Pratique habituelle du médecin devant une suspicion de TVP
Résumé des principaux résultats
Aucun motif de consultation n’était associé de façon significative à la présence d’une TVP confirmée. En revanche, une association significative apparaissait avec le signe de Homans et l’existence d’un cordon veineux induré. La probabilité était essentiellement évaluée de manière implicite (sans utilisation de score). Les D-dimères ont globalement été peu utilisés (16.5%), et ce alors que 29.41% des patients avaient une probabilité estimée faible. Tandis que l’écho-doppler était prescrit dans 93.5% des cas. Cinquante-huit pourcents des médecins modifiaient leur prise en charge en fonction de la probabilité. La prise en charge était majoritairement ambulatoire. Près d’un médecin sur deux (40.5%) avait instauré un traitement avant confirmation diagnostique. En cas de confirmation: un traitement par HBPM était essentiellement prescrit pour 5 à 10 jours; le relais par AVK était systématique pour 71% des médecins, et 20% des médecins avaient déjà initié un traitement par Rivaroxaban dans ce cadre. L’écho-doppler de contrôle était réalisé dans 92.5% des cas . Concernant le bilan étiologique: la recherche de néoplasie était le plus souvent réalisée, tandis que le bilan de thrombophilie était plus rare. Un médecin généraliste estimait être confronté à 6 à 10 suspicions de TVP par an, quel que soit son âge ou milieu d’exercice. Les pratiques des MSU étaient semblables à celles des non-MSU, sauf pour la recherche de thrombophilie qu’ils réalisaient plus fréquemment.
Concernant matériel et méthode
Plusieurs points peuvent paraître critiquables : Comme tout travail déclaratif il a probablement existé un biais de désirabilité sociale pouvant influer sur les réponses. Le questionnaire n’interrogeait pas sur le délai de survenue de la dernière suspicion, ce qui a pu entrainer un biais pour le recueil de certains paramètres si le souvenir était trop lointain. Nous n’avions pas interrogé sur la perte du ballant du mollet dans les signes cliniques. Il est possible que certains MG se soient focalisés sur la dernière suspicion confirmée, qui n’était pas forcément la dernière suspicion. Concernant le questionnaire : le mode de réponse n’était pas idéal pour certaines questions. Par exemple pour les items 29 à 33 (« raisons d’adressage aux urgences »), la réponse en ligne était obligatoire, obligeant tous les médecins à répondre à ces questions, même s’ils n’avaient pas adressé leur patient aux urgences. Dans les résultats, ces items ont donc finalement été intégrés à la partie « pratiques habituelles ». Pour la question 44 les réponses possibles étaient des classes de durée de traitement, ce qui n’a pas permis de calculer minimum, maximum, médiane et moyenne. La question 53 sur le suivi biologique ne demandait pas quels éléments biologiques étaient surveillés.
Concernant les résultats
Sur le plan diagnostique : Le diagnostic clinique de TVP est difficile avec des diagnostics différentiels nombreux et variés (14). Mais le diagnostic de TVP est le plus à risque car sa méconnaissance peut conduire à une complication grave : l’EP. Dans cette enquête peu de symptômes ou signes cliniques sont associés de manière significative à une TVP confirmée hormis le signe de Homans ou le cordon veineux induré. Une méta-analyse réalisée en 2004 démontrait une valeur limitée de l’interrogatoire et de l’examen clinique du patient pris isolément, pour classer le risque de probabilité (ce qui revient en quelque sorte à l’évaluation implicite) (6) (15). Cependant une autre étude réalisée en 2013 (6) (16) montrait que « la capacité discriminante du jugement empirique de cliniciens spécialistes des affections vasculaires semblait supérieure à celle d’une utilisation dichotomique du score de Wells par des médecins urgentistes ». Dans ce travail les scores diagnostiques ont été peu utilisés par les médecins interrogés.
L’évaluation implicite était prépondérante. Etait-ce par méconnaissance de ces scores ou par leur inadaptation à la pratique de médecine générale? Ces données semblent coïncider avec une autre thèse de 2012 qui suggérait déjà l’absence de connaissance et d’utilisation du score de Wells par exemple. (17). Pourtant une étude qui avait été menée dans plusieurs centres d’urgences français avait montré que « la non-utilisation d’un score était associée à un nombre plus important de diagnostics inappropriés et de récidives thromboemboliques dans le suivi à 3 mois » (18) (19). Il paraît intéressant d’insister sur l’usage de ces outils diagnostiques d’autant plus qu’à l’heure actuelle des nouvelles technologies et des smartphones il est aisé d’accéder à des applications médicales permettant le recours à des scores simplifiés. D’ailleurs une étude randomisée de 2009 avait montré « une amélioration significative de la qualité de la démarche diagnostique quand de tels outils étaientutilisés » (18) (20). Mais les malades vus aux urgences sont différents de ceux vus en soins primaires. On peut mentionner un autre exemple avec le score de Oudega, un autre test d’évaluation de la probabilité qui s’apparente au score de Wells mais semble plus orienté sur le soin primaire. Ce score utilise 7 items sur les caractéristiques du patient, et inclut le résultat des D-dimères. En cas de probabilité estimée très faible (0-3), la prévalence de TVP était de 0,7% ; ce qui équivaut à un risque de méconnaître une TVP de 0,7% en cas de non poursuite des explorations.
Cependant ce test impose de disposer rapidement du dosage des D-dimères, ce qui peut sembler parfois contraignant ou impossible en ambulatoire (21). Mais ce score avait été validé sur une population particulière de MG spécifiquement formée. De même, il semblerait que l’utilisation des D-Dimères ne soit pas optimale et toujours faite à bon escient. Dans ce travail, quand les D-Dimères étaient réalisés, l’écho-doppler était également réalisé de manière presque systématique. Un autre travail de thèse soulignait également que les D-Dimères étaient peu utilisés par les MG pour la démarche diagnostique devant une suspicion de TVP (22). Les MG n’étant pas interrogés sur le résultat des D-Dimères, il n’a pas été possible de déterminer si l’écho-doppler faisait suite à un résultat positif ou était systématique. Dans ce travail, parmi les 34 patients ayant une probabilité pré-diagnostique estimée faible, seuls 6 patients avaient eu un dosage des D-Dimères, tandis que 31 patients avaient eu un échodoppler.
Si un algorithme diagnostique tel le score de Wells ou encore le score Primary Care était utilisé, tous les patients à faible probabilité devraient bénéficier du dosage des D-Dimères. En cas de dosage positif > 500 ng/ml cela orienterait vers la réalisation d’un écho-doppler. Ainsi l’usage d’une telle stratégie combinée permettrait de diminuer de 50 % le recours à l’écho-doppler (23). Cela permettrait des économies, tout en garantissant une balance bénéfice/risque raisonnable pour le patient, avec une prévalence faible de TVP survenue dans les 3 mois chez les patients à faible risque avec D-Dimères négatifs initialement (23). On sait que les D-dimères ne sont pas spécifiques de la MTEV, et que leur augmentation peut être liée à d’autres facteurs (dont l’âge). Afin de diminuer le nombre de faux positifs, de nouvelles études suggèrent d’ajuster le seuil des D-dimères sur l’âge (âge x 10 ng/mL) dans les suspicions d’embolie pulmonaire notamment. Cette stratégie permettrait « de réduire le nombre de patients nécessitant un scanner injecté lors de suspicions d’EP sans augmentation significative des faux négatifs » (24).
Ces données sont à pondérer par le fait que toutes les techniques de dosage des D-dimères ne se valent pas : « les tests de type ELFA, ELISA classique et les tests d’agglutination de microparticules de latex de 2nde génération sont les seuls à avoir des performances suffisantes pour permettre l’exclusion de la MTE chez les patients ayant une probabilité clinique faible ou modérée » (25). L’écho doppler est un élément incontournable des suspicions de TVP pour confirmer le diagnostic. Mais dans cette étude il semble sur-prescrit (avec une demande dans plus de 90% des cas). Cette prescription presque systématique de l’écho-doppler avait déjà été mise en évidence dans un travail de 2008 interrogeant des MG sur la stratégie diagnostique et thérapeutique en ambulatoire devant une suspicion de TVP (22). Il s’agissait d’une étude qualitative par entretiens auprès de MG exerçant sur un secteur en Normandie. Une autre étude prospective suisse -OTIS-DVT- retrouvait également un taux élevé de réalisation d’écho-doppler à 95% (26). Il semble donc que l’accès à cet examen ne soit pas problématique, les délais d’obtention étant assez rapides, permettant souvent sa réalisation dans la journée. Le recours à cet examen a un coût non négligeable, qu’il serait possible de diminuer en suivant des algorithmes diagnostiques « incluant l’évaluation de la probabilité pré-test et le dosage des D-Dimères ». Cela permettrait « de déterminer quels patient avec suspicion de TVP nécessitent une imagerie de confirmation »
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Table des matières
I.Introduction
II.Matériel et méthode
1.Population cible
2.Période de recueil
3.Construction du questionnaire
4.Méthode de recueil
5.Analyses statistiques
III. Résultats
1.Démarche diagnostique et thérapeutique lors de la dernière suspicion de 2.TVP des membres inférieurs rencontrée, que celle–‐ci ait été confirmée ou non
3.Pratique habituelle du médecin devant une suspicion de TVP
4.Caractéristiques de l’échantillon (Q69 à 73)
IV.Discussion
1.Résumé des Principaux résultats
2.Concernant Matériel et méthode
3.Concernant les résultats
Conclusion
Bibliographie
Table des illustrations
Table Des matières
Annexes
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