Pouvoir immunogène et antigène
Taxonomie
La position taxonomique de ce germe paraissait délicate à établir. Les études génomiques le rapprochaient des espèces du genre Desulfovibrio [46] alors que le parasitisme intracellulaire conduisait à le rapprocher des espèces du genre Rickettsia (qui sont parmi les rares bactéries intracellulaires obligatoires capables de se multiplier à l’état libre dans le cytoplasme). Mais ce rapprochement a été exclu car les Rickettsies ont une morphologie différente, elles appartiennent à la division alpha des Protéobactéries et leur transmission nécessite un arthropode [36, 37]. Cette bactérie avait été provisoirement désignée sous les noms de « Ileal symbiont intracellularis » [46], « Ileobacter intracellularis » [82] ou de « Candidatus intracellularis » [121] et placée dans la division delta des Protéobactéries (grâce à sa séquence ADN r 16S).Ce qui a permis d’identifier définitivement l’organisme intracellulaire est le séquençage de l’ADN ribosomal 16S (qui consiste en l’isolement d’une portion du génome pour l’amplifier par PCR, la séquencer et la comparer à celles des autres organismes suspects d’être à l’origine des entéropathies prolifératives du porc). La séquence de l’ADN r 16S comparée avec plus de 400 séquences disponibles auprès du « Ribosomal RNA Database Project » [123] révèle une affinité avec les diverses espèces de la famille des « Desulfivibrionaceae » et plus particulièrement avec Desulfovibrio desulfuricans (91 % de similitude génétique) [46].En 1995, S.Mc Orist et coll. [97] soumettent à des tests phénotypiques et génétiques souches d’ « Ileal symbiont intracellularis » isolées de porcs atteints d’entérite proliférative et 2 souches de Desulfovibrio desulfuricans ATCC 27774. « Ileal Symbiont Intracellularis » se distingue de Desulfovibrio desulfuricans par la séquence de son ARN r 16S, par le profil électrophorétique de ses protéines, par ses caractères morphologiques (Desulfovibrio desulfuricans est plus grand, n’est pas acido-résistant et possède un flagelle polaire), par ses caractères culturaux (Desulfovibrio desulfuricans cultive sur des milieux inertes), par son type respiratoire (Desulfovibrio desulfuricans est anaérobie stricte), par ses caractères biochimiques (Desulfovibrio desulfuricans réduit les sulfates) et par son habitat (les espèces du genre Desulfovibrio ne sont pas des parasites intracellulaires).De plus, une sonde nucléaire dirigée contre l’ADN r 16S de « Ileal symbiont intracellularis » ne se fixe pas sur l’ADN de Desulfovibrio desulfuricans [46, 49] et des anticorps monoclonaux dirigés contre « Ileal symbiont intracellularis » [95] ne réagissent pas avec Desulfovibrio desulfuricans. Le nom d’ « Ileal symbiont intracellularis » [46] n’était plus approprié quand la pathogénie de l’organisme a été établi et quand les caractéristiques qui distinguaient clairement l’organisme intracellulaire de Desulfovibrio ont été prises en considération. Par conséquent, la bactérie a été positionnée dans un nouveau genre Lawsonia sous la nomenclature de Lawsonia intracellularis en l’honneur de G.H.K.Lawson [97]. La séquence d’ADN r 16 S obtenue indiquait que la bactérie pouvait être placée dans la subdivision delta des protéobactéries [36]. Il existe 92% de similitude entre cette séquence et celle d’une bactérie anaérobie pathogène pour les hommes, Bilophila wadsworthia [134].En utilisant une approche différente, Dale et al. (1998) en arrivaient à la même conclusion [25]. Les comparaisons de la séquence d’insertion de Lawsonia intracellularis avec celle d’autres bactéries ont été entreprises ; les auteurs concluaient que la bactérie était 14 isolée taxonomiquement mais montrait 61% de similitude avec quelques Chlamydia spp. et avec Helicobacter pylori. Des isolats d’entéropathies prolifératives associées à la bactérie intracellulaire issus d’espèces animales variées montrent près de 98% de similitudes au niveau de la séquence d’ADN r 16S avec les cultures provenant du porc ; les isolats de hamsters [125], furets [38], lapins [56], cerfs et autruches [23, 24] et chevaux [21, 22, 79] ont été examinés de cette façon.
Caractères bactériologiques
Lawsonia intracellularis est un bacille anaérobie strict [78] de forme incurvée avec des extrémités effilées mesurant 1,25μm à 1,75μm de long sur 0,25μm à 0,43μm de diamètre [97]. Elle est non sporulée, non capsulée, n’a pas de flagelle ni de pili ou fimbriae [46, 80]. Cependant, un long, unique, flagelle unipolaire a été observé par microscopie électronique dans trois cultures cellulaires isolées (C.J.Gebhart et R.A.M.Mackie 1999, observations non publiées [80]). La séquence des gènes qui code pour l’ARN 16S montre que l’organisme est unique. Toutes les séquences d’ADN et les analyses protéiques trouvées actuellement indiquent que Lawsonia intracellularis montre une structure génétique identique avec un cycle de vie unique dans un type cellulaire particulier [93].A la surface externe de Lawsonia intracellularis se trouve une glycoprotéine de 27-29 kDa avec laquelle les anticorps réagissent spécifiquement. La membrane bactérienne comprend une enveloppe externe trilamellaire. Aucune étude systématique des protéines d’enveloppe de Lawsonia intracellularis n’a été entreprise. Deux petits rapports (réalisés par Mc Orist et al. en 1989 [94] et en 1995 [97] pour établir que le profil protéique de Lawsonia intracellularis diffère de celui des Campylobacter sp.) signalaient que l’électrophorèse de toutes les protéines cellulaires en gel de polyacrylamide montrait des bandes majeures de poids moléculaires de 53, 42, 37 et 30 kDa ; les 2 premières et une petite de 47 kDa étaient probablement localisées dans la membrane.Des anticorps monoclonaux qui réagissaient avec deux bandes mineures en 25-27 kDa ont été produits. Ceux-ci (IG 4 et 4F5) réagissaient donc dans les tests d’immunofluorescence [95]. La microscopie immuno-électronique révèle que l’antigène 25-27 kDa repose en partie externe de la membrane bactérienne [105]. Connie J.Gebhart a tenté de cloner et d’exprimer un ou plusieurs des gènes principaux de l’enveloppe externe de Lawsonia intracellularis. La culture de cette bactérie a permis la production d’une quantité suffisante de membrane bactérienne pour l’analyse. Trois méthodes pour identifier les gènes codant pour les antigènes principaux ont été utilisés. Les stratégies employées pour créer des clones produisant une protéine spécifique de membrane ont échoué [45].
Résistance
Sous de bonnes conditions (atmosphérique, thermique …), plusieurs souches de cet organisme survivent pendant 1 à 2 semaines en dehors des cellules hôtes [102, 138]. En effet, un nombre important de bactéries est décelable après mise en culture de Lawsonia intracellularis ayant subi une exposition à l’air pendant 6 jours à 5°C [16]. La bactérie peut donc survivre dans des conditions extracellulaires pendant 1 à 2 semaines à des températures allant de 5 à 15°C. [16] La sensibilité de Lawsonia intracellularis aux antibiotiques (cf infra) varie suivant la capacité de l’antibiotique à pénétrer ou non dans les cellules. Ainsi ceux ayant une efficacité extracellulaire ou ceux qui agissent contre les bactéries à gram + ne montrent pas d’activité contre Lawsonia intracellularis et ne sont donc pas recommandés .En élevage, les antibiotiques les plus utilisés sont la tylosine et la tiamuline mais d’autres molécules ont été utilisées : olaquindox, monensin, salinomycine, tétracyclines… [37]. Les macrolides (tylosine), tétracyclines et pleuromulines (tiamuline) sont efficaces contre Lawsonia intracellularis car ils entrent dans la cellule (diffusion intracellulaire), s’accumulent dans le cytoplasme, agissent sur les ribosomes de la bactérie gram – et sont donc capables de la tuer [96]. Steven Mc Orist a présenté des résultats d’étude en mars 2000 recherchant une antibiorésistance chez le pathogène .Selon lui, aucun cas d’antibiorésistance ne s’est déclaré jusque là. Cependant, plusieurs producteurs et vétérinaires ont répertorié des porcs présentant une antibiorésistance à la tylosine (Tylan R). Mc Orist expliquait « que cela devait être dû à un mauvais diagnostic à cause des similitudes entre les caractéristiques de l’iléite et d’autres maladies, à cause de dosages inadéquats ou à cause de porcs ne mangeant pas assez de médicaments dans l’alimentation jusqu’à la dose efficace ». A l’heure actuelle, l’hypothèse d’une quelconque antibiorésistance reste donc douteuse.
Virulence de la bactérie
Mc Orist a inoculé par voie orale la souche 916/91 à des porcs conventionnels âgés de 29 jours ce qui a permis de reproduire la maladie [102]. Les porcs inoculés avec 3,7.10 6 bactéries ayant subi 6 passages développent des lésions plus sévères que les porcs inoculés avec 1,5.10 6 bactéries et il est possible d’isoler la souche de leurs fèces. La virulence de la bactérie est diminuée lors des cultures successives : des porcs inoculés avec 3,7. 10 6 bactéries ayant subi 13 passages présentent des lésions minimes comparativement aux porcs inoculés avec 3,7. 10 6 bactéries ayant subi 6 passages (lésions sévères d’entéropathie proliférative). Il existe également plusieurs souches de Lawsonia intracellularis : S.H. Smith et S.Mc Orist [138] ont utilisé 30 porcelets sevrés à 21 jours d’âge séparés en 4 groupes et inoculés oralement à 24 jours. 6 porcelets ont reçu 1.108 bactéries de souche 916/91 (NCTC 12657) après 12 passages in vitro ; 6 autres 5.108 de la même souche ; 7 avec 3.108 Lawsonia de souche LR 189/5/83 après 9 passages et 11 témoins ont reçu une solution tampon de sucre-potassium-glutamate. Les fèces ont été analysées par PCR.Plus de cinq porcs dans chaque groupe exposé excrétaient des Lawsonia intracellularis détectables dans les fèces (cela intervenait entre 2 et 10 semaines après l’exposition). Plusieurs porcs avaient plus de 7.108 Lawsonia intracellularis par gramme de matières fécales. De nombreuses bactéries étaient détectées dans l’intestin de tous les porcs exposés à la souche LR 189/5/83 et chez 2 des porcs exposés à la souche 916/91 mais pas dans d’autres tissus. La souche LR 189/5/83 semble donc être plus virulente que la souche 916/91. Il a été rapporté que les souches isolées de porcs américains et européens sont relativement similaires [76]. Jusqu’à ce que la bactérie intracellulaire ne soit cultivée à partir d’un plus grand nombre d’espèces animales et que les résultats d’un plus grand nombre d’analyses immunologiques et d’acides nucléiques ne soient disponibles, la relation exacte entre les souches porcines et les autres n’est pas évidente.Les isolats de porcs peuvent infecter les hamsters [60, 95], mais les études d’infections croisées avec les souches d’autres espèces n’ont pas encore été rapportées. Cependant, il est raisonnable de s’attendre à ce que les isolats de beaucoup d’autres espèces aient la capacité d’une contamination croisée.
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Table des matières
Table des illustrations
Introduction
I Historique et taxonomie
1.1 Historique
1.2 Taxonomie
II Caractères bactériologiques
2.1 Morphologie et caractères généraux
2.2 Culture
2.3 Résistance
2.4 Pouvoir pathogène :
2.4.1 Virulence de la bactérie
2.4.2 Influence des antibiotiques
2.4.3 Nécessité d’une association
avec d’autres bactéries
2.4.4 Autres facteurs influençant
le pouvoir pathogène
2.4.5 Conclusion
2.5 Pouvoir immunogène et antigène
III Pathogénie :
3.1 Modalités de l’infection
3.2 Schéma pathogénique
3.3 Interprétation et étude chronologique des lésions
chez le hamster
3.4 Réaction de l’organisme infecté
IV Etude clinique
4.1 Chez le porc
4.1.1 Adénomatose intestinale
4.1.2 Entéropathie hémorragique
4.1.3 deux autres formes plus discrètes
4.2 Chez les poulains
4.3 Chez les hamsters
V Lésions :
5.1 Chez les porcs
5.2 Chez les hamsters
5.3 Chez les autres espèces
VI Epidémiologie
6.1 Epidémiologie descriptive
6.1.1 Réceptivité
6.1.2 Importance économique
6.1.3 Fréquence et incidence
6.1.4 Répartition géographique
6.2 Epidémiologie analytique
6.2.1 Sources et matières virulentes
6.2.2 Modes de transmission
6.2.3 Facteurs de réceptivité
6.2.4 Facteurs déclenchants
6.3 Epidémiologie synthétique
VII Diagnostic
7.1 Diagnostic de suspicion
7.1.1 Eléments épidémiologiques
7.1.2 Signes cliniques et nécropsiques
7.1.3 Diagnostic différentiel
7.2 Diagnostic de présomption : diagnostic histologique
7.3 Diagnostic de certitude : diagnostic expérimental
7.3.1 Diagnostic bactériologique
7.3.2 Diagnostic immunologique
7.3.3 Diagnostic sérologique
7.3.4 Diagnostic moléculaire
VIII Prophylaxie et traitement
8.1 Prévention:
8.1.1 Programmes de prévention
incluant des changements des techniques de production
8.1.2 Utilisation d’antibiotiques préventifs
8.1.3 Mesures d’hygiène indispensables
8.1.4 Développement potentiel de vaccins
8.2 Traitement
8.3 Bilan
Conclusion
Références bibliographiques
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