Méthodes alternatives à la lutte chimique
Les moyens de protection des récoltes ou des cultures basés sur les savoir-locaux utilisant les extraits de plantes, sont une alternative pour la préservation de la santé humaine et de l’environnement (Ngamo et Hance, 2007). En effet, la réduction de l’emploi des pesticides chimiques due à l’utilisation des extraits de plantes contribue énormément à la réduction de la pollution de l’environnement et permet d’améliorer la santé des populations (Bonzi, 2007). Les biopesticides sont généralement moins toxiques que les produits synthétiques, et moins susceptibles d’entraîner une résistance chez les ravageurs. L’huile de margousier par exemple, contient de l’azadirachtine, qui perturbe le cycle biologique de nombreux insectes nuisibles. Un autre biopesticide, fabriqué à partir du champignon Beauveria bassiana, est très efficace contre la fausse teigne des crucifères, une espèce nuisible du chou qui résiste aux insecticides à base de pyréthrinoïde (FAO, 2012). Mais, leurs préparations demandent beaucoup de temps et un travail souvent pénible. Cela présente par conséquent un problème pour les grandes superficies. Pour les préparations de neem (Azadirachta indica) (feuilles, fruits ou écorces) par exemple elles exigent, pour être efficaces, d’épandre 15 litres à l’hectare. Il y a non seulement le problème de la disponibilité des arbres, mais aussi le transport de la solution destinée à traiter de grandes superficies (Ouédraogo, 2011).
Classification des pesticides
Les pesticides peuvent être classés selon les trois (3) critères suivants: les organismes vivants visés, les caractéristiques chimiques et l’usage (Calvet et al., 2005).
Classification selon l’ennemi ciblé Selon les organismes nuisibles qu’ils doivent combattre, on distingue plusieurs catégories de pesticides dont les principales sont :
– les herbicides, qui luttent contre les plantes adventices des cultures ;
– les fongicides, qui luttent contre les champignons pathogènes ;
– les insecticides, qui luttent contre les insectes nuisibles.
À ces trois principaux groupes se rajoutent : les acaricides (pour la lutte contre les acariens, et qui sont souvent intégrés aux insecticides), les rodenticides (contre les petits rongeurs), les nématicides (contre les vers), les molluscicides (contre les escargots et les limaces), les taupicides (contre les taupes), les corvifuges ou corvicides (contre les corbeaux), les médiateurs chimiques (phéromones) (MEF, 2006).
Classification selon les caractéristiques chimiques Calvet et al., (2005) distinguent trois catégories de pesticides selon leurs caractéristiques chimiques.
Les pesticides inorganiques Selon ces mêmes auteurs, les pesticides inorganiques sont très nombreux et anciennement employés dans l’agriculture. Ce sont par exemple le cuivre et le soufre. Mais de nos jours avec la découverte de la chimie organique, ils ne sont plus employés comme insecticides. Seul le chlorate de sodium est encore employé comme désherbant total. L’essentiel de ces pesticides inorganiques sont des fongicides à base de soufre et de cuivre sous diverses formes.
Pesticides organométalliques Ce sont des fongicides dont la molécule est constituée par un complexe d’un métal tel que le zinc et le manganèse et d’un anion organique dithiocarbamate. Comme exemples de pesticides organométalliques nous pouvons citer le mancozèbe et le manèbe (Calvet et al, 2005).
Pesticides organiques Les pesticides organiques contiennent du carbone. La plupart des pesticides organiques sont composés de dérivés du pétrole. Les pesticides organiques provenant de plantes sont appelés des pesticides botaniques. Les chimistes ont classé les pesticides organiques en groupes ou familles partageant des structures moléculaires semblables. Les pesticides organiques d’un groupe présentent souvent des propriétés semblables. Les principaux groupes organiques sont présentés ci-dessous Calvet et al, (2005).
-Pesticides organophosphorés (OP) : La plupart des pesticides organophosphorés sont des insecticides. Ils ont souvent une courte persistance dans le sol, dans la nourriture et dans les aliments pour animaux. Tous les OP sont des inhibiteurs du cholinestérase. Les insecticides OP courants comprennent le phorate, le malathion, le diazinon et le diméthoate. Ces produits présentent une toxicité aiguë bien plus forte que les organochlorés. Leur grande toxicité en fait une des causes les plus fréquentes d’empoisonnement dans le monde agricole (Bonnefoy et al., 2012).
-Pesticides du groupe des carbamates : Les carbamates peuvent être des insecticides, des fongicides et des herbicides. La plupart d’entre eux ont une courte persistance dans l’environnement. Le niveau de toxicité des pesticides du groupe des carbamates peut varier de légèrement toxique à très toxique. Les insecticides du groupe des carbamates sont des inhibiteurs du cholinestérase. Les carbamates constituent une famille polyvalente puisqu’on y trouve aussi bien des herbicides que des fongicides ou des insecticides (Calvet et al., 2005).
-Pesticides organochlorés (OC) : Les pesticides organochlorés sont rarement utilisés de nos jours parce qu’ils peuvent subsister pendant longtemps dans l’environnement. Ils tendent également à s’accumuler dans les tissus adipeux des humains et des animaux. Certains insecticides organochlorés dont la persistance est plus courte et dont la toxicité est moindre pour les mammifères sont encore disponibles. L’endosulfan et le méthoxychlore sont des exemples de pesticides organochlorés (Calvet et al.,2005).
-Pesticides de type triazine : Les composés de ce groupe chimique sont tous des herbicides, légèrement toxiques pour les humains. Il s’agit notamment de l’amitrole, de l’atrazine, de l’hexazinone, de la métribuzine et de la simazine. La plupart d’entre eux sont des insecticides systémiques et sont absorbés par les racines des plantes. Quelques-uns d’entre eux sont absorbés par les feuilles, puis se répandent dans la plante. Les triazines sont persistantes et les résidus peuvent demeurer dans le sol pendant longtemps (Calvet et al., 2005).
Classification selon l’usage : Les pesticides sont utilisés dans plusieurs domaines d’activité pour lutter contre les organismes vivants nuisibles, d’où des usages différents. Il existe six catégories de pesticides classés selon leurs usages, c’est-à-dire, selon la destination des traitements :
– les cultures ; ce sont des pesticides utilisés en agriculture pour maintenir un bon état sanitaire des sols et des végétaux. Ils sont les plus nombreux, principalement des insecticides-acaricides, des fongicides et des herbicides ;
– les bâtiments d’élevage ; il s’agit surtout des insecticides et de bactéricides ;
– les locaux de stockage des produits végétaux ; ce sont des insecticides et des fongicides ;
– les zones non-agricoles ; il s’agit principalement des herbicides ;
– les bâtiments d’habitation ; ce sont des insecticides, des rodenticides, des bactéricides et des fongicides ;
– l’homme et les animaux ; il s’agit d’insecticides et de fongicides utilisés pour l’hygiène humaine et vétérinaire (Calvet et al., 2005).
Utilisation des modèles numériques et d’indicateurs
Plusieurs modèles et indicateurs ont été développés afin d’évaluer les risques des pesticides et d’apporter des éléments de réponse pour le choix des pesticides et des pratiques de traitements susceptibles d’avoir le moins d’impacts sur l’environnement et sur l’homme. L’utilisation de modèles numériques de simulation permet d’obtenir des flux de concentrations en pesticides dans les différents compartiments de l’environnement (air, sol, eau, plante) (Mamy et al., 2008). Mais leur utilisation reste délicate et complexe à mettre en œuvre sur un site qui ne dispose pas de jeu de données conséquent (Bockstaller et al., 2015 ; Ecrin, 2002). Cependant, leur complexité n’a pas été un frein à leur développement. Par exemple, le modèle HAIR (HArmonised environmental Indicators for pesticide Risk) a été développé pour évaluer l’impact des pesticides utilisés sur l’environnement et sur la santé humaine. C’est un ensemble d’indicateurs, qui sert d’outil d’évaluation de l’efficacité des politiques de l’Union Européenne visant une agriculture durable (Kruijne et al., 2011). Ce modèle inclut cependant certaines relations empiriques spécifiques à l’Europe, ce qui le rend difficilement transposable. En plus du modèle HAIR, on peut citer d’autres types de modèles tels que MACRO (Jarvis et al., 1994, 1995), PRZM (Pesticide root zone model) (Carsel et al., 1985), etc. En plus des modèles d’évaluation d’impact de l’usage des pesticides en production agricole, il existe des indicateurs d’évaluation. Les modèles se distinguent des indicateurs par le nombre d’équations enchaînées dans un logiciel dédié (Surdyk et Vernoux, 2011). Les indicateurs se basent généralement sur le calcul de note ou score de risque. Ils diffèrent entre eux par les processus qu’ils agrègent et par la manière dont les processus sont agrégés et par les paramètres qui sont pris en compte. L’indicateur GUS (Groundwater Ubiquity Score) (Gustafson, 1989) est un indicateur qui permet de définir une classe de mobilité pour une substance. Comme autre exemple, nous avons l’indicateur EIQ (Environmental Impact Quotient) (Kovach et al., 1992) qui estime l’impact environnemental d’un pesticide sur l’environnement, l’agriculteur et le consommateur. L’indicateur IRPeQ (Indicateur de Risque des Pesticides du Québec) est un outil de diagnostic et d’aide à la décision conçu pour optimiser la gestion des produits phytosanitaires, développé par les ministères de l’agriculture et de l’environnement du Québec (Samuel et al., 2007). Quant à l’indicateur EPRIP (Environmental Potential Risk Indicator for Pesticide) développé par Trevisan et al. (2009), il prend en compte le devenir des substances dans plusieurs compartiments de l’environnement (air, sol, eaux souterraines, eaux superficielles). Il est basé sur le calcul d’un ratio de concentrations environnementales prédites (PEC : Predicted environmental concentration) pour chaque compartiment. En plus des modèles et des indicateurs d’évaluation des risques des traitements phytosanitaires, des moyens règlementaires et législatifs ont été mis en place par les Etats pour contrôler l’usage des produits chimiques.
Conclusion et perspectives
La production maraîchère contribue à l’amélioration des conditions de vie des ménages et à l’approvisionnement en produits de consommation des citadins. Cependant, l’activité est confrontée au problème d’attaque de ravageurs si bien que des pesticides chimiques de synthèse sont utilisés par les producteurs. Afin de faire l’état des lieux des risques de pollution environnementaux liés à l’usage des pesticides en production maraîchère à Sakaby et Dogona à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), une caractérisation des exploitations maraîchères a été faite. Une estimation des risques de pollution des compartiments environnementaux à l’aide d’indicateur EPRIP a également été nécessaire. Pour l’atteinte de ces objectifs, une enquête auprès des producteurs et l’utilisation d’indicateur d’évaluation d’impact des pesticides en production agricole ont été indispensables. Les exploitations maraîchères à Sakaby et Dogona sont caractérisées par de petites superficies (0,1 ha en moyenne) exploitées principalement par les hommes (100%) possédant un niveau d’instruction faible (55% niveau primaire). L’activité maraîchère est dominée par l’usage de fumure organique et de pesticides chimiques de synthèse dominés par la famille des pyréthrinoïdes (91%). La perception de l’impact des pesticides sur le sol et l’eau est diversement appréciée par les producteurs. En effet, 65% des producteurs pensent que les pesticides n’ont aucun effet sur le sol. 60% affirment qu’ils ont un effet bénéfique puisqu’ils protègent les cultures de l’attaque des ravageurs. En plus du problème d’attaque des ravageurs de cultures, les producteurs maraîchers rencontrent d’autres types de problèmes tels l’accès au marché (37%), l’accès au crédit agricole (47%), l’achat de matériels agricoles (47%) et le manque d’eau d’irrigation (20%). De l’évaluation des impacts des pesticides par l’indicateur EPRIP, il ressort une présence d’effets toxiques liés à l’usage de methomyl, le glyphosate, l’acétamipride, le cyperméthrine, le lambda-cyhalothrine, le deltaméthrine et l’abamectine sur l’eau souterraine, l’eau de surface et le sol. Toutefois, le risque de présence d’effets toxiques pour les organismes vivants dans l’atmosphère est négligeable. Par ailleurs, il a été observé des concentrations environnementales prédites (0,2 µg/l) des résidus de pesticides dépassant les normes standards (0,1 µg/l) dans l’eau souterraine et aussi des concentrations très élevées (45,3 µg/l) au niveau du sol. D’un point de vue analytique, le risque environnemental lié à l’usage des pesticides est faible pour l’ensemble des scénarii. Aussi l’étude suggère :
– la mise en place d’un mécanisme de surveillance des pesticides ayant comme matière active l’acétamipride, le cyperméthrine et l’abamectine dans les périmètres maraîchers ;
– des mesures directes permettant une validation de l’indicateur EPRIP à travers l’analyse des sédiments d’eau de surface;
– que l’étude puisse être étendue à d’autre sites de production à caractéristiques agroécologiques différentes ;
– que de modèles de prédiction des risques sur le long terme et sur la santé humaine soient utilisés dans les études ultérieures.
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Table des matières
Introduction générale
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre I : Généralités sur le maraîchage
1.1. Définition
1.2. Historique du maraîchage au Burkina Faso
1.3. Gestion des ravageurs en culture maraîchère
1.3.1. Lutte biologique
1.3.2. Lutte agronomique
1.3.3. Méthodes alternatives à la lutte chimique
1.3.4. Lutte chimique
1.3.5. Lutte intégrée
1.4. Notion de durabilité agricole
Chapitre II. Généralités sur les pesticides
2.1. Définition(s)
2.2. Classification des pesticides
2.2.1. Classification selon l’ennemi ciblé
2.2.2. Classification selon les caractéristiques chimiques
2.2.2.1. Les pesticides inorganiques
2.2.2.2. Pesticides organométalliques
2.2.2.3. Pesticides organiques
2.2.2.3.1. Pesticides organophosphorés (OP)
2.2.2.3.2. Pesticides du groupe des carbamates
2.2.2.3.3. Pesticides organochlorés (OC)
2.2.2.3.4. Pesticides de type triazine
2.2.3. Classification selon l’usage
2.3. Toxicité des pesticides
2.3.1. Toxicité chronique ou indirecte
2.3.2. Toxicité aiguë
2.4. Devenir des pesticides
2.4.1. Dans le sol
2.4.2. Dans l’eau
2.4.3. Dans l’atmosphère (air)
2.5. Risques des pesticides sur les organismes non-cibles
2.6. Estimation des risques environnementaux des pesticides
2.7. Estimation des risques suivant les propriétés physico-chimiques des pesticides
2.8. Utilisation des modèles numériques et d’indicateurs
2.9. Règlementations sur l’usage des pesticides
2.9.1. Au niveau international
2.9.2. Au niveau sous régional
2.9.3. Au niveau national
Chapitre III : Présentation de la zone d’étude
3.1. Localisation de la zone d’étude
3.1.1. Climat
3.1.2. Réseaux hydrographiques
3.1.3. Relief
3.1.4. Végétation
3.1.5. Sols
DEUXIEME PARTIE : ETUDES EXPERIMENTALES
Chapitre IV : Matériel et méthodes
4.1. Matériel
4.1.1. Outils de collecte de données sur les exploitations maraîchères
4.1.2. Matériel de terrain
4.2. Méthodologie
4.2.1. Caractérisation des exploitations maraîchères à Sakaby et Dogona
4.2.2. Traitement et analyse des données
4.2.3. Estimation des risques liés aux pesticides chimiques
4.2.3.1. Prélèvement des échantillons de sols
4.2.3.2. Analyse des échantillons de sols au laboratoire
4.2.3.3. Indicateur d’évaluation d’impacts environnementaux
Chapitre V : Résultats
5.1. Caractéristiques des exploitations maraîchères à Sakaby et Dogona
5.1.1. Caractéristiques sociodémographiques
5.1.2. Caractéristiques des pratiques culturales
5.1.3. Mode de fertilisation
5.1.3.1. Fertilisation organique
5.1.3.2. Fertilisation minérale
5.1.3.3. Dose moyenne de fertilisant
5.1.4. Gestion des ravageurs
5.1.5. Pesticides chimiques utilisés par les producteurs
5.1.5.1. Principales matières actives et familles chimiques des pesticides utilisés à Sakaby et Dogona
5.1.5.2. Type de pesticides
5.1.5.3. Pesticides homologués par le Comité Sahélien des Pesticides (CSP)
5.1.6. Perception de l’impact des pesticides sur l’environnement par les producteurs
5.1.7. Contraintes liées à la production maraîchère à Sakaby et Dogona
5.2. Risques d’impact environnemental des pesticides utilisés à Sakaby et Dogona
5.2.1. Points de Risques par principales spéculation
5.2.2. Points de risques moyens par matière active
5.2.3. Valeurs moyennes de concentration environnementale prédite par matière active
5.2.4. Scores globaux moyens de EPRIP par principale spéculation
5.2.5. Scores globaux moyens de EPRIP par matière active
Chapitre VI : Discussions
6.1. Caractéristiques des exploitations maraîchères à Sakaby et Dogona
6.2. Risques d’impact environnemental des pesticides utilisés en production maraîchère à Sakaby et Dogona
Conclusion et perspectives
Références bibliographiques
Annexe
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