PRENDRE SOIN DE SOI POUR MIEUX PRENDRE SOIN DES AUTRES

PRENDRE SOIN DE SOI POUR MIEUX PRENDRE SOIN DES AUTRES

La démarche heuristique: une voie pour se remettre au monde.

Tout s ‘écoule disait Héraclite, tout se transforme … Tout est mouvement : nous-même dans les fluctuations de notre monde intérieur et, bien sûr, le « courant » de notre environnement, celui des mondes qui nous sont extérieurs .. . C ‘est en reliant les différentes intelligences des hommes – celles d ‘hier et celles d ‘aujourd ‘hui – que s’ouvriront les chemins des solutions …. Les chemins se construisent en marchant dans les chantiers de la connaissance. (Ri bette, mai 2000, p. 1) Dans ma vie personnelle et professionnelle, au début de ma quarantaine, je me trouvais debout face à mon mur. Plus rien dans ma vie n’avait du sens. Je toisais l’absurde. C’est à ce moment que j’ai pris connaissance de l’existence de la maîtrise en études des pratiques psychosociales. J’ai alors appris que c’était une maîtrise destinée aux praticiens qui veulent réfléchir sur leur expérience personnelle et professionnelle, mais principalement leur expérience relationnelle.

Lorsque j’ai appelé le directeur du programme de l’époque, il m’expliqua que les professeurs allaient nous guider pour nous aider à faire le bilan de nos expériences et à nous engager dans une démarche de recherche susceptible de nous permettre de créer du sens et de la connaissance à partir de notre expérience vécue. Il précisa également que ce programme avait comme visée d’aider les praticiens, à travers un processus de recherche – formation , à se renouveler en vue de pouvoir renouveler leur pratique relationnelle et professionnelle. J’ai su tout de suite que j ‘étais enfin à ma place. Ce que j ‘entendais, nommait mieux que moi ce dont j ‘avais douloureusement besoin. J’ai alors amorcé mon processus de recherche, de formation et de transformation au sem de la maîtrise en étude des pratiques psychosociales à l’ Université du Québec à Rimouski, à l’automne 2001. À travers les cours qui nous ont été donnés, les lectures qui nous ont été suggérées, j ‘ai eu connaissance des différentes épistémologies et méthodologies de recherche. La découverte de la méthode heuristique m’a tout de suite charmé.

Comme l’écrit avec justesse Christophe Gaignon (2004, p.8), « Le premier outil de la recherche heuristique est le chercheur lui-même ». Au cours de son processus, celui-ci aura à recourir à ses sens, ses rêves, ses réflexions et conscientisations, ses dialogues avec les autres ainsi que ses lectures pour explorer la richesse infinie de sa subjectivité. Nous sommes ici dans une épistémologie de recherche impliquée, comme l’autorise les approches d’ orientation compréhensive et interprétative comme par exemple: les recherches biographiques d’inspiration phénoménologique et herméneutique. Dans une démarche de type heuristique, il y a de la place pour imaginer, faire des liens, inventer, créer et se créer. Il y a de la place non seulement pour chercher, mais aussi pour trouver des nouvelles manières de déployer son propre processus de croissance et de connaissance.

D’ailleurs, comme le rappelle Gaignon (2004), le concept d’heuristique vient du mot grec: « heuristikê qui veut dire l’art de trouver». À la suite de Peter Erik Craig (1978), qui a fait sa thèse de doctorat2 sur la démarche heuristique, j’ai choisi de me laisser guider par son expérience et celui des autres chercheurs afin d’explorer la dimension passionnée, engagée et impliquée de cette démarche. En effet, comme le précise Gaignon (2004) à la suite de Craig (1978, p.l) : « ce type de recherche part du principe qu’un individu peut vivre profondément et passionnément le moment présent, être complètement captivé par les miracles et les mystères tout en étant engagé dans une expérience de recherche significative. )) Pour conduire une recherche de type heuristique, ces mêmes auteurs proposent un chemin qui s’articule en quatre étapes distinctes. J’ai voulu m’y appuyer pour ne pas me perdre dans les méandres de ma subjectivité.

Le questionnement: ou quelle question ma vie me pose-t-elle ? La fo i est une ressource essentielle pour la personne engagée dans une recherche heuristique. Cette foi attend patiemment l ‘unité alors que nos sens ne perçoivent que le chaos. Elle tire de l ‘obscurité, un sens et une clarté. Peter Erik Craig Depuis toujours, mon rapport au monde est empreint de curiosité. Même enfant, j’avais besoin de voir et de comprendre au-delà de ce qui se voit, de ce qui s’entend, se ressent ou se perçoit au premier niveau. J’ai toujours eu l’ intuition que la réalité avait plus de relief que ce qui se laisse voir de premier abord. Cette curiosité était également accompagnée d’une grande capacité d’émerveillement. Devant la vie, devant ma vie, je me sentais face à un mystère. J’avais le sentiment de ne pas pouvoir embrasser le réel par ma compréhension. Parfois, cette sensation me rendait joyeux et admiratif.

Dans d’autres moments, je devenais inquiet devant ce qui échappait à ma compréhension. Je regardais le monde avec un regard naïf. Au fur et à mesure que je vieillissais, mon esprit se parsemait de questions constantes, de doutes, de changements fréquents d’idée, d’étonnement, de peurs de l’ inconnu, pour ne nommer que ceux-là. Comme le lecteur le constatera dans mon troisième chapitre, j’ai commencé trop tôt ma vie d’adulte. J’ai dû assumer de lourdes responsabilités avant d’avoir vécu ma jeunesse. Je suis devenu très tôt préoccupé et stressé. À la longue, je me suis épuisé. Dès le début de ma vingtaine, j ‘étais déjà insatisfait. Je doutais d’avoir fait les bons choix.

Ma vie n’était que dépassement, responsabilité, devoir, effort. J’étais jeune, mais il n’y avait déjà plus de place pour le jeu, le plaisir et l’insouciance dans ma vie. J’étais père de famille et je devais gagner la vie de ma famille. Je travaillais trop, je luttais trop pour la survie. J’avais presque oublié le sens de la vie. Il n’y avait plus assez d’espace pour me nourrir du sens de mes choix. Je n’avais plus de contact avec mes besoins et mes désirs. Je ne vivais plus que pour les besoins des autres. Leurs besoins étaient devenus miens; je m’étais oublié. L’action et encore l’action. J’agissais pour ne pas sombrer. J’agissais pour entretenir l’illusion d’être en contrôle. Cette manière de vivre a perduré tout le temps que cela a été possible. J’en suis tombé malade à plusieurs reprises, mais je n’ai pas su muter mes modes de fonctionnement. Je faisais ma vie de père de famille, d’époux, de fils et d’éducateur sous le sceau du sacrifice. Mes origines judéo-chrétiennes m’offraient un cadre pour maintenir ce système cohérent et défendable.

À l’âge de quarante-trois ans, je suis au bout de mon rouleau. La pièce de théâtre dont je suis l’acteur principal et qui me tient loin de ma vie tire à sa fin. Je sens que le rideau va bientôt être tiré. Ce jeu ne pouvait plus continuer. II me fallait changer ou crever. Je devenais intolérant à tout. Je n’étais plus capable d’endurer ma manière de vivre. Je ne supportais plus ma vie, je n’aimais plus cette vie. Je ne savais plus comment faire pour ticuler avec les autres et je ne me sentais plus à ma place nulle part. Ma vie n’avait plus aucun sens. J’ajoute à cela que mon travail ne me motivait plus, mon milieu de travail ne m’attirait plus et je ne faisais plus confiance à l’organisation pas plus qu’à mon équipe de travail. Je me sentais seul face à ma misère. Je me noyais de plus en plus dans un état de mal-être. Je me demande si ce n’était pas plutôt celui du non-être. J’étais là, assis au milieu de mon désastre et je n’avais plus de forces physiques et psychiques pour rebondir. Je me sentais en errance à l’intérieur de moi-même. Lorsque je tentais de réfléchir sur ce qui m’arrivait, je me retrouvais dans un paradoxe difficile à gérer. J’étais écartelé entre la recherche d’un mode relationnel idéal, caractérisé par des liens harmonieux avec les autres et une incapacité organique et psychique à changer le modèle relationnel dans lequel je m’enlisais quotidiennement depuis déjà si longtemps. J’étais face à mes limites, à mon incapacité d’être-là et d’être-avec d’une façon saine pour moi et pour les autres. Je ne savais pas comment faire pour sortir de mes compulsions sacrificielles qui me faisaient tant souffrir. À cet époque, je 1i sais ceci: « Je suis comme tous les autres: je vois le monde comme je souhaiterais que les choses se produisent, et non comme elles se produisent réellement. » (Coelho, 1994, p.55) … et je ne faisais que confirmer ma tristesse. « Peut-être sommes-nous arrivés à la fin des temps. Il n y a pas moyen de contourner les crises qui sont de plus en plus nombreuses. » (Coelho, 1998, p.63) En tout cas, c’était certain que moi, j’étais bien arrivé à la fin d’un temps, de mon temps habituel.

C’était la fin de mon monde. Je ne voyais nulle part encore poindre la promesse d’un nouveau monde. Ma santé flanche de plus en plus. Mes pensées, mes comportements et mes choix de vie venaient de plus en plus parasuicidaires.3 Mon corps était devenu le champ de bataille de mes incohérences. J’étais dans un état d’hypertension artérielle critique. Je sentais ma vie menacée. L’idée de mourir ne me dérangeait même pas. Je me disais que dans mon cas, mourir ne serait que soulagement et libération. Je voulais être soulagé du sentiment absurde qui m’ habitait et que je n’arrivais plus à gérer. Professionnellement, je suis hanté par l’idée de tenter de « sauver les enfants et les familles que j ‘accompagne, les sauver des situations dramatiques qu ‘ils vivent. » Je ne me rendais pas encore compte à quel point c’était une aberration de vouloir donner ce qui nous manque désespérément. Là aussi, mes actions devenaient de plus en plus absurdes. Je me mettais continuellement en danger pour sauver le monde. J’étais complètement impuissant face à ma vie et je tentais quotidiennement de guider, voir de sauver celle des autres. Vouloir prendre toute la misère qui m’entoure sur mes seules épaules devenait de plus en plus intenable.

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Table des matières

DÉDICACE
REMERCiEMENTS
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
PRÉAMBULE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LES SOURCES EXISTENTIELLES ET ÉPISTÉMOLOGIQUES DE CE PROJET
1. À L’ORIGINE DE CE PROJET DE RECHERCHE: UNE IMPASSE EXISTENTIELLE ET
PROFESSIONNELLE
1.1 LA DÉMARCHE HEU RISTIQUE: UNE VOIE POUR SE REMETTRE AU MONDE
1. /.2 L’exploration : ou se donner la chance d ‘apprendre à savoir- voir et savoir vivre autrement
1.1.3 La compréhension: du voir autrement au comprendre autrement
1.1.4 La communication: ou agrandir le cercle du dialogue intersubjectif
1.2 LA MÉTHODE HEURISTIQU E, UNE DÉMARCH E D’INSPIRATION PH ÉNOMÉNOLOGIQUE
1.2.1 Le corps et la question de la perception au coeur de l ‘expérience
1.3 APPRENDRE À PRENDRE SOIN DE SOI: UNE URGENCE PERSONNELLE, PROFESS IONN ELLE ET SOCIALE lA PROBLÈME DE RECHERCHE
1.5 QUESTION DE RECHERCHE .
1.6 OBJ ECTIFS DE RECHERCHE
CHAPITRE 2 LA PLACE DU CORPS DANS LE SOIN DE SOI ET LE SOIN DE L’AUTRE: DES CONCEPTS EN ÉMERGENCE
2.1 R ENOUVELER : CRÉER DU NOUVEAU
2.2 L A NOTION DE SOIN
2.2.1 Le soin: du soin de l ‘autre et du soin de soi
2.2.2 L ‘acte de soigner
2.2.3 L ‘action de soigner
2.2.4 Le soin porté au corps
2.2.5 Une place pour soi et pour l’autre dans la relation de soin
CHAPITRE 3 CE CORPS MALADE DE MES RELATIONS: UN RÉCIT DE VIE DÉMARCHE EXPÉRIENTIELLE ET RÉFLEXIVE
3. LE RAPPORT À MON HISTOIRE
3.1 LE RAPPORT À MA PROPRE VIE
3.1.1 Une vision de ma naissance
3.1.2 Ma perception dans l ‘immédiat de cette expérience
3. / .3 L’émergence d ‘un renouvellement du rapport à ma mère
3.1.4 La place des arts et du corps dans le rapport à soi
3./ .5 Laforce des habitudes en temps de stress
3.2 LE RAPPORT À L’AUTRE: LORSQU’ IL FAUT PERFORM ER ET SE SOUMETTRE À L’AUTORITÉ
3.2. / Les ancrages de mon rapport au monde dans mon histoire transgénérationnelle
3.3 L E RAPPORT AU CORPS: CORPS OUBLIÉ, CORPS MALADE
3.3./ Vingt ans: une mononucléose
3.3.2 Une rectite ulcéro-hémorragique cyclique
3.3.4 L ‘apparition de l ‘hypertension artérielle
3.3.5 De l ‘hypertension artérielle à la paralysie : de la rupture au chaos
3.3.6 Le début d ‘un nouveau regard sur mon corps grâce à l ‘ostéopathie
3.3.7 Comment sortir de la répétition et apprendre à vivre autrement ?
CHAPITRE 4 RENOUVELER LE RAPPORT À MON CORPS ET AU DIALOGUE: UN RÉCIT DE FORMATION DÉMARCHE EXPÉRIENTlELLE ET COMPRÉHENSIVE
4. UNE QUÊTE DE RENOUVELLEMENT
4.\ LA MAÎTRISE EN ÉTUDE DES PRATIQUES PSYCHOSOC IALES..
4.2 LA COOPÉRATIVE D’ÉCHANGES DE SAVOIRS: VERS UN APPRENTISSAGE DIALOG IQUE
4.3 D E L’OSTÉOPATHIE À LA FASCIATHÉRAPI E: À LA RENCONTRE DE MA VIE AU SEIN DE MON CORPs
4.3./ Apprendre de son mouvement ou cheminer enfasciathérapie
4.3.2 Être acteur de son changement
4.4 LES HISTOIRES DE VIE EN RECHERCHE ET EN FORMATION OU COMMENT APPRENDRE DE SON EXPÉRIENCE
4.5 QUE VEUT DIRE CHANG ER LE RAPPORT À SON PROPRE CORPS?
CHAPITRE 5 LE TRANSFERT DES APPRENTISSAGES: UN RÉCIT DE PRATIQUE DÉMARCHE EXPLORATOIRE
5. MON CONTEXTE PROFESSiONNEL
5.1 UNE BRÈVE DESCRIPTION DU TISSU SOCIAL DE LA GASPÉSIE
5.1.1 Portait des services aux j eunes inscrits dans les services de la protection de la j eunesse en Gaspésie
5.1.2 Les services de réadaptation en milieu de vie
5.2 LE RENOUVELLEMENT DE MA PRATIQUE D’ACCOMPAGNEMENT: VERS QUELLES TRANSFORMATIONS ?
5.2. 1 L’accueil : un moment fondateur au coeur de l ‘accompagnement
5.2.2 L ‘« entre-nous », un espace essentiel dans l ‘accompagnement
5.2.3 Le silence, une instance stabilisatrice dans l ‘accompagnement
5.2.4 Le corps de l ‘autre: un repère dans l ‘accompagnement
5.2. 5 La relation de réciprocité au centre de l ‘accompagnement
5.2. 6 La relation entre le corps, la pensée et à la parole au coeur de l ‘accompagnement
5.2.7 Des avancés dans ma relation aux enfants et aux fam illes que j’accompagne
5.2.8 Des avancées dans mes relations professionnelles
5.3 PRENDRE SOIN DE SOI POUR MIEUX PRENDRE SOIN DES AUTRES: UNE PRIORITÉ INSTITUTIONNELLE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHI E

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