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L’oxalate de cuivre : un matériau modèle
Parmi les oxalates de métaux divalents cristallisés, CuC2O4 semble présenter des caractéristiques particulières. Cet oxalate a comme première spécificité de faire exception à l’isomorphie structurale des oxalates de métaux divalents dihydratés (MC2O4, M = Mg, Mn, Fe, Co, Ni et Zn). Sa structure cristalline particulière semble être liée à sa nanocristallinité intrinsèque ainsi que d’une différenciation en polarité des faces de ces NCx constitutifs [57]–[59]. Ce composé serait donc un exemple type de NCx à faces différenciées sujets à un auto-assemblage orienté et tridimensionnel (3D) menant à des mésocristaux. De plus, l’introduction d’un additif au cours de la synthèse de CuC2O4 permettrait un contrôle du processus d’auto-assemblage par adsorption sélective sur certaines faces cristallines des NCx [57]. Ce composé réunirait ainsi les caractéristiques de structure mésoscopique, de reconnaissance de faces cristallines et d’auto-assemblage autocorrectif. Ces propriétés ouvrent des perspectives très prometteuses dans le contrôle et l’élaboration de structures complexes 2D et 3D variées à l’échelle mésoscopique.
À ces caractéristiques très intéressantes s’ajoute une facilité d’élaboration, cet oxalate nanostructuré pouvant être synthétisé dans des conditions proches ou équivalentes à celles du milieu naturel (précipitation en phase aqueuse, à température ambiante). La facilité et la rapidité d’obtention de CuC2O4 s’explique notamment par sa très faible solubilité de CuC2O4 dans l’eau [80].
Toutes ces caractéristiques semblent faire de CuC2O4 un modèle idéal d’étude afin de comprendre les mécanismes d’auto-assemblage à l’échelle mésoscopique et de déterminer les principaux moyens de contrôle possibles sur ces mécanismes.
Synthèse de l’oxalate de cuivre
L’oxalate de cuivre (CuC2O4) peut être obtenu selon différents protocoles d’élaboration. L’étude menée dans ce chapitre a notamment pour objectif de décrire et comprendre les effets de ces paramètres sur la structure et les propriétés des particules obtenues. Chacun des trois protocoles détaillés dans cette partie constitue un ensemble de conditions spécifiques en termes d’hydrophobicité du milieu de synthèse et de cinétique de formation des particules de CuC2O4. L’hydrophobicité du milieu est modifiée par la nature du solvant et la cinétique de formation de CuC2O4 est influencée par la nature de la réaction cinétiquement limitante.
Précipitation « directe » en phase aqueuse
La précipitation « directe » de CuC2O4 en phase aqueuse constitue la méthode s’approchant le plus des conditions de formation de ce composé à l’état naturel. Le protocole utilisé s’inspire de celui décrit par Jongen et al. [1]. Il repose sur le mélange contrôlé de trois solutions aqueuses : une solution « mère » à la limite de saturation en CuC2O4 solubilisé, une solution A de nitrate de cuivre II dihydrate (Cu(NO3)2.2H2O) et une solution B d’oxalate de sodium (Na2C2O4). Le pH de ces trois solutions est préalablement ajusté à 5 à l’aide de solutions aqueuses d’acide nitrique (HNO3) et d’hydroxyde de sodium (NaOH). Cette valeur de pH est fixée en début de synthèse afin de se placer dans le domaine de prédominance de CuC2O4. La limite de saturation de la solution mère en CuC2O4 est obtenue par dissolution de Cu(NO3)2.2H2O et de Na2C2O4 à une concentration de 2,22×10-4 mol.L-1. La réaction de précipitation de CuC2O4 étant équimolaire entre les ions Cu2+ et les ions C2O42-, les concentrations des solutions A et B sont fixées identiques à 4×10-2 mol.L-1. Cette précipitation est qualifiée de « directe » car elle a lieu dès que les solutions A et B sont ajoutées simultanément à la solution mère, celle-ci étant à la limite de saturation en CuC2O4. La cinétique de cristallisation de CuC2O4 est donc rapide.
Lors de l’étude de l’influence d’additifs sur certaines propriétés de CuC2O4 (chapitre 3), le même protocole sera suivi et les additifs seront préalablement dissouts dans la solution mère.
L’ajout simultané des solutions A et B à la solution mère est réalisé dans un réacteur ballon à l’aide d’une pompe péristaltique à la vitesse de 7 mL.min-1. Le montage utilisé est illustré par la figure 2.1. La précipitation se déroule sous agitation permanente et sous régulation à 40 °C. La dispersion aqueuse obtenue est maintenue à cette même température et sous agitation jusqu’à un temps de maturation de deux semaines. Des prélèvements sont réalisés tout au long de cette période afin de suivre l’évolution des nanostructures de CuC2O4 au cours du temps (cf. partie 2.3).
Précipitation « directe » dans l’acétone
La précipitation de CuC2O4 dans l’acétone permet d’étudier l’influence de la nature du solvant de synthèse sur la structure et les propriétés des nanocristaux (NCx). Le protocole de synthèse a volontairement été choisi voisin de celui de la précipitation dans l’eau. La précipitation est réalisée à partir de deux solutions de Cu(NO3)2.2H2O (solution A’) et d’acide oxalique (H2C2O4) (solution B’) dissouts dans l’acétone. L’acide oxalique a ici été préféré à l’utilisation de Na2C2O4 en raison de la très faible solubilité de ce dernier dans l’acétone. La solubilité négligeable de CuC2O4 dans ce solvant rend également obsolète l’utilisation d’une « solution mère ». Les solutions A et B sont donc directement mélangées sous agitation dans le réacteur. Les concentrations des solutions A’ et B’ sont identiques et fixées à 4×10-2 mol.L-1. La température du système est régulée à 40 °C et l’agitation est maintenue durant toute la phase d’ajout. L’insolubilité de CuC2O4 dans l’acétone pouvant être considérée comme totale à température ambiante, sa cinétique de cristallisation lors de l’ajout des solutions A et B est donc très rapide, d’où le terme « directe » caractérisant cette précipitation. Le montage utilisé dans ce protocole est illustré par la figure 2.2. La caractérisation ultérieure des particules obtenues (cf. partie 2.2) indiquera que le temps de maturation n’est pas un paramètre influent avec cette méthode de synthèse.
Structure « multi-échelles » de l’oxalate de cuivre
La compréhension du mécanisme d’auto-assemblage de NCx nécessite de caractériser précisément les propriétés structurales de ce matériau modèle. L’étude menée dans cette partie a pour principaux objectifs de décrire la structure mésoscopique particulière de CuC2O4 et d’ajuster la structure communément admise de ce composé. La structure mésoscopique est étudiée par microscopie électronique ainsi que par microscopie à force atomique (AFM). L’affinement de la structure cristalline de CuC2O4 est ensuite réalisé par diffraction de rayons X (DRX) et par diffraction de neutrons (DN). Les propriétés vibrationnelles de CuC2O4 sont enfin explicitées par l’application de la théorie des groupes à sa structure cristalline afin de prévoir les modes de vibrations observables par spectroscopie Raman et infrarouge.
Méthodes de caractérisation
Microscopie électronique
Les images de microscopie électronique à balayage (MEB) présentées dans l’ensemble de ce chapitre ont été obtenues avec un microscope SEM Philips XL-30 réglé à une tension d’accélération comprise entre 15 et 20 kV.
Les images de microscopie électronique à transmission (MET) ont été obtenues avec un microscope FEI Technai G2. Dès les premières secondes d’observation, l’instabilité de CuC2O4 sous l’exposition du faisceau électronique utilisé est constatée, cette propriété étant commune avec d’autres matériaux organométalliques. Les particules se transforment en quelques secondes sous l’effet du faisceau focalisé d’électrons. Le microscope utilisé ne disposant pas de porte-échantillon « refroidi » permettant de limiter ce phénomène, les clichés de diffraction électronique ainsi que les images à très fort grandissement (> 105 ×) n’ont pas pu être exploités de façon satisfaisante.
Microscopie à force atomique
Les images AFM présentées dans ce chapitre ont été obtenues avec un microscope Park (ex-PSIA) XE-100 en mode oscillant (« tapping mode »). La sonde utilisée comporte une pointe pyramidale en silicium (MikroMash NSC15) dont le rayon de courbure est spécifié à 10 nm. La fréquence de résonnance de la sonde est de 325 kHz. La boucle de rétroaction contrôlant le déplacement vertical du bloc piézoélectrique sur lequel est fixée la sonde est paramétrée de manière à réguler selon l’amplitude de vibration de la sonde.
Diffraction de rayons X et diffraction de neutrons
Les expériences de diffraction de rayons X (DRX) ont été réalisées au moyen d’un diffractomètre Siemens D5000 en configuration de Bragg-Brentano sur les poudres de CuC2O4 obtenues selon les trois modes de synthèse Aq-p, Aq-m et Ac-p (cf. partie 2.1). La source du rayonnement X est une anode en cuivre et les deux longueurs d’onde d’émission considérées pour les affinements sont λ(CuKα1) = 1,5405 Å et λ(CuKα2) = 1,5443 Å.
Les expériences de diffraction de neutrons (DN) ont été réalisées au Laboratoire Léon Brillouin (LLB – CEA Saclay) au moyen du diffractomètre 3T2. Ce diffractomètre à 2 axes est situé proche du coeur du réacteur nucléaire Orphée et utilise des neutrons « thermiques ». Il est dédié aux travaux de détermination et d’affinement de structures cristallines pour des échantillons se présentant sous forme de poudres. La longueur d’onde du faisceau incident de neutrons est de 1,225 Å.
Pour chaque diagramme de DRX et de DN obtenu, un affinement de la structure cristalline de CuC2O4 est réalisé par la méthode de Rietveld à l’aide du logiciel FULLPROF SUITE [2]. Les profils de chaque pic de diffraction sont affinés en utilisant la modélisation pseudo-Voigt de Thomson-Cox-Hastings.
Spectroscopie Raman et spectroscopie infrarouge
Les résultats de spectroscopie Raman ont été obtenus avec un spectromètre Horiba Jobin-Yvon LabRam HR800 résolu spatialement à quelques microns au moyen d’un microscope optique muni d’un objectif 10X (cf. annexe). La longueur d’onde choisie pour cette étude est λ = 514,5 nm. Deux réseaux dispersifs ont été utilisés pour l’acquisition des spectres : un réseau de 600 traits, permettant d’acquérir chaque spectre dans un domaine spectral continu allant de 50 à 1900 cm-1, et un réseau de 2400 traits permettant une haute résolution spectrale (1 cm-1), mais impliquant un domaine d’acquisition ne couvrant que 100 cm-1.
Les résultats de spectroscopie IRTF ont été obtenus avec un spectromètre Perkin-Elmer Spectrum GX. Ce spectromètre est équipé d’un détecteur mercure-cadmium-tellure (MCT) refroidi avec de l’azote liquide permettant une haute sensibilité vis-à-vis des composés présents en faible quantité. L’analyse des poudres de CuC2O4 est réalisée en mode transmission. Chaque poudre est dispersée dans le bromure de potassium (KBr), matériau non absorbant dans le domaine infrarouge, avec une concentration massique de 2 ‰. Les dispersions sont ensuite compressées sous forme de pastilles de 1 cm de diamètre. Les pastilles sont séchées à une température de 80 °C pendant 30 minutes afin d’éliminer l’eau présente dans le KBr.
Structure mésoscopique
Comparaison morphologique des particules d’oxalate de cuivre
L’influence du mode de synthèse sur la morphologie des particules obtenues est tout d’abord étudiée. Les images obtenues par MEB (cf. figure 2.4) révèlent que la morphologie des particules de CuC2O4 est fortement influencée par le type de synthèse utilisé.
Les particules de type Aq-p obtenues après 30 min de maturation dans la solution de synthèse (cf. figure 2.4 a) se présentent sous la forme de coussins facettés mesurant de 1 à 3 μm, conformément à ce qui a été observé dans les études précédentes [1], [3].
Les particules de type Ac-p et Aq-m présentent des morphologies bien différentes de celle des particules Aq-p. Par ailleurs, on ne trouve pas dans la littérature d’étude morphologique antérieure sur des particules de CuC2O4 réalisées dans ces conditions. Les particules de type Ac-p apparaissent sous forme de bâtonnets agglomérés. La figure 2.4.b montre de légers signes de polycristallinité concernant ces bâtonnets, particulièrement au niveau de leurs extrémités.
Les particules de type Aq-m (cf. figure 2.4 c) se présentent sous la forme de fines plaquettes carrées mesurant de 500 nm à 3 μm de côté.
Précipitation « directe » en phase aqueuse (Aq-p)
La figure 2.5 présente les particules en forme de coussin obtenues après 30 min de maturation en milieu de synthèse. Chaque particule présente vers le haut une face particulière. Les notations α et ε adoptées par la suite pour la description des faces de ces particules sont choisies en accord avec les modèles préétablis [1], [3].
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Table des matières
1 L’auto-assemblage et les oxalates de métaux divalents
1.1 Le phénomène d’auto-assemblage
1.1.1 Principes généraux de l’auto-assemblage à l’échelle mésoscopique
1.1.2 Les moteurs du phénomène d’auto-assemblage
1.2 Les oxalates de métaux divalents cristallisés
1.2.1 Cristallisation des oxalates métalliques
1.2.2 Structure des oxalates métalliques
1.3 Enjeux et objectifs de la thèse
1.3.1 L’oxalate de cuivre : un matériau modèle
1.3.2 Objectifs
2 L’oxalate de cuivre : synthèse et caractéristiques structurales
2.1 Synthèse de l’oxalate de cuivre
2.1.1 Précipitation « directe » en phase aqueuse
2.1.2 Précipitation « directe » dans l’acétone
2.1.3 Précipitation par oxydation de cuivre métallique
2.2 Structure « multi-échelles » de l’oxalate de cuivre
2.2.1 Méthodes de caractérisation
2.2.2 Structure mésoscopique
2.2.3 Structure cristalline
2.2.4 Structure vibrationnelle
2.3 Mécanisme d’auto-assemblage
2.3.1 Méthodes expérimentales
2.3.2 Résultats de l’étude statistique
2.3.3 Résultats du suivi cinétique
2.3.4 Modèle d’auto-assemblage orienté
2.4 Conclusion
2.4.1 Des perspectives de contrôle à l’échelle nanométrique
2.4.2 “Self-organized assembly of copper oxalate nanocrystals” (JPCC)
3 Effets d’additifs sur les propriétés de l’oxalate de cuivre
3.1 Effets d’additifs sur la structure mésoscopique de l’oxalate de cuire
3.1.1 Influence des additifs sur la morphologie des mésocristaux
3.1.2 Influence des additifs sur le mécanisme d’auto-assemblage
3.2 Étude des interactions entre les additifs et l’oxalate de cuivre
3.2.1 Méthodes de caractérisation
3.2.2 Résultats de la spectroscopie infrarouge
3.2.3 Résultats de la spectroscopie Raman
3.2.4 Résultats de la spectroscopie UV-visible
3.3 Dégradation de l’oxalate de cuivre en présence d’additifs
3.3.1 Méthodes de caractérisation
3.3.2 Résultats de l’analyse thermogravimétrique
3.3.3 Résultats de la spectroscopie Raman
3.4 Conclusion
3.4.1 Perspectives : vers l’élaboration de mésostructures complexes
3.4.2 Interactions entre molécules d’additifs et nanocristaux dans des
3.4.2 nanostructures « coeur-couronne » d’oxalate de cuivre
Conclusion générale
Annexe – Spectroscopie Raman
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