Définition et caractéristiques générale de la SSS
La définition historique de la salinité est la masse de sel dissous contenu dans un kilogramme d’eau de mer. En pratique, les mesures de salinité de l’eau de mer sont réalisées par une mesure de la conductivité avec laquelle une équivalence a été adoptée par [UNESCO, 1981]. Elle s’appuie sur la relation entre la salinité d’un échantillon d’eau de mer et le rapport de conductivité entre cet échantillon et une solution standard contenant 32.4356g de chlorure de potassium par kilogramme. L’unité de la salinité est alors le « practical salinity scale 1978 » noté, dans la suite de mémoire, pss. Récemment, cette correspondance a été remise en cause ([SCOR/IAPSO Working group 127, 2008]). En effet, le lien entre les mesures de conductivité et la salinité absolue, dépendante de la composition en sel, fait toujours débat. Les scientifiques travaillant sur les satellites SMOS et Aquarius ont cependant vivement recommandé de conserver cette définition de la salinité, ainsi que l’unité pss : la mesure effectuée par télédétection s’appuie sur cette relation entre conductivité et salinité. De même, les chaînes de traitement ont été conçues afin de réaliser l’étalonnage et la validation des mesures satellites par comparaison avec des mesures in situ. Les cartes climatologiques de SSS (Figure I. 1b) montrent une SSS plus élevée dans l’Océan Atlantique que dans les autres océans et une correspondance générale entre les zones climatologiques de faible SSS et de fortes précipitations. Sa valeur moyenne sur l’ensemble du globe est estimée à environ 35 pss, avec une variation pouvant dépasser 15 pss proche des embouchures de fleuves et un maximum supérieur à 40 pss dans la Mer Morte. En plein océan, c’est à dire loin de côtes et des décharges fluviales et en dehors des mers fermées ou semi fermées, la SSS varie entre 32 pss (Pacifique Nord-Est) et 37 pss (Atlantique subtropical Nord).
Motivations pour la mesure de la salinité de surface
La salinité est un paramètre océanographique fondamental car associée à la température, elle permet de déterminer la densité de l’eau de mer, caractéristique majeure de différentes masses d’eau. Les variations de la SSS sont dues aux phénomènes d’évaporation (augmentation de la SSS) et de précipitation (baisse de la SSS), aux décharges fluviales, à la circulation océanique et dans les régions polaires, aux phénomènes de fonte et de formation des glaces. Ces changements sont ensuite transférés à l’océan profond et aux régions avoisinantes par advection ou diffusion. La salinité de surface joue un rôle important dans le système climatique global. On peut distinguer 4 grandes caractéristiques de la salinité de surface :
1°) Comme indiqué au début de ce paragraphe, la SSS est un indicateur de la variabilité du cycle hydrologique global. Elle donne des informations sur les échanges d’eaux douces avec l’atmosphère (évaporation et précipitation) mais aussi avec les terres émergées et la cryosphère (décharges fluviales et fonte des glaces de mer). Des études effectuées sur les tendances multi-décennales de la SSS ont montré son intérêt comme signature des tendances d’évaporation et de précipitation, notamment dans l’Atlantique Nord ([Gordon et Giulivi, 2008]) et au niveau des Tropiques ([Cravatte et al., 2009], Figure I. 2). De même, en estimant les variations des flux E – P à partir des variations de SSS ces 30 dernières années, [Hosoda et al., 2009] suggèrent une accélération du cycle hydrologique global.
2°) La salinité a également un lien étroit avec le phénomène ENSO (El Niño /Southern Oscillation). Selon [Ballabrera-Poy et al., 2002], prendre en compte les mesures de SSS pourrait améliorer sa prédiction à 6 – 12 mois. De fortes anomalies positives de SSS ont été observées ([Delcroix, 1998] ;[Maes, 2000]), les années précédant le fort événement El Niño de 1997 – 98, dans le Pacifique Tropical Ouest. Cette zone du Pacifique Ouest est surnommée « Warm Pool » car elle se caractérise, en temps normal, par des eaux de surface parmi les plus chaudes de l’océan global, par des pluies intenses et des vents faibles. Ces conditions météorologiques induisent une salinité faible et une couche de surface océanique très stratifiée donc très stable, constituant alors la plus grande source chaude de la machine thermodynamique terrestre. A l’inverse, au centre et à l’est de l’océan Pacifique, les eaux profondes plus froides et plus salées remontent à la surface par subduction et forment la « Cold Tongue ». La frontière entre ces deux zones est alors caractérisée par un front étroit de salinité au niveau de l’équateur, le contraste en température étant moins marqué (Figure I. 3 a et b). Lors d’un événement El-Nino, les vents d’est faiblissent pendant que les courants et les forts vents d’ouest déplacent ce front de salinité vers l’est du bassin, augmentant ainsi la SST et diminuant la SSS dans le Pacifique Est. La position de ce front varie selon l’intensité des événements El Niño et La Niña ([Picaut et al., 2001]). La détection du front de sel de la Warm Pool n’est pas la seule utilisation des mesures de salinité dans la prédiction d’ENSO. La SSS joue également un rôle d’amplificateur du phénomène El Niño grâce à la formation de couches barrières ([Lukas et Lindstrom, 1991], [Maes et al., 2002], [Maes et al., 2005]). Cette couche, stratifiée en salinité mais uniforme en température, se situe entre la thermocline, qui est la limite supérieure des eaux froides profondes, et la base de la couche de mélange océanique. Elle isole donc les eaux chaudes de surface des eaux profondes plus froides et limite leur mélange en cas de forts coups de vent. L’action du vent est alors concentrée sur cette faible couche d’eaux chaudes et peu salées et son déplacement vers l’est en est facilité. Si la détection de couches barrière est immédiate lorsque des profils verticaux de salinité et de température sont connus, la faible disponibilité de ces profils impose de trouver d’autres moyens de détection. [Maes, 2008] utilise la fréquence de Brunt-Väisälä pour construire un indicateur de la stratification verticale de salinité. Cet indicateur montre une corrélation forte avec la SSS. Le gradient zonal de SSS le long de l’équateur (∂S/∂x) est également utilisé pour estimer l’épaisseur et la position des couches barrières ( [Delcroix et McPhaden, 2002], [Bosc et al., 2009], Figure I. 3 c et d).
Couverture spatiale des mesures in situ
En l’absence de mesure par télédétection, les mesures in situ sont le seul moyen pour mesurer la SSS. Une description détaillée des différentes mesures in situ de salinité fait l’objet du paragraphe II.b) de ce mémoire. Malgré la diversité des plateformes de mesure (CTD, profileurs autonomes, bouées dérivantes ou fixes …), leur couverture spatio-temporelle reste sous échantillonnée et inégalement répartie. Jusqu’aux années 2000, la plupart des campagnes de mesures se situaient dans les zones côtières, la Mer du Nord et les océans Atlantique Nord et Pacifique Tropical. En divisant la couverture océanique globale en carré de 1° par 1°, 27 % de cette grille, principalement dans le Pacifique Sud Subtropical et dans l’Océan Antarctique, ne comportaient aucune mesures et 70 % en comportaient moins de 10 ([Bingham et al., 2002]). Le programme ARGO lancé en 2000, a permis grâce à un réseau de profileurs autonomes d’avoir des mesures dans des zones difficiles d’accès ou sous échantillonnées ([Gould et al., 2004]). Avec plus de 3000 flotteurs, un profil de salinité et de température est aujourd’hui disponible tous les 300 – 400 km2, tous les 10 jours. Pour faciliter l’accès aux données de salinité, la plupart des mesures effectuées sont collectées et assemblées dans le World Ocean Atlas 2005 ([Boyer et al., 2005], [Antonov et al., 2006]). Des moyennes climatologiques annuelles et mensuelles en sont ensuite déduites. Les cartes mensuelles compilées sur une grille de résolution 1° montrent qu’il reste des zones peu échantillonnées, spécialement dans les hautes latitudes (Figure I. 6). De plus, l’absence dans les données historiques d’échantillonnage spatio-temporel régulier ne permet d’étudier ni la variabilité synoptique saisonnière à interannuelle de la SSS, ni ses possibles liens avec certains processus océanographiques et atmosphériques importants ([Lagerloef et al., 2009]).
Les différents modèles de rugosité
La première particularité du satellite SMOS est l’utilisation du radiomètre MIRAS et donc d’une antenne interférométrique pour mesurer les Tbs. Ce réseau, par le biais des corrélations entre les signaux provenant de chaque élément d’antenne (nommées visibilités, [Corbella et al., 2004]) permet la reconstruction des champs de température de brillance selon deux directions, correspondant aux polarisations horizontales et verticales ([Anterrieu et Khazaal, 2008]). Comme indiqué précédemment, le calcul des températures de brillance est effectué en distinguant le cas d’une mer plate et celui d’une mer rugueuse. Pour décrire la diffusion électromagnétique à l’interface air – mer, 3 modèles de rugosité (développés chacun par un des 3 laboratoires experts associés au projet) sont utilisés dans l’algorithme d’inversion du satellite SMOS :
Le modèle double-échelle a été développé par Emmanuel Dinnat au LOCEAN ([Dinnat et al., 2003]). Son principe est de diviser la surface en petites vagues, se propageant elles – mêmes sur de plus grandes vagues. Les principes de l’optique géométrique sont utilisés pour décrire les phénomènes de réflexion par les vagues de grande longueur d’onde en comparaison à la longueur d’onde du radiomètre. La méthode des petites perturbations est utilisée pour décrire les phénomènes de diffraction et d’interférence induits par les plus petites vagues. Le spectre de vagues utilisé est celui de [Durden et Vesecky, 1985] multiplié par un facteur arbitraire égal à 2.
Le modèle SSA (Small Slope Approximation), dit « des petites pentes » a été développé à l’IFREMER, [Reul et Chapron, 2001]. Le spectre de vagues utilisé est celui de [Kudryavtsev et al., 1999]. La différence principale entre ces deux modèles théoriques vient de l’utilisation de spectre de vagues différentes.
Un modèle empirique a été établi et sera ajusté après le lancement de SMOS par l’ICM (Institut de Ciences del Mar) ([Gabarro et al., 2008].
Définition d’un paramètre de vitesse de vent utilisable lors de l’étalonnage / validation SMOS
De part son influence sur le mélange vertical des couches de surface de l’océan, la vitesse du vent est un élément essentiel à la compréhension de la variabilité verticale de salinité. Ce paramètre est mesuré par les mêmes radiomètres SSM/I, TMI et AMSR-E. Le diffusiomètre QuikScat s’ajoute à cette liste et fournit des estimations de vitesse vent à 10 m au dessus de la surface océanique depuis Juillet 1999. Contrairement à la pluie dont l’historique joue sur la valeur de la différence verticale de salinité, le vent a un effet à plus court terme sur le mélange vertical dans la couche de surface océanique. Le paramètre de vent pris en compte est donc la mesure de vitesse de vent maximum effectuée par un des satellites à l’endroit du profil et dans l’heure précédant l’échantillonnage du profil. Ce paramètre est noté 1hr_WS. Seules 37% des différences verticales de salinité calculées ont pu être associées avec un paramètre de vent.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : MESURER LA SALINITE PAR RADIOMETRIE
I.a) Pourquoi mesurer la SSS
Définition et caractéristiques générale de la SSS
Motivations pour la mesure de la salinité de surface
I.b) Intérêts d’une mesure par télédétection
Couverture spatiale des mesures in situ
Apports et objectifs de la télédétection
I.c) La mesure par radiométrie en bande L
Choix de la fréquence de mesure
Paramètres pouvant affecter la mesure radiométrique
I.d) Les spécificités du satellite SMOS
Les différents modèles de rugosité
Utilisation d’une méthode itérative
I.e) L’étalonnage et la validation des données
Sources d’un écart entre mesure in situ et mesures satellite
DEUXIEME PARTIE : VARIABILITE VERTICALE DE LA SALINITE DE SURFACE (0 – 10 m)
II.a) La variabilité naturelle de la salinité à l’échelle locale.
Equation – bilan de la salinité dans la couche de mélange
Les premières observations de dessalure en surface
Evolution temporelle de la salinité en cas de pluie
Persistance des différences verticales de salinité
II.b) Les données de salinité de surface disponibles
II. b. 1) Le projet Argo (http://www.Argo.ucsd.edu/ et http://www.coriolis.eu.org/)
Fonctionnement
Répartition géographique
Echantillonnage vertical
Précision annoncée des mesures
Contrôle Qualité
II. b. 2) Le réseau TAO (Tropical Atmosphere Ocean) (http://www.pmel.noaa.gov/tao/disdel/disdel.html)
Répartition géographique
Fonctionnement
Echantillonnage vertical
Précision annoncée
Contrôle Qualité
II. b. 3) Le World Ocean Database 2005 (http://www.nodc.noaa.gov/OC5/WOD05/pr_wod05.html)
Répartition géographique, Echantillonnage vertical et Précision annoncée des mesures
Contrôle Qualité
II. b. 4) Le serveur SISMER (Système d’Informations Scientifiques pour la Mer, http://www.ifremer.fr/sismer/index_FR.htm)
Répartition géographique et échantillonnage vertical
Contrôle Qualité
II. b. 5) Le projet ORE – SSS (Observatoire de Recherche en Environnement, http://www.legos.obs-mip.fr/observations/sss/)
Fonctionnement et précision des mesures
Répartition géographique
Contrôle Qualité
II. b. 6) Récapitulatif
II.c) Sélection et traitement des données de salinité utilisées dans l’étude de la variabilité verticale de la salinité
Programmes de mesures sélectionnés
Critères retenus pour la sélection et la correction des données
Définition des « positions verticales »
II. c. 1) Données issues du programme Argo
II. c. 2) Données issues du programme TAO
II. c. 3) Données issues des programmes WOD05, SISMER et ARAMIS
II. c. 4) Données issues du Polarstern
II. c. 5) L’importance du travail de correction et de sélection des données
II. c. 6) Caractéristiques générales de l’ensemble de données obtenu (30° N – 30°S)
II.d) La variabilité verticale de la salinité au niveau des tropiques
II. d. 1) Accroissement de la salinité avec la profondeur (∆S ≤ – 0.1 pss)
II. d. 2) Les dessalures en surface observées près des embouchures de fleuves (∆S ≥ 1 pss)
II.e) L’influence des conditions météorologiques
II. e. 1) Définition d’un paramètre de pluie utilisable lors de l’étalonnage / validation SMOS
II. e. 2) Définition d’un paramètre de vitesse de vent utilisable lors de l’étalonnage / validation SMOS
II. e. 3) Relations statistiques entre les différences verticales de salinité in situ et les paramètres 3d_MRA et 1hr_WS
Stabilité de l’analyse statistique
Prise en compte de la vitesse du vent
Améliorations possibles
II.f) Recommandations et conclusions pour l’étalonnage validation.
TROISIEME PARTIE : L’APPORT DES MODELES POUR L’ETUDE DE LA VARIABILITE DE LA SALINITE DE SURFACE
III.a) La variabilité de la salinité de surface dans le modèle PWP
III. a. 1) Fonctionnement du modèle PWP
Définition des équations et des paramètres du modèle
Calcul de la profondeur de la couche de mélange
III. a. 2) Influence de la pluie sur la salinité de surface à partir du modèle PWP
III. a. 3) Amélioration du modèle PWP
III. a. 4) Conclusion
III.b) La variabilité de la salinité de surface dans le modèle NEMO – ECHAM
III. b. 1) Comparaison entre les profils de salinités modélisés et mesurés in situ
III. b. 2) Influence des précipitations et différences verticales de salinité calculées par le modèle NEMO
III. b. 3) Etude des précipitations
III. b. 4) Présence d’une halocline dans les 10 premiers mètres
III. b. 5) Conclusion
CONLUSIONS – PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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