Préoccupations de l’aidant

Préoccupations de l’aidant

Il est important de se rappeler qu’avant toute situation de perte d’autonomie d’un proche, il existait une relation, une histoire et une dynamique au sein même de la famille dont ce proche fait partie. L’aide aux soins s’inscrit donc dans ces interactions, dans la continuité de la vie au quotidien, et ce, en tenant compte des affinités entre les individus, des obligations personnelles et des contraintes de la vie courante (Véziua et Pelletier, 2004). Par exemple, parmi les enfants d’une personne âgée, leH filles, comparativement aux fils, ressentent plus de culpabilité quand elles en font moins que l’aidant principal (Clément et al., 2005). De même, les filles, par rapport aux fils, éprouvent plus de fiustration d’en faire davantage pour la personne aidée {Clément et al., 2005). Tout ceci montre bien l’importance de mieux connaître la disposition de l ‘aidant familial à s’engager dans la prise en charge d’un proche âgé en perte d’autonomie si nous voulons éviter les tensions ou même les conflits entre les enfants, d’autant plus que ces conflits risquent de dégénérer et d’entraîner l’apparition de situations de négligence ou de violence. Guberman et aL (1993a) se questionnent sur les circonstances qui entourent la décision d’une personne d’assumer le rôle d’aidant familiaL

Est-ce le facteur« sexe», la répartition des tâches selon les rôles traditionnels, les valeurs morales et sociétales, le statut marital, la présence ou non d’enfants, le rang occupé dans la famille, l’âge, le degré de proximité affective, l’éducation, les ressources économiques, la disponibilité, la proximité géographique ou encore la santé qui entrent en ligne de compte, ou ne s’agit-il pas tout simplement d’une situation de fait ? Pour ces auteurs, la variable « sexe » constitue l’indice prédictif le plus important et le plus constant dans la décision d’une personne d’aider un proche âgé en perte d’autonomie (Ducharme, 2006 ; Guberman et aL, l993a). En effet, ce sont plus souvent les femmes que les hommes qui sont appelées à prendre en main les soins dans la famille (Caron et Ducharme, 2007 ; Pennee, 2002). Membrado et aL (2005) avancent que l’assignation d’un aidant se fait souvent par la continuité, en ce sens que quelqu’un s’occupe déjà depuis un certain temps de prodiguer des soins au proche âgé dépendant ou un aidant a déjà manifesté son intention de prendre en charge le proche âgé dépendant. Selon ces auteurs, les réunions de famille qui sont organisées pour planifier l’aide à donner à la personne afnéc dépendante servent habituellement à déresponsabiliser les proches qui ne veulent pas s’engager dans la relation d’aide et à nommer les raisons de leur manque ou de leur absence d’implication.

Cependant, quand aucun aidant n’est désigné, un processus de négociation se met en place et, à cette occasion, la présence de tensions est fréquemment évoquée par les personnes qui sont interviewées. Souvent, au terme de conflits entre les membres de la famille, une personne devient l’aidant principal parce qu’il semble n’y avoir aucune autre alternative (Membrado, et aL, 2005; Saillant et Gagnon, 2002). Suivant Membrado et aL (2005), on peut alors se demander dans quelles conditions se dotment les soins dans les situations d’engagement qui se font sous la pression exercée par l’entourage. Quels sont les effets de cette pression sur la relation de soutien au proche dépendant?

Lavoie (2000) précise les concepts de besoins fonctionnels, d’aide instrumentale et de soins dans la prise en charge d’un proche âgé dépendant en introduisant la notion de qualité du contact entre l’aidant et la personne dépendante. L’aide prodiguée à la personne âgée en perte d’autonomie serait conditionnelle à une présence désirée, ce qui expliquerait la réticence des gens à recourir aux ressources e.xtérieures à la famille ou leur préférence à utiliser des services de soins professionnels au lieu de compter sur leur famille. Dans la même veine, l’étude de Vézina et Pelletier (2004), qui s’intéresse à la participation des aidants familiaux lors de l’hébergement d’un parent âgé, révèle que les aidants familiaux se préoccupent d’entourer le plus souvent possible le proche dépendant par les personnes qu’il aime, et ce, afin d’assurer son bien-être psychologique el social. Les entrevues semi-<lirigées menées au domicile des aidants révèlent que ces derniers se font un devoir de protéger leur proche en perte d’autonomie. Guberman et al. (1993a) compilent les raisons évoquées par les aidants pour expliquer pourquoi ils ont pris la responsabilité de s’occuper de leur proche âgé dépendant.

Les principaux motifs mentionnés par les aidants sont l’amour et les liens affectifs qui les unissent au proche dépendant (souvent, un contact presque quotidien existe depuis toujours; le prolongement de liens affectifs forts qui ont toujours été présents), la proximité affective, la proximité géographique, l’absence de ressources institutionnelles, le besoin d’aider autrui, les sentiments d’obligation et de devoir, les pressions exercées par la personne aînée dépendante (réponse aux habitudes qui se sont installées, manipulation, comportement déviant ou dérangeant) et la dépendance socio-économique.

Les motifs secondaires identifiés par les aidants sont la non-disponibilité d’une autre personne pouvant donner de l’aide, un certain sentiment anti-institution, les modalités de la prise en charge, les croyances religieuses, la disposition personnelle de la personne saignante (disponibilité, intérêt, compétence), 1′ espoir de guérison, l’état de santé de la personne dépendante et, pour finir, la tradition familiale.

Lavoie (2000) explore la dualité opposant l’affection et l’obligation et se demande si l’engagement s’installe normalen1ent par l’intennédiaire de l’affection et de la proximité affective. Ainsi, l’existence d’un rapport intime et affectueux constituerait une ressource très importante, qui ferait en sorte que la personne qui vit un sentiment d’intimité et d’affection se sentirait responsabilisée face à la prise en charge du proche âgé dépendant. (Lavoie, 2000). De même, l’affection influencerait la motivation d’une personne dans sa décision de prendre en charge un proche dépendant et détennîne Je niveau de stress qu’elle ressent devant la situation d’aide (Lavoie, 2000). Enfin, une grande affection éprouvée par l’aidant envers la personne âgée en perte d’autonomie peut entraîner une plus grande motivation chez lui, diminuer le niveau de stress qu’il ressent face à la situation et lui apporter certains bénéfices, notamment la satisfaction personnelle, le respect de soi, une plus grande valorisation de soi et un meilleur contact avec la personne aidée (Lavoie, 2000). En somme, la dimension affective joue un rôle déterminant dans la disposition et la capacité de l ‘aidant familial à prendre en charge Je proche âgé en perte d’autonomie.

Besoins de l ‘aidant

L’étude exploratoire de Lesage et Le Dorze (2003), qui porte sur les besoins des proches d’une personne âgée atteinte de démence, permet d’identifier cinq catégories de besoins chez les aidants, soit le besoin de soutien, le besoin de répit, le besoin d’améliorer la communication avec le parent, le besoin de maintenir une relation satisfaisante avec le parent âgé et, enfin, le besoin d’être bien informé. Dans le même ordre d’idées, Vézina et Pelletier (2004) concluent que les aidants expriment l’importance pour eux de se sentir utiles, d’être écoutés et d’être respectés dans leur expertise auprés de la personne âgée dépendante. En France, les aidants reconnaissent l’existence de besoins différents, à savoir le besoin de bénéficier de pauses sur une base régulière, le besoin de bénéficier de bonnes conditions sociales, Je besoin d’être compris et de recevoir un soutien psychologique et, finalement, le besoin d’être informé afin de bien comprendre les tenants et aboutissants de la situation de soins (Laporthe, 2005). Selon Stewart, Barnfather, Nenfeld, Warren, Letourneau et Liu (2006), il est essentiel d’écouter les conseils donnés par les aidants et d’être à l’écoute de leur peine, de leur colère, de leurs inquiétudes et du sentiment de culpabilité qu’ils expriment si nous voulons être en mesure de mieu:’IC les soutenir dans leur contribution au mieux-être du proche âgé dont ils s’occupent.

Par ailleurs, le document d’orientation du ministère de la Santé et des Services sociaux (2001) mentionne que la notion de fragilité, définie comme étant le risque qu’a une personne âgée d’aggraver des troubles fonctionnels qui sont déjà présents chez elle, doit être prise en considération dans l’évaluation des besoins de la personne âgée en perte d’autonomie. Plus important encore, le document du mirùstère précise que l’on doit aussi tenir compte du besoin de soutien des proches dans l’évaluation des besoins des personnes âgées en perte d’autonomie, d’autant plus que ces proches sont souvent eux-mêmes des personnes âgées. D’après Laporthe (2005), la nécessité de donner une aide aux aidants familiaux n’est pas reconnue en France. Mais, dans ce pays, les professionnels et les militants associatifs croient que l’aidant familial contribue de maniére significative à l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées dépendantes. Ces gens, qui sont des experts et qui connaissent bien la question, affmnent également que si l’aidant familial ne joue plus son rôle «informel», le proche et son entourage vont en souffrir. Enfin, Laporthe (2005) précise que l’ aidant familial a souvent tendance à nier ses propres besoins, qu’il juge secondaires par rapport à ceux du proche dépendant dont il s’occupe.

Sous la politique de maintien à domicile (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003), nous sommes en droit de nous demander comment maintenir ce juste équilibre entre les besoins toujours grandissants de la personne malade et les capacités de l’ aîdant fumilial à subvenir à tous les soins sans connru’tre l’épuisement, dans un contexte où les ressources et les services pour répondre aux besoins de tontes les personnes âgées en perte d’autonomie s’avèrent nettement insuffisants. Depuis plusieurs années, un grand nombre de chercheurs s’intéressent aux services de répit et de dépannage (Dumont-Lernasson, 1994 ; Jochum, Noveilla, Barrou, Marronne, Jovenin et Blanchard, 2001 ; Medjahed, Hy, Grassin, ParielMadjlessi et Belmin, 2001 ).

L’étude longitudinale effectuée par Landry, Hébert et Préville (2002) traîte de l’évaluation de l’efficacité d’un programme de répit (hébergement par alternance en institution, à raîson d’une semaine par mois) conçu pour les aidants naturels. Ce programme vise à prolonger le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. La recherche menée par Landry et ses collaborateurs a permis aux participants de prendre contact avec le réseau des services formels, ouvrant à ces derniers la porte à l ‘utilisation de services qu’ils cormaissaient peu ou pas du tout. Le contact avec un milieu institutionnel de soins prolongés a contribué à apaiser les craintes des participants devant la perspective de l’hébergement permanent. Selon les chercheurs, ceci explique pourquoi leur étude n’a pas pu démontrer que le programme de répit aux aidants par l’intermédiaire de l’hébergement en alternance permet de prolonger le maintien à domicile. Au contraire, il semble bien que le programme a facilité le passage de la personne âgée de sa résidence à une institution d’hébergement permanent. Pour accroître l’efficacité dn progmmme, les auteurs proposent de l’appliquer plus tôt en tant que moyen de prévention de l’épuisement de l’aidant, c’est-à-dire avant que l’aidant aît atteint Je point de non-retour en termes d’épuisement.

Les auteurs croient aussi que le progrannne aurait avantage, d’une part, à offrir une gamme plus étendue de services de répit aftn de tnieux répondre aux besoins des dyades aidant/aidé et, d’autre part, à reconnaître le rôle très important joué par les aidants en leur octroyant des av-antages fiscaux qui en valent la peine (Lmdry et al., 2002).

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITREI PROBLÉMATIQUE
1.1 Position du problème
1.2 Recension des écrits
1.2.1 Préoccupations de l’aidant
1.2.2 Besoins de l’aidant
1.2.3 Ressources de l’aidant
1.2.4 Problèmes de santé physiques et psychologiques
1.2.5 En résumé
1.3 Définition des concepts
1.3.1 Disposition
1.3.2 Perte d’autonomie
1.3.3 Aidant
1.4 Cadre théorique
1.5 But et objectifs spécifiques
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE
2.1 Méthode de recherche
2.1.1 Stratégie d’acquisition
2.1.2 Stratégie de collecte de données
2.1 .3 Stratégie d’analyse
2.2 Obstacles méthodologiques
2.3 Considérations éthiques
CHAPITRE III Portrait DE LA DISPOSITION DE L’AiDANT
3.1 Description des participants à l’étude et du contexte spécifique de la prise en charge
3.2 Contexte de la prise en charge
CHAPITRE IV EXPLORER LA DISPOSITION DE L’AIDANT
4.1 L’engagement dans la prise en charge
4.2 L’implication
4.3 Liste des thèmes hiérarchisés
4.4 Conditions de la prise en charge
4.5 État des ressources
CHAPITRE V COMPRENDRE COMMENT LA DISPOSITION À PRENDRE SOIN DU PROCHE ÂGÉ INFLUENCE LA CONDUITE DE L’AIDANT
5.1 Aspects subjectifs de la disposition de l’aidant
5.1.1 Le sentiment d’impuissance devant l’inconnu
5.1.2 Le sentiment d’avoir bien fait
5.1.3 Le sentiment d’obligation en regard de la prise en charge
5.1.4 Les difficultés ressenties
5.1.5 La valeur d’entraide familiale
5.2 Synthèse
CHAPITRE VI DISCUSSION
6.1 Points saillants des résultats obtenus
6 .1.1 Contexte sociopolitique québécois
6.1.2 Particularité attribuée aux femmes en matière de soins
6.1.3 L’engagement dans la prise en charge
6.1.4 Conditions de la prise en charge et état des ressources
6.1.5 Sentiments ressentis par l’aidant familial
6.1.6 L’état de santé psychologique et physique de l’aidant familial
6.1.7Laquestiondu soutien perçu
6.2 Portée de l’étude
6.3 Retombées de l’étude
6.4 Pistes de recherche
6.5 Limites de l’étude
CONCLUSION
APPENDICE A LISTE DES THÈMES
APPENDICEB TABLEAU 3.2: CONTEXTE DELA PRISE EN CHARGE
APPENDICEC TABLEAU 4.1 :IDENTIFICATION DES THÈMES ABORDÉS PAR LES
PARTICIPANTS
APPENDICED
TABLEAU 5.1: MISE EN RELATION DES THÈMES POUR LES lü ENTREVUES
APPENDICEE
LETTRE D’INVITATION DE LA CHERCHEURE À PARTICIPER À LA
RECHERCHE
APPENDICEF
GUIDE D’ENTREVUE
APPENDICEG
FICHE D’OBSERVATION
APPENDICE li
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR LES PARTICIPANTS
APPENDICEJ
LETTRE DE COLLABORATION DU CSSSRN
APPENDICEJ
LETTRE D’APPROBATION DU CÉR-LSH
RÉFÉRENCES

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