Prématurité et oralité alimentaire perturbée

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Intérêt d’une pratique de prévention et d’intervention précoce en intégrant les parents

La prévention et l’intervention précoce

L’Avenant 16 (J.O. 26/10/2017) à la Convention nationale organisant les rapports entre les orthophonistes et l’Assurance Maladie rappelle le rôle essentiel de la prévention menée par les professionnels de santé dans la politique de santé en France (Article 4). Cet avenant permet également la valorisation de la prise en soin des enfants de moins de 3 ans pour « favoriser les interventions précoces et très précoces de l’orthophoniste chez ces enfants afin de prévenir les risques d’aggravation, de complication et de chronicisation notamment des troubles sévères des interactions, de la communication, de l’oralité, […]. ». Or, de nombreux enfants nés prématurés ont des troubles de l’oralité alimentaire en grandissant (Delaoutre, 2007 ; Fucile et al., 2002 ; Guillerme, 2014 ; Lau, 2007). La prévention et l’intervention précoce auprès de cette population sont capitales. Selon une étude de Delfosse et al. (2006), à 3 ans, l’alimentation en morceaux a été mal vécue pour 44 % des enfants et 36 % se nourrissent sans ressentir de plaisir. De nombreux protocoles ont été testés pour essayer de limiter l’apparition des troubles de l’oralité faisant suite à la prématurité.
La succion non nutritive (SNN) fait consensus dans la littérature. Elle permet de stimuler le réflexe de succion de façon sécurisée. De nombreuses études montrent une amélioration de la qualité de la succion nutritive, une diminution de la durée d’hospitalisation (Sizun et al., 2017), une accélération de la TA (Lau, 2007 ; Schaal et Goubet, 2010) chez les nouveau-nés qui ont expérimenté une SNN précoce, et de meilleures capacités concernant leur développement de l’oralité alimentaire et verbale à 3 ans (Delfosse et al., 2006). La SNN en début d’alimentation entérale a aussi des effets immédiats, elle permet d’associer plaisir de succion et sentiment de réplétion gastrique, et de déclencher des mécanismes de digestion physiologiques (Schaal et Goubet, 2010 ; Senez, 2015).
La prévention et l’intervention précoce passent également par la proposition de faire sentir des gouttes de lait à l’enfant (Ratet et al., 2017). Selon Schaal et Goubet (2010), l’odeur de lait maternel semble avoir un statut sensoriel particulier entraînant des actions de succion plus marquées. Elles sont possibles aussi via des gouttes de lait per os (déposer une goutte de lait sur une lèvre ou proposer une compresse imbibée de lait) (Ratet et al., 2017) régulières, permettant une diminution de la durée de TA (Csopaki, 2015).
Des protocoles ont vu le jour afin de combiner ces différents aspects. C’est par exemple le cas du protocole de Pfister et al. (2008), qui inclut des stimulations oro-faciales (SOF), une stimulation olfactive et une posture en enroulement, qui permet ainsi une réduction de la durée de TA d’une semaine. Il semble donc important de solliciter à la fois la succion, l’olfaction et le goût pour prévenir les troubles de l’oralité (Schaal et Goubet, 2010). Toutefois, Latte et al. (2015) expliquent que des protocoles de SOF standardisés réalisés uniquement par les professionnels ne sont pas toujours correctement effectués et qu’il existe des risques de stress et d’intrusion pour le bébé. L’implication des parents semble donc indispensable du fait de leur disponibilité et de la connaissance qu’ils ont de leur enfant.

Pourquoi impliquer les parents ?

La construction de la relation parents-enfant est un processus très long qui commence dès le début de la grossesse. Une naissance prématurée stoppe ce processus de parentalité encore en élaboration. Les parents qui ne sont pas encore prêts à accueillir cet enfant doivent de plus faire face au fait que leur enfant rêvé ne corresponde pas à l’enfant réel (Devouche et al., 2017). Cette naissance prématurée, est donc vécue très différemment d’une famille à l’autre (Warren, 2017).
De plus, l’hospitalisation du nouveau-né prématuré dès sa naissance engendre une séparation parents-enfant et ne favorise pas la continuité du lien mère-bébé (Delaoutre, 2007). Une séparation précoce du bébé et de sa mère pourrait être à l’origine de comportements « insécures » chez l’enfant (Sizun et Dubourg, 2014). Ce lien se met en place notamment lors des soins et des moments d’alimentation, les premiers liens affectifs étant fondés en grande partie sur la réussite des échanges alimentaires (Delaoutre, 2007). Cependant, la prématurité entrave les possibilités alimentaires du nouveau-né, et donc la relation mère-enfant et le devenir parent. De nombreux parents évoquent un sentiment de culpabilité et se sentent démunis par le fait de ne pas pouvoir nourrir leur enfant (Guillerme, 2014). Le développement de la parentalité est ainsi mis à mal (Abadie, 2008).
En outre, l’hospitalisation fait vivre aux parents l’alimentation comme un soin technique et médical, et non plus comme un acte de plaisir et d’interactions (Ratet et al., 2017). Impliquer les parents lors de l’hospitalisation de leur nouveau-né, notamment lors de son alimentation, permettrait donc de limiter les conséquences de la prématurité, des complications médicales et de la séparation liée à l’hospitalisation.

Le rôle de l’accompagnement parental dans une optique de soins centrés sur la famille

L’évolution des pratiques a permis de montrer qu’il était important de considérer les parents comme de véritables partenaires de soins. C’est de ce constat que sont nés les soins centrés sur la famille qui visent à intégrer les parents dans la vie quotidienne de leur nouveau-né à l’hôpital. Il a été montré que lorsque la famille a la possibilité de soutenir activement le patient, celui-ci obtient un meilleur pronostic médical. Ainsi, les soins centrés sur la famille ont pour objectif d’aider à mettre en place et renforcer les liens parents-bébé précoces, afin de pallier en partie le fait que les parents ne se sentent pas réellement « parents » (Sizun et Dubourg, 2014).
Pour favoriser l’accueil de la famille au sein du service, diverses mesures ont été mises en place. Les unités de néonatologie sont ouvertes aux parents 24h sur 24 et 7 jours sur 7, l’un des parents peut dormir dans la chambre du bébé ou loger près de l’hôpital lorsqu’ils résident loin. Des chambres individuelles ont également été aménagées pour offrir davantage d’intimité aux familles par exemple (Devouche et al., 2017).
Afin de restituer aux parents leur rôle auprès de leur enfant, les soignants sont encouragés à étayer les parents lors des soins. Chaque soin de nursing est une occasion d’expliquer aux parents comment comprendre leur bébé, de souligner leurs compétences parentales et de favoriser des moments d’échange entre parents et nourrisson. Les soignants accompagnent ainsi les parents afin qu’ils deviennent les principaux donneurs de soins (Devouche et al., 2017). Ces instants permettent également de satisfaire les parents en leur apportant des informations sur leur bébé, et en répondant à leurs questions (Casper et al., 2016).
Les unités de soins étant pluridisciplinaires, les opportunités d’accompagnement à la parentalité sont donc multipliées. Chaque professionnel de santé a son rôle à jouer en effectuant un travail conjoint entre parents et soignants dans le but d’aider les parents à s’investir au mieux auprès de leur enfant (Devouche et al., 2017).
La prise en soin orthophonique du nouveau-né prématuré en service de néonatologie consiste donc à intervenir de façon précoce et préventive en s’adaptant à chaque enfant et chaque famille pour les accompagner au mieux et limiter les effets délétères des soins nécessaires à la survie du nouveau-né. Ces objectifs sont également partagés par les soins de développement.

Deux pratiques complémentaires pour les soins de développement dans le service

Le NIDCAP dans le service de néonatologie du CHU de Caen

Ratynski et al. (2017) définissent les soins de développement comme « l’ensemble des stratégies non médicamenteuses qui ont pour objectifs d’améliorer le confort de l’enfant né avant terme et de soutenir son développement dans ses aspects physiologique, neurologique, comportemental et relationnel. ». Dans cette optique, Als a créé aux États-Unis le programme NIDCAP qui est un programme néonatal individualisé d’évaluation et de soutien au développement qui intègre précocement les parents, considérés comme les « principaux agents de la régulation émotionnelle de leur enfant » (Sizun et al., 2017 ; Sizun et Dubourg, 2014). Ce programme se fonde sur la théorie synactive d’Als qui classe les comportements d’approche et de retrait du nouveau-né (indicateurs physiologiques et comportementaux) dans cinq sous-systèmes (Ratynski et al., 2017) qui interagissent les uns avec les autres en réponse aux stimulations de l’environnement du nourrisson (Martel et Milette, 2006), comme Picaud (2016) a pu l’illustrer (figure 1).
Le service de néonatologie du CHU de Caen s’inscrit dans cette pratique et a formé dès 2008 un médecin et des puéricultrices. Afin de soutenir les personnes formées NIDCAP (Warren, 2017) et poursuivre dans cette logique d’observation des comportements du bébé, de nouveaux soignants ont suivi la formation FINE en 2020, pour adapter leurs soins au niveau de développement du nouveau-né. Au sein du service, les suivis NIDCAP concernent les nourrissons les plus fragiles, principalement ceux nés avant 30 SA.
Le nouveau-né est vu comme une personne à part entière exprimant des sentiments qui doivent être pris en compte (Sizun et al., 2017). Une observation des signaux comportementaux lors d’un soin au nouveau-né, en présence de ses parents, aide les soignants à adapter son environnement et ses soins (Als, 2017). Les recommandations qui s’en suivent portent sur des stratégies environnementales (baisse du niveau sonore, niveau lumineux, etc.) et/ou des stratégies comportementales (SNN, enveloppement avec les mains ou un lange, peau-à-peau, etc.), toujours dans une logique de soins individualisés et centrés sur la famille (Ratynski et al., 2017). Il s’agit de s’adapter aux capacités sensorielles de l’enfant, en soutenant les systèmes matures et ainsi éviter un effet de privation, tout en protégeant des dystimulations les systèmes les moins matures. C’est selon cette logique qu’a été créé PARENTALIM, un accompagnement parental individualisé concernant l’alimentation.

PARENTALIM dans le service de néonatologie du CHU de Caen

Des SOF ont été intégrées dans le service de néonatologie du CHU de Caen en 2010 par Mme Blaison, orthophoniste. Au départ, les SOF étaient expliquées aux parents lors de 3 entretiens. Depuis, ce protocole standardisé, qui était réalisé par les professionnels, a évolué grâce aux réflexions au sein du service vers les sollicitations oro-faciales avec tétine (SOFT) qui s’intègrent dans une pratique individualisée et qui sont réalisées par les parents des nouveau-nés. Il s’agit de pallier le manque d’expériences oro-motrices pour accélérer l’accès à l’autonomie alimentaire (Fucile et al., 2002), d’apporter du plaisir autour de la zone orale chez le nouveau-né prématuré (Bruwier et al., 2014 ; Haddad, 2017) et d’éviter que cette zone ne soit associée uniquement à des événements douloureux.
Depuis février 2018, le livret PARENTALIM sur les soins de développement pour mieux accompagner le nouveau-né en néonatologie est diffusé dans le service auprès des parents et des professionnels (André, 2019 ; Danis, 2019). Il est associé à l’accompagnement parental orthophonique individualisé PARENTALIM. Il a été conçu afin d’harmoniser les pratiques de soins de développement au sein du service. Le livret est un médiateur permettant d’aborder avec les parents l’importance de la relation avec leur enfant, la « lecture » de ses états, puis les aides pour faciliter le développement de l’oralité alimentaire avec des mots simples et des images (Bourdon, 2018 ; Lozachmeur, 2018). Les parents sont accompagnés par un orthophoniste pendant cinq séances durant lesquelles différents sujets sont abordés progressivement : l’importance de leur présence auprès de leur enfant, puis la sensorialité, les différents états et réactions du nouveau-né, et enfin l’alimentation (SNN, SOFT, TA). Ils sont accompagnés pour comprendre les signaux de confort et d’inconfort de leur enfant puis sont encouragés à réaliser les SOFT avant chaque alimentation lorsque l’état du bébé le permet (Csopaky, 2015). Selon les réactions du bébé, les SOFT peuvent être suivies d’une proposition de gouttes de lait. Il doit s’agir d’un moment de plaisir pendant lequel les parents s’ajustent à leur bébé qui est acteur car il est libre d’accepter ou de refuser les propositions.
L’accompagnement PARENTALIM vise à impliquer les parents pour qu’ils deviennent les principaux donneurs de soins, soutenant ainsi la parentalité. Il favorise les moments d’échange parents-bébé pour engager une relation d’attachement sécurisante pour l’enfant. Il s’agit également d’aider les parents à transformer leur rapport à l’alimentation de leur enfant : de « vitale » et stressante, elle doit devenir « plaisir » » (Ratet et al., 2017).

Intérêts de coupler NIDCAP et PARENTALIM dans une logique de soins de développement

Le suivi NIDCAP et l’accompagnement PARENTALIM se sont couplés dans le service de néonatologie de Caen auprès des grands prématurés car ils se fondent tous deux sur les principes des soins de développement (Fucile et al., 2002) en intégrant les parents dans le quotidien de leur nouveau-né, en les informant et en les formant à réaliser des soins (Sizun et al., 2017). En valorisant leurs compétences parentales, cet accompagnement individualisé favorise ainsi la construction du lien d’attachement entre les parents et leur bébé, ce qui est le rôle de tout soignant de service de néonatologie, selon Olry (2017).
Le NIDCAP permet que l’étayage de la TA apporté par l’accompagnement PARENTALIM soit réalisé de façon appropriée au développement de chaque nouveau-né. Il permet de traduire le langage corporel utilisé par le nouveau-né en aidant les parents à interpréter les réactions physiologiques et comportementales de leur bébé (Martel et Milette, 2006). Le nouveau-né reste acteur de ses soins (Sizun et al., 2017) car l’adulte qui l’aide à passer progressivement à une alimentation active s’adapte en fonction des signes de confort et d’inconfort qu’il repère chez l’enfant, pour que le bébé associe ces échanges à un moment de plaisir (Haddad, 2017). Par exemple, le nouveau-né prématuré a une sensibilité singulière, ainsi une « caresse » peut être vécue comme un événement agressif (Olry, 2017). Seules les réactions du nourrisson nous permettent de savoir si la stimulation positive devient dystimulation (Haddad, 2017). Les appuis francs sont souvent plus adaptés.
L’accompagnement PARENTALIM et le suivi NIDCAP sont complémentaires et permettent d’avoir une vision plus globale du développement de l’enfant. Il s’agit ainsi d’envisager les facteurs moteurs de l’oralité (succion, coordination SDR) mais aussi plus largement des facteurs environnementaux (lumière, bruit environnant) et des facteurs comportementaux (posture) et sociaux (interactions parent-enfant) qui contribuent aussi au bon déroulement d’une alimentation (Lau, 2007).

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE THÉORIQUE
I. Prématurité et oralité alimentaire perturbée
A. Immaturité du nouveau-né prématuré et conséquences
B. Risques d’expériences de dystimulations et conséquences
C. Variabilité des risques périnataux et effets différenciés sur le développement de troubles de l’oralité
II. Intérêt d’une pratique de prévention et d’intervention précoce en intégrant les parents
A. La prévention et l’intervention précoce
B. Pourquoi impliquer les parents ?
C. Le rôle de l’accompagnement parental dans une optique de soins centrés sur la famille
III. Deux pratiques complémentaires pour les soins de développement dans le service
A. Le NIDCAP dans le service de néonatologie du CHU de Caen
B. PARENTALIM dans le service de néonatologie du CHU de Caen
C. Intérêts de coupler NIDCAP et PARENTALIM dans une logique de soins de développement
PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES
MÉTHODOLOGIE EXPÉRIMENTALE
I. Population
A. Critères de recrutement
B. Description de l’échantillon
II. Matériel et méthode utilisés
A. Le livret d’accompagnement PARENTALIM
B. Les sollicitations oro-faciales avec tétine (SOFT)
C. L’indice de risque périnatal adapté à la problématique de l’oralité chez le nouveau-né prématuré (IRPO), inspiré du PERI
III. Procédure
A. Formation préalable dans le service de néonatologie
B. Déroulement de l’étude
IV. Analyses statistiques
RÉSULTATS
I. Effets du renforcement du programme NIDCAP, par intégration de l’accompagnement parental PARENTALIM, sur la précocité d’accès à l’autonomie alimentaire en fonction du risque périnatal
II. Effets du renforcement du programme NIDCAP, par intégration de l’accompagnement parental PARENTALIM, sur les durées de transition alimentaire et d’hospitalisation
A. Effets du renforcement du programme NIDCAP, par intégration de l’accompagnement parental PARENTALM, sur la durée de transition alimentaire
B. Effets du renforcement du programme NIDCAP, par intégration de l’accompagnement parental PARENTALM, sur la durée d’hospitalisation
III. Effets de l’accompagnement PARENTALIM pour des nouveau-nés vulnérables par rapport à un protocole standardisé de SOF
A. Accès à l’autonomie alimentaire
B. Durées de transition alimentaire et d’hospitalisation
DISCUSSION DES RÉSULTATS OBTENUS
I. Précocité d’accès à l’autonomie alimentaire en fonction du risque périnatal
II. Durées de transition alimentaire et d’hospitalisation
III. Intérêt de l’accompagnement PARENTALIM pour des nouveau-nés vulnérables par rapport à un protocole standardisé de SOF
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ANNEXES

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