Pratiques didactiques et pédagogiques pour améliorer la diction expressive de textes poétiques

« Lire une poésie, c’est l’écouter avec les yeux ; l’écouter, c’est la voir avec les oreilles. » Octavio Paz .

L’élément principal qui a guidé le choix de mon sujet d’étude autour de la diction et de la mise en voix en poésie est la frustration qu’engendrait ma pratique de classe. En effet, en tant qu’enseignant débutant, je reproduisais par inexpérience et mimétisme les schémas pédagogiques que j’avais vécus à l’école et que j’observais autour de moi. J’abordais la poésie par l’unique prisme de la récitation. Cet exercice de mémorisation présentait effectivement quelques avantages : un critère d’évaluation simple, basé sur la restitution sans faute du poème ; une facilité de mise en œuvre ne demandant pas une réflexion didactique et pédagogique poussée en amont ; un exercice faisant partie des grands « classiques » de l’école auquel chaque élève – et parent d’élève – a déjà été confronté. Cette démarche assez conventionnelle n’était pourtant pas suivie que d’effets positifs. Dans ma classe, cela se traduisait notamment par une interprétation morne à la diction mécanique qui peinait à retranscrire l’émotion poétique.

C’est à la suite de plusieurs conversations avec mes tutrices et d’une conférence menée par Bernard Friot que je commençais à me pencher sur les différentes modalités d’enseignement de la poésie à l’école. Ce genre possède ses propres codes, ce qui lui confère une place à part dans la littérature et le rend insaisissable à toute tentative de classification. Il partage cependant une caractéristique avec le théâtre : il s’agit d’un art qui s’incarne. L’oralité d’un poème fait partie intégrante de la création de celuici. Or, l’exercice de la récitation, dans son acceptation la plus classique, élude le plus souvent la part interprétative du récitant. La mémorisation, alors vue comme l’unique condition d’accès au poème, constitue un frein pour les élèves, limitant leurs chances d’éprouver une émotion poétique.

J’aborderai donc la question de l’enseignement de la poésie par le biais de sa mise en voix : quels outils donner aux élèves afin d’améliorer la diction poétique ?

Dans un premier temps, j’aborderai les caractéristiques de la poésie qui lui confèrent un traitement si particulier dans son enseignement. Puis, dans un second temps, je présenterai les activités que j’ai mises en place ; j’analyserai leur portée et formulerai une analyse critique sur leurs réussites et leurs limites.

La poésie jouit d’un statut ambigu : elle bénéficie à la fois d’un droit d’exception au sein de la littérature, fière représentante du « sacré » de la langue, tout en occupant paradoxalement une place marginale, poursuivie d’une réputation de texte difficile à cerner et – parfois – à comprendre. Plusieurs études montrent que si nombre de personnes se sont déjà essayées à la poésie, peu en lisent régulièrement. Ce statut multiforme si particulier trouve fatalement des résonances dans son enseignement ; cette opacité se trouve renforcée par le caractère hétérogène des directives institutionnelles. Nous pouvons tenter de caractériser la cause de cette singularité poétique selon quatre malentendus majeurs.

La poésie est certainement l’une des formes les plus anciennes de la littérature : les fragments de tablettes, datés du XVIIIe siècle avant notre ère et relatant en langage cunéiforme l’épopée du roi Gilgamesh, pourraient être l’un des plus vieux exemples de cycle poétique. Elle a cependant subi de nombreuses transformations, tant au point de vue stylistique qu’esthétique ou linguistique. Celles-ci ont été accompagnées du changement de statut progressif du poète, de celui qui ποιεῖν (poiein), c’est-à-dire celui qui « fait, crée », à celui qui « a une certaine vision du monde qu’il met en rapport avec la quête d’un langage autre » . M.-P. Schmitt défend qu’après la coupure imposée par le Romantisme dans la littérature française « la poésie est partout et elle n’a plus à se spécifier par la versification ».

Dès lors, comment enseigner ce matériau protéiforme ? Celui qui, par excellence, résiste à toute tentative de classification tant son acceptation a su évoluer au fil des époques, enrichi, élargi sans cesse par l’approche du poète ancré dans ses convictions stylistiques et historiques. Ainsi, les enseignants et les manuels décident de se concentrer le plus communément sur les poètes qui « écrivent des vers », expliquant la très large place accordée à l’étude de la poésie classique.

Cette acceptation limitée de ce qu’est la poésie réduit de facto le champ poétique enseignable. J.-P. Siméon y adjoint un « métadiscours professoral » tenant la poésie à distance, empreinte de respect et d’admiration. Il voit dans la place prépondérante accordée au mot trésor dans les titres d’anthologie poétique un respect teint d’admiration devant un ensemble de textes constituant un absolu poétique. Cela contribuerait à renforcer la représentation des enseignants de ce que doit être la poésie enseignée à l’école : classique, versifiée et issue de la langue française.

Il convient de nuancer l’analyse de J.-P. Siméon car il est vrai qu’en vingt ans, une place de plus en plus importante est laissée à des auteurs contemporains comme Bernard Friot qui jouent avec les codes de la poésie dite classique. Cependant, il est vrai que la poésie contemporaine et étrangère reste minoritaire par rapport à une poésie classique sur-représentée dans les ouvrages scolaires.

D’après J.-P. Siméon, la base des pratiques erronées serait le malentendu des enseignants face au texte poétique : ceux-ci seraient à la recherche d’un message objectif délivré par le poème, à la manière d’un texte descriptif ou informatif. Or, la poésie – et notamment les formes modernes qu’elle peut revêtir – n’a plus d’intention de récit : « les machinations de l’ambiguïté sont aux racines mêmes de la poésie » . Il en résulte un malaise chez les enseignants, et donc chez les élèves, face à la résistance que semblent leur offrir les poèmes. Les professeurs puiseraient alors davantage chez les poètes plus anciens qui offrent des formes moins radicalement différentes. La prédominance des textes classiques s’explique encore une fois en ce que ces auteurs, par leur poésie narrative ou didactique, offrent moins de résistance à un lectorat utilisant les mêmes procédés de compréhension linéaire pour un texte narratif que pour un poème.

Bernard Blot et Louis Porcher voient dans le langage poétique un « message codé » nécessitant plusieurs étapes pour parvenir à le déchiffrer. Le professeur doit en premier lieu découvrir ce message en analysant rigoureusement le système linguistique utilisé par le poème (analyse de la syntaxe, de la phonologie et de la sémantique) en s’appuyant sur des réalités matérielles (sonores et graphiques). Les auteurs mettent ici en garde contre les « supputations irrationnelles sur le je-ne-sais quoi qui se dégagerait du poème » ; autrement dit, les interprétations doivent puiser leur existence à partir de preuves concrètes et discernables.

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Table des matières

Introduction
Première partie : les aspects théoriques
I-1. La poésie : un genre complexe à appréhender
I-1.1. De la difficulté à caractériser la poésie
I-1.2. Une représentation biaisée de la poésie
I-1.3. L’opacité du poème
I-1.4. L’anthologie ou la « poésie en miette »
I-2. Une mise en pratique maladroite
I-2.1. Des supports mal adaptés ?
I-2.2. La pertinence des activités
I-2.2.1. Les instructions officielles
I-2.2.2. La place de la récitation
I-2.2.3. Les diverses activités mises en œuvre
Seconde partie : la mise en œuvre
II-1. Contexte général
II-1.1. Contexte d’exercice
II-1.2. Représentations initiales de la poésie
II-2. Mise en pratique
II-2.1. Proposition pédagogique
II-2.1.1. Constitution du corpus
II-2.1.2. Elaboration d’une grille de notation
II-2.2. Activités pour améliorer la mise en voix
II-2.2.1. Améliorer l’articulation
II-2.2.2. Maîtriser sa voix
II-2.2.3. Gérer son souffle
II-2.2.4. Rythmer le texte
II-2.2.5. Construire l’intonation
II-3. Analyse de pratique
II-3.1. Constatations de ma pratique de classe
II-3.2. Pistes de réflexion et d’amélioration
Conclusion

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