Pourquoi s’intéresser aux aérosols atmosphériques ?

Pourquoi s’intéresser aux aérosols atmosphériques ?

Si l’on demande à un individu de décrire ce que contient l’atmosphère, il parlera sans doute des nuages, des gaz que nous respirons et notamment de l’oxygène, peutêtre des gaz à effet de serre et de l’ozone… Il y a fort à parier, par contre, que le terme « aérosols » ne soit pas prononcé. Ce que recouvre ce terme est à la fois vaste et relativement méconnu, nous allons donc d’abord essayer de répondre à la question « Qu’appelle-t-on aérosol atmosphérique ? » Si l’étude des aérosols atmosphériques connaît un succès grandissant, c’est à cause de leur effet sur le climat, et en particulier de toutes les incertitudes qui subsistent dans ce domaine. Nous verrons donc rapidement comment les aérosols peuvent modifier le fonctionnement de la machine climatique. Enfin, nous présenterons les différentes approches pour les observations d’aérosols, et en particulier l’usage de la télédétection pour mieux les caractériser.

Qu’appelle-t-on aérosol atmosphérique ? 

Le terme aérosol désigne une suspension de particules, solides ou liquides, dans un gaz (un exemple connu est l’aérosol produit par une « bombe à aérosols » en cosmétique… mais qui n’a rien à voir avec l’aérosol atmosphérique !). Ce que l’on appelle aérosol atmosphérique (ou même aérosols atmosphériques) est donc un ensemble de particules qui résident dans l’atmosphère pendant plusieurs heures au moins. Il est cependant d’usage d’exclure les aérosols formés d’eau solide ou liquide, c’est-à-dire les nuages, car leur prépondérance dans notre atmosphère en font un champ d’étude propre. D’une manière générale, on distingue les aérosols d’origine naturelle, par exemple d’origine volcanique, et ceux d’origine anthropique, c’est-à-dire créés par les activités humaines.

Ordres de grandeur…

La notion d’aérosols atmosphériques est donc très large, ce qui se traduit par une grande variabilité de leurs caractéristiques : les tailles typiques des aérosols comme leurs quantités sont très variables et s’étendent sur plusieurs ordres de grandeur. Les plus petits mesurent environ 10⁻³ microns (ils peuvent former des noyaux de condensation) contre quelques microns pour les plus gros. Quant aux concentrations, elles varient d’une cinquantaine de particules par cm3 dans un milieu très « pur » (par exemple au dessus de l’Antarctique) à plus de 100000 particules par cm3 en milieu urbain, et leurs compositions chimiques ou minéralogiques possibles sont illimitées. Le temps de résidence des aérosols dans l’atmosphère est de quelques jours, car les particules sont déposées au sol lors des précipitations (dépôt humide, ou encore « lessivage », soit par impact avec les gouttes de pluie ou de neige, soit en tant que noyau de condensation) ou par dépôt sec. Le dépôt sec peut s’effectuer de trois façons : par sédimentation des particules sous l’effet de leur poids, par impact des particules à la surface sous l’effet des vents, ou sous l’effet de la diffusion. L’efficacité de ces différents modes de dépôts, secs ou humides, dépend de la taille des aérosols. La variété des sources, qui peuvent être naturelles ou anthropiques, combinée à la variété des propriétés microphysiques des aérosols et des processus dynamiques, physiques et chimiques mis en jeu dans leur cycle de vie expliquent leur très grande variabilité spatio-temporelle. On distingue également les aérosols troposphériques, situés majoritairement dans les basses couches de l’atmosphère, du sol à quelques kilomètres, et les aérosols stratosphériques, situés à plus haute altitude, entre 12 et 30 kilomètres environ.

Principales espèces d’aérosols
Commençons par souligner qu’il n’existe pas de classement unique des différents aérosols, puisque ceux-ci peuvent se regrouper par mélange interne (différentes espèces chimiques ou différents minéraux dans une même particule) ou par mélange externe (différents types de particules dans le même nuage d’aérosols). Afin de donner un aperçu d’une classification possible, voici une liste des principales sources d’aérosols que l’on peut trouver dans le dernier rapport de l’Intergovernmental Panel on Climate Change [IPCC(2001)] au chapitre 5 :
– les aérosols de poussières provenant des sols désertiques ou à végétation réduite.
– les aérosols de sels marins provenant par exemple de l’explosion des bulles d’eau de mer à la surface.
– les poussières industrielles, et autres aérosols anthropogéniques primaires.
– les aérosols carbonés (carbone organique et suies).
– les aérosols biogéniques primaires, qui consistent en des débris de plantes, d’humus, de bactéries, de champignons, de pollens, d’algues etc.
– les aérosols sulfatés, produits par réaction chimique à partir de précurseurs gazeux du type SO2 (on parle d’aérosols anthropogéniques secondaires).
– les nitrates, issus de gaz du type NOx.
– les aérosols volcaniques : cendres et aérosols sulfatés produits à partir des produits dégazés par les volcans. Un exemple de mélange interne est l’aérosol produit par les feux de biomasse : les particules présentent souvent un noyau de carbone entouré d’ions nitrates ou sulfates en solution. Mais l’aérosol produit par les feux de biomasse est aussi un mélange externe : il contient à la fois des suies et des poussières minérales advectées du sol par la combustion.

La base GEISA-aérosols

La banque de données spectroscopiques GEISA (Gestion et Etude des Informations Spectroscopiques Atmosphériques) a pour mission première de décrire les raies d’absorption (fréquence, intensité, forme des raies) de toutes les espèces gazeuses présentes dans l’atmosphère (la vapeur d’eau, l’ozone, les gaz à effet de serre, mais aussi les CFC, etc) [Jacquinet-Husson et al.(1999)]. Dans sa dernière version, en 2003, la base s’est enrichie d’une composante « GEISA-aérosols ». La base GEISA aérosols se présente sous la forme de 4 principaux jeux de données, tous accessibles via une interface html. Ce sont :
1. La base des indices de réfraction des principales espèces composant les aérosols. Ces données ont été collectées auprès de sources très diverses qui sont toutes soigneusement référencées dans la base. On y trouve par exemple les mesures de [Shettle and Fenn (1979)] ou celles plus récentes de [Biemann et al.(2000)]. Cette base, mise à jour régulièrement, se veut la plus exhaustive possible.
2. La base OPAC (Optical Properties of Aerosol and Clouds), développée par [Hess et al.(1998)]. En plus des indices de réfraction, cette base contient également, contrairement à la première base décrite ci-dessus, les propriétés optiques correspondantes (voir partie 2.2), calculées pour une distribution de taille fixée par espèce. La deuxième différence majeure avec la première sous-base de Geisa-aérosols tient à la nature des indices de réfraction : alors que la première sous-base contient des résultats de mesures en laboratoire, les indices contenus dans la base OPAC sont une synthèse d’autres mesures existantes (qui ont été éventuellement modifiées a posteriori de façon empirique, pour mieux modéliser un aérosol « moyen » destiné à des études climatologiques). La liste des espèces considérées est présentée dans le tableau 1.1, et un logiciel associé offre la possibilité de calculer les propriétés optiques pour des mélanges externes d’aérosols.
3. La base GADS (Global Aerosol Data Set) [Koepke et al.(2003)] qui est associée à OPAC. A chaque espèce définie dans OPAC, une distribution spatio-temporelle climatologique globale est associée. La base GADS se présente donc sous forme de cartes globales saisonnières et de profils verticaux pour chaque espèce d’aérosols et pour différents mélanges externes prédéfinis.
4. La base développée au LITMS (Laboratory for Information Technologies and Mathematical Simulation) du centre de recherche russe « Kurchatov Institute », par [Rublev (1994)]. Comme la base OPAC, cette base fournit les indices de réfraction et les propriétés optiques des composants principaux des aérosols. Dans la suite de cette étude, nous utiliserons principalement la base des indices de réfraction (1) et la base OPAC (2), parce que cette dernière, largement utilisée dans la communauté scientifique, est la plus complète disponible à l’heure actuelle, au moins pour ce qui concerne les proptiétés optiques des aérosols dans le domaine infrarouge.

L’effet des aérosols sur le climat

Afin d’évaluer au mieux le bilan radiatif terrestre, le dernier rapport de l’IPCC, publié en 2001, soulignait l’importance d’une meilleure prise en compte des aérosols et de leur influence sur le rayonnement solaire mais aussi terrestre. Leur effet est difficile à quantifier car la distribution des aérosols est très variable dans l’espace et dans le temps, et les processus d’interaction entre les aérosols, le rayonnement, et les autres composantes du système climatique sont complexes. Ainsi, pour certains types d’aérosols, il est encore difficile de dire si leur présence conduit plutôt à un réchauffement ou à un refroidissement de la surface terrestre ! (cf figure 1.1).

On définit le forçage radiatif comme la perturbation du bilan radiatif à la tropopause après ajustement des températures stratosphériques mais avec les profils de température et d’humidité de la troposphère maintenus fixes. Le forçage est négatif si la perturbation tend à refroidir le système terre-atmosphère, positif si elle tend à le réchauffer. A titre d’exemple, pour les aérosols liés à la combustion des fuels fossiles, le forçage est d’environ −0.6Wm⁻² ± 0.42, pour la combustion de la biomasse, il est de −0.3Wm⁻² ± 0.24. Mais à l’effet direct des aérosols (c’est-à-dire l’effet des aérosols sur le rayonnement) s’ajoutent plusieurs effets indirects, encore plus mal quantifiés, via une modification de la microphysique des nuages. L’effet semi-direct désigne l’impact des aérosols sur les profils atmosphériques de température et de vapeur d’eau, et donc sur la formation des nuages. De plus, en favorisant les processus de catalyse hétérogène, les aérosols sont également susceptibles de modifier les processus chimiques dans l’atmosphère.

Effet direct
Parce qu’ils interagissent avec le rayonnement solaire (dans le domaine ultraviolet, visible et proche-infrarouge – ou « ondes courtes ») et terrestre (dans le domaine de l’infrarouge thermique – ou « ondes longues »), les aérosols atmosphériques modifient l’ équilibre radiatif terrestre. De façon très schématique (voir figure 1.2), les aérosols réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace (« effet parasol »), ce qui refroidit la surface, et éventuellement absorbent une partie du rayonnement solaire, ce qui réchauffe la zone de l’atmosphère où ils se trouvent. L’effet radiatif dans l’infrarouge thermique est moindre mais non négligeable : le rayonnement infrarouge émis par la surface et l’atmosphère est absorbé et réémis (et diffusé) par les aérosols, une partie est donc piégée par effet de serre.

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Table des matières

Introduction
Motivations de ce travail
Contenu du document
1 Pourquoi s’intéresser aux aérosols atmosphériques ?
1.1 Qu’appelle-t-on aérosol atmosphérique ?
1.1.1 Ordres de grandeur
1.1.2 Principales espèces d’aérosols
1.1.3 La base GEISA-aérosols
1.2 L’effet des aérosols sur le climat
1.2.1 Effet direct
1.2.2 Les deux effets indirects
1.2.3 L’interaction aérosols-climat
1.3 Les observations d’aérosols
1.3.1 Les observations in-situ
1.3.2 Les observations au sol
1.3.3 Les observations spatiales
1.4 Les aérosols dans les modèles climatiques : l’exemple de LMDz-INCA
1.5 Conclusion
2 Propriétés microphysiques et propriétés optiques des aérosols : interaction particule-rayonnement
2.1 Propriétés microphysiques des aérosols
2.1.1 Taille des particules
2.1.2 Forme des particules
2.1.3 Composition minéralogique ou chimique
2.2 Propriétés optiques des aérosols
2.2.1 Extinction, absorption, diffusion
2.2.2 Fonction de phase et paramètre d’asymétrie
2.2.3 Transmission et épaisseur optique
2.3 Des propriétés microphysiques aux propriétés optiques
2.3.1 L’algorithme de Mie
2.3.2 L’algorithme de la « T-Matrice »
2.4 Modélisation des propriétés optiques des aérosols
2.4.1 Importance relative des différentes espèces d’aérosols dans l’infrarouge
2.4.2 Effet de la distribution de taille des particules
2.4.3 Effet de la forme des particules
2.4.4 Effet des indices de réfraction des particules
2.5 Conclusions
3 Des propriétés optiques aux radiances : l’équation de transfert radiatif en présence d’aérosols
3.1 Satellites et sondeurs verticaux
3.1.1 Vocabulaire
3.1.2 NOAA/TOVS
3.1.2.1 Les satellites de la NOAA
3.1.2.2 L’instrument TOVS : les sondeurs HIRS, MSU et SSU
3.1.2.3 Un exemple d’utilisation des observations TOVS : l’algorithme 3I
3.1.3 Aqua/AIRS
3.1.3.1 Le satellite Aqua/NASA et l’Aqua-Train
3.1.3.2 Les instruments AIRS et AMSU
3.1.4 Metop et l’interféromètre IASI
3.1.4.1 Le programme EUMETSAT Polar System
3.1.4.2 L’interféromètre IASI
3.2 L’Equation de Transfert Radiatif dans une atmosphère sans aérosols
3.2.1 Formulation de l’ETR
3.2.2 Le code 4A : « Atlas Automatisé des absorptions atmosphériques »
3.2.3 La base climatologique TIGR
3.2.4 Le cas particulier des aérosols non diffusants
3.3 L’Equation de transfert radiatif avec diffusion
3.3.1 Les modifications de l’ETR liées à la diffusion
3.3.2 L’algorithme DISORT
3.3.3 L’algorithme SOS
3.3.4 Implémentation pratique des codes de transfert radiatif avec diffusion
3.4 Simulations : l’effet des aérosols dans l’infrarouge thermique
3.4.1 Sensibilité à la situation atmosphérique
3.4.2 Effet des propriétés optiques des aérosols sur les températures de brillance
3.4.3 Effet de la distribution verticale des aérosols sur les températures de brillance
3.4.4 Effet des propriétés microphysiques des aérosols sur les températures de brillance
3.5 Conclusions
Conclusion

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