Pratiques agropastorales en mutation en Afrique Subsaharienne

Pratiques agropastorales en mutation en Afrique Subsaharienne

Dans les pays d’Afrique subsaharienne, la croissance de la demande en produits agricoles a été supérieure à l’offre réelle de production ces quatre dernières décennies (FAO, 2013). FAO (2013) prévoit un accroissement de cette demande de l’ordre de 14% à l’horizon 2030 dû à l’augmentation de la population. En effet, Collier et Dercon (2008) ont souligné combien la mauvaise performance du secteur agricole est un problème structurel de long terme en Afrique subsaharienne et à quel point l’agriculture africaine devra changer pour accompagner un développement économique en Afrique dans les 50 prochaines années. On note par ailleurs dans quelques pays d’Afrique subsaharienne que la densité de population est encore inférieure à celle de l’Asie mais la vitesse de croissance de la population de l’ordre de 2,4% est bien plus grande en Afrique subsaharienne que dans n’importe quelle autre région du monde (FAO, 2013).

Cette forte croissance de la population a entrainé une modification des pratiques agricoles en Afrique Subsaharienne jadis marquées par la pratique de la jachère et l’élevage transhumant. En effet, on assiste de nos jours à une extension des terres cultivables, une diminution de la jachère suivie de la culture permanente des terres, une sédentarisation de certains pasteurs et de fortes pressions sur les ressources naturelles (Timah et al., 2008, Gaiser et al., 2011). On note ainsi d’une manière générale dans les exploitations de polyculture-élevage une prédominance de deux systèmes de production. Il s’agit du système de production végétale et du système d’élevage (Herrero et al., 2010). Dans les exploitations, 10% ou plus de la matière sèche donnée au bétail provient des sous-produits des cultures (Sere et Steinfeld, 1996). Ces exploitations recouvrent des situations variées, depuis des cultivateurs ayant introduit l’élevage comme source d’énergie animale (Gautier et al., 2005), jusqu’à des pasteurs sédentarisés ayant développé les cultures pour couvrir leurs besoins alimentaires (Vall et al., 2003, Schlecht et Buerkert, 2004) .

Dans tous les cas, la combinaison des productions végétales et animales permet une diversification des revenus de l’exploitation. Mais de nombreux travaux montrent que le niveau d’intégration entre agriculture et élevage est perfectible dans les exploitations agricoles d’Afrique sub-saharienne (Herrero et al., 2010 ; Pretty et al., 2011). En effet, le faible niveau d’intégration entre l’agriculture et l’élevage en milieu rural se traduit par une faible valorisation de la fumure organique pour la production végétale et une faible production de fourrage pour les animaux. Selon Gerner et Harris (1993), l’utilisation de l’engrais organique et minéral comme source externe de nutriments ne couvre qu’entre 11 et 22% des surfaces des cultures céréalières. Il en résulte une baisse de la fertilité des sols (Sédogo, 2008) avec pour conséquence la baisse de la production agropastorale (Bationo et al., 2007). De ce fait, l’enjeu pour les producteurs est de concevoir des stratégies innovantes pour augmenter la production agro-pastorale tout en gérant durablement les ressources naturelles via en particulier une meilleure intégration entre systèmes de culture et d’élevage (Harris, 2002 ; Zingore et al., 2007 ; Reij et Smaling, 2008).

Ces stratégies innovantes doivent aussi tenir compte des aléas climatiques liés essentiellement à la mauvaise répartition des pluies dans l’espace et dans le temps (Cooper et al., 2008). En effet, les aléas climatiques constituent un facteur important de la trop grande variation des productions agricoles (Some, 1989 ; Ingram et al., 2002 ; Morton, 2007 ; Schlenker et Lobell, 2010). Ces exploitations d’Afrique sub-saharienne sont également confrontées à des aléas économiques (Bazzaz et Sombroek, 1996 ; Kokou, 2007) du fait de l’absence de systèmes de garanties, de la faible structuration des filières, de l’étroitesse des marchés, des coûts élevés des transactions entre pays, et du mauvais état des infrastructures de transport (Bryceson, 2000 ; Kelly et al., 2003 ; Delpeuch et Vandeplas, 2013).

Pour faire face à ces évolutions, les producteurs sont contraints de changer ou d’adapter leurs stratégies et pratiques actuelles de production agricole. C’est dans ce contexte que différentes propositions techniques ont été élaborées par la recherche en vue d’améliorer durablement les stratégies de production agropastorales. On peut citer entre autre les jachères améliorées (Segda et al., 1996), l’utilisation intégrée des engrais organiques et minéraux (Bado et al., 1997 ; Lompo et al., 2007), ou l’enfouissement des résidus (Koulibaly et al., 2010) pour améliorer la fertilité des sols. On peut également citer l’introduction de légumineuse fourragère ou de culture fourragère (César et al., 2004) dans l’assolement vivrier, les jachères fourragères, les prairies permanentes, les haies-vives fourragères herbacées ou ligneuses (César et Coulibaly, 1990 ; César et al., 2004), les systèmes de rationnement à partir des résidus de culture (Savadogo, 2000), les traitements chimiques de la paille (Nianogo et al., 1995 ; Bougouma-Yaméogo, 1997) pour accroître les disponibilités en produits fourragers pour les besoins du troupeau. Ces propositions sont en général conçues et diffusées à partir d’une vision partielle (cultures de rente ou céréalière, amélioration de la fertilité chimique, amélioration de la qualité alimentaire des fourrages pour les animaux…) des exploitations agricoles. Egalement ces propositions non adoptées à grande échelle (Pouya et al., 2013) supposent des changements dans le fonctionnement des exploitations agricoles qui ne sont pas le plus souvent pris en compte par les vulgarisateurs et/ou les conseillers agricoles. Ainsi, les producteurs doivent disposer d’informations leur permettant d’analyser dans un temps relativement court, les effets possibles de l’introduction de ces propositions sur leurs exploitations agricoles. La modélisation représente alors un moyen de leur fournir ces informations avant l’introduction de ces innovations dans leurs exploitations agropastorales.

Modèles : Outils potentiels pour l’accompagnement des mutations dans les exploitations agricoles 

La modélisation peut être définie comme un moyen de formalisation conceptuelle d’un système, exprimée sous forme d’une ou de plusieurs hypothèses (Van Ittersum et Donatelli, 2003). Elle est un outil de recherche selon Daalen et Shugart (1989), qui permet de synthétiser l’information connue et d’en identifier les manques.

Le modèle peut donc être considéré comme une représentation simplifiée d’un système réel. Coquillard et Hill (1997) et Davi et al. (2003) définissent le modèle comme une abstraction qui simplifie la réalité en ignorant certaines caractéristiques du système réel étudié, pour se concentrer sur les aspects qui intéressent le modélisateur et qui définissent la problématique du chercheur. Les modèles peuvent permettre d’identifier les insuffisances des connaissances scientifiques, les fausses hypothèses et de fournir de nouveaux aperçus. Ils peuvent permettre aussi d’explorer, de générer et tester des hypothèses et aider à la conception d’expérimentations (Sinclair et Seligman, 1996 ; Ezui, 2001). C’est ainsi que les méthodes d’expérimentation de plein champ, qui pouvaient se prolonger sur plusieurs années, utilisent progressivement et de façon complémentaire les modèles de simulation informatiques, plus rapides pour le test et la validation des hypothèses avancées par les agronomes (Keating et McCown, 2001 ; Van Ittersum et Donatelli, 2003 ; Rellier, 2005). Ainsi, la modélisation et la simulation informatique sont un véritable banc d’essai des théories, qui affranchit le chercheur, d’une part, de la temporalité expérimentale, souvent trop longue et d’autre part, de l’irréversibilité de l’expérimentation. Les modèles sont utilisés dans la recherche fondamentale où ils aident à faire des prévisions de rendements, des analyses de risques (par exemple effets des dates de semis), à mettre au point des priorités pour la recherche afin de réduire les coûts liés à l’expérimentation.

Les outils de simulation sont un moyen d’expliciter le fonctionnement des systèmes de production agricoles et aider à mieux comprendre les conditions de leur viabilité, ou de trouver des manières innovantes de les conduire sous l’effet de conditions économiques, sociales ou réglementaires nouvelles (Attonaty et al., 1999).

Ces outils peuvent éventuellement contribuer à aider le producteur dans sa prise de décision (Keating et McCown, 2001 ; Van Ittersum et Donatelli, 2003). Ils ont alors pour objectif général d’assister leurs utilisateurs finaux (agriculteurs, conseillers agricoles, gestionnaires des territoires…) dans leurs choix. A partir de fonctions prédictives, ils permettent de représenter les évolutions d’un certain nombre d’indicateurs, conséquences des décisions prises et des pratiques mises en œuvre sur les composantes étudiées du système (Keating et McCown, 2001). Ils peuvent permettre ainsi la simulation de l’impact de futurs scénarios de gestion avant leur mise en application, fournissant aussi des tendances pour des discussions entre utilisateurs et exploitants agricoles.

Les démarches de modélisation à l’échelle de l’exploitation s’avèrent très utiles pour aborder la question des transformations à mettre en place dans les exploitations agricoles (Attonaty et Soler, 1991 ; Davi et al., 2003). En effet, les modèles informatiques sont des outils pertinents d’analyse ex-ante de différents scénarios (Sinclair et Seligman, 1996 ; Ezui, 2001 ; Van Ittersum et Donatelli, 2003). Les modèles à l’échelle de l’exploitation agricole permettent également de rendre compte des articulations (compétition, intégration) entre les systèmes de cultures et d’élevage de l’exploitation, les interactions entre le système biophysique (qui comprend les interactions entre les composantes physiques et biologiques du système), le système technique (qui est la combinaison des techniques mises en œuvre par le producteur sur le système biophysique) et le système décisionnel (système de gestion de l’exploitation, représentant la composante humaine du système). On peut classer ces modèles informatiques à l’échelle de l’exploitation en différents types selon qu’il s’agit de la simulation statique et sans modélisation des règles de décision du producteur, de la simulation à base de règle ou d’optimisation (Penning de Vries et Rabbinge, 1995 ; Janssen et van Ittersum, 2007).

Modèles de simulation à l’échelle de l’exploitation agricole sans modélisation des règles de décision du producteur 

La modélisation par simulation utilise une représentation schématique du système dont elle reproduit le comportement. Elle consiste à représenter un système par un jeu d’équations plus ou moins complexes pour décrire son fonctionnement, en prenant en compte ses interactions avec l’environnement (Cros et al., 2006 ; Martin et al., 2012). Elle permet donc d’explorer rapidement et à moindre coût, les performances d’une diversité de systèmes agricoles, pour une diversité de contextes de production et d’identifier leurs propriétés émergentes. Plusieurs auteurs ont développé des modèles de simulation statique et dynamique sans modélisation des règles de décision du producteur pour aider le chercheur à décrire et comprendre les processus biophysiques des producteurs (Le Gal et al., 2011). Ainsi, Buysse et al. (2005) ont développé un modèle de simulation pour évaluer l’influence de trois systèmes de production végétale sur la nutrition des vaches laitières au niveau des exploitations agricoles. Ces modèles d’évaluation d’impact économique agricole (Gibbons et al., 2005), de simulation de systèmes agro-écologiques (Snow et Lovatt, 2008), développés pour la plupart dans les pays occidentaux ont pu apporter des réponses face aux attentes de leurs concepteurs. En Afrique, les modèles de simulation sont habituellement des modèles génériques déjà expérimentés ailleurs et adaptés selon nos contextes. Nous avons le cas du modèle NUANCES-FARMSIM (Nutrient Use in ANimal and Cropping systems: Efficiencies and Scales – FARM SIMulator) développé par van Wijk et al. (2009) et utilisé dans les petites exploitations de l’Ouest du Kenya. C’est un modèle de simulation dynamique pour l’exploration de systèmes de gestion stratégique de l’exploitation agricole à court et long termes. Ces modèles de simulation sont des supports de raisonnement nécessaires face à la complexité des facteurs à prendre en compte, mais sont en général non transférables à d’autres utilisateurs qu’à leur concepteur (Le Gal et al., 2011).

Selon Matthews et al. (2000), beaucoup de modèles de simulation utilisés dans la recherche sont souvent aptes à faciliter la prise de décision chez les producteurs. Ils peuvent également aider au processus de réflexion du producteur à des décisions complexes en fournissant différentes informations autour de sa préoccupation. Dans la littérature, on trouve des travaux qui portent sur l’utilisation des modèles de simulation en situation d’aide à la réflexion du producteur dans un processus de modification de son système vers de nouvelles alternatives de production agricole. Ainsi, Lisson et al. (2010) ont développé et testé avec les producteurs, un modèle de simulation pour évaluer et favoriser l’adoption de nouvelles technologies d’amélioration du fourrage visant à accroitre l’offre en bétail dans les exploitations agricoles d’Indonésie. Les travaux de Sørensen et al. (2005), de Sempore et al. (2011), de Andrieu et al. (2012) et de Le Gal et al. (2013) montrent différents modèles qui sont utilisés pour aider le producteur à la réflexion autour de ses activités agricoles. En effet, Sørensen et al. (2005) ont conçu avec des conseillers agricoles et simulé avec un modèle, plusieurs scénarios possibles de l’agriculture biologique basée sur la production céréalière, de lait et de viande. Ils ont évalué par la suite, l’impact de l’introduction de ces nouvelles technologies sur les performances des exploitations agricoles. Sempore et al. (2011) ont utilisé un modèle de simulation à l’échelle de l’exploitation pour coconcevoir avec les producteurs des scénarios d’introduction d’embouche bovine dans les exploitations de l’ouest du Burkina Faso. Ce modèle développé par Andrieu et al. (2012), en vue d’améliorer les performances de production des exploitations mixtes, permet d’analyser ex-ante différents scénarios d’évolution de ces exploitations. Dans les travaux de Le Gal et al. (2013), un modèle de simulation a été utilisé individuellement avec les producteurs comme un support de discussion et de réflexion autour des stratégies de production de lait dans les exploitations agricoles.

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Table des matières

Chapitre 1 : Introduction générale
1.1. Pratiques agropastorales en mutation en Afrique Subsaharienne
1.2. Modèles : Outils potentiels pour l’accompagnement des mutations dans les exploitations agricoles
1.2.1. Modèles de simulation à l’échelle de l’exploitation agricole sans modélisation des règles de décision du producteur
1.2.2. Modèle de simulation des règles de décision du producteur
1.2.3. Modèles d’optimisation du revenu du producteur
1.3. Question de recherche
1.5. Plan de la thèse
Chapitre 2 : Cadre de l’étude et démarche générale
2.1. Cadre de l’étude
2.1.1. Zone d’étude
2.1.2. Climat
2.1.3. Sols
2.1.4. Végétation
2.1.5. Population
2.1.6. Production agropastorale
2.2. Démarche générale
2.2.1. Outils de simulation utilisés
2.2.2. Choix des producteurs
2.2.3. Démarche d’utilisation des modèles
Chapitre 3 : Pratiques actuelles et fertilité chimique des sols dans les exploitations de Koumbia et Waly
3.1. Méthodologie
3.1.1. Choix des parcelles d’étude
3.1.2. Paramètres mesurés
3.1.3. Analyses chimiques des sols
3.1.4. Analyses de données et présentation des résultats
3.2. Résultats
3.2.1. Effet des pratiques de fertilisation sur les propriétés chimiques du sol
3.2.2. Effet du type de producteur sur les propriétés chimiques du sol
3.3. Discussion
3.3.1. Pratiques de fertilisation et propriétés chimiques du sol
3.3.2. Types de producteurs et propriétés chimiques du sol
3.4. Conclusion partielle
Chapitre 4 : Quelles stratégies pour améliorer l’intégration agriculture-élevage dans des exploitations de polyculture ouest-africaine ? Approches par simulation avec les producteurs
4.1. Méthodologie
4.1.1. Choix des producteurs et informations collectées
4.1.2. Démarche d’interactions avec les producteurs
4.1.3. Analyses des données et présentation des résultats
4.2. Résultats
4.2.1. Etat initial des connaissances et pratiques d’intégration agriculture-élevage
4.2.2. Simulation et évaluation ex-ante de scénarios prospectifs
4.3. Discussion
4.4. Conclusion partielle
Chapitre 5 : Conclusion générale 

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