Pratique enseignante et film documentaire : vers une didactique transculturelle

Une préoccupation internationale

    Au moment où le progrès vertigineux apporté par la mondialisation est indéniable, un changement radical est en train de s’opérer aussi bien dans la société que dans le milieu éducatif. L’éducation, définie par l’UNESCO comme étant « à la fois l’instrument du développement intégral de la personne humaine et celui de sa socialisation » devrait également évoluer avec le temps et s’adapter à ce changement sociétal marqué par la pluralité linguistique et culturelle. L’interculturalité, un des principaux objets de notre étude, s’ouvre sur l’éducation aux solidarités et aux droits de l’homme. En effet, l’interculturalité rend compte d’une dynamique d’un processus et constitue en même temps une référence, une méthode et une perspective d’action. Cette idée de processus, de dynamique de la relation entre individus porteurs de cultures est reprise par Clanet, l’interculturalité « serait l’ensemble des processus – psychiques, relationnels, groupaux institutionnels…- générés par les interactions de cultures, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation » (Clanet, 1993, p.21). Vu sous cet angle, l’enjeu que l’éducation interculturelle présente est d’une grande envergure qu’elle constitue l’objet de différents instruments normatifs internationaux aussi bien des déclarations que différentes conventions (annexe 1). Certes, la liste proposée n’est en aucun cas exhaustive mais elle permet déjà de démontrer la place qu’occupe l’éducation interculturelle au niveau international. Ainsi, comme tous les pays membres de ces institutions internationales, Madagascar devrait reconnaître ce rôle assigné à l’éducation pour que les Malgaches puissent faire preuve d’une ouverture vers l’autre afin de respecter leur propre identité.

L’enseignement du français à Madagascar

     Depuis l’officialisation du bilinguisme en 1978, les instituteurs et les enseignants du collège et lycée utilisent fréquemment le discours mixte (en malgache et en français). Et dans l’enseignement supérieur, la langue prédominante reste le français. De ce fait, le français garde une place prépondérante dans le domaine de l’enseignement à Madagascar. Sa maîtrise représente une meilleure insertion et promotion professionnelles. Les sociolinguistes et les didacticiens malgaches évoquent le même constat en rapport avec le système éducatif malgache : les modèles didactiques ou pédagogiques dans l’enseignement/apprentissage s’inspire encore du modèle occidental, plus précisément celui de France, qui selon Randriamarotsimba « a causé des désastres » (Randriamarotsimba, 2017,p. 88) Et pour Razafindralambo, « le système éducatif malgache pourrait prendre en compte les réalités et les besoins spécifiques des différentes régions, mais toujours dans le cadre de la construction de l’homme, du citoyen malgache. » (Razafindralambo, 2014, p. 67). Effectivement, la mise en œuvre des méthodes dans l’enseignement malgache mérite une réflexion approfondie pour qu’il y ait une cohérence entre les méthodes choisies et le contexte social malgache. Enseigner et apprendre les langues demandent aujourd’hui une façon innovante et une adaptation à la pluralité, dont les caractéristiques répondent au double souci de l’excellence et de la modernisation des pratiques. Nous rejoignons les spécialistes de l’éducation et les sociolinguistes pour confirmer que la langue n’est pas un simple vecteur arbitraire de la pensée, son rapport à la culture ne devrait pas être marginalisé. « L’éducation au pluralisme est non seulement un garde-fou contre les violences, mais un principe actif d’enrichissement culturel et civique des sociétés contemporaines. » (Abdallah-Pretceille, 2004, p. 80) Lemeunier-Quere présente le changement de l’enjeu de la didactique des langue-cultures selon deux niveaux :
– l’efficacité et la réussite des formations scolaires offertes aux élèves nécessite des enseignants compétents La didactique permet d’investir dans le capital humain que sont les enseignants pour permettre le développement de la formation et du système d’éducation au niveau national (réformes).
– l’adaptation fonctionnelle de l’école à la demande sociale sous-entend des enjeux sociétaux. (Magali Lemeunier-Quere, 2014, p. 312)

Langue/culture

     La théorie psychanalytique freudienne admet que l’exploration de la réelle passe essentiellement à travers les processus verbaux. L’attention est essentiellement portée sur le symbolisme. Cette théorie fait dévier la réflexion des sociologues et des anthropologues de l’étude de l’environnement linguistique et les a orientés vers la transmission culturelle. Boas reconnait qu’il existe une relation entre le langage et l’interprétation de la réalité. « L’homme dans sa vie appréhende le monde essentiellement ou même exclusivement selon l’image que lui en donne le langage » Une analyse linguistique pourrait « fournir des données suffisantes pour une étude complète de la psychologie de tous les peuples existants » (Boas, cité par Berstein 1985, p. 123). Selon Sapir, le langage « en vérité ne reste pas à l’écart de l’expérience immédiate, ni ne se développe parallèlement à elle, mais l’interpénètre complètement, c’est un guide pour introduire à la ‘réalité sociale’ » (Sapir 1968, p. 131). Par ailleurs, les différentes investigations dans les sciences du langage ont permis de poser la complémentarité entre deux aspects de la notion de langue : « un aspect abstrait et systématique (langue=idiome) » d’une part, considéré comme une mise en œuvre d’un modèle théorique et le respect des règles relatives au fonctionnement du « système abstrait de signe ». D’une autre part, la sociolinguistique attribue à la langue un second aspect qu’est le « social (langue=culture). » (Cuq, 2003, p. 147). Ce dernier suscite certaine subjectivité et apparait comme une manifestation des émotions, contrairement à l’idiome. Certes, la didactique des langues, une discipline singulière prend en compte les deux aspects mais la didactisation de la culture reste problématique la production langagière ne peut avoir lieu sans les références culturelles. De ce fait, « la culture anthropologique » ou pratique culturelle s’avère être un élément à part entière dans cette discipline. La prise en compte de cette culture par la didactique des langues se présente comme un des moyens de normaliser la société et la conduite de chaque individu. Ainsi, l’aspect culturel de la langue revêt un aspect identitaire qui doit être pris en compte selon le statut de la langue. Une langue est donc un outil et un vecteur de communication d’où l’importance de la prise en compte de la dimension interculturelle et de l’altérité car communiquer « c’est rencontrer l’autre. Toute communication pose la question de l’Autre, de son statut, de l’altérité et de l’identité. » (Abdallah-Pretceille, 1999, p.10), « c’est définir une relation, affirmer son identité, négocier sa place, influencer l’interlocuteur, partager des sentiments et des valeurs et, plus largement, des significations. » (Marc et Picard, 2000, p. 63). Subséquemment, la langue se présente comme un facteur d’intégration sociale, dans la mesure où elle permet d’adapter l’éducation et l’enseignement à la société. Chaque langue s’est construite au fil du temps pour rendre compte de la réalité socioculturelle de ceux qui la parlent. En effet, Martinet l’affirme : Une langue est un instrument de communication selon lequel l’expérience humaine s’analyse, différemment dans chaque communauté […] » (Martinet, 1980, p. 20). En outre, elle est également une « institution humaine », résultant de la vie en société, « c’est bien le cas du langage qui se conçoit essentiellement comme un instrument de la communication » (Martinet, 1980, p. 8).

l’analyse de la pluralité culturelle sous une perspective anthropologique

     L’anthropologie, étant une réflexion sur l’homme et sur la diversité, ne peut être séparée du contexte dans lequel elle se constitue. Elle s’intéresse à l’homme dans sa globalité et correspond à une démarche qui se résume à « partir du particulier pour construire une théorie de l’homme. » G. Balandier (1985) évoque une science sociale générative, plus précisément l’anthropologie générative, qui conduit vers des interprétations définies en termes d’action et d’interactions complexes, en termes d’engendrement. Il s’agit d’une « connaissance, non pas des caractéristiques, mais des phénomènes et des processus culturels : acculturation, assimilation, résistance culturelle, identité, métissage…etc., dans leur dimension générique » (Abdallah-Pretceille, 2015, p. 251) La vision de Levis Strauss des concepts de diversité culturelle se présente selon deux dimensions du temps (une telle société à une époque bien déterminée) et de l’espace (une telle société qui se trouve dans un lieu donné). De plus, les cultures différentes ne le sont pas toutes au même degré : deux cultures différentes issues d’un même tronc commun seront moins différentes entre elles que deux cultures différentes issues de deux civilisations sans aucun lien entre elles. La problématique de la diversité culturelle se pose alors sur les différenciations culturelles qui pourrait entraîner pour les cultures en relations de voisinage un « désir de s’opposer, de se distinguer, d’être soi ». En situation de pluralité culturelle, la notion de culture ne peut plus être déterminée ni par rapport à des entités culturelles ni des fragments culturels. Paradoxalement, les cultures se définissent plutôt en termes de relations et interactions entre différentes cultures. Il n’est plus question de nomenclatures mais de bigarrures, métissages et transgressions étant donné qu’aujourd’hui, chaque individu peut s’exprimer et agir en se fondant pas uniquement sur ses codes d’appartenance, mais aussi sur des codes de référence librement choisis.

L’interculturalité, axes de réflexion et d’intervention didactiques

    La notion d’interculturalité renvoie davantage à une méthodologie, à des principes d’action. Il s’agit d’une approche qui permet de « prévenir, d’identifier, de réguler les malentendus, les difficultés de la communication, dus à des décalages de schèmes interprétatifs, voire à des préjugés (stéréotypes, etc.)» (Blanchet, 2004, p. 6). Dans ce cadre, la différence joue un rôle crucial dans l’éthique personnelle et dans la déontologie professionnelle reconnaissant l’altérité. Ce qui amène à son intégration dans les procédures d’enseignement, à la fois comme objet d’apprentissage et comme moyen de relation pédagogique. L’enseignement-apprentissage des langues et cultures se donne alors pour mission, au-delà de l’objet langue-culture lui-même, de participer à « une éducation générale qui promeut le respect mutuel par la compréhension mutuelle. » (Blanchet, op.cit.).

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Table des matières

PREMIERE PARTIE : CADRAGE CONTEXTUEL ET SOUBASSEMENT THEORIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 1 : L’école malgache face à la pluralité linguistique et culturelle vers une éducation interculturelle
1.1 Education interculturelle : cadrage d’ordre institutionnel
1.1.1 Une préoccupation internationale
1.1.2 Une préoccupation nationale
1.2. Le plurilinguisme : une réalité à Madagascar
1.2.1 L’enseignement du français à Madagascar
1.2.2 Perspective écologique de la pluralité linguistique malgache
1.3.1 Education et école
1.3.1.1 Epistémologie des sciences de l’éducation
1.3.1.2 La mission éducative de l’école
1.3.1.3 Education et culture
1.3.2 Pluralité linguistique et culturelle
1.3.2.1 Langue/culture
1.3.2.2 Pluri/multilinguisme
2.2.4. Pluri/multiculturalisme
CHAPITRE 2 : Disciplines d’ancrage et les concepts mobilisés
2.1 Approche interdisciplinaire de la recherche
2.1.1 Approche psychologique de la recherche
2.1.1.1 Le constructivisme
2.1.1.2 Le rapport psychisme/culture
2.1.1.3 Le contact des cultures
2.2 Approche anthropologique de la recherche
2.2.1 l’analyse de la pluralité culturelle sous une perspective anthropologique
2.2.2 Relativisation culturelle
2.3 Implication didactique de l’interculturalité
2.3.1 Discipline langue
2.3.2 Enseignement d’une civilisation ou d’une culture
2.4 L’interculturalité, concept et démarche
2.4.1 Définition
2.4.2 La démarche interculturelle
2.4.3 Perspective éducative de la démarche interculturelle
2.4.4 L’interculturalité, axes de réflexion et d’intervention didactiques
2.4.1 Défi de l’approche interculturelle dans  l’enseignement/apprentissage de la langue
CHAPITRE 3 : Film ethnographique : un medium vers la socialisation des jeunes
3.1 Le film ethnographique/film documentaire
3.2 Le film ethnographique dans le domaine de l’enseignement du français
3.3 La place de l’image animée dans la didactique des langues et cultures
3.3.1 Les limites de la méthode audiovisuelle
3.3.2 Le rapport apprentissage/audiovisuel
CHAPITRE 4 : l’enseignement de langue : quel curriculum pour une éducation interculturelle ?
4.1 La notion de curriculum
4.2 Le curriculum pour une éducation plurilingue et interculturelle
4.3 Interculturalité : clé de la réussite de la socialisation des apprenants
DEUXIEME PARTIE : L’ASPECT METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE ET PERSPECTIVE EN VUE DE LA THESE
CHAPITRE 1 : Cadrage théorique de la méthodologie en sciences humaines et sociales
I.1 Les démarches pour former une connaissance
I.1.1 La démarche inductive
I.1.2 La démarche déductive
I.2 Approche définitoire : Méthode et méthodologie
I.2.1 Méthode
1.2.3. Méthodologie
CHAPITRE 2 : La méthodologie et démarche adoptée
II.1 présentation de la méthode empirico-inductive
2.2 Méthodologie de terrain
2.2.1 Présentation de la démarche : qualitative
2.2.2 Les informateurs sur le terrain
2.2.2.1 L’enseignant
2.2.2.2 L’apprenant
2.2.2.3 Les responsables pédagogiques
2.2.3 Un aperçu du terrain
CHAPITRE 3 : Perspective envisagée en vue de la thèse
3.1 Perspective anthropologique et sociologique de la didactique des langues
3.1.1 L’anthropologie visuelle au service de la didactique des langues
3.1.2 Le choix du support : films ethnographiques
3.2 Proposition d’un dispositif de formation continue des enseignants : pédagogie interculturelle
3.3 Perspective d’ordre institutionnel
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages
Revues et articles de revue
Acte de colloque/séminaire
Dictionnaires
Mémoire et Thèse
Sitographie

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