Le diabète de type 2 est une maladie grave du fait de sa chronicité et des complications qui en découlent. Elle est associée à une mortalité importante. La prévalence du diabète au niveau mondial est en augmentation avec un passage de 108 millions de personnes en 1980 à 422 millions (8.3% de la population adulte) en 2014 et l’OMS prévoit 552 millions (9.9% de la population adulte) de diabétiques d’ici 2030. L’OMS prévoit aussi qu’en 2030, le diabète sera la 7e cause de décès dans le monde (1). La Haute Autorité de Santé (HAS) a mis en place des recommandations précises qui permettent une prise en charge adaptée (2) (3).
La prévalence du diabète est plus élevée en Martinique par rapport à la prévalence nationale avec, en 2016, 30 787 diabétiques en Martinique, soit une prévalence de 8.18%, pour un rapport de 1.52. Les facteurs de risques cardiovasculaires associés et les complications sont différents (4). Concernant la population Française métropolitaine, il a été mis en évidence que la précarité est corrélée à l’apparition du diabète et de ses complications. Cette corrélation entre précarité et diabète n’a été que peu étudiée sur la population Française métropolitaine et encore moins sur la population Antillaise (5). Concernant les patients pris en charge dans le service de médecine vasculaire en Martinique, nous hospitalisons à première vue des patients venus de tous horizons et de toutes classes sociales et de tout âge, majoritairement Antillais. Au niveau national, une part des patients hospitalisés pour diabète le sont pour une plaie du pied (668 patients pour 100 000 en 2013) (6). L’infection osseuse est fréquente chez le diabétique, présente dans 30 à 80 % des cas selon la gravité de l’infection (7). L’évolution est à risque d’une amputation du membre inférieur, avec des conséquences dramatiques sur la qualité de vie et l’autonomie du patient. Cependant, il a été prouvé qu’une grande partie des amputations étaient évitables (8). L’objectif principal de cette étude était de mesurer la précarité et d’évaluer le niveau socioéconomique des patients diabétiques avec une plaie du membre inférieur compliquée d’une ostéite ayant bénéficié d’une biopsie osseuse.
MATERIELS ET METHODES
Nous avons réalisé une étude épidémiologique, rétrospective, monocentrique, observationnelle descriptive et transversale, sur une période de 4 ans entre le 01 janvier 2015 et le 30 mai 2018, incluant tous les patients répondant aux critères d’inclusions, admis au Centre hospitalier Universitaire de Martinique.
Population étudiée
Les critères d’inclusions étaient les patients diabétiques adultes hospitalisés avec une plaie du membre inférieur, ayant bénéficié d’une biopsie osseuse du membre inférieur entre le 01 janvier 2015 et le 30 novembre 2018. Les patients dont le dossier médical était peu informatif, non joignables, décédés, mineurs ou refusant de participer étaient exclus.
Recueil des données
Les données des patients hospitalisés au CHUM ont étés recueillies à partir des archives du Département d’Informations Médicales (DIM), qui comprend depuis 2012 les 3 hôpitaux MCO publics de la Martinique. Tous les prélèvements ont été réalisés sur le site de PZQ (Pierre Zobda Quitman). Ces données ont été colligées dans un tableau Excel. Tous les dossiers ont été demandés aux archives et consultés pour en extraire les données. Concernant la partie administrative, il a été relevé le nom et prénom, le sexe et la date de naissance, la ville de résidence et code postal, le numéro de téléphone personnel et de la famille accompagnante, la profession et le niveau d’étude ainsi que la date de la retraite.
Pour la partie clinique, le poids, la taille, le type de diabète et la durée de celui-ci, son insulinorequérance, les complications associées de type neurologique, ophtalmologique ou rénal, l’antécédent d’ulcère cutané dans l’année précédente, la présence d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs ont été récoltés. Le stade rénal des patients atteints de complications rénales a été classé selon la classification KDOQI (Kidney Disease Outcomes Quality Initiative). Il a aussi été relevé la consommation de tabac en tant que Non-fumeur, Fumeur actif, Fumeur sevré ou d’alcool en tant que Non alcoolodépendant, Alcoolodépendant actif ou Alcoolodépendant sevré. Les patients étaient considérés comme fumeurs si ils fumaient au moins une cigarette par jour, et ils étaient considérés comme alcoolodépendants si ils buvaient un verre d’alcool ou plus par jour, sur au moins quatre jours de la semaine. Concernant l’ostéite, l’imagerie diagnostique (radiographie, IRM [Imagerie par résonnance magnétique] ou scanner), la localisation de l’ostéite, la durée avant la première consultation, le type de traitement médical ou chirurgical, l’opérateur de la biopsie osseuse, le service ayant réalisée la chirurgie s’il y en avait une, le niveau d’amputation initial et celui de la reprise chirurgicale dans l’année s’il y en avait une, ont aussi été recueillis. Le type de traitement est défini par le « traitement conservateur » incluant les patients recevant une antibiothérapie seule et les amputations localisées (phalanges ou orteils), et le traitement « amputation majeure » regroupant toutes les autres chirurgies. A l’aide du logiciel de biologie Cyberlab, une partie de la biologie a été collectée avec notamment l’HBA1C, le germe et l’antibiogramme associé.
Classification de gravité des plaies du pied
Les plaies du pied ont été gradées en différents stades par les classifications UT (University of Texas) [annexe 1] et PEDIS [Annexe 2]. La classification UT permet d’évaluer une plaie chez un diabétique avec rapidité et efficacité. C’est la classification de référence dans l’évaluation des plaies. Elle se présente sous la forme d’un tableau qui prend en compte la profondeur de la lésion et la présence de signes infectieux et ischémiques. Le grade de sévérité fait donc varier le risque d’amputation. La classification PEDIS, fondée par un consensus international, est la plus récente. Elle intègre 5 paramètres qui sont dans l’ordre : perfusion, étendue, profondeur, infection et sensibilité. Ces paramètres vont faire varier le pronostic et donc aider pour le choix du traitement adapté.
Evaluation de la précarité
Selon la définition du Conseil Economique et Social, la précarité se définit comme « l’absence d’une ou plusieurs des sécurités notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux » (Wresinski 2001) (9). Nous avons choisi d’utiliser le score EPICES (Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d’Examen de Santé) dans cette étude pour sa facilité, reproductibilité et réalisable par téléphone. Le score EPICES a été validé pour la population Française, son avantage est de prendre en compte plusieurs axes supplémentaires, et non uniquement les ressources économiques des patients pour mesurer la précarité. Ce score prend en compte un axe de défaveur sociale, en plus de l’axe de défaveur matérielle. Il a été créé en 1998 par le CETAF (Centre Technique d’Appui et de Formation des Centres d’examens de Santé) , les centres d’examens de santé (CES), et l’école de santé publique de Nancy, (10) afin de répondre à la publication de l’arrêté ministériel de 1992 relatif aux examens périodiques de santé (11). Le BEH (Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire) numéro 14/2006 relate l’étude de ce score sur une cohorte de 200 000 patients (12). Le score EPICES s’exprime par un résultat chiffré et varie en fonction de tous les indicateurs. La limite inférieure du 4eme quintile dans l’étude de validation du score correspond au seuil de précarité chiffré à 30.17.
Etude de la prise en charge de l’ostéite
L’examen d’imagerie réalisée est la radiographie conventionnelle dans 66% des cas, un scanner dans 31% des cas et une IRM dans 2.7% des cas. Une biopsie osseuse est réalisée dans 54% des cas au bloc opératoire par la chirurgie, par l’UNRI dans 16% des cas, et dans 14% des cas au lit du patient. L’opérateur de la biopsie est inconnu dans 15% des cas. La biopsie osseuse est revenue positive dans 73.2% des cas. Le traitement chirurgical est effectué dans 91.1% des cas et réalisé par le service de Chirurgie Vasculaire dans 58.8% (60/102) des cas, par la Chirurgie Viscérale dans 14.7% des cas, par la Chirurgie Orthopédique dans 25.5% des cas et par la Clinique Saint Paul dans 0.98% des cas. Le traitement a été conservateur dans 64.3% des cas, et regroupe les patients traités par antibiothérapie seule et les patients ayant bénéficié d’une chirurgie mineure (phalanges ou orteils), et le traitement a été l’amputation majeure dans 35.7% des cas qui regroupe les autres chirurgies. La typologie de traitement Conservateur/Chirurgie majeure n’est pas significative en fonction des Quintiles. Le traitement Médical pur/Chirurgie est significative des Quintiles du score EPICES. La typologie de traitement en fonction du seuil de précarité est non significative.
La typologie de traitement est aussi significative en fonction de la superficie de la plaie (EXTEND) cotée par la classification PEDIS (p<0.01), avec un pourcentage d’amputation croissant en fonction de l’extension de la plaie pour le groupe amputation. Nous retrouvons respectivement, pour une superficie <1cm, 100% de traitement conservateur et 0% d’amputation majeure, pour une plaie de 1-3cm, 78% de traitement conservateur et 22% d’amputation majeure, et pour une superficie >3cm, 51% de traitement conservateur et 49% d’amputation majeure. Nous retrouvons une relation significative (p=0.019) entre le seuil de précarité et l’étendue de la plaie cotée selon la classification PEDIS (EXTEND). Nous retrouvons respectivement, pour une plaie <1cm, 100% de patients non précaires, pour une plaie de 1-3cm, 24% de non précaires et 76% de précaires, pour une plaie >3cm, 20% de non précaires et 80% de précaires.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES