La transfusion sanguine ne cesse d’évoluer depuis le XVIIIe siècle. C’est un acte médico-légal [1] inévitable surtout en matière de gynécologie obstétricale. Il est souvent nécessaire en urgence pour des sauvetages maternels en période périnatale. La prescription de bon de sang engage beaucoup de responsabilités sur l’efficacité et la surveillance même à distance de l’acte [1,2]. En gynécologie obstétrique l’anémie aigue par syndrome hémorragique représente le motif de prescription le plus fréquent. L’étiologie est souvent constituée par l’hémorragie du post partum, la grossesse extra-utérine rompue, le saignement peropératoire sur hématome retro placentaire et l’avortement hémorragique [3]. L’efficacité de la transfusion en urgence dépend d’une prise en charge multisectorielle : médecin, interne, sage femme, technicien du laboratoire et agent d’appui. Sa réalisation nécessite une vigilance par le respect de la loi et la sécurité transfusionnelle [2]. Du fait de la prescription itérative de la transfusion, des effets indésirables qui lui sont attachés, la faible disponibilité des produits sanguins entraînant une insatisfaction des besoins dans notre établissement nous ont incité à réaliser cette étude portant sur la pratique de la transfusion sanguine.
RAPPELS
DEFINITIONS
Transfusion sanguine
Acte thérapeutique courant, relevant d’une compétence médicale et prescrit devant de nombreuses pathologies médico-chirurgicales ; elle consiste à introduire dans un organisme receveur du sang ou d’un produit dérivé du sang venant d’un organisme donneur. Cela nécessite ainsi une application directe de la connaissance des groupes sanguins .
Transfusion massive
La définition habituelle est un remplacement volémique aigu par de sang homologue en moins de 24 heures de la moitié ou plus de la volémie ou de la masse sanguine théorique (MST) totale du receveur, ou une transfusion très rapide atteignant 100 ml par minute ou plus pendant plusieurs minutes. Rappelons que la MST=70ml de sang par kilo de poids corporel. Une définition dynamique et clinique plus pertinente de la transfusion sanguine massive est la transfusion de quatre culots globulaires ou plus en espace de deux heures alors que le saignement est encore actif ou le remplacement de 40% du volume sanguin pendant trois heures .
Polytransfusion ou transfusion chronique
Transfusion d’une certaine quantité par jour et s’étalant sur plusieurs jours .
Transfusion autologue ou d’autotransfusion périopératoire
On regroupe sous ce nom, l’ensemble des procédés qui permettent de rendre aux patients ses propres globules rouges récupérés avant (autotransfusion différée), pendant (autotransfusion extemporanée) ou après l’acte chirurgical.
Les objectifs sont de:
– disposer au moment de l’intervention des produits sanguins autologues,
– d’éliminer les risques de transmission virale, microbienne et les conséquences immunologiques,
– de stimuler l’érythropoïèse pendant la période périopératoire .
Anémie aigue hémorragique
L’anémie aigue correspond à des saignements importants entrainant une perte de la masse globulaire (hypovolémie) suivie d’un trouble hémodynamique (choc) et par conséquent une anémie aigue .
HISTORIQUE DE LA TRANSFUSION
L’histoire de la transfusion sanguine a commencé très tôt avec l’histoire de l’homme :
– 1505- 1576, Hieronymus et Magnas Pegelius. Suggestion sur la possibilité de transfusion inter humaine.
– 1628, William Harvey. Découverte et description de la circulation sanguine dans sa monographie « Exercitatio anatomica de Motu Cordus et Sanguinis in Animalibus ».
– 1628, James Blundell. Expérimentation animalière, il affirme que « Le sang est utilisé en médecine parce qu’il est nécessaire à la réanimation des malades et non plus par le transfert des vertus de l’animal donneur ».
– 1652, Francis Potter après la découverte de la voie veineuse il a pratiqué des transfusions d’un poulet à un autre.
– 1665, Richard Lower : Expérience d’exsanguino-transfusion chez le chien.
– 1667, Jean Denis : Médecin de Louis XIV donne la première description « du choc transfusionnel et les signes classiques de l’accident de transfusion» et décrit les signes classiques de l’accident de la transfusion après injection de 270 g de sang d’agneau à un homme, transfusion faite chez trois malades qui sont décédés par la suite et ayant entraîné une poursuite judiciaire et une interdiction de cette pratique sauf accord de la faculté de médecine.
– 1678, Lower ET King essai de transfusion à partir du sang du mouton adulte pour éviter l’accident de transfusion grave.
– Fin du XVIIIe siècle Blundell: la transfusion entre dans ses phases modernes et expérimentales.
– 1768-1883 : Docteur Philip Syng Physiks ou 1790- 1838 : Obstétricien James Blundell a pratiqué le premier acte transfusionnel sur l’homme à partir du sang humain.
– 1818, Blundell, LeacocK et Barbados : avaient expérimenté et démontré que la transfusion au sein d’une même espèce était généralement efficace pour le receveur. A l’inverse, l’échec était pratiquement de règle.
– 1873, Landois démontre l’agglutination lorsque le sang humain est mélangé à celui d’un animal. Il justifie l’utilisation du sang de la même espèce et contre indique de façon formelle l’utilisation de sang d’espèce différent.
– 1900 : K Landsteiner : Découverte du premier système de groupe sanguin érythrocytaire ABO.
– 1902, Sturli et De Castelle : découvrent le groupe AB.
– 1907, Hektoen : la transfusion entre réellement dans sa période immunologique en sachant l’aspect des phénotypes érythrocytaires.
– 1914-1918 et 1939-1945 : Wierner, Lavine, Dausset, Payne, Grubb, Coombs, Mourant, Race, Guerres Mondiales. Intensification de la pratique transfusionnelle et mise au point des détails techniques, prélèvement, conservation.
– 1939- 1940 : Diamond découvre l’allo- immunisation après avoir bénéficié une exsanguino-transfusion.
– 1923, Don de sang : A.Tsank hôpital Ste Antoine Paris premier centre de transfusion sanguine en France.
– 1940, Landsteiner et Wierner reçoit le prix Nobel en découvrent le système rhésus, P et MN.
1958-1968 : Dausset, Shulman Grubb : découverte des antigènes M.A.C, HLA, et antigène plaquettaire à l’origine d’incidents et accidents transfusionnels .
PHYSIOLOGIE
Composition du sang
Le sang est une suspension de cellules dans un liquide complexe appelé «PLASMA ». Ce dernier est constitué d’eau, de sels minéraux et de molécules organiques (glucides, lipides et protides) et des protéines globuliniques. Il assure le maintien de la volémie grâce à la pression oncotique, le transport des substrats énergétiques, des hormones, des enzymes de l’organisme. Il joue un rôle dans le maintien de l’équilibre du milieu intérieur en transportant les produits de déchets métaboliques. Certains facteurs de coagulation s’y trouvent: facteurs II, V, VIII, IX, X, XII .
Le tissu myéloïde donne naissance :
– aux globules rouges qui représentent 95% des éléments figurés de sang et dont la durée de vie est en moyenne de 110+/-10 jours, de formes arrondies et aplaties, ils sont biconcaves et leurs fonctions principales sont de transporter l’oxygène du poumon vers les tissus.
– aux polynucléaires qui sont d’origine médullaire et dont les noyaux possèdent des granulations spécifiques [14] :
* Les neutrophiles de 10 à 14 µ m, leurs noyaux ont deux à cinq lobes, leur cytoplasme contient des granulations neutrophiles brunes de petite taille. Ils jouent un rôle essentiel dans la défense immunitaire « bactéricidie » par phagocytoses des particules étrangères. La durée de vie est très courte de l’ordre de 6 – 18 heures.
* Les éosinophiles de 12 à 15 µm, ont un noyau à deux lobes arrondis et un cytoplasme faiblement acidophile avec des granulations orangées.
* Les basophiles ont un noyau assez volumineux, un cytoplasme et un noyau recouverts de grosses granulations irrégulières violacées ou noirâtres.
– aux monocytes qui sont de grandes cellules de 15 à 22 µm de diamètre et un noyau de forme variée (rond ou réniforme), la chromatine est fine et peignée ou plissurée, le cytoplasme est faiblement basophile et contient une poussière de fines granulations azurophiles. Les monocytes d’origine médullaire, se transforment, après migration tissulaire, en macrophages qui participent à la réponse immune.
– aux plaquettes qui sont de petits éléments de 2 à 3 µm de diamètre, légèrement colorés en pourpre, et contenant une dizaine de granulations azurophiles dans leur cytoplasme dépourvu de noyau. Leur durée de vie est de 8 à 12 jours. Leur destruction physiologique se fait principalement dans la rate et le foie. Ils jouent un rôle principal dans l’hémostase primaire .
Le tissu lymphoïde est constitué par des cellules à noyau arrondi ou ovoïde, à cytoplasme dépourvu ou pauvre en granulations. Le noyau a une chromatine mal dessinée, ouatée, sans nucléole visible. Le cytoplasme, plus ou moins basophile, est plus ou moins abondant : réduit à une fin liséré périnucléaire dans le petit lymphocyte , plus abondant et pouvant contenir quelques granulations azurophiles rouges vives ou violettes dans le grand lymphocyte. Ils jouent un rôle important dans l’immunité à médiation cellulaire et humorale .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS PAGES
I- DEFINITION
I-1 Transfusion sanguine
I-2 Transfusion sanguin massive
I-3 Polytransfusion
I-4 Transfusion autologue
I-5 Anémie aigue
I-6 Immunisation
I-7 Allo-immunisation
I-8 Antigène
I-9 Anticorps
II- HISTORIQUE
III- PHYSIOLOGIE
III-1 Composition de sang
III-2 Lieu de production des cellules
III-3 Hémogramme
III-4 Physiologie d’Hémostase
III-4-1 Hémostase
III-4-2 La coagulation
III-5 Règle transfusionnelle
III-5-1 Le groupe ABO
III-5-2 Règle de transfusion du système ABO
III-5-3 Le système rhésus
III-5-4 Les autres systèmes
III-5-5 Les règles de transfusion dans le système rhésus
III-6 Les produits sanguins
III-6-1 Sang total
III-6-2 Concentré érythrocytaire
III-6-3 Concentré plaquettaire
III-6-4 Plasma frais congelé
III-7 Sécurité transfusionnelle
III-7-1 Contrôle pré-transfusionnel
III-7-2 Recherche des anticorps irréguliers
III-7-3 Surveillance post transfusionnelle
III-7-4 Dossier transfusionnel et traçabilité
IV- BESOIN TRANSFUSIONNEL
IV-1 Seuil transfusionnel
IV-2 La masse érythrocytaire du patient
IV-3 Perte sanguine moyenne estimée
IV-4 L’urgence transfusionnelle
V- LES COMPLICATIONS TRANSFUSIONNELLES
V-1 Les complications immédiates
V-1-1 Les accidents transfusionnels immunohémolytiques
V-1-2 Le choc par transfusion contaminée
V-1-3 La réaction allergique
V-1-4 La réaction frisson hyperthermique
V-1-5 L’œdème aigu pulmonaire
V-1-6 Les accidents métaboliques
V-2 Les complications retardées
V-2-1 L’ictère hémolytique post transfusionnel
V-2-2 Le purpura post transfusionnelle
V-2-3 La réaction du greffon contre l’hôte
V-2-4 L’allo- immunisation transfusionnelle
V-2-5 Les accidents infectieux
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE ET RESULTATS
I- METHODOLOGIE
I-1 Contexte et justificatif
I-2 Objectifs
I-3 Cadre d’étude
I-3-1 Lieu d’étude
I-3-2 Type d’étude
I-3-3 Population d’étude
I-3-4 Durée d’étude
I-3-5 Méthodes de recueil de donnée
I-3-6 Les critères d’inclusion
I-3-7 Les critères d’exclusion
I-4 Paramètres d’études
I-5 Mode d’analyse des données
II- RESULTATS
II-1 Domaine d’études
II-2 Taux de transfusion
II-3 Age
II-4 Profession
II-5 Situation familiale
II-6 Age gestationnel
II-7 Gestité, parité, avortement
II-8 Mode d’entrée
II-9 Motif d’entrée
II-10 Jour et heure d’arrivée
II-11 Selon l’antécédent transfusionnel
II-12 Nature de produit sanguin labile demandé
II-13 Groupage
II-14 Produit sanguin demandé
II-15 Nombre de poches reçues
II-16 Durée de demande
II-17 Motif de manque de sang
II-18 Type de transfusion
II-19 Signe clinique d’anémie avant transfusion
II-20 Niveau d’urgence transfusionnelle
II-21 Hémoglobine et plaquette avant transfusion
II-22 Résultats cross-match et operateur
II-23 Les étiologies
II-24 Anémie post transfusionnelle
II-25 Réaction et complication post transfusionnelle
II-26 Pathologies
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES