PREPARATION DE MEDICAMENTS ANTICANCEREUX INJECTABLESย
Depuis la circulaire nยฐ 678 du 3 mars 1987 [12], qui prรฉconise les prรฉcautions minimales pour la prรฉparation et le circuit gรฉnรฉral des cytotoxiques, la prรฉparation magistrale des anticancรฉreux est effectuรฉe par les pharmacies ร usage intรฉrieur (PUI) des รฉtablissements de santรฉ, en Zone dโAtmosphรจre Contrรดlรฉe (ZAC), c’est-ร dire dans une zone constituรฉe de locaux et/ou dโรฉquipements dont les qualitรฉs microbiologiques et particulaires de lโair sont maitrisรฉes. Ces prรฉparations sont destinรฉes ร รชtre injectรฉes au patient, elles doivent donc รชtre manipulรฉes dans des conditions aseptiques. Cette pratique est rรฉgie par les bonnes pratiques de prรฉparations (BPP) de novembre 2007 [13] qui dรฉfinissent les rรจgles garantissant la qualitรฉ du produit final et la sรฉcuritรฉ des patients ainsi que celle du personnel.
Circuit des anticancรฉreux
La prรฉparation des poches de chimiothรฉrapie fait suite ร une prescription mรฉdicale individuelle, basรฉe sur la taille et le poids du patient et รฉventuellement adaptรฉe ร la clinique et la biologie. Cette prรฉparation magistrale, conformรฉment aux BPP, se fait, aprรจs validation pharmaceutique, de faรงon extemporanรฉe, au sein dโune Unitรฉ de Reconstitution des Cytotoxiques (URC) dโune PUI, par un personnel formรฉ ร la manipulation des produits cytotoxiques. Quand la prรฉparation est terminรฉe, elle est libรฉrรฉe par le pharmacien puis dispensรฉe dans le service pour รชtre administrรฉe au patient. Les cures de chimiothรฉrapie peuvent รชtre administrรฉes au patient dans un service de soins, mais la majoritรฉ dโentre elles sont rรฉalisรฉes en hospitalisation de jour. En UDJ la prise en charge du patient est complexe et se fait ร ยซ flux tendu ยป. Cette prise en charge fait intervenir de nombreux acteurs entre lโarrivรฉe du patient dans le service et son dรฉpart.
Dรฉlai dโattente et satisfaction des besoins
L’incidence du cancer a augmentรฉ de 8% entre 2012 et 2015 en France, entraรฎnant un plus grand nombre de patients traitรฉs et un plus grand nombre de lignes de traitement [14]. Le nombre de prรฉparations ร rรฉaliser รฉtant en augmentation, ร effectif souvent constant, le dรฉlai dโattente des patients peut parfois รชtre long. De nombreux รฉtablissements ont cherchรฉ ร connaรฎtre le ressenti des patients ร travers diverses enquรชtes de satisfaction [15 โ 17]. Comme le prรฉcise lโรฉtude menรฉe par Kallen [18] le degrรฉ de satisfaction des patients va agir sur lโacceptation du traitement administrรฉ, et les temps dโattente trop importants gรฉnรจrent stress et fatigue pour les patients. Il est donc important de sโen prรฉoccuper et de chercher ร le minimiser. Selon une รฉtude [19] dont le but รฉtait d’identifier, chez 692 patients cancรฉreux soumis ร un traitement ambulatoire, les facteurs associรฉs ร la satisfaction, la conclusion รฉtait quโun certain nombre de facteurs cliniques ou sociodรฉmographiques รฉtaient associรฉs de maniรจre significative ร diffรฉrentes รฉchelles du questionnaire de satisfaction. Cependant, le principal facteur dรฉterminant รฉtait lโรฉtat de santรฉ global du patient, soulignant lโimportance de mesurer et dโajuster lโรฉtat de santรฉ auto-perรงu lors de lโรฉvaluation de la satisfaction. Lโรฉquipe de Paterson [20] confirme que le dรฉlai dโattente est prรฉjudiciable ร la compliance du les patients atteints de maladies chroniques. Sandoval [21] a dรฉmontrรฉ que, sur prรจs de 1 800 personnes recevant une cure de chimiothรฉrapie, 70% des patients trouvaient leur temps dโattente trop long. Anderson [15] a permis de prรฉciser que cโรฉtait le dรฉlai dโattente des traitements et non le temps de la consultation qui รฉtait prรฉjudiciable. Enfin, lโรฉtude de Thomas [22] a montrรฉ que, sur 252 patients, 49% dโentre eux trouvent le dรฉlai dโattente de leur traitement trop long. Une รฉtude rรฉalisรฉe par UNICANCER [3] montre que la communication avec les professionnels de santรฉ, leurs disponibilitรฉs, l’information fournie au patient ainsi que le temps d’attente ont un rรฉel impact sur la satisfaction des patients. Dโautres publications [23] ont demandรฉ aux patients et aux personnels de soin les axes dโamรฉlioration ร envisager pour les sรฉjours ร lโhรดpital. Elles ont montrรฉ que le principal point ร amรฉliorer รฉtait la diminution du dรฉlai dโattente des patients. Selon les donnรฉes 2011 de la Sociรฉtรฉ Franรงaise de Pharmacie Oncologique (SFPO), sur les 102 รฉtablissements de lโรฉtude, le dรฉlai moyen entre le OK chimio mรฉdical et la livraison dans le service (cโest-ร -dire le ยซ temps pharmacie ยป) รฉtait, infรฉrieur ร 1h pour 60,8%, entre 1h et 1h30 pour 31,4% et supรฉrieur ร 1h30 pour 7,8% dโentre eux. Sur les 12 รฉtablissements ayant une activitรฉ supรฉrieure ร 30 000 prรฉparations par an : infรฉrieur ร 1h (25%), entre 1h et 1h30 (58,3%), supรฉrieur ร 1h30 (16,7%). La principale cause dโinsatisfaction des patients est donc le dรฉlai dโattente pour recevoir les chimiothรฉrapies, qui est, en grande partie, due au temps pris pour la prรฉparation des traitements [24]. Lโintroduction du DB dans un grand centre de cancรฉrologie britannique a permis de diminuer les temps dโattente des patients de plus de 60% et de rรฉduire de 80% les heures supplรฉmentaires des IDE [25]. Cela conforte encore lโidรฉe que le concept standardisation des doses peut constituer une รฉvolution dans la mesure oรน des doses prรชtes ร l’emploi prรฉsenteraient l’avantage d’une disponibilitรฉ immรฉdiate, sans dรฉlai de prรฉparation, pour le patient.
Diffรฉrents modรจles dโoptimisation des dรฉlais de mise ร disposition des chimiothรฉrapiesย
Aujourdโhui, lโobjectif de rรฉduire le temps de mise ร disposition des prรฉparations, essentiellement en ambulatoire, tout en conservant les exigences de qualitรฉ et de sรฉcuritรฉ imposรฉes par les BPP et les rรฉfรฉrentiels admis de la SFPO. Selon la recommandation nยฐ12 de la SFPO [26] ยซ En fonctionnement optimal, le dรฉlai dโattente dโun patient pour lโadministration dโune prรฉparation en hospitalisation de jour ne doit pas dรฉpasser une heure aprรจs le feu vert mรฉdical (hors รฉtudes cliniques)ยป. Afin de diminuer le temps dโattente des patients, depuis une dizaine d’annรฉes, des รฉquipes se penchent sur les solutions possibles pour optimiser la prรฉparation des chimiothรฉrapies au sein des unitรฉs de production afin d’en fluidifier le circuit et optimiser l’organisation des UDJ.
Optimisation avec validation mรฉdicale anticipรฉe
Chimiothรฉrapies ยซ prรฉ validรฉes ยปย
Plusieurs mรฉthodes de chimiothรฉrapie avec validation mรฉdicale anticipรฉe ont รฉtรฉ dรฉcrites dans la littรฉrature. Ce concept consiste ร ce que le patient rรฉalise un bilan biologique dans les 72h prรฉcรฉdant la sรฉance, puis, il est contactรฉ ร domicile, par tรฉlรฉphone, par un IDE, 24 ร 48h avant la sรฉance afin dโรฉvaluer la toxicitรฉ et les donnรฉes cliniques ร lโaide dโun questionnaire ou dโun formulaire standardisรฉ et adaptรฉ ร chaque protocole de chimiothรฉrapie. Il sโagit en fait dโune รฉvaluation du patient sur certains critรจres. Des prรฉrequis sont nรฉcessaires ร cette mise en place : la mise en place des critรจres dโรฉligibilitรฉ (profil de patient / protocole de chimiothรฉrapie), lโinformation des patients avec la signature dโun consentement, la rรฉalisation de formulaire standardisรฉ de recueil des informations des patients ou encore la rรฉalisation des questionnaires. Cette รฉvaluation clinique pendant lโinter cure est indispensable ร la validation anticipรฉe de la chimiothรฉrapie. Les IDE de coordination (IDEC) (ou IDE pivot au canada) ont un rรดle majeur dans ce concept. Ce sont des IDE qui ont pour objectif dโamรฉliorer le parcours de soin des malades et de mettre en place une coordination accrue entre les professionnels hospitaliers et les professionnels de santรฉ de proximitรฉ. Les IDEC doivent รชtre formรฉs et expรฉrimentรฉs afin de gรฉrer les รฉventuels effets indรฉsirables et anticiper leurs prises en charge avec une anticipation de lโadaptation du traitement ou des soins supports. Certains centres, comme lโHรดpital Europรฉen Georges Pompidou (HEGP) (Paris), font appel ร des IDE dโune plateforme mรฉdicale externalisรฉe [4] [7], dโautres ร des IDEC comme le CLCC Franรงois Baclesse de Caen [5]. Selon les hรดpitaux, le mรฉdecin rรฉfรฉrent de lโUDJ donne le ยซ ok chimio ยป la veille avant 14h ou 14h30 et rรฉalise le jour de la sรฉance soit une simple visite mรฉdicale [4], soit une consultation mรฉdicale ร la suite de laquelle il donne le ยซ ok dispensation ยป [5]. Dans dโautres centres (institut de cancรฉrologie de Lorraine par exemple) cโest lโIDEC qui donne un ยซ ok prรฉparationยป la veille et le mรฉdecin le ยซ ok chimio ยป le jour de la sรฉance, aprรจs une consultation mรฉdicale. Enfin il existe des programmes de suivi ร distance des patients comme par exemple le programme COACH (COoedination Assistance Chimiothรฉrapie) lancรฉ en 2013 ร lโinstitut universitaire du cancer de Toulouse, oรน le patient bรฉnรฉficie dโun suivi tรฉlรฉphonique individualisรฉ au domicile par lโIDEC ร J3 J7 et J9 de chaque cure puis ร J-1 de la cure suivante. Le mรฉdecin rรฉfรฉrent de lโUDJ donne son ยซ ok chimio ยป la veille de la sรฉance et rรฉalise simplement une visite mรฉdicale le jour de la sรฉance. Le programme PROCHE (PRogramme d’Optimisation du Circuit CHimiothErapie) [27] a รฉtรฉ dรฉveloppรฉ en 2012 par lโรฉquipe de lโHEGP ร Paris. 1037 patients inclus dans ce programme ont รฉtรฉ comparรฉes ร 513 patients tรฉmoins. Les rรฉsultats ont montrรฉ une rรฉduction significative du sรฉjour moyen ร l’hรดpital de 66 minutes, une diminution du gaspillage de mรฉdicaments de 6% ร 2%, une augmentation significative du taux dโoccupation des lits de 1,35 ร 1,61 patients/lit/jour, ainsi quโune meilleure prise en charge du patient et une meilleure gestion des effets secondaires grรขce ร lโadaptation des soins support, en particulier la fatigue, la douleur, les neuropathies et les nausรฉes, et une meilleure gestion du stress des patients et de lโรฉquipe mรฉdicale. Sur le mรชme principe le programme STAR mis en place en 2016 ร lโhรดpital Foch dโIle de France [7] consiste ร la mise en place du suivi des traitements oncologiques par appels rรฉguliers afin dโรฉvaluer ร distance, pour un patient donnรฉ, la tolรฉrance de la chimiothรฉrapie avant la cure suivante. Le suivi a pour objectif de prรฉparer la venue du patient en hรดpital de jour et d’anticiper sa prise en charge dans les meilleures conditions. Les bรฉnรฉfices attendus pour le patient sont l’amรฉlioration de sa prise en charge par un meilleur suivi et une anticipation de la prescription de soins de support, et l’amรฉlioration de la satisfaction notamment par une rรฉduction du temps d’attente. Les rรฉsultats obtenus dans cette รฉtude sont encourageants, en trois mois, 382 adhรฉrents, augmentation du taux dโanticipation des molรฉcules onรฉreuses de 0% ร 40% et rรฉduction du taux de prรฉparations dรฉtruites car non administrรฉes de 5% ร 2%. Dans toutes ces mรฉthodes, la pharmacie peut anticiper les prรฉparations des chimiothรฉrapies. Celles-ci sont prรฉparรฉes la veille du rendez-vous du patient lors des pรฉriodes de ยซ creux ยป, sont stockรฉes, puis le jour de la sรฉance elles sont dispensรฉes ร lโUDJ.
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Table des matiรจres
Introduction
Partie I : Contexte
A. PREPARATION DE MEDICAMENTS ANTICANCEREUX INJECTABLES
A. 1. Circuit des anticancรฉreux
A. 2. Dรฉlai dโattente et satisfaction des besoins
A. 3. Diffรฉrents modรจles dโoptimisation des dรฉlais de mise ร disposition des chimiothรฉrapies
A.3.1. Optimisation avec validation mรฉdicale anticipรฉe
A.3.2. Optimisation sans validation mรฉdicale anticipรฉe
A. 4. Calcul des doses de chimiothรฉrapie en fonction de la surface corporelle (SC)
A. 5. Limites du calcul de dose par la surface corporelle
A. 6. Les alternatives de calcul des posologies dโanticancรฉreux
B. STANDARDISATION DES DOSES EN CANCEROLOGIE
B. 1. Concept de dose standard
B.1.1. Dรฉfinition
B.1.2. Historique
B.1.3. Diffรฉrentes mรฉthodes de ยซ dose-banding ยป
B.1.4. Impact des DS
B. 2. Pertinence de la standardisation en cancรฉrologie
B. 3. Statut des prรฉparations de doses standards
B. 4. Avantages et limites des DS
B.4.1. Avantages
B.4.2. Limites
Partie II : Prรฉparation de mรฉdicaments anticancรฉreux ร doses standardisรฉes dans les รฉtablissements de santรฉ
A. CRITERES DE CHOIX DES MOLECULES ELIGIBLES A LA STANDARDISATION
A. 1. Frรฉquence de prescription et homogรฉnรฉitรฉ des dosages
A. 2. Variation maximale entre la dose calculรฉe selon la SC et la DS
A. 3. Coรปt
A. 4. Stabilitรฉ
B. MOLECULES ETUDIEES DANS LA LITTERATURE
C. LOGICIEL CHIMIOยฎ
D. INTEGRATION DES DOSES STANDARDS DANS LE CIRCUIT HABITUEL D’UNE PREPARATION MAGISTRALE
D. 1. Information et rรดle des acteurs
D. 2. Nouveau circuit du mรฉdicament
Partie III : Mise en application ร lโinstitut Paoli-Calmettes, CLCC de Marseille
A. IPC ET ORGANISATION ACTUELLE DE LโURC
A. 1. Description
A. 2. Circuit des anticancรฉreux
A. 3. Dรฉlais de mise ร disposition des anticancรฉreux ร LโIPC
A. 4. Rรฉattribution de poches non administrรฉes
A. 5. Prรฉparations anticipรฉes
B. ACTIVITES โ ZOOM 2018
C. STATUT DES PREPARATIONS DE DS
D. CRITERES DE CHOIX
D. 1. Mรฉthode de calcul des doses standards
D. 2. Frรฉquence de prescription
D. 3. Stabilitรฉ
D. 4. Pourcentage de prรฉparations en DS
D. 5. Rรฉpartition en fonction des services
D. 6. Molรฉcule ร mise ร disposition rapide
D. 7. Molรฉcule contraigante ร la prรฉparation
E. CONDITIONNEMENT โ PRESENTATION
Conclusion