La présentation fœtale en siège constitue 3 à 4 % des présentations. Le mode d’accouchement de cette présentation est actuellement controversé entre césarienne systématique et accouchement voie basse.
En 2000, Hannah publiait une étude randomisée sur plus de 2000 sièges (1). Elle suggérait un bénéfice fœtal de la césarienne systématique par rapport à la tentative d’accouchement par voie vaginale, avec une diminution de 2/3 de la morbi-mortalité néonatale, en cas de présentation du siège à terme. La morbidité reste faible dans les pays développés (1.6%). Elle semble diminuer lorsque des critères stricts d’acceptabilité de la voie vaginale et de suivi du travail sont appliqués. L’étude d’Hannah portait sur un large échantillon multicentrique. Le principal élément pointé du doigt était l’absence de restrictions des conditions obstétricales d’acceptation de la voie vaginale.
PREMODA, une étude franco-belge publiée en 2004, montrait que la voie basse en cas de siège n’est pas délétère à condition de respecter des critères optimaux d’acceptabilité de la voie basse (2). Les résultats du suivi à deux ans ne montraient pas de différence sur l’état de santé des enfants nés en siège en fonction de la voie d’accouchement (3). Cependant, la Term Breech Trial d’Hannah a modifié les attitudes dans le monde entier, augmentant considérablement le nombre de césariennes programmées pour présentation podalique.
Dans ce sens, la version du fœtus par manœuvre externe (VME) en fin de grossesse apparait comme une solution pour augmenter les chances d’accouchement par voie vaginale en cas de succès. Les objectifs de la VME sont d’augmenter les présentations céphaliques en début de travail, de réduire par conséquent le risque de complications liées à l’accouchement du siège par voie vaginale tout en réduisant le taux de césarienne pour siège et donc la morbidité maternelle. Le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) recommande de proposer systématiquement une VME aux patientes ayant un fœtus en présentation du siège entre 36 SA et 38 SA.
Cependant, le recours à la VME est discutable en plusieurs points. Le taux de réussite est faible, entre 20.8 % et 50.6 %selon les études. Elle est souvent mal supportée par les couples. Cette procédure n’est pas dénuée de risques. En 2008, Helmlinger retrouvait un taux de mortalité fœtale imputable aux VME de 0.9% (4). En 2016, une étude observationnelle sur 2546 VME montrait un taux de complications de 2,5 % (5). Une étude de la Cochrane publiée en 2015, montrait l’absence d’influence des VME sur l’issue néonatale (6). Enfin, 2 études ont montré une augmentation du taux de césariennes au cours du travail sur une présentation céphalique après une VME réussie (7,8).
En 2016, Copolla comparait un groupe ayant eu une VME programmée et un autre groupe chez qui une VME n’avait pas été programmée, sur une population de 278 sièges entre 33 SA et 35 SA. Dans cette étude rétrospective, le taux de césarienne n’était pas significativement différent entre les deux groupes (7). Ainsi, la VME bien que permettant une réduction du nombre de présentation du siège à terme, semble n’avoir qu’un faible impact sur la diminution du nombre de césariennes. Dans l’étude franco-belge PREMODA, le taux de césariennes programmées pour siège était de 67.8 %. Le taux global d’accouchement du siège par voie basse était de 22,5 %. Au CHU de Fort-De-France, il est de 55 à 59%.
Début 2014, l’ACOG publiait des recommandations ayant pour objectif de limiter les césariennes premières après avoir fait le constat d’une augmentation du nombre de césariennes sur les deux décennies précédentes, sans diminution de la morbidité maternelle et néonatale. Ce travail reprenait les résultats de plusieurs études sur les risques maternels et néonataux en fonction de la voie d’accouchement, et montrait que l’accouchement par césarienne s’accompagnait de l’augmentation de la mortalité maternelle, de la morbidité maternelle globale et en particulier des risques d’embolie amniotique, de l’augmentation des anomalies de placentation ainsi que de détresse respiratoire néonatales. Parmi les mesures recommandées, figurait la VME (8). Suite à la publication de recommandations nationales et internationales, un protocole de VME systématique programmée entre 36 et 37 SA est mis en place au CHU de Fort de France .
Voie d’accouchement
Dans notre étude, le taux de césarienne global n’est pas significativement différent après la mise en application du protocole de VME systématique. Celui-ci n’a pas permis de diminuer non plus de manière significative le pourcentage de fœtus se présentant en siège en travail. Dans l’étude de Coppola et al. (7) , le taux de césariennes global toutes présentations confondues était de 31,9 % après VME programmée et de 24,6 % lorsque la VME n’était pas programmée. Dans leur série de 273 patientes, ils ne retrouvaient pas de différence significative après ajustement sur l’âge, l’antécédent de césarienne et la parité. Leur taux de césarienne était de 30,4 % et leur taux global de césarienne sur siège était de 38,9 %. Ces taux sont inférieurs à ceux retrouvés dans notre série : 43,9 % et de 48,8 % respectivement pour le taux global et le taux de césarienne en cas de siège. Cependant, leur plus faible taux de césarienne globale peut s’expliquer par un taux de présentation céphalique de 38,8 %, plus important que le nôtre qui était de 14,2 %. Malgré un taux de succès de VME légèrement inférieur, ils avaient un taux de version spontané élevé, de 24,9 % pouvant expliquer cette proportion faible de césarienne. Dans notre étude, nous avions choisi d’exclure les patientes ayant eu une version spontanée parce qu’elles ne rendaient pas compte de l’impact du protocole. Pour Bret et al.(9), dans une étude publiée en 2004, la pratique d’une politique de VME sur fœtus initialement en siège avait permis de réduire de 20,5% le taux de césarienne global dans leur population. Dans cette étude, 67 % des sièges éligibles à la voie basse avaient accouché finalement par les voies naturelles, le taux de succès de VME était de 50,6 % et le taux de césarienne sur présentation du siège de 53% dont deux tiers étaient programmées. Certes, notre taux de succès de VME était plus faible (31,4 % sur toute la période) mais notre taux de césarienne programmée sur siège était également plus faible puisque seule la moitié des césariennes pour siège avaient été programmées. Cela signifie que l’impact des VME doit être étudié en partie en fonction de la politique de chaque service pour les conditions d’acceptabilité de la voie basse. Ce nombre de césariennes programmées pourrait aussi s’expliquer par d’autres différences de population entre nos deux études, celle de Bret étant effectuée à la maternité de Port-Royal. De plus, on ne connait pas les issues de grossesse en présentation du siège chez des patientes n’ayant pas eu de VME dans cette maternité. La pratique de la VME dans notre maternité n’a pas permis d’augmenter significativement le nombre de présentations céphaliques à l’entrée en travail et n’a pas permis de diminuer le taux de césarienne, avec même une augmentation non significative de ce taux. On retrouvait des taux de césarienne pour siège et en présentation céphalique plus importants dans le groupe des VME systématiques. Sur les deux périodes, le taux de césarienne global de la maternité est resté stable et les conditions d’acceptabilité de la voie basse en cas de siège sont restées inchangées. Cette absence de différence ne s’explique pas par un changement concomitant dans nos pratiques. Il est cependant possible que certains facteurs n’aient pas été évalués. Plusieurs études retrouvent en cas de VME réussie, un taux de césarienne supérieur à celui des présentations d’emblée céphaliques (8 11). Il y aurait chez ces patientes plus de stagnation de la dilatation, d’échec de déclenchement et de souffrance fœtale. Dans notre série, on ne peut conclure à une différence avec des effectifs de 2 et 3 césariennes pour présentation céphalique respectivement dans les groupes 1 et 2. Dans l’étude de Coppola (7), on retrouve un taux de césarienne plus important dans le groupe VME programmée que dans le groupe n’ayant pas eu de VME programmée, mais on ne connait pas la proportion de césarienne pour siège entre les deux groupes. Dans notre étude, le taux de césarienne en urgence en cas de VME réussie sur la période 1 est de 14,3% et de 15 % dans la période 2 ce qui est proche du taux global de césarienne du service (ex: taux global de césarienne 14,9% en 2016). Il est donc vraisemblablement plus important que le taux des céphaliques à terme (groupe auquel appartiennent a priori les VME réussies) puisque dans les 14,9% de césarienne du service, il y a les prématurés, les pathologies, les utérus pluri cicatriciels, les sièges etc. A titre de comparaison, les taux de césariennes à terme en céphalique et en travail spontanée était en 2015 de 9,6% chez les primipares et de 2,2% chez les multipares. Nous avons retrouvé dans notre étude une augmentation non significative du taux de césariennes en cas de siège dans le groupe des VME systématiques. En 2014, Balayla publiait une étude dont l’objectif était d’étudier les issues obstétricales et néonatales après échec de VME par rapport à une situation de succès des VME et par rapport à un groupe contrôle de siège qui n’avaient pas eu de VME (10). Cette étude trouvait un taux de césarienne plus élevé après échec de VME comparé au groupe contrôle. Cependant, le taux de VME tentée dans leur série rétrospective canadienne était faible, de 3,4 %. Une méta-analyse de la Cochrane, en 2015 (6), retrouvait une diminution des présentations non céphaliques à la naissance, une baisse des échecs de voie basse , et une diminution des césariennes après VME tentée. Néanmoins, la randomisation des 1308 patientes était sousoptimale, et les huit études incluses présentaient des limites avec un niveau de preuve faible. (11 18). Thunedbord et al., au Danemark, évaluait en 1991 les résultats de 316 VME sur une série de 1038 sièges. Leur taux de succès de VME était de 35 %, mais leur taux de césarienne était faible, de 11,4 %, et la VME permettait au final une réduction de 0,4 % du taux de césariennes. Ils mettaient en évidence une diminution du taux de succès des VME lorsque celles-ci n’étaient pas réalisées par les investigateurs de l’étude, montrant l’importance de l’expérience et de l’enthousiasme de l’opérateur pour cette procédure (19). Plus récemment, Weiniger et al. (20) évaluaient l’impact des VME sur la morbidité maternelle à partir de plus d’un million de patientes issues du registre national américain, et présentant un fœtus en siège ou en présentation céphalique après VME. Dans cette étude, la présentation céphalique après succès des VME était associée à une diminution significative du taux de césarienne par rapport au siège (20,2% contre 94,9 %). Cependant, les VME réussies représentaient 5,2 % des patientes incluses et on ne connaissait pas la part d’échec de VME parmi les sièges à l’accouchement. L’impact des VME est important aux USA où le taux de césarienne en cas de présentation du siège est de 80 %. Les auteurs mettent en évidence une relation inverse entre le taux de succès de VME et le taux de césarienne au sein d’une maternité donnée. Ils suggèrent donc que les politiques de gestion des accouchements des sièges influencent les opérateurs, et le succès de la VME pourrait être lié à la motivation des opérateurs à éviter le siège en travail (21). Enfin, dans leur large série, le succès des VME était associé à une diminution du risque d’endométrite, de sepsis et de durée de séjour, mais à une augmentation du taux de chorioamniotites.
Concernant les issues néonatales dans notre étude, l’augmentation du nombre de transferts en pédiatrie n’était pas expliquée par un état néonatal moins favorable. Il nous semble alors que d’autres facteurs soient intervenus dans les décisions de transfert. Selon nous, seuls des changements dans les indications de transfert ou dans l’équipe médicale peuvent expliquer cette augmentation.
Facteurs pronostiques de succès
Notre taux de succès de VME est de 37,8% et 28,2 % dans les deux groupes. Les données de la littérature sont très variables, allant de 16,3 % dans l’étude de Dochez (22), à 78 % chez les multipares dans l’étude de Nassar en 2006 (23). Les taux se situent généralement entre 35% et 65 % (4,5,24–29). Plusieurs auteurs ont essayé de définir des critères pronostics de succès des VME (22,30). En 2003, Hutton et al. ont réalisé une étude randomisée multicentrique comparant l’efficacité de la VME à 34-36 SA à celle à 37-38 SA. Le terme optimal semble être de 36-37 SA (31). C’est actuellement le terme recommandé par le CNGOF et celui utilisé dans notre équipe. Plus récemment, en 2017, dans une nouvelle étude, Hutton et al. retrouvaient deux facteurs indépendants prédictifs de succès de VME : le non engagement du siège et une tête palpable (30). Certains auteurs ont proposé l’utilisation de scores de prédiction de réussite de VME permettant de cibler les patientes candidates à la VME. Ainsi, Wong et al. proposent un score à quatre items : tête palpable, absence d’engagement du siège, hauteur de la symphyse pubienne et tonicité utérine (32). D’autres facteurs pronostiques étudiés semblent influencer la réussite de VME mais donnent des résultats contradictoires selon les études. Parmi eux, nous retiendrons l’utérus cicatriciel, l’obésité, la quantité de liquide amniotique et le type de siège (9).
Dans l’étude de Bret et al, un oligoamnios s’accompagnait d’un taux d’échec de 85%. Certaines équipes ont même tenté de réaliser des VME après amnio-infusion (33). En 2017, une étude randomisée comparait le taux de présentations céphaliques à l’accouchement chez des patientes ayant eu une VME précédée ou non d’une amnio-infusion après un premier échec de VME. Avec un taux de présentation céphalique à la naissance semblable dans les deux groupes, l’étude retrouvait un taux de RPM de 15% dans le groupe ayant eu une amnioinfusion et concluait à l’absence de bénéfice (33). Dans notre service, l’oligoamnios n’est pas une contre indication à la VME et nous ne pratiquons pas d’amnio-infusion, geste jugé trop invasif.
Avec un taux d’IMC supérieur à 30 kg/m² de 15% à 20 %, la Martinique présente un taux d’obésité supérieur au taux national. Dans la littérature, l’obésité n’a pas été retrouvée comme étant un facteur statistiquement prédictif d’échec (29,34). Toutefois, il semble logique qu’en cas d’obésité abdominale, la tête fœtale soit moins bien perçue. Burgos comparait le taux de succès et de complications après VME chez 70 patientes ayant un antécédent de césarienne contre 387 multipares. Il retrouvait un taux de succès comparable dans les deux groupes et aucune complication (35). Dans notre service, un utérus unicicatriciel ne contre-indique pas la VME. Cependant, nous comprenons l’influence que cela peut avoir en termes de refus de la patiente et de limitation spontanée de l’opérateur.
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Table des matières
Introduction
Matériels et Méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Serment d’Hippocrate
Demande d’Imprimatur