quantité significative de lysosomes, de membranes plasmiques et d’éléments du Golgi, dans un homogénat de foie, provient des cellules non parenchymateuses.

Les hépatocytes

Ces cellules forment la majeure partie du parenchyme hépatique. Elles possèdent trois voies métaboliques spécifiques : le cycle de l’urée, le métabolisme des lipides et lipoprotéines et enfin la conjugaison de la bilirubine (composé provenant essentiellement de la dégradation de l’hémoglobine) à l’acide glycuronique visant à faciliter son excrétion. Les hépatocytes participent activement à la biotransformation de différentes substances xénobiotiques (comme les médicaments, l’alcool, les hormones) et sont la principale source de protéines plasmatiques (Arias et al. 1982).
Les hépatocytes sont des cellules polyédriques d’environ 25 µm de diamètre, légèrement aplaties et disposées en travées (travées de Remak) séparées par les capillaires sinusoïdes. Ainsi, chaque cellule est baignée par du sang sur deux de ses faces (figure 8). Les hépatocytes sont des cellules épithéliales dont la polarité apicale – basolatérale est tout à fait particulière. En effet, le pôle apical de l’hépatocyte est représenté par la portion de membrane constituant les parois du canalicule biliaire (figures 8 et 9). Le reste de la membrane plasmique forme le pôle basolatéral.
La membrane apicale ou canaliculaire de l’hépatocyte représente 15 % du volume total de membrane plasmique hépatocytaire (Evans 1980). Elle est organisée en microvillosités (figure 10) qui remplissent une partie de la lumière canaliculaire et dont la structure est maintenue par des bâtonnets d’actine. Le canalicule biliaire, d’un diamètre d’environ 1 µm, est séparé des espaces péricellulaires et de l’espace de Disse par des jonctions serrées, pratiquement imperméables, puisque seules les micromolécules peuvent les franchir (Arias et al. 1982). C’est dans le canalicule biliaire que l’hépatocyte libère la bilirubine et les acides biliaires. Ceux-ci sont soit synthétisés par l’hépatocyte, soit repris dans le sang par sa membrane sinusoïdale.
Le pôle basolatéral de l’hépatocyte est composé de la membrane sinusoïdale, bordant l’espace de Disse et de la membrane contiguë, située entre deux cellules adjacentes. Comme le montre la figure 10, la membrane sinusoïdale de l’hépatocyte forme de nombreuses digitations dans l’espace de Disse.

Les cellules endothéliales

Les cellules endothéliales, très plates et allongées, forment une barrière entre l’espace sinusoïdal et l’espace de Disse (figure 10). Aussi, bien qu’elles ne représentent que 2,5 % du volume total du foie, leurs membranes constituent cependant 15 % du volume total des membranes plasmiques (Blouin et al. 1977). Les cellules endothéliales sont localement perforées (pores de diamètres d’environ 40 nm), permettant, au niveau des perforations, le passage de molécules entre l’espace de Disse et la lumière du sinusoïde, donc les échanges entre l’hépatocyte et le sang.

Les cellules de Kupffer

Les cellules de Kupffer représentent 80 à 90 % des macrophages résidents de l’organisme et 33 % des cellules sinusoïdales du foie. Elles sont soit accrochées à la paroi du sinusoïde, soit flottantes dans la lumière du vaisseau sanguin. Ces cellules, de 10 µm de diamètre, possèdent les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles des macrophages. Elles sont en relation avec l’espace de Disse grâce à des prolongements cytoplasmiques qui traversent les fenestrations des cellules endothéliales. Elles sont plus abondantes autour des espaces portes.
La principale fonction des cellules de Kupffer est la capture, par phagocytose, des matériaux particulaires tels que les globules rouges sénescents et les microorganismes. Par ailleurs, ces cellules sont les plus actifs défenseurs du tissu hépatique, notamment par leur fonction immunologique (Arii and Imamura 2000).
Les cellules de Kupffer jouent également un rôle important dans les lésions hépatiques dues à la consommation excessive d’alcool. En effet, Adachi et collaborateurs (Adachi et al. 1994) montrent que l’inactivation, in vivo, des cellules de Kupffer par injection de chlorure de gadolinium, diminue la nécrose hépatique observée chez des rats traités à l’éthanol. L’alcool augmente la perméabilité de la paroi intestinale à l’endotoxine et au lipopolysaccharide (LPS), des constituants majeurs de la membrane externe des bactéries Gram négatives. Ces substances activent les cellules de Kupffer, qui produisent alors des médiateurs toxiques comme les cytokines pro-inflammatoires (IL1 TNF- ), les radicaux oxygénés et des protéases (Martinez et al. 1992) susceptibles de léser le tissu hépatique.

Les cellules biliaires

Les canalicules biliaires, que nous avons décrits précédemment, débouchent par le canal de Herring dans le canal biliaire, bordé par des cellules spécifiques : les cellules biliaires. Ce sont des cellules épithéliales d’environ 10 µm de diamètre, dont le noyau et les mitochondries sont relativement petits par rapport aux hépatocytes. Ces cellules restent très méconnues, probablement du fait de leur faible représentativité dans le foie (1 % des cellules hépatiques). On sait néanmoins qu’elles participent à la transformation de la bile sécrétée par les hépatocytes.

Les cellules de Ito

Les cellules de Ito (13 % des cellules sinusoïdales) sont généralement localisées sous les cellules endothéliales, dans l’espace de Disse. Leurs prolongements forment localement un double revêtement sinusoïdal, renforçant ainsi la paroi du capillaire. Le réticulum endoplasmique rugueux de ces cellules est très développé. On observe également de nombreuses gouttelettes graisseuses composées essentiellement de vitamine A (ou acide rétinoïque) dans leur cytoplasme, ce qui leur a valu le nom de « fat storing cells ». Ces cellules participent également à la régénérescence du tissu hépatique (Friedman 1993).

Les « Pit Cells »

Ces petites cellules de 7 µm de diamètre, également appelées les « natural killers » du foie, sont localisées dans la lumière des sinusoïdes. Elles sont caractérisées par leur forme étoilée et la présence, dans leur cytoplasme, de nombreux granules denses aux électrons. On estime que le foie compte une « Pit cell » pour dix cellules de Kupffer (Bouwens and Wisse 1987, Luo et al. 2000).

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Table des matières

CHAPITRE I. INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE
A. ORGANISATION ET TRAFIC DES MEMBRANES DE LA VOIE ENDOCYTAIRE.
1/ L’endocytose : généralités
2/ Transport de matériel au sein des endosomes
a) Endosome précoce
b) Endosome de recyclage
c) Corps multivésiculaires – endosomes tardifs
3/ Transport de matériel des endosomes vers le lysosome
B. PROTEOMIQUE ET LYSOSOME
1/ Introduction
2/ Protéomique du lysosome
a) Protéines solubles de lysosomes tissulaires
b) Protéines solubles de lysosomes de lignées cellulaires
c) Protéines de la membrane du lysosome
C. ANATOMIE DU FOIE
1/ Introduction
2/ Les différentes cellules du foie
a) Les hépatocytes
b) Les cellules endothéliales
c) Les cellules de Kupffer
d) Les cellules biliaires
e) Les cellules de Ito
f) Les « Pit Cells »
But du travail
CHAPITRE II. TECHNIQUES EXPERIMENTALES
A. TECHNIQUES DE FRACTIONNEMENT
1/ Matériel de départ
a) Foie de souris
b) Cellules péritonéales de souris
2/ Fractionnement par centrifugation différentielle
a) Foie de souris
b) Cellules péritonéales
c) Présentation des résultats
3/ Fractionnement par centrifugation isopycnique
a. Conditions de centrifugation
b. Présentation des résultats
B. MARQUEURS DES COMPARTIMENTS SUBCELLULAIRES
1/ Dosages enzymatiques
2/ Westerns blots
C. PREPARATION DE PHAGOSOMES-LATEX
1/ Administration des billes de Latex
a) Souris
b) Cellules péritonéales de souris
2/ Gradients discontinus de saccharose
3/ Analyse par spectrométrie de masse
D. ISOLEMENT DES CELLULES DU FOIE
1/ Perfusion du foie de souris
2/ Séparation des cellules hépatiques par centrifugation différentielle
E. PREPARATION D’EXOSOMES DE CELLULES DENDRITIQUES DE SOURIS
1/ Culture des DC
2/ Purification des exosomes par ultra-centrifugation
3/ Analyse protéomique
F. TECHNIQUES MORPHOLOGIQUES
1/ Immunofluorescence
a) Cellules péritonéales
b) Phagosomes-Latex
c) Fixation et marquage
d) Observation
2/ Immunohistochimie
a) Enrobage en paraffine
b) Congélation
c) Marquage immunologique
G. NORTHERN BLOTS
H. MARQUAGE METABOLIQUE DE CELLULES 32D AU PALMITATE TRITIE
1/ Marquage métabolique
2/ Immunoprécipitation
3/ Séparation sur gel et exposition
I. CONSTRUCTION DE LA SOURIS TRANSGENIQUE TG-ONZIN
1/ Construction génétique
2/ Construction de la souris TG-Onzin par transgenèse additionnelle
3/ Criblage des descendances
CHAPITRE III. RESULTATS
A. EXPRESSION ET LOCALISATION DE L’ONZIN DANS DIFFERENTS ORGANES MURINS ET HUMAINS
1/ Introduction
2/ Expression de l’Onzin dans différentes lignées cellulaires et différents tissus humains
3/ Distribution de l’Onzin dans différents organes et tissus de souris
4/ Distribution de l’Onzin dans différentes cellules de rate de souris
5/ Localisation cellulaire de l’Onzin déterminée par des approches morphologiques
a) L’intestin grêle
b) Le rein
c) La rate
d) Le thymus
e) Le foie
6/ Séparation des cellules du foie par perfusion de collagénase
7/ Discussion
B. DISTRIBUTION DE L’ONZIN APRES FRACTIONNEMENT SUBCELLULAIRE DE FOIE DE SOURIS PAR CENTRIFUGATION
1/ Introduction
2/ Distribution de l’Onzin dans les différentes fractions isolées par centrifugation différentielle
3/ Distribution de l’Onzin de la fraction mitochondriale totale après centrifugation isopycnique
a) Gradients de Percoll
b) Gradients de saccharose et de Nycodenz
4/ Effet de la digitonine sur l’Onzin des fractions L et P
5/ Distribution de l’Onzin des fractions N et P après centrifugation isopycnique
6/ Discussion
C. EFFET D’UNE INJECTION D’INVERTASE SUR LA VITESSE DE SEDIMENTATION ET LA DENSITE DU COMPARTIMENT AUQUEL L’ONZIN EST ASSOCIEE
1/ Introduction
2/ Distribution cellulaire de l’invertase capturée par le foie de souris
3/ Distribution de l’invertase après centrifugation différentielle
a) Injection d’une dose « légère »
b) Injection d’une dose « lourde »
4/ Distribution de l’invertase après centrifugation isopycnique
a) Injection d’une dose « légère »
b) Injection d’une dose « lourde »
5/ Discussion
D. EFFET D’UNE INJECTION DE TRITON WR-1339 SUR L’ONZIN
1/ Introduction
2/ Effet de l’injection de Triton WR-1339 sur la vitesse de sédimentation de l’Onzin
3/ Cinétique de l’effet de l’injection de Triton WR-1339 sur la densité de l’Onzin
4/ Effet du Triton WR-1339 sur la liaison de l’Onzin à la membrane
a) Nature de la liaison de l’Onzin à la membrane
b) Solubilisation de l’Onzin par choc osmotique
c) Cinétique de solubilisation de l’Onzin de la fraction tritosomale
d) Association physique de l’Onzin à une molécule de faible densité
e) Effet in vitro du Triton WR-1339 sur la liaison de l’Onzin à la membrane
5/ Discussion
E. LOCALISATION SUBCELLULAIRE DE L’ONZIN DANS LES MACROPHAGES PERITONEAUX DE SOURIS
1/ Introduction
2/ Distribution de l’Onzin après centrifugation isopycnique
3/ Distribution intracellulaire de l’Onzin étudiée par immunofluorescence
4/ Discussion
F. EFFET DE LA PHAGOCYTOSE DE BILLES DE LATEX SUR DISTRIBUTION INTRACELLULAIRE DE L’ONZIN
1/ Introduction
2/ Effet de l’injection de billes de latex sur la densité de l’Onzin du foie de souris
3/ Effet de la phagocytose de billes de latex sur l’Onzin des macrophages péritonéaux de souris
a) Isolement des phagosomes par centrifugation dans un gradient discontinu
b) Etude par immunofluorescence
4/ Discussion
Conclusions générales et perspectives
Annexes
Références bibliographiques

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