Prélèvement de gorge
Déroulement de l’enquête
Une équipe de spécialistes a fait le déplacement jusqu’au village d’Aït Hammou et la ville de Chichaoua, l’équipe était scindée en trois groupes, le premier était composé de pédiatres, le deuxième de cardiologues et le troisième de bactériologistes. Chaque groupe était dirigé par un Professeur de l’enseignement supérieur et comportait de nombreux médecins, étudiants en médecine et techniciens de laboratoire. Sur place, ils ont été aidés par des volontaires qui jouaient essentiellement le rôle d’organisateurs et d’interprètes. L’examen des enfants s’est fait selon un circuit étudié à l’avance, les enfants, accompagnés le plus souvent de leurs mères étaient enregistrés et examinés par l’équipe de pédiatres, tandis que les mères répondaient à un questionnaire standardisé sur les conditions de vie et d’habitation des familles (voir annexe). L’équipe de bactériologistes s’occupait de réaliser les prélèvements de gorge et les analysait sur place grâce à un laboratoire mobile venu spécialement de Marrakech. L’équipe de cardiologues procédait à un examen échocardiographique à l’aide d’un appareil portable de type General Electric Logiq et une sonde de 3,5Mhz à la recherche d’atteintes cardiaques d’origine rhumatismale. Les critères échographiques de cardite rhumatismale ont été une régurgitation d’au moins un centimètre à au moins 2,5 m/s au pic, holosystolique ou holodiastolique, vue sur deux plans au moins et/ou un épaississement valvulaire marqué.
Dans le village d’Aït Hammou, 731 enfants ont défilé pendant une semaine pour être examinés, la plupart étaient inscrit à l’école centrale d’Ait Hammou qui dessert également cinq autres villages avoisinant, ils étaient âgés entre 2 et 16 ans. Tous ont bénéficié d’une consultation pédiatrique avec traitement en cas de besoin. L’examen échocardiographique n’a été réalisé que chez 335 enfants en privilégiant ceux qui présentaient une anomalie à l’examen clinique. Un prélèvement de gorge a été réalisé pour 407 enfants. Dans la ville de Chichaoua, 279 enfants tous scolarisés dans la même école ont été examinés suivant la même méthodologie et tous ont subi un examen échocardiographique et un prélèvement de gorge. Les données recueillies ont été saisies sur des bases de données de type Access et exploitées par les logiciels Access et Excel de la suite logicielle Office 2007.
Angines Le nombre d’épisodes d’angines durant la dernière année a été déterminé pour 663 enfants âgés de plus de 3 ans, il variait de 0 à 12. La moyenne était de 1,79 et la médiane de 1 angine par enfant et par an. Le nombre d’épisodes d’angines durant la dernière année, parmi les enfants avec cardite rhumatismale variait également de 0 à 12. La moyenne était de 3,47 avec une médiane de 2 épisodes par an. L’âge de la première angine a été estimé pour 367 enfants, il variait entre 3 et 15 ans avec une moyenne de 6,2 ans et une médiane de 5ans. Il a été estimé chez 11 enfants atteints d’une cardite rhumatismale, il varie chez eux entre 3 et 10 ans avec une moyenne de 5,1 ans et une médiane de 5ans. Nous avons essayé de déterminer le mode de prise en charge des angines chez tous les enfants, 496 (67,9%) ont affirmé avoir déjà consulté dans un centre de santé pour un épisode d’angines, 256 (35%) ont affirmé avoir déjà reçu un traitement par Benzathine Benzyl Pénicilline dont 84 (32,8%) ont rapporté la notion de douleurs insupportables, 16 (6,25%) la notion d’éruption cutanée et 5 (1,9%) la notion de choc anaphylactique après l’injection.
Le nombre d’enfants qui ont affirmé avoir déjà été traité par pénicilline A était de 205 enfants, 51 ont déclaré avoir été traité par un autre antibiotique, 144 ont déjà eu recours à de la médecine traditionnelle, 81 ont déjà pratiqué l’automédication et 53 ont déjà consulté dans un cabinet médical privé. Parmi les 17 enfants souffrants d’une cardite rhumatismale, 12 ont affirmé avoir déjà consulté au centre de santé pour traiter un épisode d’angines, 9 ont affirmé avoir déjà reçu un traitement par Benzathine Benzyl Pénicilline dont 3 ont rapporté la notion de douleurs insupportables et aucun d’entre eux n’a rapporté la notion d’éruption cutanée ni de choc anaphylactique. 5 enfants ont déjà reçu de la pénicilline A, un enfant a déjà été traité par un autre type d’antibiotique, 4 enfants ont déjà eu recours à la médecine traditionnelle, 5 enfants ont déja pratiqué l’automédication et deux enfants ont déjà consulté dans un cabinet médical privé.
Historique
Le RAA est une maladie connue depuis l’antiquité, elle a été décrite par Hippocrate comme étant une maladie fébrile non mortelle des articulations atteignant surtout les jeunes. Par la suite, on confondit souvent dans le cadre de l’arthrite la plupart des maladies articulaires. En 1591, Guillaume de Baillou appliqua le terme de rhumatisme à ce que ses prédécesseurs appelaient « arthritis » et mit en lumière l’entité nosologique du RAA. En 1812, le médecin anglais William Charles Wells (1757-1817) rédigea le premier travail clinique sur les relations entre le RAA et les lésions valvulaires cardiaques [5]. En 1835 puis en 1836, Jean Baptiste BOUILLAUD identifia les lésions orificielles du coeur qu’il rattacha au RAA et qu’il distingua des lésions congénitales loi de coïncidence de l’endocardite et de la péricardite avec le rhumatisme [6]. En 1931, la responsabilité du streptocoque hémolytique dans la pathogénie du RAA a été mise en évidence par les travaux de Schlesinger, Coburn et Collis [7]. Dans les années 1930 – 1940, aux États-Unis et en Europe, le RAA et les cardiopathies rhumatismales chroniques représentaient une des premières causes de décès par maladie chez les jeunes de 5 à 20 ans et venaient en seconde position après la tuberculose chez les 20 à 30 ans.
De 1933 à 1938, les travaux de Lancefield et de Sherman permirent de distinguer les différents groupes de streptocoques et par la suite de faire la relation entre le SBHGA et le RAA [8]. En 1944, Jones a établi les critères de diagnostic du RAA qui portent son nom [9] et qui ont été modifiés plusieurs fois notamment en 1955 par Rustein et ses collaborateurs puis en 1965 par Stollerman et ses collaborateurs, la dernière modification date de l’année 1992. En 1949, Hench et Kendoll ont établi le protocole thérapeutique associant la pénicilline et les corticoïdes [10]. Auparavant, on prescrivait les sulfamides et les salicylés. En 1963, Kaplan et ses collaborateurs ont mis en évidence une relation entre l’antigène streptococcique du groupe A et des anticorps au niveau du tissu du myocarde humain, c’est la première fois que l’hypothèse immunologique fut prouvée [11].
Epidémiologie
L’incidence du RAA dans le monde, varie énormément selon le niveau socioéconomique d’un pays et le développement de ses infrastructures sanitaires, dans les pays développés elle est de 0,5 pour 100.000 enfants en moyenne [13] tandis qu’elle oscille entre 100 et 200 pour 100.000 enfants dans les pays en développement [14]. La prévalence, quant à elle, serait de 3 pour 1000 en Algérie [1 5], de 6,2 pour mille en Alexandrie (Egypte) [16], de 0,5 pour mille au nord de l’Inde [17], et de 1,2 pour mille au Népal [18]. Au Maroc, 6569 nouveaux cas de RAA ont été rapporté en 2006, en hausse de 15% par rapport à l’année 2005[19]. Le continent africain qui compte 10% de la population mondiale, compte également la moitié des enfants atteints de cardite rhumatismale dans le monde [20]. Au Maroc, deux enquêtes menées en milieu scolaire, l’une à Rabat et l’autre à Casablanca, ont permis de trouver un taux de prévalence de cardiopathie rhumatismale équivalent à 10,5 ‰ et 3,5 ‰ [21]. Une étude de l’OMS [22] estime que la prévalence des cardites rhumatismales chez les enfants âgés de 5 à 14 ans est de 7,6 pour 1000 chez la population indigène d’Australie et de Nouvelle Zélande ainsi qu’au Pacific, de 3 pour 1000 en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, de 1,9 pour 1000 au moyen orient et en Afrique du nord et de 1,6 en Asie centrale. La même étude estime que le nombre de cardites rhumatismales dans le monde varie entre 15,5 et 19,6 millions de cas. On estime que 300.000 personnes meurent chaque année dans le monde à cause des complications cardiaques du RAA [23].
Il existe dans un même pays une grande disparité entre l’incidence de deux populations de niveau socioéconomique différent. Dans la ville de Miami par exemple, elle varie de 12,25/100.000 chez la population noire à 0,52/100.000 chez la population blanche non hispanique [24]. Dans le district de Waikato en Nouvelle Zélande, 77 cas de rhumatisme articulaire aigu ont été diagnostiqués entre 1998 et 2004; 83% d’entre eux font partie des Māoris, une population locale autochtone défavorisée [25]. En Inde, une étude menée dans plusieurs écoles de différents niveaux socioéconomiques a établit que la prévalence clinique des cardites rhumatismales était de 28,2/1000 dans les écoles où sont scolarisés des enfants de bas niveau socioéconomique contre 5,8/1000 dans celles où des enfants issus d’un milieu de haut niveau socioéconomique étaient scolarisés [26]. Cependant, ces statistiques demeurent controversées spécialement dans les pays en développement et sont critiquées par de récentes études d’avoir sous estimé la prévalence du RAA.
Ces études épidémiologiques, le plus souvent de types transversales ont été effectuées en accordant une grande importance à l’examen échocardiographique chez une population d’enfants à la recherche d’une atteinte cardiaque d’origine rhumatismale, étant donné que l’examen échocardiographique a une sensibilité de 81% et une spécificité de 93% pour poser le diagnostic des cardites rhumatismales et des valvulopathies infra-cliniques [27]. Les résultats de ces enquêtes ont démontré que la prévalence des cardites rhumatismales était 10 à 14 fois plus élevée que les chiffres avancés auparavant. Ainsi, elle est de 21,5 pour 1000 au Cambodge au lieu de 2,2 pour 1000 et de 30,4 pour mille au Mozambique au lieu 2,3 pour 1000 retrouvée grâce à la clinique [28]. En République Démocratique du Congo, la prévalence des cardites rhumatismales est de 14,03 pour 1000, mais avec une différence significative entre les régions suburbaines où la prévalence est de 22,2 pour 1000 et les zones urbaines où la prévalence est de 4 pour 1000 [29]. Au Lahore (Pakistan), une étude réalisée auprès de 25.000 enfants scolarisés et issus des milieux urbain et suburbain, a démontré que la prévalence des cardites rhumatismales dans cette région était de 21,9 pour mille [30].
Une étude Australienne réalisée dans les iles Tonga dans l’océan pacifique sur 5053 enfants a démontré que la prévalence des cardites rhumatismales était de 33,2 pour mille [31]. Ainsi, l’utilisation de l’échocardiographie permet d’augmenter de manière significative le nombre de cardites rhumatismales détectées [32]. L’étude que nous avons menée au village d’Aït Hammou a permis de retrouver 17 cas de cardites rhumatismales parmi 731 enfants examinés (2,32%), ce qui correspond à une prévalence de 23,25 pour mille. Cependant, il faut noter que parmi les 731 enfants examinés au village d’Ait Hammou, l’échocardiographie n’a été réalisée que chez 335 enfants. Tous les enfants qui avaient un souffle cardiaque et qui étaient au nombre de 102 ont été choisi pour réaliser une échocardiographie. Le reste (233 enfants) avait un examen clinique cardiovasculaire strictement normal; nous avons pu découvrir 9 cas de cardite rhumatismale infra-clinique chez eux, soit 3,86%. Si on applique ce taux sur les 396 enfants chez qui l’examen échocardiographique n’a pas été réalisé et qui avaient un examen clinique cardiovasculaire normal, on pourrait en déduire que 15 autres cas de cardite rhumatismale infra-clinique auraient pu être découvert si l’échocardiographie avait été généralisée à tous les enfants du village, ce qui augmenterait les cas de cardite rhumatismale à 32 cas, soit une prévalence de 43,77 pour mille. Cette prévalence trop élevée confirme les données des récentes études épidémiologiques.
|
Table des matières
INTRODUCTION
ENFANTS ET METHODE
RESULTATS
AÏT HAMMOU
Profil épidémiologique
Niveau socio-économique
Profil clinique
Echocardiographie
Doppler
Prélèvement de gorge
CHICHAOUA
Profil épidémiologique
Niveau socio-économique
Profil clinique
Echocardiographie
Doppler
Prélèvement de gorge
DISCUSSION
Historique
Epidémiologie
Aspects échocardiographique
La prévention primaire
La prévention secondaire
Traitement de la crise aigue
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
ANNEXES
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet