Premices de la psychiatrie moderne

Les troubles bipolaires reprรฉsentent une affection psychiatrique, rรฉcurrente, et ร  risques multiples. Il serait la sixiรจme cause dโ€™handicap mondiale selon lโ€™OMS. Il sโ€™agit dโ€™une pathologie frรฉquente dont la prรฉvalence sur la vie entiรจre au sein de la population gรฉnรฉrale est estimรฉe ร  environ 1 ร  2%. [29] Les troubles bipolaires sont caractรฉrisรฉs par la survenue gรฉnรฉralement rรฉpรฉtรฉe d’รฉpisodes dรฉpressifs, maniaques ou hypomaniaques, sรฉparรฉs par des pรฉriodes au cours desquelles les sujets sont ร  priori indemnes de dysfonctionnement psychique majeur. Il est connu pour ses troubles manichรฉens qui font vivre ร  ceux qui en souffrent des changements terribles de lโ€™humeur. Dโ€™un cรดtรฉ la manie, excitation extrรชme de lโ€™humeur, est un รฉtat de lโ€™humeur qui provoque lโ€™รฉlaboration de projets dรฉmesurรฉs, lโ€™explosion de la sphรจre familiale, la perte de conscience des limites du corps et de la sociรฉtรฉ. De lโ€™autre cรดtรฉ, une dรฉpression qui fait perdre le goรปt de vivre, ralentit la cognition, altรจre les fonctions vitales et fige les dรฉsirs. La manie et la dรฉpression quoi quโ€™opposรฉes dans leur symptomatologie, sont รฉgalement destructrices pour les personnes les subissant et leur entourage. Les deux versants de cette maladie ont un impact trรจs fort sur les capacitรฉs cognitives, รฉmotionnelles et relationnelles des patients. Son dรฉterminisme est complexe. Il associe des facteurs de vulnรฉrabilitรฉ gรฉnรฉtique et des facteurs environnementaux. L’existence d’une vulnรฉrabilitรฉ gรฉnรฉtique vis-ร -vis de la maladie maniaco-dรฉpressive est รฉtablie depuis longtemps. Elle repose sur l’observation d’une augmentation du risque de prรฉsenter la maladie chez les apparentรฉs de premier degrรฉ (10%) et les รฉtudes de jumeaux donnent รฉgalement des arguments en faveur de cette hypothรจse. Cependant, le rรฉel progrรจs ร  atteindre est le repรฉrage prรฉcoce des troubles bipolaires, avant la survenue de consรฉquences indรฉsirables et parfois irrรฉversibles dans la vie des patients bipolaires. En effet, les risques de suicide et de dรฉsocialisation sont majeurs. De plus, les troubles comorbides sont frรฉquents et constituent des facteurs de rรฉsistance et dโ€™aggravation du pronostic.

En raison de ces risques, la prise en charge thรฉrapeutique doit รชtre prรฉcoce et adaptรฉe. Lโ€™arsenal thรฉrapeutique des troubles bipolaires sโ€™est progressivement enrichi au cours du temps, le lithium nโ€™รฉtant plus la seule rรฉfรฉrence du traitement des troubles bipolaires. En effet, des anticonvulsivants et des neuroleptiques atypiques reprรฉsentent la nouveautรฉ thรฉrapeutique. Le traitement des troubles bipolaires reposent sur le traitement des accรจs aigus et sur la prรฉvention des rechutes. Si les traitements mรฉdicamenteux sont essentiels, il est indispensable de proposer une aide psychologique adaptรฉe au patient et ร  son entourage immรฉdiat. Dans une grande proportion des cas, lorsque le traitement prรฉventif des rechutes est correctement suivi, le retentissement social, relationnel et professionnel est minime.

Du fait de la raretรฉ des donnรฉes hospitaliรจres, nous avons donc souhaitรฉ de mener une รฉtude chez des patients atteints de troubles bipolaires hospitalisรฉs au sein du service de Psychiatrie du Centre Hospitalier National Universitaire de Fann (CHNUF). Dโ€™abord, nous exposerons les donnรฉes de la littรฉrature concernant le trouble bipolaire. Ensuite, nous aborderons la mรฉthodologie de notre recherche, puis nous allons prรฉsenter les rรฉsultats et enfin nous les discuterons avant de les comparer avec la littรฉrature relative du trouble bipolaire.

HISTORIQUE

ANTIQUITE ET EPOQUE CLASSIQUE

La manie (folie, rage, furie en grec) et la mรฉlancolie (bile noire en grec) sont des affects dรฉcrits depuis l’Antiquitรฉ, bien qu’il faille se mรฉfier des traductions hellรฉnistiques, les termes antiques n’ayant pas la mรชme signification qu’ร  l’heure actuelle. [1-3] La mรฉlancolie est un mot qui apparaรฎt dรฉjร  dans le Corpus Hippocraticum, recueil mรฉdical que l’on attribue ร  Hippocrate (460-377 av. J.-C). [2][4] Pour les mรฉdecins romains (Galien, notamment), ces deux pรดles d’humeur opposรฉe sont des catรฉgories de troubles bien distinctes et ne font pas partie de la mรชme pathologie. [2] Arrรชtรฉe de Cappadoce, disciple d’Hippocrate, serait le premier ร  avoir รฉvoquรฉ dans son ouvrage De la mรฉlancolie (Le siรจcle aprรจs J.-C) un lien entre les deux phases thymiques, ou du moins, ses รฉcrits sont les plus anciens qui aient รฉtรฉ retrouvรฉs et portant sur le sujet. [2][4] Aristote, quant ร  lui, s’interroge sur le lien entre crรฉativitรฉ et troubles de l’humeur, question encore soulevรฉe ร  l’heure actuelle devant le nombre de ยซ grands hommes ยป, de ยซ gรฉnies ยป, atteints de ces troubles. [2][5] L’รฉpoque classique est notamment reprรฉsentรฉe par L’anatomie de la mรฉlancolie, riche ouvrage que l’on doit ร  Robert Burton (1577-1640) et qui a influencรฉ nombre d’รฉcrivains jusqu’au XIXe siรจcle. Son travail recense tous les savoirs disponibles dans une bibliothรจque de son รฉpoque et a nรฉcessitรฉ plusieurs publications successives. Cette synthรจse gรฉnรฉrale des connaissances crรฉe ainsi un lien entre plusieurs รฉpoques scientifiques, depuis les descriptions antiques, en passant par l’influence des astres sur les modifications thymiques (dans la culture occidentale, Saturne a longtemps รฉtรฉ associรฉe ร  la mรฉlancolie, Mars et Jupiter aux fluctuations de l’humeur), et laissant entrevoir la psychiatrie moderne.

PREMICES DE LA PSYCHIATRIE MODERNE : FIN DU XVIIIe et XIXe SIECLEย 

L’approche scientifique en psychiatrie fait ses premiers pas en Europe, notamment en France et en Allemagne, dans le courant du XVIIIe et du XIXe siรจcle.

En France, nous retrouvons l’un des premiers psychiatres ร  avoir tentรฉ de crรฉer une classification nosologique basรฉe sur des connaissances scientifiques et statistiques. Il s’agit de Jean-Etienne Dominique Esquirol (1772-1840), disciple le plus proche de Philippe Pinel, lui-mรชme psychiatre รฉmรฉrite et fondateur de la pensรฉe psychiatrique franรงaise. [2][3][6][8][9] L’approche statistique permit ร  Esquirol de mettre en exergue deux รฉtiologies dans les troubles de l’humeur : d’une part, la saisonnalitรฉ, dรฉfinie par un pic de dรฉcompensations thymiques au printemps, et d’autre part, l’aspect hรฉrรฉditaire du trouble. De plus, il dรฉlaissa le terme mรฉlancolie au profit de celui de ยซ lypรฉmanie ยป (lype- : tristesse, en grec), trouvant la dรฉfinition du mot trop vague du fait de son ancienne utilisation. [2] En Allemagne, au milieu du XIXe siรจcle, la psychiatrie connaรฎt un essor considรฉrable, au point d’influencer durablement les connaissances du reste de l’Europe. [2] Ainsi, Wilhelm Griesinger (1817-1868) reconnaรฎt en 1845 qu’il existe une corrรฉlation entre manie et dรฉpression, formant une sorte de ยซ cercle ยป allant d’une polaritรฉ de l’humeur ร  l’autre, et ce de faรงon plus ou moins rapide. La saisonnalitรฉ (dรฉbut de manie au printemps, dรฉbut de mรฉlancolie en automne ou hiver) fait รฉgalement partie de ses observations. [2][9] Griesinger propose aussi de sรฉparer les troubles des idรฉes, ou future ยซ schizophrรฉnie ยป (terme proposรฉ bien plus tard par Kretschmer (1888-1964), des troubles des affects, vouรฉs ร  devenir plus tard les ยซ troubles bipolaires ยป. [7] Le 31 Janvier 1854, lors d’une confรฉrence ร  l’acadรฉmie de Mรฉdecine de Paris, Jules Baillarger (1809-1890), disciple d’Esquirol, expose son concept de ยซ folie ร  double forme ยป, basรฉ sur l’alternance rรฉguliรจre de phases maniaques et dรฉpressives. Quelques jours plus tard ร  peine, Jean-Pierre Falret (1794-1870) dรฉpose ร  l’acadรฉmie son dernier ouvrage, dans lequel il traite de la ยซ folie circulaire ยป, concept qu’il avait dรฉjร  รฉvoquรฉ en 1851 dans un petit article de la Gazette des Hรดpitaux, et qui se caractรฉrise par l’alternance rรฉguliรจre de phases maniaques, dรฉpressives, et asymptomatiques… une mรชme description, au mรชme moment : un long dรฉbat dรฉmarre entre les deux psychiatres, chacun souhaitant s’arroger les lauriers de la dรฉcouverte. [1][2][3][9][10][11] Malgrรฉ tout, la folie ยซ circulaire ยป ou ยซ ร  double forme ยป reste une notion restreinte qui ne reprรฉsente qu’un syndrome, et n’est pas dรฉveloppรฉe au point d’intรฉgrer la possibilitรฉ que la pathologie se dรฉcline sous plusieurs formes. [2] On doit ร  Jules Falret (fils de Jean-Pierre Falret) l’extension du concept en 1861 : celui-ci ajoute les ยซ รฉtats mixtesยป ร  la notion de folie circulaire. Ces รฉtats sont, d’aprรจs lui, des phases ร  prรฉdominance triste mais dans lesquelles s’intriquent des signes d’excitation ressemblant ร  la manie, ou inversement. [12] D’autres auteurs ont travaillรฉ sur cette affection, notamment Magnan avec sa ยซ folie intermittente ยป, ou encore Ballet avec la ยซ psychose pรฉriodique ยป.

EMIL KRAEPELIN ET LA PSYCHIATRIE MODERNE : XIXe ET XXe SIECLE

Si Griesinger est le fondateur de la psychiatrie scientifique allemande, celle-ci est bien mieux connue grรขce ร  des psychiatres comme Freud, Bleuler ou Kraepelin, qui ont contribuรฉ ร  l’importance de son dรฉveloppement. Emil Kraepelin (1856-1926) [2][4][9] a รฉtรฉ le premier ร  crรฉer une catรฉgorie diagnostique unique rassemblant manie, dรฉpression et รฉtats mixtes en 1899 : la ยซ folie maniaco-dรฉpressive ยป ou ยซ maladie maniaco-dรฉpressive ยป (MMD).

Notons d’ailleurs qu’il utilise sciemment le mot ยซ dรฉpression ยป (utilisรฉ officieusement depuis le XVIIIe siรจcle) et non plus ยซ mรฉlancolie ยป. [2] Son travail a รฉtรฉ redรฉcouvert en 1980 lors de la publication du DSM-III. [2] Les classifications proposรฉes par Kraepelin ont beaucoup รฉvoluรฉ au fil de sa vie, puisque son traitรฉ de psychiatrie (Compendium der Psychiatrie) a รฉtรฉ รฉditรฉ neuf fois (la premiรจre en 1883, la derniรจre ร  titre posthume). [2][15] La 6e รฉdition de 1899 revรชt un intรฉrรชt particulier pour deux raisons. Tout d’abord, comme nous le disions, elle voit apparaรฎtre pour la premiรจre fois le terme de Maladie (ou folie) Maniaco-Dรฉpressive. Cette apparition est en lien direct avec le regroupement progressif de plusieurs entitรฉs nosologiques (mรฉlancolie d’involution, dysthymie, cyclothymie) qui finissent par donner le concept large de maladie maniaco-dรฉpressive. [2][4][14] D’autre part, c’est dans cette sixiรจme รฉdition que Kraepelin sรฉpare les psychoses ยซ fonctionnelles ยป en deux entitรฉs : les troubles de l’humeur (autrement dit, la MMD) et la ยซ dรฉmence prรฉcoce ยป (dementia prรฆcox) [2][7][9][13], qui correspond ร  la schizophrรฉnie. Il s’inspire en fait directement de la classification de Griesinger (sรฉparation entre troubles des affects et troubles des idรฉes, 1845) d’une part et, d’autre part, de celle de Karl Kahlbaum, proposรฉe en 1863. [7][8] La classification de Kahlbaum prรฉsente l’intรฉrรชt de se baser sur le mode รฉvolutif et le pronostic de deux entitรฉs : vecordia (ancรชtre des troubles bipolaires) et vesania (future schizophrรฉnie), les ยซ vรฉsanies ยป รฉtant dรฉjร  proposรฉes par lโ€™ร‰cossais W. Cullen en 1785 et par P. Pinel en 1798. [2][3][8][9] La complexitรฉ de la classification de Kahlbaum et ses trรจs nombreuses catรฉgories font que la nosologie proposรฉe par Kraepelin a pris le pas au cours des dรฉcennies suivantes. [7] Deux points sont essentiels dans la pensรฉe de Kraepelin. Premiรจrement, les รฉtats mixtes reprรฉsentent, ร  eux seuls, la preuve que la manie et la dรฉpression constituent bien deux versants d’une seule et mรชme affection, puisque leurs symptรดmes respectifs sont retrouvรฉs simultanรฉment. [12][16] Selon lui, trois facteurs (humeur, pensรฉe et volontรฉ) influent indรฉpendamment les uns des autres sur l’humeur au cours des รฉpisodes, ce qui conduit ร  l’existence de six types d’รฉtats mixtes diffรฉrents (exemple : dans la manie stuporeuse, la pensรฉe est accรฉlรฉrรฉe tandis que l’humeur et la volontรฉ sont dรฉprimรฉes) : cette distinction sera reprise plus tard par Weygandt โ€“ รฉlรจve de Kraepelin โ€“ qui y consacrera un ouvrage spรฉcifique. [1][2][12] Au fil des รฉditions, Kraepelin affine son concept d’รฉtats mixtes en sรฉparant les formes transitionnelles (l’รฉtat mixte symbolise alors la transition entre les polaritรฉs, de l’รฉtat maniaque ร  l’รฉtat dรฉpressif) des formes autonomes (reprรฉsentant une phase en elles mรชme, et donc de plus mauvais pronostic).

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
I. HISTORIQUE
I.1. ANTIQUITE ET EPOQUE CLASSIQUE
I.2. PREMICES DE LA PSYCHIATRIE MODERNE : FIN DU XVIIIe et XIXe SIECLE
I.3. EMIL KRAEPELIN ET LA PSYCHIATRIE MODERNE : XIXe ET XXe SIECLE
I.4. CONTEMPORAINS ET SUCCESSEURS DE KRAEPELIN
II. ร‰PIDร‰MIOLOGIE
II.1. FRร‰QUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE
II.2. SEX. RATIO ET FACTEURS SOCIAUX
II.3. ร‚GE DE SURVENUE
III. DESCRIPTION CLINIQUE
III.1. ร‰PISODE Dร‰PRESSIF
III.2. ร‰PISODE MANIAQUE
III.3. ร‰PISODE HYPOMANIAQUE
III.4. TROUBLE CYCLOTHYMIQUE
IV. CLASSIFICATIONS
IV.1. LES TROUBLES BIPOLAIRES
IV.2. ร‰LARGISSEMENT DU SPECTRE BIPOLAIRE
V. COMORBIDITร‰S
V.1. COMORBIDITร‰ ADDICTIVE
V.2. COMORBIDITร‰S PSYCHIATRIQUES
V.3. COMORBIDITร‰S SOMATIQUES
VI. FORMES ร‰VOLUTIVES DU TROUBLE BIPOLAIRE
VI.1. LA SEQUENCE EVOLUTIVE MANIE-DEPRESSION-INTERVALLE LIBRE (MDI)
VI.2. LES FORMES CIRCULAIRES OU REMITTENTES
VI.3. LES CYCLES RAPIDES
VI.4. LES FORMES A EVOLUTION INDETERMINEE
VI.5. DES FORMES A EVOLUTION SAISONNIERE
VII. COMPLICATIONS
VII.1. MORTALITร‰ LIร‰E AU TROUBLE BIPOLAIRE
VII.2. CONSร‰QUENCES PSYCHOSOCIALES
VII.3. FACTEURS AGGRAVANTS
VIII. DIAGNOSTIC
VIII.1. DIAGNOSTIC POSITIF
VIII.2. DIAGNOSTIC DIFFร‰RENTIEL
IX. ETIOPATHOGร‰NIE
IX.1. FACTEURS Gร‰Nร‰TIQUES
IX.2. FACTEURS BIOCHIMIQUES
IX.3. FACTEURS NEURO-ANATOMIQUES
IX.4. FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
X. PRISE EN CHARGE THร‰RAPEUTIQUE
X.1. MOYENS THร‰RAPEUTIQUES
X.2. STRATร‰GIES THร‰RAPEUTIQUES
CONCLUSION

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