Predicting initial relationship satisfaction
Théorie de la personnalité de Kernberg
La théorie psychodynamique de l’organisation de la personnalité et de la pathologie de la personnalité telle que développée par Kernberg et ses collègues (Kernberg & Caligor, 2005) est fondée sur la théorie contemporaine des relations d’objets (Kernberg, 1976) et est associée à la psychothérapie focalisée sur le transfert (Kernberg, Yeomans, Clarkin, & Levy, 2008). Le terme « objet » qui est utilisé dans le courant psychodynamique pour des raisons historiques est synonyme de « personne ».
Or en ce sens, « relation d’objet » représente la qualité des relations qu’a un individu avec autrui (Caligor & Clarkin, 2010). Cependant, dans cette conception théorique, les relations interpersonnelles externes ou observables renvoient aux « relations d’objet interne » de l’ individu. Les relations objectales entretiennent des liens complexes avec les expériences développementales, particulièrement les interactions vécues avec les figures d’ attachement (Kernberg & Caligor, 2005). Ces expériences relationnelles et affectives sont graduellement encodées en mémoire sous forme « d’unités de mémoire affective » (Clarkin, Yeomans, & Kernberg, 2006). Ainsi, une relation d’objet internalisé fait référence à un état affectif reliant une représentation de soi-même à une représentation de l’autre (p. ex., un affect de peur rattachant la représentation d’un soi faible et vulnérable à une figure d’ autorité sévère et menaçante) (Kernberg & Caligor, 2005). La relation d’objet venant d’être décrite est dite « dyadique » puisqu’ elle implique deux représentations (soi et autrui). Cependant, à mesure que les relations d’objets deviennent plus évoluées et mieux intégrées, elles peuvent devenir triadiques (c.-à-d., une représentation de soi interagissant avec deux représentations d’autrui) (Kernberg & Caligor, 2005).
Les relations d’objets internes constituent les fondements des structures de personnalité et découlent de l’ interaction entre les dispositions constitutionnelles de l’ individu (c.-à-d., la propension de l’individu à vivre des affects négatifs ou positifs de façon plus ou moins intense selon son tempérament) et de la relation qu’il a vécue et internalisée ses principales figures d’attachement. Dans l’élaboration de sa théorie du développement de la personnalité (Clarkin, et al., 2006; Kernberg & Caligor, 2005), Kernberg reconnaît également l’importance des processus cognitifs dans la représentation que se fait l’ indi vidu de ses interactions avec l’environnement et de son univers affectif. De plus, il intègre les aspects neurobiologiques et génétiques du
tempérament et de ses influences sur la modulationaffective. Le terme « structure de personnalité » réfère ici à un mode de fonctionnement mental relativement stable et persistant qui organise les comportements et l’expérience subjective de l’individu (Clarkin, et al., 2006). Malgré que la nature et l’organisation des structures psychologiques tendent à demeurer stables dans le temps, celles-ci peuvent être modifiées et assouplies par la maturation, les expériences de vie ou un traitement psycho thérapeutique réussi (Caligor & Clarkin, 2010).
Au cours du développement, les polarités positives (expériences agréables/satisfaisantes) et négatives (expériences désagréables/douloureuses) des affects qui auparavant étaient associés séparément à des représentations d’objets internes « tout bon » ou « tout mauvais » seront graduellement intégrées (Kernberg & Caligor, 2005). Cette intégration des polarités dans un tout permettra à la psyché d’avoir des représentations plus complexes et réalistes de soi et des autres (c.-à-d., qu’une personne peut avoir du bon et du mauvais; être parfois satisfaisante et parfois frustrante). La réalisation de ce processus du développement psychique est intimement liée au parachèvement de l’ identité (c.-à-d., l’ intégration du concept de soi et des autres). Un système défensif plus ou moins évolué se développera parallèlement pour gérer les tensions et les inconforts pouvant résulter des différents mouvements internes conséquent au niveau d’ intégration de l’ identité (p. ex., maintenir séparées les représentations des « mauvais» objets internes pour ne pas contaminer les « bons », ce qui fait référence au mécanisme du clivage). De plus, lorsque l’identité d’un individu n’est pas parachevée et que des défenses plus « primitives » tels que le clivage sont utilisées, celui-ci peut également présenter des lacunes plus ou moins sévères au niveau du contact avec la réalité (c.-à-d., la difficulté à différencier les sources internes des sources externes de stimuli et les frontières de soi de celles des autres). Enfin, un système de valeurs morales (référant au surmoi) reflétant les idéaux de l’ individu et l’intériorisation des règles de conduites personnelles et sociétales se développera (Caligor & Clarkin, 2010). Ce système de valeurs morales sera plus ou moins flexible selon son degré d’intégration, soit déficitaire (comportement antisocial) ou rigide Gugement moral sévère et critique de soi excessive). Ainsi, en considérant le concept d’identité, de mécanismes de défense, de contact avec la réalité, de valeurs morales et de qualité des relations objectales, il est possible de déceler la structure de personnalité d’un individu qui s’organise selon trois niveaux, soit l’organisation psychotique, limite et névrotique (Caligor & Clarkin, 2010; Clarkin et al., 2006; Kernberg & Caligor, 2005).
Kernberg a établi une définition claire de la personnalité normale qui est utilisée comme référence de comparaison et qui sert à guider les thérapeutes dans le traitement de la pathologie de la personnalité.
Masochisme et satisfaction conjugale
Seulement trois groupes de chercheurs se sont intéressés à l’association entre les traits de la PDM et la satisfaction conjugale (Kilmann, 2012; Knabb et al., 2012; Naud et al., 2013). Ces trois études ont démontré que ces traits semblent être liés de façon négative à la satisfaction conjugale.
Longitudinalement, cet effet serait plus fort chez les femmes que chez les hommes (Naud et al., 2013). Knabb et al. (2012) ont étudié l’association entre les traits pathologiques de la personnalité et le fonctionnement conjugal auprès de 270 couples hétérosexuels en détresse qui consultaient en
thérapie. Ces auteurs ont utilisé le MCMI-III, une mesure permettant d’évaluer divers traits et pathologies de la personnalité, dont le masochisme. Leurs résultats indiquent que les femmes ne présenteraient pas significativement plus de traits de la PDM que les hommes. Toutefois, les femmes ayant des traits de la PDM rapporteraient un moins bon fonctionnement conjugal. Cet effet n’est pas significatif chez les hommes. Kilmann (2012) s’est intéressé à l’association entre la personnalité et la détresse conjugale en tenant compte de l’effet modérateur de la durée de la relation chez 92 couples qui consultaient en thérapie. Ces auteurs ont effectué les analyses selon que les couples étaient dans une relation de moins de six ans ou dans une relation de plus de sept ans. Tout comme Knabb et al. (2012), ces auteurs ont utilisé le MCMI-III. Les résultats de Kilmann (2012) montrent que chez les couples mariés depuis six ans ou moins, les traits de la PDM des femmes sont associés positivement à leur détresse conjugale, alors que chez les hommes, leurs traits de la PDM ainsi que
ceux de leur femme sont associés positivement à leur détresse conjugale. Chez les couples mariés depuis sept ans ou plus, les traits de la PDM des femmes sont associés positivement à leur propre détresse conjugale, tandis que chez les hommes, aucune association n’est significative. Tout comme chez Knabb et al. (2012), les résultats de Kilmann (2012) montrent que les femmes ne présenteraient pas significativement plus de traits de la PDM que les hommes dans les mariages d’une durée de moins ou plus de sept ans. Naud et al. (2013) ont quant à eux examiné, chez 299 couples de la communauté, comment le style d’attachement et la PDM permettent de prédire la satisfaction conjugale initiale et à long-terme par le biais d’une perspective dyadique. Ces auteurs ont utilisé l’Inventaire de l’organisation de la personnalité (IPO), une mesure permettant d’évaluer la pathologie de la personnalité selon la conceptualisation de Kernberg (1984). Les résultats des analyses de régressions multiples hiérarchiques démontrent que les femmes présenteraient significativement plus de traits de la PDM que les hommes, ce qui concorde avec les observations cliniques de Kernberg (1995) discutées précédemment. Toutefois, la taille de l’effet est relativement petite. Au premier temps de mesure, les résultats montrent que chez les hommes, leurs propres traits de la PDM ainsi que ceux de leur femme permettent de prédire leur satisfaction conjugale initiale. Chez les femmes, c’est seulement leurs propres traits de la PDM qui permettent de prédire leur satisfaction conjugale initiale. À long terme, les traits de la PDM de la femme et ceux de l’homme ne permettent pas de prédire la satisfaction conjugale de la femme, alors que les traits de la femme permettent de prédire celle de l’homme au deuxième temps de mesure. Toutefois, les traits de la PDM constituent des prédicteurs longitudinaux significatifs de la satisfaction conjugale des hommes et des femmes lorsque le style d’attachement des partenaires est considéré. En effet, les résultats de Naud et ses collègues (2013) suggèrent que la sévérité des traits de la PDM interagit de façon complexe avec le style d’attachement préoccupé ou évitant des partenaires.
Personnalité et relation conjugale
Dans ses écrits, Kernberg (2011) explique de façon théorique et selon ses observations cliniques comment les traits de personnalité peuvent se répercuter sur la qualité de la relation amoureuse. Peu d’auteurs jusqu’à présent se sont intéressés à l’étude de l’association entre la personnalité telle que conceptualisée par Kernberg (1995) et la satisfaction conjugale. En effet, seulement deux études ont été recensées (Verreault, Sabourin, Lussier, Normandin & Clarkin, 2013; Naud et al., 2013). Les résultats de ces études montrent que les traits pathologiques de la personnalité sont négativement associés à la satisfaction conjugale. Kernberg (2011) souligne l’importance de l’agressivité comme facteur permettant de mieux comprendre cette association.
|
Table des matières
Liste des tableaux
Liste de figures
Remerciements
Introduction
Le rôle central de la satisfaction conjugale
Modèle conceptuel de la satisfaction conjugale
Théorie de l’ attachement
Attachement amoureux et satisfaction conjugale
Personnalité et satisfaction conjugale
Théorie de la personnalité de Kernberg
Définition de la personnalité normale
Niveaux d’organisation et pathologie de la personnalité
Organisation de la personnalité limite
Organisation de la personnalité névrotique
Trouble de la personnalité dépressive-masochiste
Attachement, personnalité et satisfaction conjugale
Objectif
Article scientifique
Abstract
Adult romantic attachment
Attachment and contemporary psychodynamics
Depressive-masochistic personality
Attachment, self-sacrifice, depressive-masochistic personality and couple
satisfaction
Objectives and hypotheses
Method
Participants and procedure
Measures
Attachment
Depressive-masochistic personality traits
Relationship satisfaction
Analytic strategy
Results
Predicting initial relationship satisfaction
Direct effects
Interaction effects
Predicting long-term relationship satisfaction
Direct effects
Interaction effects
Discussion
Clinical implications
Strengths, limitations and future directions
References
Footnotes
Conclusion
Références
Télécharger le rapport complet