Prendre internet comme terrain. quels enjeux ? quelles difficultés ?

ÉLÉMENTS DE CONTEXTE : L’ESPACE SUD­SLAVE CENTRAL

Dans cette partie, nous allons essayer de fournir, de manière simple et concise, tous les éléments utiles pour comprendre le contexte de notre recherche.
Nous allons en premier lieu définir le cadre de notre recherche, l’espace sud­slave central. Puis nous aborderons la question des frontières étatiques et ethniques dans cet espace. Nous donnerons par la suite quelques informations concernant l’aire linguistique sud­slave centrale. Et enfin, nous évoquerons les grandes lignes de l’histoire de la région, qui permettent de comprendre comment se sont construites les identités nationales et linguistiques modernes.

Pourquoi « espace sud­slave central » ?

Dans ce premier paragraphe, il nous semble nécessaire d’expliquer le choix que nous avons fait de délimiter le cadre de notre recherche à l’« espace sud­slave central ». Nous expliquerons à quel espace fait référence cette appellation, et pourquoi nous avons choisi cette appellation pour désigner cet espace.

Àquel espace faisons nous référence ?

L’espace auquel nous nous intéresserons se délimite aux États de Croatie, de Bosnie­ Herzégovine, de Serbie et du Monténégro, quatre anciennes Républiques fédérées de Yougoslavie (CARTE 1 : p.170). Nous rassemblons ces quatre pays dans un même « espace » pour deux raisons : premièrement parce que, il y a une vingtaine d’années, les peuples résidant dans cet espace – les Croates, les Bosniaques, les Serbes, les Monténégrins – avaient un idiome commun, le serbo croate (ou croato­serbe) – une des langues officielles en Yougoslavie ; deuxi èmement parce que, si l’on parle aujourd’hui de quatre langues différentes, il semble difficile de délimiter clairement où l’on parle quelle langue. Les langues se calquent le plus souvent sur l’appartenance nationale (ethnique) des populations et il n’y a dans cette région aucune adéquation entre frontières étatiques et frontières nationales, on peut donc dire que les quatre langues sont parlées dans un même espace.
L’appellation « espace sud­slave central » fait référence à une aire linguistique, un diasystème de dialectes, se situant au centre de l’espace slave méridional, et prenant ses limites àl’ouest par l’aire linguistique sud­slave occidentale (« slovène ») et à l’est par l’aire linguistique sud­slave orientale (« bulgaro­macédonienne »). Cette aire linguistique a été pendant longtemps appelée « serbo­croate », et l’est encore par certains linguistes.
Mais lorsque nous parlons d’« espace sud­slave central », nous l’envisageons d’un point de vue sociolinguistique : nous pensons à l’ensemble des relations et des enjeux qui se sont joués et qui se jouent encore sur cet espace – prenant en considération à la fois le continuum dialectal, tout comme l’infinie pluralité des pratiques langagières (qui ne peuvent être décrites seulement en terme de dialectes ou de langues), nous considérerons les langues dans leurs multiples formes (les langues officielles, les langues standard, les langues que les locuteurs pensent parler, celles qu’ils pensent que « les autres » parlent, …), nous prendrons en compte les politiques linguistiques et les aménagements linguistiques mis en place sur ce territoire, ainsi que tous les facteurs sociolinguistiques qui jouent un rôle dans la perception et la catégorisation de la réalité langagière dans cet espace.

Pourquoi avoir choisi cette appellation ?

Quelles sont les raisons qui nous ont poussée à faire le choix de cette appellation – et non pas de celle d’« espace serbo­croate » ? D’oùvient cette appellation, dans quels cas est ­elle utilisée ?Quels sont les enjeux du choix de l’une ou l’autre des appellations ?
Comme nous l’avons énoncé plus tôt, l’espace auquel nous nous intéressons est également désignépar d’autres appellations : « serbo­croate » ou « croato­serbe ». C’est ainsi que, par exemple le linguiste P.Garde parle de « domaine serbo­croate ».
« La (ou les) langue(s) de cet ensemble a étélongtemps désignée, et l’est encore dans l’usage scientifique, par le terme de serbo­croate, du nom des deux plus nombreux de ces peuples. On peut donc parler de « domaine serbo­croate » » (Garde 2004 : 365).
Cependant, cette appellation est très controversée, et fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part des linguistes et dialectologues croates, parce qu’elle peut conduire àune confusion avec l’ancienne langue officielle « serbo­croate ou croato­serbe ».
L’appellation « sud­slave central » (srednjojužnoslavenski – littéralement : centre­sud­slave), est utilisée par les linguistes et dialectologues croates (Brozović, 1992, Lisac, 2003 ; Lončarić, 2005), pour désigner, en dialectologie, le diasystème de dialectes délimité à l’ouest par les dialectes slovènes, àl’est par les dialectes bulgaro­macédoniens.
Cette appellation a également étéreprise par d’autres linguistes, tel que S.Mønnesland (1997: 1104) qui parle d’un « territoire linguistique sud­slave central » (Central South Slavic linguistic territory), dans le but d’éviter l’appellation controversée de « serbo­croate ». Dans son article, il ne fait pas seulement référence au diasystème de dialectes et son approche ne se limite pas à la dialectologie, mais traite du rapport entre langue et nation dans cet espace.
Il est nécessaire de prendre en compte le fait que l’appellation « diasystème sud­slave central », comme toute nomination, comporte elle aussi ses enjeux. Et ce n’est certainement pas un hasard si elle apparaît dans la linguistique et dans la dialectologie croate à un moment où l’on refuse, non seulement de nommer les variétés parlés par les Serbes, les Croates, les Bosniaques et Monténégrins par un nom commun « serbo­croate » ou « croato­serbe », mais également de considérer ces variétés comme « appartenant » à un même ensemble que l’on pourrait nommer « langue ».
Nous avons pleinement conscience des enjeux que représente le choix de l’une ou l’autre de ces appellations, mais il nous est nécessaire de délimiter un cadre pour notre recherche, et de le nommer. Il nous semble que le terme « espace sud­slave central » est le mieux approprié pour désigner le cadre de notre recherche, dans la mesure où il évite toute confusion avec ce que l’on appellera la « langue serbo­croate ou croato­serbe », lorsque l’on s’attachera à mettre en évidence les modalités sociolinguistiques d’existence de cette dernière, la place qu’elle occupe dans les discours, dans les représentations, et les politiques linguistiques et les aménagements dont elle fut l’objet.

Frontières étatiques, appartenances nationales et langues dans l’espace sud­slave central

États et nations

L’espace sud­slave central se compose à l’heure actuelle de quatre États : la Croatie, la Bosnie­Herzégovine, la Serbie, et le Monténégro, quatre anciennes Républiques de la Yougoslavie fédérale (CARTE 1 : p.170). Sur ce territoire coexistent majoritairement – si l’on fait abstraction des nombreuses minorités nationales – quatre nations : la nation croate, la nation bosniaque, la nation serbe et la nation monténégrine.
Jusqu’ici les choses semblent plutôt simples : quatre États, quatre nations ; sauf que, dans cet espace, tout comme dans beaucoup de régions d’Europe de l’est, la nation doit être comprise non pas comme nation de type civique, mais comme nation de type ethnique(Garde, 2004). Il faut alors faire une stricte différence entre la citoyenneté (državljanstvo, de država : l’État), qui dénote alors l’appartenance àun État, et la nationalité, qui dénote l’appartenance àla nation, àl’ethnie, au peuple (cette différence était déjàpointée dans la Yougoslavie de Tito). The term nation is understoodto be exclusively a particular human collective and not a specific human institution represented by a territory with precise boundaries, which territory and its inhabitants are governed by a government existing on the very same territory. (Brozović, 1992 : 347)
Il n’y a donc, dans l’espace sud­slave central, aucune ad équation entre les frontières étatiques et les frontières nationales (ou ethniques). De cette façon, un Serbe (de nationalité) peut aussi bien être citoyen serbe, que citoyen croate, ou bosnien, ou monténégrin ; tout comme un Croate peut être citoyen croate, bosnien, serbe ou monténégrin (et ainsi de suite).

L’espace sud­slave central au sein d’un continuum dialectal

Comme nous l’avons brièvement évoqué plus haut, l’appellation « sud­slave central » sert également, en dialectologie, à désigner un diasystème de dialectes, une aire linguistique. Nous allons rapidement donner quelques éléments sur la description de l’aire linguistique slave méridionale, puis de l’aire sud­slave centrale.

L’aire linguistique slave méridionale

L’aire linguistique slave méridionale forme un continuum linguistique situé au sud­est du continent européen, s’étendant approximativement de la Slovénie jusqu’à la Bulgarie, en englobant les pays intermédiaires. Cette aire linguistique fait l’objet de différentes catégorisations. Nous retiendrons principalement la distinction entre trois grands ensembles linguistiques : l’ensemble « slovène » ou « ouest­sud­slave », l’ensemble « bulgaro­macédonien » ou « est­sud­slave », et l’ensemble « serbo­croate » ou « sud­slave central ».
Il semble difficile d’établir une délimitation nette entre ces trois ensembles linguistiques dans la mesure oùnous sommes en présence d’un continuum linguistique. Les frontières entre ces trois ensembles restent plutôt floues, et nous pouvons constater qu’elles se posent avec un certain consensus sur les frontières administratives des États. Ainsi, l’ensemble linguistique slovène se délimiterait aux frontières de l’État slovène, et de la même façon, les frontières de l’ensemble bulgaro­macédonnien coïncideraient avec les frontières des États bulgare et macédonien.
L’ensemble linguistique serbo­croate ou sud­slave central, quand à lui, se situe (comme son nom l’indique) au centre de l’aire slave méridionale, entre les ensembles linguistiques slovène et bulgaro­ macédonien qui lui donnent ses limites à l’ouest et à l’est. Autrement dit, l’ensemble linguistique sud­slave central se délimiterait aux frontières des États (anciennement républiques yougoslaves) deCroatie, de Bosnie­Herzégovine, de Serbie et du Monténégro (avec quelques « débordements » dans les pays frontaliers). Pourtant, il existe de nombreuses zones de transition où les variétés parlées ne se limitent évidemment pas aux frontières des États. De cette façon, certaines variétés « croates » parlées au nord­ouest de la Croatie sont parfois très proches de celles, « slovènes », parlées de l’autre côté de la frontière croato­slovène. De la même façon, certaines variétés « serbes » parlées au sud­ ouest de la Serbie sont très proches de celles « bulgares » ou « macédoniennes » parlées de l’autre côtédes frontières serbo­bulgare ou serbo­macédonienne.
There is, as in many languages, great dialectal variety, and speakers in border regions towards Slovene and Bulgarian/Macedonian can only be defined in sociolinguistic terms (ethnic affiliation, use of standard language). ( Mønnesland, 1997 : 1103)
Le découpage du continuum slave méridional est le résultat de divers facteurs sociolinguistiques (socio­historiques, culturels et politiques), parmi lesquels les facteurs linguistiques ne sont toujours pas primordiaux. Parmi ces facteurs, le développement de langues standard et leur aménagement au sein d’entités politiques définies par des frontières a, à l’évidence, joué un rôle important.

L’aire linguistique sud­slave centrale

Dialectes kajkaviens, štokaviens, čakaviens et torlakiens

Au sein de l’ensemble linguistique sud­slave central, nous pouvons faire la distinction entre trois groupes principaux de dialectes (narječja) : le štokavien (štokavsko narječje), le kajkavien (kajkavsko narječje) et le čakavien (čakavsko narječje), ainsi nommés selon la façon dont se prononce le pronom interrogatif « quoi » : « što »ou « šta »dans les dialectes štokaviens, « kaj » dans les dialectes kajkaviens, et « ča » dans les dialectes čakaviens. Un quatrième groupe de dialectes est mis en avant, le torlakien (torlačko narječje) qui est souvent regroupé parmi les dialectes štokavien (la distinction ne se base pas sur le crit ère du pronom interrogatif). (CARTES 3 et 4 : p.172 et 173) L’aire linguistique štokavienne est la plus étendue et se situe au centre de l’aire sud­slave centrale (c’est d’ailleurs sur la base des dialectes štokavien que se développeront des langues standard). La majorité des locuteurs des pays mentionnés (Croatie, Bosnie­Herzégovine, Serbie, Monténégro) parlent štokavien. Les autres aires linguistiques se situent en périphérie de l’aire sud­slave centrale.
L’aire linguistique kajkavienne se situe au nord­ouest de la Croatie, englobant la région de Zagreb.
L’aire linguistique čakavienne se situe au sud de la Croatie, en Istrie et le long du littoral dalmate. Quant àl’aire linguistique torlakienne, elle se trouve au sud­est de la Serbie, ainsi que dans certaines régions du Kosovo et de Roumanie.
Il faut, une fois de plus, préciser que ces délimitations ne sont pas nettes et que l’observation d’aires linguistiques reste un découpage au sein d’un continuum. Il existe des variétés transitoires qui relient les aires kajkavienne, čakavienne, štokavienne et torlakienne les unes aux autres, tout comme des variétés transitoires qui relient les aires kajkaviennes et čakaviennes à l’aire sud­slave occidentale (slovène), et les aires torlakienne àl’aire sud­slave orientale (bulgaro­macédonienne). the Kajkavian and Čakavian dialects form a bridge to Slovene. The Štokavian dialect area blends into Macedonian and Bulgarian through the transitionnal Torlak dialect in southern Serbia. (Greenberg, 1996 : 5)

Dialectes ékaviens, jékaviens et ikaviens

Les différentes variétés dialectales peuvent faire l’objet d’une classification en fonction de l’évolution qu’a connue l’ancienne voyelle slave jat : ě. Ce critère permet de distinguer entre autres des variétés ékaviennes (ekavske govore) (lorsque le jata évolué en /e/), jékaviennes ((i)jekavske govore)(lorsque le jata évoluéen /je/ ou /ije/), et des variétés ikaviennes (ikavske govore)(lorsque le jat a évolué en /i/) (Lončarić, 2005). Cette deuxième classification des variétés linguistiques recoupe la première, ce qui signifie que l’on retrouve au sein de chaque groupe dialectal des variétés ékaviennes, jékaviennes et ikaviennes. Il faut cependant tenir compte du caractère simplificateur de cette classification ; en effet, le jata pu évoluer dans des formes plus complexes qui n’entrent pas toujours dans ces trois catégories (ce qui est notoire dans le cas des variétés kajkaviennes) (Lončarić, 2005).
Parmi les variétés štokaviennes, on retrouve des variétés ékaviennes à l’est (exclusivement en Serbie, mais pas dans toute la Serbie). Les variétés jékaviennes sont les plus répandues, on les retrouve dans le quart sud­ouest de la Serbie (comprenant la région du Sandžak), au Monténégro, presque dans toute la Bosnie et la Croatie (sauf bien sûr dans les régions où l’on parle des variétés non­ štokaviennes). Les variétés štokaviennes ikaviennes sont plus marginales, on en trouve en Bosnie et sur le littoral dalmate.

La « fracture » entre l’Empire d’Orient et l’Empire d’Occident

La première « ligne de fracture » est celle qui départage les Empires d’Orient et d’Occident, déjà présente avant que les Slaves ne migrent dans ces régions. Elle constitue une frontière àla fois administrative et politique, mais aussi religieuse et culturelle (CARTE 5 : p.174). Lorsque les Slaves s’installent, ils se conforment (sans doute au grèdu temps) aux habitudes culturelles déjà présentes.
Ainsi lorsqu’ils se convertissent au christianisme, certains se conformèrent au rite latin et à l’Église de Rome, les autres au rite byzantin et àl’Église de Constantinople, et plus tard (après le schisme), à l’orthodoxie et au catholicisme (Garde, 2000).C’est des deux côtés de cette « ligne de fracture » que se développeront les premières formes littéraires, dans le cadre de la liturgie et de façon complètement autonome. Dans l’Empire de Byzance, les peuples slaves avaient la liberté d’utiliser leur propre langue dans le cadre religieux – ils utilisèrent donc le slavon (dans différentes formes). En revanche, le latin était la seule langue reconnue dans l’Empire d’Occident, et si les peuples slaves de cet empire utilis èrent un certain temps une forme croatisée du slavon avec l’alphabet slave glagolitique, ils l’abandonnèrent progressivement pour le latin (dans l’usage écrit religieux). Cependant le latin étant très éloigné des idiomes parlés par les peuples slaves, ces derniers développèrent très tôt des langues littéraires sur la base de leurs vernaculaires, en utilisant premièrement l’alphabet glagolitique puis presque exclusivement l’alphabet latin.

La « fracture » entre l’Empire Ottoman et l’Empire Austro­Hongrois

La deuxième « ligne de fracture » est celle qui départagera par la suite les Empires Ottoman et Autrichien. Àpartir du milieu du XIVe siècle, les Ottomans envahissent par le sud une grande partie du territoire occupé par les Slaves du Sud, et l’occupent pendant une durée qui varie entre quatre et cinq siècles en fonction des régions. Puis, dès le XVIe siècle, l’Empire Autrichien deFerdinand de Habsbourg envahit ce même territoire par le nord. Le territoire où vivent les Slaves du Sud est ainsi, jusqu’au XIXe siècle, presque dans sa totalité sous l’occupation de ces deux empires, la frontière les séparant variant de manière incessante (CARTE 6 : p.175). Les deux empires occupants introduisent sur le territoire où vivent les Slaves du Sud, de nouvelles habitudes culturelles, de nouvelles langues, et dans le cas des Ottomans, une nouvelle religion : l’Islam. (Garde, 2000).
En plus des occupations par les deux empires, il faut rajouter que l’Istrie, ainsi qu’une grande partie du littoral dalmate ont été italiennes au cours de l’histoire, ce qui a également laissé une empreinte àla fois dans les traditions culturelles et dans les pratiques langagières.
Il faut préciser que ce deuxième découpage historique du territoire occupé par les Slaves du Sud ne coïncide pas avec la première frontière religio­culturelle entre les Empires d’Orient et d’Occident. On retrouve ainsi des Catholiques dans l’Empire ottoman, tout comme des Orthodoxes dans l’Empire autrichien. (Garde, 2000).
Les deux Empires ne s’organisent pas selon le même mode. L’Empire ottoman fonctionne selon le système de millet, ce qui permet la préservation chez les Slaves du Sud de leurs communautés ethno­religieuses, mais ils sont en revanche privés de tout droit vis àvis des peuples de confession musulmane. L’Empire autrichien fonctionne selon un système féodal, il agrandit son territoire en annexant successivement des entités politiques préexistantes. Ce système permet aux Slaves du Sud la préservation d’unités territoriales et de leurs institutions historiques. Mais dans cet empire, les populations sont en revanche soumises à un fort processus d’assimilation. (Garde, 2000)
Les sujets chrétiens des Turcs sont privés de tous leurs droits, mais continuent àformer des communautés ethniques homogènes, à base confessionnelle; sans assise territoriale définie. Les sujets des Habsbourg appartiennent, eux, à une mosaïque d’unités territoriales et non ethniques, très diversifiées, qui conservent, du moins en théorie, leurs institutions historiques ; s’ils sont inégaux en droit selon les castes de la sociétéféodale, ils sont égaux selon les nationalités.(Garde, 2000 : 36)

La naissance du yougoslavisme et la chute des grands Empires

Au sein de l’Empire austro­hongrois, àpartir des XVIIIe et XIXe siècles, et sous l’influence de la pensée européenne de l’époque (éveil des nations), on voit naître et mûrir l’idée illyrienne,c’est à dire d’une part le projet intellectuel et culturel d’établir une langue commune aux peuples illyriens qui parlent des formes très proches, et d’autre part, le projet politique d’union de ces peuples au sein d’un même État. Mais à l’époque, l’appellation Illyrienest déjà comprise dans divers sens : le peuple illyrien, fait tantôt référence, dans un sens large, à tous les peuples Slaves du Sud (englobant aussi bien les Slovènes, les Croates, les Serbes, que les Bulgares), et tantôt, dans un sens plus étroit, aux peuples slaves catholiques de l’Empire austro­hongrois (sans compter les Slovènes qui forment alors déjà une entité àpart) – autrement dit les Croates (bien qu’à l’époque l’appellation « croate » ne soit pas encore généralisée), vivant alors dans trois entités politiques différentes : la Slavonie, la Croatie (se limitant alors au nord ouest de la Croatie actuelle), et la Dalmatie. Les identités nationales se bâtissent ainsi déjà àplusieurs niveaux. (Škiljan, 2002)
L’apparition de ces idées doit bien sûr être comprise en relation avec le contexte international d’ éveil des nations en Europe. Le projet d’unification linguistique et politique était principalement motivé par la volontédes peuples de se libérer de l’occupation des empires occupants. (Baggioni, 1997) Le choix est ainsi fait par les intellectuels croates (dont Ljudevit Gaj) de prendre le dialecte štokavien (le plus répandu) comme base de la langue commune. Environ à la même époque, les Serbes, se trouvant alors dans une situation de diglossie (la seule langue écrite étant le slavon, difficilement compréhensible par le peuple), Vuk Karadžićfit le choix de réformer la langue en prenant comme base le dialecte štokavien de sa région d’origine (K.Djordjević, 2004a). De son côté, Vuk Karadžić considère que tous les locuteurs du štokavien sont des Serbes. On voit ainsi déjàque les conceptions de la nation (et de la relation langue­nation) divergent en fonction des points de vue.
En 1850 est signé à Vienne le premier accord visant à uniformiser les langues des Serbes et des Croates.
Au début du XXe siècle, et après un siècle de guerre permanente contre les Ottomans, puis contre les Bulgares (pour le partage des territoire), on assiste àla naissance d’un Royaume Serbe unitaire et presque homogène d’un point de vue ethnique et religieux. Quant à l’Empire austro­hongrois, il sera démanteléaprès sa défaite lors de la Première Guerre mondiale. (Garde, 2000)

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Table des matières
INTRODUCTION
ÉLÉMENTS DE CONTEXTE : L’ESPACE SUD­SLAVE CENTRAL
PREMIÈRE PARTIE – CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
CHAPITRE I – PEUT­ON DÉLIMITER LES LANGUES ?
1. L’état du débat au sujet des langues de l’espace sud­slave central
2. Les critères de la « distance linguistique » et de « l’intercompréhension »
3. Y a­t­il des frontières dans la réalitédes pratiques langagières ?
CHAPITRE II – LA NOTION DE LANGUE EN SOCIOLINGUISTIQUE
1. L’existence sociolinguistique indéniable des langues
2. Quelle valeur ont les concepts de « distance », « d’intercompréhension » et de « frontières » dans l’analyse sociolinguistique ?
CHAPITRE III – PROCESSUS SOCIOLINGUISTIQUES DE CONSTRUCTION DES LANGUES DANS L’ESPACE SUD­SLAVE CENTRAL
1. Les étapes de la constitution des langues dans l’espace sud­slave central
2. Les outils théoriques permettant d’analyser les processus de constitution
des langues dans l’espace sud­slave central
DEUXIÈME PARTIE : DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ET ANALYSE DES DONNÉES DU CORPUS
CHAPITRE IV – PRENDRE INTERNET COMME TERRAIN. QUELS ENJEUX ? QUELLES DIFFICULTÉS ?
1. Pourquoi prendre les discussions en ligne comme terrain ?
2. La communication sur un forum de discussion
3. Constitution du corpus et orientations méthodologique de l’analyse des données
4. Structuration de l’analyse
CHAPITRE V – LES NOMINATIONS DES LANGUES
1. Les noms des langues, « métaphores de la frontière »
2. Nommer sa langue, nommer celles des autres, la négociation des noms des langues
3. La négociation des noms pour les langues de l’espace sud­slave central
CHAPITRE VI – PROXIMITÉLINGUISTIQUE, INTERCOMPRÉHENSION
ET CATÉGORISATIONS. POSITIONNEMENTS ÉPILINGUISTIQUES
1. « Différences », « intercompréhension », et classification des variétés dans le corpus
2. Les grandes tendances dans les positionnements épilinguistiques des participants
CHAPITRE VII – AUTORITÉET LÉGITIMITÉDE LA LANGUE
1. « C’est une langue car c’est ce qui est écrit dans la Constitution »
2. « Chaque peuple a le droit de nommer sa langue comme il le souhaite »
CHAPITRE VIII – AUTHENTICITÉET PURETÉDE LA LANGUE
1. Le mythe de l’origine des peuples et de leurs langues : authenticitévs. artificialité
2. Le fantasme de puretéde la langue et de la nation : puretévs. mixité
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES ANNEXES

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