Dans le cadre de ce travail, on s’intéresse à la pratique culturelle en milieu sérère(Ool). Ce choix consiste avant tout pour mieux connaitre cette ethnie afin de retracer son itinéraire : des origines à nos jours. C’est aussi une façon de comprendre ce qui fait sa particularité culturelle. Mais aussi sa différence par rapport aux autres ethnies sénégalaises ainsi que les problèmes liés à l’acculturation des jeunes sérères. Pour mieux cerner ce sujet, il serait évident de comprendre le sens étymologique du terme culture. Ainsi il renvoi à « l’ensemble des activités soumises à des normes socialement et historiquement différenciées et des modèles de comportement transmissibles par l’éducation propre à un groupe social donné. Chaque société a sa propre culture. » (Dictionnaire Universel).
Autrement dit, elle n’est pas un acquis spontané, mais plutôt, elle se construit tout au long d’une vie. Selon Claude Raffestin « Chaque culture humaine contient au moins un projet d’assemblage et, par la même, elle est créative de diversité par rapport à toutes les autres. Toute culture est un système cohérent et pertinent où elle met en évidence, donc écarte. Une culture crée simultanément de la mémoire et de l’oubli : elle actualise et potentialise. Par le travail qu’elles projettent sur le corps de la terre, sur le corps de l’homme et sur le corps social, les sociétés crées de la diversité. » .
Ainsi, la culture renvoie à toutes les activités humaines qu’elles soient du domaine social ou spirituel. Les différentes recherches menées sur les populations sénégambiennes concernant les identités ethniques ou culturelles c’est-à-dire « les traits culturels caractérisant un groupe humain ; sentiment chez un individu d’appartenir à une culture donnée. C’est l’ensemble des éléments permettant d’établir sans confusion possible qu’un individu est bien celui qu’il dit être ou qu’on présume qu’il est. » (Dictionnaire Universel) leurs apparitions et leurs migrations (Thiaw 2010, 2012) (Tal Tamari 1991,) dans cette même région ont permis de mieux comprendre l’évolution de cette population. De plus, l’étude des pratiques religieuses (Gallay 2005, Holl 2012, Laporte 2010) dans la région sénégambienne point de départ des ethnies sénégalaises ont permis de cerner le culte religieux sérère. Etant donné que l’ethnie est composée de plusieurs groupes et sous-groupes et que chacun réside dans un territoire bien déterminé, on a choisi de nous intéresser au groupe singadum (siin) habitant dans la commune d’arrondissement de Baba Garage (Ngoye). Dans le domaine de nos enquêtes nous nous intéresserons au village de Ndiémane qui est composé de sereer Ool.
Le choix de cette ville se justifie par le fait qu’elle présente une forte densité de population sérère. D’où son appellation actuelle de « Bambey seereer »par les sénégalais. On y trouve aussi des wolofs, des toucouleurs et des socés. Mais aussi c’est une zone qui, sur le plan historique fut du point de vue de son emplacement une ville qui a suscité la convoitise de nombreux royaume comme le Cayor et le Jolof (Brigaux. F, Barry. B) ainsi que les chefs religieux tel qu’Ahmadou Bamba. Ce dernier avait choisi la localité pour des raisons économiques avec la culture arachidière qui s’est étendu jusqu’à « Khelcom » actuellement. Étant en conflit avec l’autorité coloniale à l’époque, le guide religieux avait choisi la localité pour sa position géographique et son emplacement loin des villes pour une pratique plus libre de l’Islam.
Cette forte adhésion des sérères dans le mouridisme prouve que contrairement à ce qu’on pense, les sérères n’étaient pas tout à fait contre les religions révélées, mais voulaient un Islam qui respectait leurs coutumes. Et c’est ce qu’Ahmadou Bamba a compris en les attirant sans critiquer leurs croyances traditionnelles. Il est important de préciser que ce n’était pas seulement les chefs religieux qui s’étaient installés à Ngoye, on note aussi la présence de l’église catholique avec leur projet d’évangélisation pour une plus grande implantation du christianisme dans la localité. Notons comme l’Islam, la conversion des sérères au christianisme ne s’est pas passé facilement, elle a d’abord connu un refus avant son acceptation par les populations sérères.
Cadre physique et démographique
Cadre physique
Ngoye est une des trois communes d’arrondissement du département de Bambey de la région Diourbel située dans le centre-ouest du Sénégal. Elle constituait une partie du bassin arachidier du pays. Les deux autres communes d’arrondissements sont Baba Garage et Lambaye. « C’est une zone marquée par la présence d’acacias, de soumpe, de ficus tantôt matelassées par des buissons envahissants de nguer où, trop souvent, les sols sont livrés sans défense à l’action des vents d’Est, succède un paysage régulièrement boisé bien que totalement déforesté. »(Pélissier 1966 p3-5) « Les sols sont les « dior » sablonneux et les « dek » un peu plus argileux que l’on rencontre dans tout le bassin arachidier.» « Le nord du Baol marqué par l’aridité du climat et le caractère sablonneux des sols » « C’est de Mars à Juin que la campagne sérer s’oppose le plus aux espaces sahéliens du nord, piquetés de quelques arbres à l’ombre transparente, accablés de chaleur sèche, hantés par les tourbillons de sable. Le parc d’acacias albida du pays serer ombrage de champs sablonneux parcourus par les troupeaux, les haies d’épineux enserrent les chemins qui relient les mares et les bois et découpent la campagne arborée en mailles distendues, tandis que les pistes multiples se nouent sous les majestueux bosquets de baobab et de fromagers où se déploient les villages. » .
Concernant son relief, « Elle est plate. C’est une région de plaines. En effet, à l’ouest, le massif forestiers de Ndiass et les reliefs de la falaise de Cees, offrent un contraste avec la platitude des terres du centre du pays. Au sud-ouest, la région qui confirme à la mer est le domaine d’une végétation constituée d’arbres géants et qui donne l’image d’une région forestière. » .
«Le climat du Sénégal présente une opposition entre une saison sèche durant laquelle le ciel reste implacablement serein et une saison des pluies uniformément marquée par le déluge saccadé des pluies déclenchées par les tornades ou la mousson. Tout le bassin arachidier c’est-à-dire le domaine qui s’étend de la rive nord du Saloum jusqu’à la bordure méridionale du delta du Sénégal, ne bénéficie plus que de précipitations inférieurs à 800mm qui vont s’amenuisant progressivement jusqu’au chiffre de 400mm représentant le minimum indispensable aux cultures tropicales les moins exigeantes pour accomplir leur cycle végétatif. » .
Cadre démographique
« Les sérères représenteraient aujourd’hui environs 15% de la population totale du Sénégal. » Ainsi, ils sont majoritaires dans la ville de Ngoye malgré la présence d’autres ethnies comme les toucouleurs, les socés et les wolofs. Les sérères de cette ville appartiennent au sous-groupe séreer-siin, composé « des séreer singadum, des séreer Ool, sereer jigemb, séreer feefey. » .
Etant donné que Ngoye faisait partie du Bawol, donc ils font partie « des séreer Ool et séreer jigemb » (op.cit) .La démographie de cette arrondissement a connu quelques changements au cours des années du fait de l’exode dû aux conditions climatiques (baisse de la pluviométrie) et économiques. Selon l’Atlas « une population de l’ordre de 300000 paysans partis du Ndiambour, du Dyolof, du Kayor et du Baol sous la direction de leurs marabouts défrichent de nouvelles terres et s’y installent. » « Actuellement un réseau continu de petits villages où la population moyenne est de l’ordre de 150 à 200 habitants couvre la région historique, réseau distendu dans le nord où la densité de la population se maintient à 30 ou 40 habitants au kilomètre carré est très serré au sud où elle dépasse 100 habitants au kilomètre carré. » « Aujourd’hui, les sérères représentent 18% de la population du Sénégal » D’après les donnés de l’Agence National de la Statistique et de la Démographie(A.N.S.D) « La population sérère a connu une évolution de 4% de 1976 à 1988. Puis son accroissement a suivit une légère baisse de 3,6% de 1988 à 2002» D’où son pourcentage actuel de 20%. Cette légère baisse de son taux d’accroissement relevé entre 1988 et 2002 pourrait s’expliquer par le niveau de vie un peu difficile des paysans sérères ainsi qu’une baisse des naissances. Ces nouveaux donnés montrent que la population sérère a connu une hausse progressive.
Sur le plan historique il est rapporté que « Ngoye fut pendant longtemps un lieu de refuge pour les gens qui avaient des démêlés soit avec les Teen, soit avec le Buur-Siin. » Ainsi on peut supposer que le fondateur du village de notre enquête s’est installé dans cette localité pour les mêmes raisons.
A Ndiémane, notre but était de recueillir des informations fiables de la part des habitants du village même si on sait que il y’a des informations qui ne pourrons pas être divulguées. Notre principal informateur est le « yaal pangool ».
Le village compte environs 300 habitants avec un faible taux de personne âgées, la majorité est composée de jeunes. Souvent ils ne sont au village que durant l’hivernage. En saison sèche ils préfèrent travailler dans les grandes villes comme Dakar. Peu d’entre eux préfèrent rester au village.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I : Présentation générale et Revue et critique de documents
I. Présentation
I. Cadre physique et démographique
II. Historique du peuplement sérères
1. Une origine nilotique
2. Les données archéologiques
3. La question d’une origine autre que la vallée du Fleuve ?
4. Islamisation et quête du pouvoir
5. Un problème d’espace
6. Zones d’installations des sérères
III. Revue critique des sources
1. Les sources écrites
2. Les sources archéologiques
3. Les articles
4. Les sources orales
Chapitre II : Pratiques culturelles chez les sérères Ool
I. L’initiation
1. Chez les hommes
2. Chez les femmes
3. Le culte des anciens
4. La religion traditionnelle
Chapitre III : Les relations traditionnelles entre les sérères Ool et les autres ethnies du Sénégal
I. Avec les Toucouleurs
1. Depuis la moyenne vallée
II. Avec les pays Wolofs
1) L’émergence du Jolof
III. Avec les Diolas
1. Dans le domaine historique
2. Les ressemblances culturelles
IV. Avec les mandingues
1. L’avènement des Guélewares
Chapitre IV : Acculturation et problèmes de « Wolofisation » des sérères
I. Historique du processus de wolofisation au Sénégal et des sérères en particulier
1. Le poids du mouridisme
2. Celui de l’église catholique
3. Les problèmes liés à l’exode des jeunes
4. Les nouvelles technologies de l’information
Conclusion Générale