Le présent travail a pour thème « pratique enseignante et médiation culturelle en contexte malagasy ». Nous avons choisi de traiter ce sujet dans le but de vérifier la portée de la médiation culturelle, un dispositif de soutien proposé par Serge Boimare pour face aux difficultés d‟apprentissage récurrentes et persistantes des élèves en classe.
A Madagascar, les données révèlent qu‟au fur et à mesure que le niveau augmente, la déperdition scolaire augmente également. Ainsi, « sur les 100 enfants inscrits en début de primaire, seuls 44,5% atteindront la dernière année et à peine 33,5% parviendront à entrer dans le secondaire. Deux tiers des enfants qui commencent le primaire abandonnent donc avant de commencer le secondaire » . Le taux moyen de transition primaire-collège est égal à 65,4%, les redoublements (15%) et les abandons (11%) restant élevés. Le taux d‟achèvement primaire est donc de 69% et le taux d‟achèvement secondaire du 1er cycle de 38%.
Que sait l’apprenant avant d’apprendre ?
Il a ses « conceptions » selon Giordan
Mais des conceptions en décalage avec celles de l’enseignant
André Giordan (1993) s‟est intéressé aux conceptions des apprenants. «A chaque fois qu‟on prend soin d‟interroger les élèves sur leur façon de faire, il est possible de déceler des règles « logiques », du moins dans la tête de l‟élève. Malheureusement, ces dernières sont souvent décalées par rapport à la logique de l‟enseignant et de la discipline».
Adapter son intervention en fonction des conceptions des élèves
Pour autant, « la connaissance des conceptions des élèves permet à l‟enseignant d‟adapter son intervention ». Il est donc du devoir de l‟enseignant de bien cerner les conceptions de ses apprenants pour pouvoir ajuster sa pratique en fonction de ce que ces derniers conçoivent de l‟apprentissage .
Apprendre : aller contre sa propre conception…pour une transformation
« L’apprentissage est rarement le produit d’une seule transmission. C’est surtout le résultat d’un processus de transformation…de transformation des questions, des idées initiales, des façons de raisonner habituelles » . « En fait, pour apprendre, l’apprenant doit aller le plus souvent contre sa conception initiale, mais il ne pourra le faire qu‟ « en faisant avec », et cela jusqu‟à ce qu‟elle craque ». Pour cela l‟environnement, c‟est-à-dire « les conditions extérieures dans lesquelles est plongé l‟apprenant sont prépondérantes.[…]Dès lors, l‟apprentissage ne peut se faire que par étapes ou plutôt par approximations successives que nous appelons niveau de formulation ».
« L‟action propre de l‟individu est donc au cœur du processus de connaissances. C‟est ce dernier qui tire, analyse et organise les données afin d‟élaborer une réponse personnelle à une question. Personne ne peut le faire à sa place. Encore faut-il qu‟il ait en tête une question qui l‟intrigue » .
« L‟apprentissage ne peut donc être interprété comme une simple mécanique de conditionnement, d‟association ou même d‟abstraction. L‟appropriation du savoir doit être envisagée comme un processus de transformation systémique et progressif. […] il faut qu‟il soit face à des données qui contredisent ce qu‟il pense » .
L’apprenant a ses représentations selon Philippe Meirieu
Une nécessaire prise en compte de la représentation de l’élève
Philippe Meirieu(1987) explique qu‟ « avant même que le maitre commence la présentation d‟une question, l‟élève s‟en est déjà fait une idée […] l‟élève, en arrivant dans sa classe dispose de toute une série de connaissances […] On a donc aucune chance de faire progresser un sujet si l‟on ne part pas de ses représentations ».
Apprendre : une dialectique avec ses représentations initiales
La difficulté, c’est que ses représentations initiales sont les premiers obstacles à l’acquisition des nouvelles connaissances. Comme l‟écrit le philosophe Gaston Bachelard(1983), « on connait contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l‟esprit même, fait obstacle à la spiritualisation » .
Les contributions de l’inhibition
Plus récemment, Olivier Houdé (2004) a montré le rôle de l‟inhibition de certaines stratégies perceptives ou cognitives inadéquates présentes chez un sujet, pour rectifier des erreurs dans la réalisation de certaines tâches : « construction de l‟objet, raisonnement logique » .
Des principes d’apprentissage basés sur la « théorie historico-culturelle du développement des fonctions mentales supérieures »
Liev Vygotsky(1985) considère que « c‟est d‟abord la pensée qui se développe grâce à l‟apport des outils cognitifs élaborés par l‟humanité, qu‟un apprenant acquiert une plus grande maitrise de son activité, de soi, de ses relations aux autres» . Cet auteur élabore une « théorie historico-culturelle du développement des fonctions mentales supérieures », d‟inspiration marxiste :
-Contrairement à Piaget, il considère que les outils édifiés par la culture sont constitutifs de l‟existence et du développement de l‟espèce humaine : « cette culture fait partie intégrante de l‟individu, donne forme à ses pensées, lui permet de maitriser ses processus mentaux. L‟outil est le moyen par lequel l‟homme transforme la nature et, ce faisant, se transforme luimême » .
-Il existe également des outils cognitifs transmis principalement par l‟éducation familiale et scolaire. Vygotsky estime que leur rôle majeur « dans la formation du psychisme interdit d‟envisager le développement du sujet apprenant uniquement comme un processus naturel qui se déroulerait à la faveur de l‟adaptation de l‟organisme à son environnement».
-L‟acquisition des fonctions psychiques supérieures s‟effectue par un processus d‟enseignement-apprentissage médiatisé par les enseignants. Le groupe social d‟appartenance d‟un sujet médiatise également son rapport à l‟environnement, notamment à travers le langage. L‟école permet ensuite à l‟apprenant d‟ « accéder aux fonctions supérieures par le biais de l‟enseignement de l‟écrit et des concepts abstraits qu‟il ne peut tirer ni de son expérience, ni de son développement interne. Ainsi, l‟apprentissage devance par principe, et par là stimule, le développement intellectuel du sujet » . Cette force du social chez Vygotsky fonde, non seulement, l‟importance de la transmission des savoirs, mais aussi celles des interactions dans l‟apprentissage.
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Table des matières
REMERCIEMENT
RESUME
Mots-clés: Psychopédagogie- médiation culturelle-empêchés de penser-égalité des chances de réussite
ABSTRACT
INTRODUCTION
I. La problématique
II. Questions et objectifs de recherche
I : La question de la difficulté scolaire : Pourquoi certains enfants n‟arrivent pas à apprendre malgré leur intelligence ?
1. Une nécessaire compréhension de l‟acte d‟apprendre
1.1. Qu‟est-ce qu‟apprendre ?
1.1.1. Selon Philippe Meirieu
1.1.2. Selon Bruner
1.1.3. Selon Perrenoud
1.1.4. Selon De Ketele
1.2. Les principaux concepts et modèles d‟apprentissage
1.2.1. Le modèle de l‟empreinte
Tableau 1 :Le modèle de l‟‟empreinte selon John Locke(1693)
1.2.2. Le behaviorisme: apprendre, c‟est modifier le comportement
1.2.3. Le cognitivisme : apprendre, c‟est traiter, interpréter et stocker de l‟information
1.2.4. Le constructivisme : apprendre, c‟est construire ses connaissances
1.2.5.Le socioconstructivisme : apprendre c‟est construire ses connaissances avec autrui
1.2.6. Le connectivisme : apprendre, c‟est un processus de connexions
1.2.7. Justification de la présentation de ces modèles d‟apprentissage
1.3. Que sait l‟apprenant avant d‟apprendre ?
1.3.1. Il a ses « conceptions » selon Giordan
1.3.1.1. Mais des conceptions en décalage avec celles de l‟enseignant
1.3.1.1.1. Adapter son intervention en fonction des conceptions des élèves
1.3.1.1.2. Apprendre : aller contre sa propre conception…pour une transformation
1.3.2. L‟apprenant a ses représentations selon Philippe Meirieu
1.3.2.1. Une nécessaire prise en compte de la représentation de l‟élève
1.3.2.2. Apprendre : une dialectique avec ses représentations initiales
1.3.2.3.Les contributions de l‟inhibition
1.3.2.4. Se décentrer de ses représentations initiales pour apprendre
1.3.2.4.1. La notion de « conflit de centration »
1.3.2.4.2. La notion du « conflit sociocognitif »
1.3.2.4.2.1. Des situations inductrices de progrès cognitifs
1.3.2.4.2.2. L‟intérêt du conflit sociocognitif
1.3.2.4.2.3. Des « situation-problème» à caractéristiques différentes
1.3.2.4.2.4. Un nécessaire repérage de la « Zone Proximale de Développement » (ZPD)
1.3.2.4.2.5. Le concept de « l‟objectif-obstacle » en guise d‟estimation de la capacité des élèves
1.4. Apprendre: projet personnel entre expérience et culture
1.4.1. L‟interdépendance des informations au projet
1.4.2. « Notion de projet » et « apprentissage par expérience » : deux notions similaires
1.4.2.1. Apprendre par problématisation
1.4.2.1.1. Une nécessaire articulation biologique et culturelle
1.4.2.1.2. Une indispensable acquisition active et fonctionnelle d‟un patrimoine culturel
1.4.2.1.3. La crucialité de la compréhension du rapport épistémique de l‟élève aux savoirs
1.4.2.1.3.1. Notion de « rapport épistémique aux savoirs »
1.4.2.1.3.1.1. Un rapport systémique à multiples processus différenciateurs
1.4.2.1.3.1.1.1. L‟imbrication
1.4.2.1.3.1.1.2. La distanciation
1.4.2.1.3.1.1.3. L‟objectivation
1.4.2.1.3.1.1.3.1. Un modèle épistémique de l‟apprentissage affiné
1.4.2.1.3.1.1.3.2. Intérêt de la modélisation épistémique de l‟apprentissage
1.4.2.1.3.1.1.3.3. Un nécessaire apport de la part de l‟enseignant
1.4.2.1.3.1.1.3.4. Une exigence de secondarisation requise
1.4.2.1.3.2. Apprendre c‟est articulation les savoirs à la culture
1.4.2.1.3.2.1. A la recherche de sens par la « notion d‟activité »
1.4.2.1.3.2.2. Des principes d‟apprentissage basés sur la « théorie historico-culturelle du développement des fonctions mentales supérieures »
1.5. La notion de « dynamique de l‟apprentissage »
1.5. 1.Les différents systèmes de motivation
1.5. 1.1. Le système de motivation de sécurisation(SM1)
1.5. 1.2. Le système de motivation d‟innovation(SM2)
1.5. 1.3. Le système de motivation de sécurisation parasitée ou d‟addiction(SM1p)
1.5. 2. Les phases d‟articulation des systèmes de motivation
1.5. 2.1. Les quatre phases d‟articulation des systèmes de motivation
1.5. 2.1. 1. La phase de l‟incompétence inconsciente
1.5. 2.1.2. La phase de l‟incompétence consciente
1.5. 2.1. 3. La phase de la compétence consciente
1.5. 2.1. 4. La compétence inconsciente
1.5.2.2. Des difficultés lors des phases d‟articulation La phase d‟articulation des systèmes de motivation la plus délicate
1.5. 2.2.1. Une phase d‟articulation des systèmes de motivation délicate
1.5. 2.2.2.Notion de « processus de dévolution »
1.6. Apprentissage et conceptualisation
1.6.1. « Notion de conceptualisation »
1.6.1.1. Attribution des concepts
1.6.1.2. Les trois éléments de la conceptualisation
1.6.1. 3.Les cinq phases de la conceptualisation
1.6.1. 3.1. «Percevoir »
1.6.1. 3.3. « Faire une inférence »
1.6.1. 3.4. « Vérifier l‟inférence »
1.6.1. 3.5. « Faire une hypothèse, vérifier, généraliser »
1.6.1. 4. Les contributions du modèle opératoire du concept
1.6.1.5. La capacité d‟abstraction
1.6.1.5. 1. Lien entre la capacité de conceptualisation et la structure cognitive
1.6.1.5.2.Les facteurs d‟émergence du sens
2. Des hypothèses sur les obstacles d‟apprentissage
2.1. Apprendre c‟est supporter
2.1.1. Supporter le déséquilibre
2.1.2. Supporter ses insuffisances
2.2. Hypothèse sur les conséquences résultant de ces contraintes d‟apprentissage : l‟ « empêchement de penser »
2.2.1. Hors de question de menacer l‟équilibre émotionnel
2.2.2. Eviter à tout prix d‟attendre ce « fameux » temps de suspension
2.3. Apprendre : place à la déstabilisation émotionnelle !
2.3.1. Cet inconnu qui stresse tant !
2.3.2. Des questions et des activités « terrorisantes » ,
3. En quoi reconnait-on ces élèves « empêchés de penser » ?
3.1. Ils sont intelligents et pourtant
3.1.1. Première insuffisance: empêchés d‟écouter
3.1.2. Deuxième insuffisance : empêchés de s‟exprimer
3.1.2.1. Une confusion déconcertante en compétence langagière
3.1.2.2. Un langage argumentaire dysfonctionnel
3.1.2.2. Défaillance en production langagière et en production écrite
3.1.2.2.1. Des troubles de dyslexie handicapantes
3.1.2.2.2. Des techniques d‟automatisation en lecture inefficace
3.1.3. Troisième insuffisance : empêchés de réfléchir
3.2. Et comment reconnaitre le mode de fonctionnement de l‟ « empêchement de penser »?
3.2.1. Des troubles psychologiques
3.2.1.1. Des phases de doute
3.2.2.Des initiatives immédiates
3.2.2.1. La phobie du temps de suspension requis par l‟apprentissage
3.2.2.1.1. Dominance des besoins d‟immédiateté
3.2.2.1.2. Précipitation vers des réponses futiles et insensées
3.2.2.2. Une insuffisance d‟initiation en frustration
3.2.3. Des stratégies appauvries
3.2.3.1. Des tendances de repli face à la créativité
3.2.3.2. Déjouer les stratégies
3.2.4.Une altération de l‟instrument pour apprendre
3.2.4.1.Une fonction imageante peu sensible aux mots
3.2.4.2.Un langage appauvri et qui ne s‟enrichit pas
3.2.5. Une nécessaire mesure des compétences psychiques avant la médicalisation
CONCLUSION