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Une ville millénaire construite par de multiples influences.
Une brève histoire de Prague.
Pour cette partie, mes informations proviennent des ouvrages suivant :
– de COSTER, (Léon et Xavier), 15 promenades dans Prague, Tournai, Casterman, 1992, 399p.
– Polišenský (Josef), Prague dans la société européenne, Prague, avenir d’une ville historique capitale, La Tour-d’Aigues, édition de l’Aube, 1992, p.23-29.
– Líbal (Dobroslav), Essence de l’héritage sauvegardé de la Prague ancienne, Prague, avenir d’une ville historique capitale, La Tour-d’Aigues, édition de l’Aube, 1992, p.57-69
– Norberg-Schulz, (Christian), Genius Loci : paysage, ambiance, architecture. Bruxelles, Mardaga, 1997, 213p.
Une première colonie slave s’installe au VIème siècle sur la rive gauche de la Vltava en bas de l’actuelle colline de Hradčany.
Mais c’est au IXème siècle que Bořivoj, premier prince tchèque, créé la place forte et les fondations du château de Prague sur la colline de Hradčany. A partir de ce moment-là, la ville se développe sur les deux rives entre ce château et celui de Vyšerhad établit au XIème siècle. Un premier pont reliant les deux rives est construit au Xème siècle. En 965, un marchand juif arabe, Ibrahim Ibn Jacob, dresse le premier portrait de Prague, qu’il qualifie de ville composée de rues commerçantes et peuplée par des groupes slaves, germaniques et juifs. A cette époque, les habitations sont de petites maisons romanes en pierre et mortier. La première grande oeuvre architecturale est la basilique Saint Guy.
A partir du XIème siècle, l’urbanisation médiévale se poursuit et s’étale peu à peu plus loin que les rives, notamment sur la rive droite avec la création de la Vieille-Ville et son marché. De plus, de petites bourgades telles que Dejvice apparaissent et le château de Prague est fortifié. L’expression architecturale se concentre surtout sur les deux châteaux qui sont reconstruits suivant les codes de l’architecture romane durant le point culminant de l’époque : le règne de Vladislav II.
Lors du XIIIème siècle, la ville connaît d’importantes transformations. D’abord, la Vieille-Ville s’agrandit, notamment avec la création du ghetto juif. Elle est fortifiée et en 1232 élevée au rang de cité : la cité Saint-Gall. De nouveaux marchés sont créés en dehors de l’enceinte de la Vieille-Ville. Sur l’autre rive, les fortifications du château sont renforcées et en 1257, la cité de Malá Strana est créée. Ainsi, une organisation urbaine est esquissée autour de deux noyaux principaux, de part et d’autre de la rivière. Ces deux cités très denses sont inscrites dans un schéma médiéval. De plus, à cette époque, c’est l’émergence du mouvement gothique qui s’étend à toute l’Europe. Prague en est aussi métamorphosée par la modification des premiers tracés de la ville ainsi que par d’importants travaux de remblayage de la Vieille-Ville qui recouvre la strate romane.
Au début du XIVème siècle, le quartier de Hradčany en haut de la colline du château accède aussi au titre de cité. En 1346, à la mort de son père, Charle IV de Luxembourg devient roi de Bohême et fait de Prague la capitale du Saint-Empire romain germanique. Son règne, jusqu’en 1378, inscrit Prague dans une période faste de grands travaux et d’évolutions remarquables, qui l’élèvent au rang de ville européenne de premier plan. C’est à cette époque que la ville connaît une grande extension avec la création de la Nouvelle-Ville qui entoure la Vieille-Ville à l’image d’un éventail. Elle s’étend au sud jusqu’après la colline de Vyšerhad et à l’est jusqu’à l’actuelle butte de Žižkov. Elle est aménagée de manière très structurée et aérée avec trois grands marchés (aux boeufs, au foin et aux chevaux) correspondant à trois grandes places. Au coeur de la Vieille-Ville, l’université de et de Bologne, elle devient un lieu de rencontre important pour les penseurs de l’époque. Le pont principal est remplacé par le célèbre pont Charles, une architecture gothique de 1357. Il est rapidement accompagné par une tour sur la rive est. Sur l’autre rive, la cité de Malá Strana s’étend et est protégée par de nouveaux remparts. A la mort de Charles IV, Prague fait partie des plus grandes villes d’Europe et de la chrétienté.
Au XVème siècle, cette dynamique est freinée par les guerres de croisades contre les hussites. C’est également le siècle du gothique flamboyant qui marque Prague de son empreinte avec quelques grands projets tel que la Tour de la poudrière. Un peu plus tard, au XVIème l’architecture italienne arrive à Prague et en Bohême avec la Renaissance. La ville gothique se transforme peu à peu, notamment les quartiers de Malá Strana et Hradčany victimes d’un grand incendie. La Renaissance bouleverse alors l’espace des rues et enrichie les façades pragoises. Les grandes architectures édifiées sont désormais des palais ou des maisons patriciennes. Prague accueille de nombreux édifices de référence et c’est ici que le Maniérisme atteint son apogée et fait doucement la transition avec un nouveau mouvement en provenance d’Italie : le baroque.
Le baroque éclot à Prague au XVIIème siècle. Il s’y impose vite avec la reconstruction du quartier de Malá Strana. Mais c’est surtout à la fin du XVIIème siècle et l’arrivé du baroque culminant que Prague et toute la Bohême deviennent le cheflieu de ce mouvement en Europe avec des oeuvres parmi les plus représentatives comme la basilique Saint-Nicolas à Malá Strana. En 1620, Vienne devient la nouvelle capitale du Saint- Empire au détriment de Prague.
Au XVIIIème siècle, les remparts se modernisent avec la création de bastions tout autour de la ville, alors que ceux entre la Vieille- Ville et la Nouvelle-Ville sont détruits. Ils laissent alors place à une grande voie qui encore aujourd’hui fait partie des plus grands boulevards de la ville. De plus, les jardins de Letná et la colline de Petrín sont aménagés. Enfin en 1784, les quatre cités de Prague sont unifiées pour ne former qu’une seule ville. C’est à cette même période que le classicisme apparaît en République Tchèque. Il sera marqué à ses débuts par un grand attachement à la morphologie baroque.
Le XIXème siècle est celui de grands bouleversements pour Prague, comme pour d’autres grandes villes européennes. D’abord dans la Vieille-Ville où de grands travaux d’assainissement sont effectués au début du siècle, suivis plus tard par la destruction du ghetto juif considéré comme insalubre. Ensuite d’importantes transformations sont réalisées dans la ville : de nouveaux ponts sont construits, des quais sont aménagés, les premiers boulevards sont créés. L’enceinte de la ville est également détruite, la ville s’ouvre alors sur l’extérieur et de nouvelles communes adjacentes sont annexées. La ville s’étend aussi avec l’éclosion de nouveaux quartiers (Vinohrady, Vršovice). La révolution industrielle est un autre facteur influençant le développement pragois, avec la création de quartiers dédiés à l’industrie (Smíchov, Holešovice). Des gares sont également bâties avec l’apparition du train. La structure originelle de la ville ainsi que certaines de ses singularités sont un peu atténuées par ces changements, notamment entre la Vieille-Ville et la Nouvelle-Ville.
Les premières décennies du XXème siècle sont marquées par une période de forte créativité dans tous les domaines artistiques à Prague. Après le développement d’un éclectisme marqué par la culture de Bohême et un grand essor de la Sécession en deuxième moitié du XIXème siècle, c’est le style moderniste tchèque qui s’impose à Prague au début du XXème siècle. En parallèle le cubisme se concrétise. Un peu plus tard des réalisations constructivistes et fonctionnalistes se feront remarquer dans toute l’Europe. Pendant la première guerre mondiale, peu de nouvelles constructions sont réalisées. Le 28 octobre 1918, la Tchécoslovaquie obtient son indépendance.
A cette époque la ville continue ses grands aménagements.
Les réseaux de transports sont améliorés : la gare centrale est construite, de nouveaux ponts et tunnels sont aussi créés. Après la seconde guerre mondiale, durant laquelle Prague et toute la Bohême ont été occupées par les nazis, Prague est libérée par l’armée rouge en 1945. Rapidement après, en 1948, le parti communiste tchécoslovaque, soutenu par l’URSS réalise « le coup de Prague » et prend le pouvoir. Malgré « le printemps de Prague » en 1968, ils gouverneront jusqu’à « la révolution de velours » en 1989. Durant cette période communiste, les constructions se cantonnent surtout dans de nouvelles communes périphériques.
Les infrastructures de transports continuent d’évoluer. Ainsi le métro est installé à Prague à la fin des années 60, l’aéroport est construit dans ces mêmes années ainsi que des autoroutes pour desservir la ville. En 1974, les limites de la grande Prague sont établies. Le visage de Prague se transforme alors et la ville devient une grande capitale.
Une ville historique « extraordinaire rencontre d’architecture ».
Le centre-ville de Prague répond à la définition de la ville historique.6 C’est d’ailleurs peut-être l’une des plus remarquables villes historiques européennes tant les formes et les strates de l’histoire sont encore perceptibles. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la ville s’est construite tout au long de son histoire avec des influences variées. La culture de chaque époque est lisible à travers les différentes couches de la ville. Prague est 6 « Ville historique : espace urbain, ancien, constitué en objet et, comme tel, support d’un double savoir de l’histoire et de l’histoire de l’art, ainsi que d’une expérience esthétique.
La ville (ou le centre ancien) est envisagée, non pas comme une somme de monuments historiques mais comme un monument historique en soi. »
Choay (Françoise), Invention du patrimoine urbain : histoire et problèmes actuels, Prague, avenir d’une ville historique capitale, La Tour-d’Aigues, édition de l’Aube, 1992, p.29-39.
Cela s’observe dans l’architecture variée qui a été bâtie à Prague. La ville a toujours été un point de rencontre des courants artistiques et architecturaux. Elle a d’ailleurs inspiré et accueilli de nombreux grands artistes étrangers. Le caractère cosmopolite de la ville se retrouve aussi dans son patrimoine édifié, qui, à l’image de villes comme Rome, est le reflet de l’histoire de l’architecture. Dans ce patchwork architectural, nous retrouvons les formes et les motifs représentatifs de la diversité culturelle pragoise (slaves, germaniques, gauloises, latines). Malgré cette variété, cela forme un ensemble cohérent unique.8
Les quartiers historiques de Prague ont cette particularité de rendre parfaitement visibles leurs histoires. Ainsi que ce soit dans le plan de la ville ou à l’échelle de la rue voire du bâtiment, il est assez facile de comprendre les principales évolutions historiques de la ville. Il est effectivement possible de percevoir au sein d’un même bâtiment ses « strates historiques » : caves romanes, murs gothiques, plafonds Renaissance, ornements de façade baroques.9
Aussi, Prague a profité d’un contexte qui l’a toujours sauvegardé.
En effet, elle a été épargnée par les deux conflits mondiaux du XXème siècle. De plus, la ville a connu de grands aménagements au XIXème siècle, mais aucune réelle transformation de son tissu urbain comme d’autres capitales telles que Paris. D’ailleurs, ce statut de capitale qui est arrivé assez tard pour Prague n’a pas bouleversé sa configuration. Enfin, la longue période communiste que la ville a connu a préservé le centre-historique dans son état, il s’est abîmé mais il n’a pas été transformé.
(Ibidem) Tous ces aspects en font une « extraordinaire rencontre d’architecture d’époques différentes » (Jean Viard, 1992).
Le Genius loci.
Le genius loci10 de Prague est très fort et persistant. En effet, Prague a toujours conservé son identité au fil de son histoire et ce malgré les transformations de la ville, pour répondre aux nouveaux besoins de ses habitants. C’est d’ailleurs une notion que nous observons assez fréquemment dans la littérature pragoise, comme dans ces quelques lignes de Kafka, écrites en 1900 après la destruction du ghetto : « Les carrefours sombres, les ruelles mystérieuses, les fenêtres aveugles, les cours sordides, les tavernes bruyantes et les auberges réticentes sont encore présents à nos esprits.
Nous marchons sur les larges rues de la Nouvelle Ville avec des pas incertains. Nous continuons à trembler comme lorsque nous marchions dans les vieilles rues misérables. Notre coeur ne s’adapte pas encore à ce déménagement. Le vieux ghetto malsain est bien plus réel que le milieu salutaire qui nous entoure. Nous marchons comme dans un rêve et nous ne sommes que des fantasmes du passé ».
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Table des matières
Introduction.
1. Ville musée, la destinée de Prague.
1.1. Une ville au coeur de l’Europe.
1.2. Une ville millénaire construite par de multiples influences.
1.3. Le tournant des trente dernières années.
2. Prague asphyxiée par une industrie touristique incontrôlable / incontrôlée / souhaitée ?
2.1. La gestion du patrimoine à Prague aujourd’hui.
2.2. Le tourisme à Prague aujourd’hui.
2.3. Les conséquences du tourisme de masse sur la ville.
3. Airbnb, acteur influent du tourisme de masse et levier d’action pour le contrer.
3.1. Qu’est-ce que Airbnb ?
3.2. Airbnb à Prague.
3.3. Comment combattre Airbnb ?
Conclusion.
Bibliographie / Médiagraphie.
Iconographie.
Annexes.
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