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Le continent Antarctique
La decouverte de lโAntarctique
Depuis le Vรจme siecle, la theorie des pythagoriciens sur lโexistence dโun imposant continent de glace au pole Sud a longtemps suscite des debats et a etยด a` lโorigine dโun imaginaire debordant et contradictoire de la part des scientifiques, des journalistes, des explorateurs polaires mais egalement des vulgarisateurs et ยดecrivains de lโยดepoque. Dโapr`es Bernardin de Saint Pierre, lโexistence de ce continent expliquerait bien le dยดeluge, les marยดees, les courants, les aurores et la vie. Dans โle monde givrยดeโ, Frยดedยดerique Rยดemy rยดesumait ces ยดechanges comme suit โle scientifique introduit lโexplorateur qui sยดeduit lโยดecrivain qui excite lโexplorateur qui relance le scientifique qui stimule le vulgarisateur qui inspire lโยดecrivain qui provoque le scientifiqueโ. Il a fallut attendre le dยดebut du XIXรจme si`ecle pour que lโAntarctique soit dยดecouverte par le russe Bellingshaussen, en 1820. Cette dยดecouverte a etยด motivยดee par les conquหetes des terres inexplorยดees et les courses a` la dยดecouverte par de nombreuses expยดeditions organisยดees par de grands explorateurs soutenues par leurs gouvernements.
Apr`es la dยดecouverte arrive le temps de lโexploration de ce continent. Le 21 Janvier 1840, lโexpยดedition franยธcaise commandยดee par Jules Dumont dโUrville fut la premi`ere a` planter leur drapeau sur les terres Antarctiques, suivi quelques jours plus tard par la flotte amยดericaine de Charles Wilkes. Les scientifiques attires alors vers ce continent ยดetaient botanistes, ethnographes ou hydrologues. Ce furent les mยดedecins et naturalistes qui eurent lโidยดee dโinstaller douze stations dโobservations pluridisciplinaires autour des pหoles Nord et Sud pendant la premi`ere โAnnยดee Polaire Internationaleโ de 1883. La course au pหole Sud gยดeographique fut gagnยดee par Amundsen le 18 dยดecembre 1911, quelques semaines avant le britannique Scott dont lโexpยดedition enti`ere pยดerit sur le chemin du retour. En 1943, lโopยดeration amยดericaine Highjump, la plus imposante expยดedition jamais envoyยดee en Antarctique en terme de ressources humaines et logistiques, permit de nombreux survols et la collecte de donnยดees plus prยดecises pour la cartographie et la topographie, grหace aux importants moyens mยดecaniques et techniques dยดeveloppยดes pendant la guerre. Le lancement de lโโAnnยดee Gยดeophysique Internationaleโ durant lโhiver 1957-1958, au cours de laquelle quarante huit stations scientifiques ont etยด installยดees, dont quatre a` lโintยดerieur du continent, marque le dยดebut de notre connaissance de lโAntarctique dโun point de vue purement scientifique. Cette coopยดeration internationale a ouvert la voie au traitยดe sur lโAntarctique qui conf`ere a` ce continent un statut unique destinยด a` la science, aux actions pacifiques, a` la prยดeservation des ressources naturelles et a` la protection de la biodiversitยด.
Gยดeographie
LโAntarctique est le continent le plus mยดeridional de la Terre. Il est situยดe autour du pหole Sud et estย entourยด de lโocยดean austral. Il reprยดesente un peu plus de 8 % des terres emergยดees de lโensemble de la plan`ete. Avec une superficie de 14 millions de km2 et une largeur dโenviron 4000 km, lโAntarctique est presque grand comme la Russie et une fois et demie la surface de la Chine. Il est recouvert dโune ยดepaisse couche de glace dโยดepaisseur moyenne de 2000 m, pouvant dยดepasser 4000 m a` certains endroits. Lโintยดerieur du continent o`u lโaltitude de la surface dยดepasse en moyenne les 2000 m sโappelle le plateau Antarctique et a une pente de surface infยดerieure a` quelques m`etres par kilom`etres. Le volume de la glace recouvrant le continent est pr`es de 30 millions de km3. Ce volume reprยดesente a` peine plus de 2 % des eaux terrestres, mais pr`es de 75 % des eaux douces et 90 % des glaces terrestres. La glace qui recouvre lโAntarctique repose en partie sur un socle rocheux, ce qui lui conf`ere le titre de continent. Ce socle est enfoncยด de pr`es de 700 m en dessous de lโocยดean, notamment sur la partie ouest, sous le poids de la glace qui la recouvre : il sโagit de lโisostasie, liยดee a` une rยดepartition des masses entre la lithosph`ere et la glace.
LโAntarctique est sยดeparยด en deux parties par la chaหฤฑne de montagne Transantarctique longue de plus de 4000 km et dโaltitude parfois supยดerieure a` 5000 m. On distingue lโAntarctique de lโEst ou lโAntarctique oriental, plus grand et situยดe a` lโest du mยดeridien 0ยฐ et lโAntarctique de lโOuest ou lโAntarctique occidental, plus petit. Ce dernier se prolonge par la pยดeninsule Antarctique jusquโ`a la latitude 63 ยฐS, la partie la plus au nord du continent.
LโAntarctique oriental est bordยดe par les ocยดeans Atlantique et Indien. Il sโยดetend de Victoria Land jusquโau Queen Maud Land. La glace de cette partie repose sur un socle rocheux situยดe en moyenne a` quelques centaines de m`etres au-dessus du niveau de la mer, ce qui le stabilise comparยดee aux autres parties. Cette partie semble aussi pour lโinstant โinerteโ en raison de sa stabilitยดe face aux altยดerations du climat actuel (Martยดฤฑn-Espaหnol et al., 2016).
LโAntarctique occidental est quant a` lui bordยดe par lโocยดean pacifique et sโยดetend de la terre de Mary Byrd jusquโ`a la pยดeninsule Antarctique. Son socle rocheux plonge sous le niveau de la mer, ce qui rend cette partie de lโAntarctique tr`es instable et fait lโobjet de prยดeoccupation rยดecente en raison dโune importante perte de masse suite a` lโaccยดelยดeration des ยดecoulements de ses glaciers. Les causes de cette accยดelยดeration sont toutefois encore tr`es mal connues.
Entre les deux parties, il y a deux plates-formes de glace flottante, celle de Ross et celle de Ronne-Filchner, chacune respectivement grande de 473000 km2 et 526000 km2, soit environ la surface de la France et presque 9 fois la surface du Togo. Les plates-formes de glace sont dโยดepaisses langues de glace de plusieurs centaines de m`etres dโยดepaisseur, ancrยดees sur le socle rocheux et qui sโavancent en flottant sur lโocยดean. Elles constituent les points dโยดecoulement de la glace vers lโocยดean par dยดetachement de blocs de glace sous forme dโicebergs.
Sous la glace de lโAntarctique, on trouve plusieurs lacs sous-glaciaires dont le plus cยดel`ebre est le lac Vostok dยดecouvert en 1996. LโAntarctique abrite ยดegalement des volcans sous-glaciaires. Le continent reste encore de nos jours peu connu et soumis a` des mยดecanismes qui ne sont pas encore tous bien compris.
Pourquoi le continent Antarctique fascine autant ?
LโAntarctique est tout dโabord le continent de tous les superlatifs et ensuite la glace qui la recouvre constitue lโune des plus grands archives glaciaires de la Terre.
Le continent des superlatifs
LโAntarctique est le continent le plus froid, le plus ventยด et le plus sec de la Terre. La tempยดerature terrestre la plus froide, -89.2 ยฐC, a etยด o๏ฌciellement enregistrยดee le 21 juillet 1983 a` la station russe Vostok. La tempยดerature en surface dยดecroit en moyenne de -15 ยฐC a` -60 ยฐC des cหotes vers lโintยดerieur du continent. Le climat tr`es froid du continent sโexplique par de nombreux mยดecanismes qui se compl`etent. Etant centrยด au pหole Sud, lโAntarctique subit une faible exposition `a la radiation solaire en raison de la forte inclinaison des rayons solaires qui lui parviennent et qui doivent rยดechau๏ฌer une importante surface. La neige et la glace renvoient en moyenne 80 % de la radiation solaire reยธcue. En combinant ces deux e๏ฌets, lโAntarctique reยธcoit donc tr`es peu de radiation solaire. A cela, il faut ajouter le faible taux de vapeur dโeau (gaz `a e๏ฌet de serre naturel) dans lโatmosph`ere de lโAntarctique, qui habituellement pi`ege la chaleur pour rยดechau๏ฌer la surface. Ainsi le peu de radiation solaire reยธcue par la surface est ensuite presque totalement perdue en lโabsence de gaz `a e๏ฌet de serre. En plus,la taille du continent du continent ajoutยดee `a lโextension des glaces de mer qui double sa superficie en hiver lโisolent des influences tempยดerยดees des ocยดeans. Enfin, il faut noter lโe๏ฌet de lโaltitude. En gยดenยดeral, la tempยดerature diminue lorsque lโaltitude augmente, par exemple `a partir de 3000 m dโaltitude la tempยดerature diminue de presque 20 ยฐC par rapport `a celle du niveau de la mer. Toutes ces caractยดeristiques font de lโAntarctique le continent le plus froid, qui joue un rหole important dans la circulation atmosphยดerique globale.
Lโair sur le plateau Antarctique est froid et dense. Sous lโe๏ฌet de la gravitation, la masse dโair froide et dense circule du plateau vers les rยดegions cหoti`eres et lโocยดean. En direction des cหotes, en dยดevalant les pentes, la masse dโair sโaccยดel`ere en crยดeant des vents forts et persistants dits โvents catabatiquesโ. Les vitesses moyennes de ces vents a` Dumont dโUrville sont de lโordre de 40 km hโ1. Parfois, ils peuvent atteindre des vitesses instantanยดees phยดenomยดenales de plus de 200 km hโ1. Une vitesse maximale de 320 km hโ1 a etยด mesurยดee a` Cap Denison en terre Adยดelie. La frยดequence et la vitesse des vents catabatiques dยดeterminent le climat et lโยดetat de surface des rยดegions qui le subissent rยดeguli`erement. Ils contrหolent la redistribution de la neige prยดecipitยดee ou transportยดee et sculptent ainsi la surface de la calotte a` des ยดechelles di๏ฌยดerentes. On distingue des ยดechelles centimยดetriques, la micro-rugositยดe, a` des ยดechelles mยดetriques, des sastrugi et des mยดegadunes. Ces vents rendent presque impossible la mesure directe du taux dโaccumulation de la neige et sont la cause dโune des di๏ฌcultยดes de la tยดelยดedยดetection spatiale. Les impacts de ces vents sur les mesures altimยดetriques seront abordยดes plus loin dans les chapitres 3 et 4.
Dโun point de vu climatique, lโAntarctique peut หetre classยดe parmi les rยดegions les plus dยดesertiques du globe, comme le Sahara ou le dยดesert dโAtacama, en raison du faible taux de prยดecipitations dont il bยดenยดeficie a` cause de son atmosph`ere froid et tr`es sec. Les prยดecipitations restent infยดerieures a` 5 cm anโ1 sur une bonne partie du continent mais sont en moyenne plus faibles a` lโintยดerieur du continent que dans les rยดegions cหoti`eres, soient respectivement quelques centim`etres par an contre quelques dizaines de centim`etres par an (Vaughan et al., 1999). Aussi, lโAntarctique de lโEst reยธcoit moins de prยดecipitation par an que lโAntarctique de lโOuest et encore beaucoup moins que la pยดeninsule Antarctique.
La calotte Antarctique : archives des climats anciens, actuels et futurs
Deux thยดeories sโadditionnent pour expliquer lโorigine exacte de la glaciation qui a conduit a` la formation de la calotte Antarctique. Il y a dโune part, le passage de Drake, cโest a` dire la sยดeparation des plaques tectoniques entre lโAntarctique et lโAmยดerique du sud et entre lโAn-tarctique et lโAustralie, qui a donnยดe naissance au puissant courant circumpolaire qui a isolยดe et refroidit le continent. Dโautre part, une forte diminution du taux du dioxyde de carbone dans lโatmosph`ere (excellent gaz a` e๏ฌet de serre) a etยด evoquยด comme le dยดeclencheur de la glaciation. Le refroidissement du climat a donc favorisยดe des prยดecipitations sous forme solide sur le continent. Les premi`eres glaces ont commencยด a` se former il y a 30 millions dโannยดees, et la calotte Antarctique telle quโon la connaหฤฑt aujourdโhui sโest formยดee il y a environ 15 millions dโannยดees. La neige qui se dยดepose sur le continent, sโenfouit et se transforme progressivement en glace sous le poids des accumulations successives de neige et ceci durant des millยดenaires. Les modulations saisonni`eres du climat a๏ฌectent di๏ฌยดeremment les couches de neige. La calotte Antarctique, vieille de centaines de milliers dโannยดees, est donc constituยดee dโune alternance de couches de neige successives de di๏ฌยดerentes propriยดetยดes (taille des grains, densitยดe, tempยดerature, rugositยดe de surface). Sachant que ces propriยดetยดes sont fonction des conditions atmosphยดeriques du moment, la calotte renferment donc des informations qui permettent non seulement de reconstituer les climats passยดes a` partir des carottages (palยดeoclimat, par analyse des bulles dโair emprisonnยดees dans la glace), mais aussi dโen suivre lโยดevolution actuelle et future.
Les analyses des ยดechantillons de glaces issus des carottages glaciaires rยดealisยดes en Antarctique ont permis de reconstituer lโยดevolution des tempยดeratures et la composition de lโatmosph`ere sur plusieurs pยดeriodes glaciaires. Les plus cยดel`ebres de ces carottages sont celui de Vostok et celui de Dหome C pendant le projet EPICA (European Project for Ice Coring in Antarctica). Le forage de 3623 m de profondeur de Vostok a permis dโextraire jusquโ`a 420000 ans dโhistoire du climat passยดe. Il a permis de mettre explicitement en ยดevidence, pour la premi`ere fois, le lien entre les gaz a` e๏ฌet de serre et le climat. Le forage EPICA a, quant a` lui, permis de remonter jusquโau 800000 ans dโhistoire du climat passยดe (deux fois plus anciennes que celui de Vostok) avec un forage de 3260 m de profondeur (Jouzel et al., 2007). Non seulement ils o๏ฌrent des archives climatiques, mais aussi les carottages renseignent sur des evยดenements environnementaux comme par exemple les pยดeriodes dโactivitยดe des grands volcans, les pยดeriodes des tests des bombes atomiques entre 1954 et 1963.
La neige qui se dยดepose en surface de la calotte peut mettre plus de 5000 ans avant de se transformer en glace. Les 100 premiers m`etres de la calotte polaire Antarctique sont en fait composยดes de cette neige pas encore transformยดee totalement en glace, appelยดee nยดevยด. Le nยดevยด est constituยดe de plusieurs couches de neige successives. Chaque couche de neige acquiert des caractยดeristiques spยดecifiques aux conditions mยดetยดeorologiques lors de son dยดepหot. Par exemple, les couches de neige dยดeposยดees lโยดetยด sont moins denses et constituยดees de gros grains de neige favorisยดes par les fortes tempยดeratures tandis que les couches de neige hivernales sont plus denses, composยดees de petits grains et sont plus ยดepaisses (Gow, 1969). Chaque couche de neige renferme donc des informations liยดees aux taux dโaccumulation, a` la tempยดerature et au vent. Or, ces caractยดeristiques varient spatialement et temporellement. Par consยดequent, les di๏ฌยดerentes propriยดetยดes de la neige de surface sont donc des indicateurs climatiques qui permettent de suivre les modulations rยดecentes du climat. La mesure directe de ces di๏ฌยดerentes propriยดetยดes de la neige est souvent di๏ฌcile a` cause de la taille et des conditions extrหemes du continent Antarctique et cโest l`a o`u intervient lโintยดerหet de la tยดelยดedยดetection spatiale pour rendre compte de leur ยดevolution sur lโensemble du continent.
Dynamique de la calotte Antarctique
Les calottes polaires peuvent mettre des milliers dโannยดees avant de rยดeagir a` une perturba-tion climatique. Par exemple, lโAntarctique subit encore de nos jours lโe๏ฌet des fluctuations de tempยดerature de la fin de la derni`ere pยดeriode glaciaire ainsi que lโe๏ฌet potentiel des perturbations actuelles. La calotte polaire est faยธconnยดee par divers processus sur des ยดechelles de temps variยดees (Fig. 1.2) (Rยดemy and Frezzotti, 2006). Ces processus sont forts nombreux, complexes, et dยดe-pendent dโยดechelles de temps tr`es di๏ฌยดerentes si bien que lโยดequilibre stationnaire de la calotte nโest mathยดematiquement pas envisageable. Tout dโabord les processus qui rยดeagissent a` des ยดechelles de temps tr`es longues face au climat sont les vitesses dโยดecoulement de la glace et le rebond post-glaciaire (lโisostasie). En e๏ฌet, la glace ยดetant un excellent isolant par rapport a` lโocยดean, les fluctuations de tempยดerature de surface mettent des milliers dโannยดees pour atteindre le socle de la calotte et modifier les tempยดeratures en profondeur et par l`a ยดegalement les vitesses dโยดecoulement de la glace. Lโajustement par isostasie du socle rocheux ou rebond post-glaciaire est liยดe aux variations de volume de la glace, qui en augmentant enfoncerait le socle rocheux et inversement, est un processus tr`es lent qui peut prendre des milliers dโannยดees. Ensuite, il y a les processus aux conditions limites de la calotte avec lโocยดean, tels que les ยดecoulements des fleuves de glaces, la stabilitยดe des plate-formes et le niveau de la mer (notamment fonte et regel a` la base) rยดeagissent a` des ยดechelles de temps relativement moyennes. Enfin les processus rapides : les conditions atmosphยดeriques (ยดerosion et transport par le vent), prยดecipitation de neige, sublimation et fonte en surface rยดeagissent beaucoup plus vite aux variations du climat. Ainsi une chute de neige fait augmenter instantanยดement la hauteur de la surface de la calotte. La forme actuelle de la calotte Antarctique est donc rยดegie par ces di๏ฌยดerents processus sur des ยดechelles de temps des cycles de glaciations aux signaux saisonniers.
Le volume ou la masse de la calotte Antarctique dยดepend essentiellement de lโยดequilibre entre les pertes et les gains de masses : principalement des processus dโยดechelles de temps rapides et courts. Les pertes de masses sont liยดees a` la sublimation, la fonte en surface (presque nยดegligeable en Antarctique) et lโยดecoulement de la glace vers lโocยดean sous forme dโicebergs tandis que les gains de masse sont liยดees a` la quantitยดe de neige accumulยดee (taux dโaccumulation de neige) sur le continent. Cependant, il est existe une grande incertitude sur lโยดequilibre des calottes polaires en raison des di๏ฌcultยดes de mesures des quantitยดes de neige accumulยดees et evacuยดees. Le taux dโaccumulation de neige est di๏ฌcile a` mesurer a` cause du vent qui ยดerode et transporte la neige dยดeposยดee dโun endroit a` un autre. De mหeme, les faibles taux dโaccumulation que connaหฤฑt le continent, quelques centim`etres par an sur un manteau neigeux de quelques milliers de m`etres dโยดepaisseur, est un inconvยดenient pour la prยดecision des mesures. Aussi, les mยดecanismes dโยดecoulement de la glace sont encore mal connus et donc les pertes de masses sont estimยดees avec une prยดecision tr`es faible.
Capteur actif : altim`etre micro-onde
Le premier altim`etre radar fut embarquยด a` bord de la station orbitale amยดericaine SkyLab lancยดee en 1973 par la NASA. Ce premier capteur a servi a` tester le concept dโaltimยดetrie radar spatial. Cโest en 1978, avec le lancement du satellite SEASAT par la NASA ayant pour mission dโยดetudier les ocยดeans, que lโaltimยดetrie radar a` connu un vยดeritablement essor en mesurant pour la premi`ere fois les courants gยดeostrophiques depuis lโespace. Avec son orbite inclinยดee a` 72ยฐ, il permit aussi de construire une carte partielle de la topographie du Groenland et de cartographier les bords de la calotte Antarctique (Brooks et al., 1978). Initialement conยธcues pour lโobservation de la topographie des ocยดeans, les missions altimยดetriques ont peu a` peu etยด mises au profit de lโยดetude de la neige, de la glace. Il faut attendre le lancement en 1991 du satellite ERS-1 (European Remote Sensing Satellite) par lโAgence Spatiale Europยดeenne (ESA), dont lโorbite permet lโobservation de lโensemble du Groenland et pr`es de 80 % du continent Antarctique, pour voir les altim`etres radar amยดeliorer notre connaissance de la dynamique des calottes polaires. Dans le but dโassurer une continuitยดe des observations, cette mission a etยด suivie du satellite ERS-2 lancยดe en 1995 avec les mหeme instruments. Ensuite, il y a eu la mission altimยดetrique bi-frยดequence ENVISAT (ENVIronment SATellite) en 2002 suivi de SARAL/AltiKa (Satellite for ARgos and AltiKa) en 2013 sur la mหeme orbite rยดepยดetitive que les missions ERS-1 et 2. Lโamยดelioration des techniques de mesure, de la prยดecision de lโorbite des satellites, ainsi que des mยดethodes de traitements des signaux radar a largement contribuยดe a` a๏ฌner la prยดecision des topographies des calottes polaires (Rยดemy et al., 2000). Actuellement, lโaltim`etre radar est lโun des meilleurs instruments pour la mesure de la topographie des calottes polaires et pour le suivi de leur bilan de volume.
Principe de lโaltimยดetrie radar
Les satellites altimยดetriques dยดeterminent essentiellement la distance entre le satellite et une surface cible en mesurant le temps aller-retour satellite-surface dโune impulsion radar. Basique-ment, lโaltim`etre radar envoie une onde radar et enregistre le signal rยดeflยดechi par la surface de la cible. Les quantitยดes physiques mesurยดees sont le temps dโaller-retour du signal entre le satellite et la surface et lโamplitude du signal rยดeflยดechi par la cible.
Bien que le principe de lโaltimยดetrie radar semble simple, les mesures ne sont pas directement exploitables et nยดecessitent des traitements et corrections. En pratique, il faut corriger les erreurs liยดees aux perturbations du satellite sur son orbite et aux perturbations des ondes radar lors de la traversยดee de lโatmosph`ere.
Corrections orbitales et atmosphยดeriques
Pour atteindre une tr`es bonne prยดecision (de lโordre de quelques centim`etres) de lโยดelยดevation de la surface de la cible, il faut une connaissance tr`es prยดecise de lโaltitude du satellite, cโest-a`-dire lโorbite prยดecise du satellite par rapport a` une surface de rยดefยดerence. Les avancยดees technologiques en orbitographie 1 permettent aujourdโhui de connaหฤฑtre avec une prยดecision infยดerieure a` 5 cm la position exacte des satellites altimยดetriques. Cette position exacte est dยดeterminยดee grหace a` des mod`eles extrหemement elaborยดes et grหace aux mesures des syst`emes de positionnement embarquยดes, comme par exemple DORIS (Dยดetermination dโOrbite et Radio-positionnement Intยดegrยดes par Satellite) ou GPS (Global Positionning System) ou encore des rยดetro-rยดeflecteurs lasers.
La prยดesence de vapeur dโeau, des gaz, des ions et ยดelectrons dans lโatmosph`ere perturbe ou attยดenue la transmission des ondes radar (Fig. 2.1), ce qui peut a๏ฌecter le temps du trajet aller-retour de lโimpulsion radar et donc fausser la distance satellite-surface estimยดee. Ces perturbations peuvent provoquer des erreurs allant de quelques centim`etres a` plus de 2 m. Heureusement, elles sont mesurables donc peuvent หetre tr`es bien corrigยดees. Ces corrections sont e๏ฌectuยดees par des mesures directes grหace a` des outils embarquยดes sur le satellite ou par des mod`eles. Il y a trois principales corrections pour sโa๏ฌranchir des perturbations atmosphยดeriques : la correc-tion ionosphยดerique, la correction de la troposph`ere humide et la correction de la troposph`ere s`eche. Le rayonnement solaire provoque une ionisation des atomes de lโatmosph`ere libยดerant ainsi des ions et ยดelectrons qui peuvent ralentir la propagation des ondes radar. Ce retard engendre une erreur variant entre 1 a` 20 cm dans les frยดequences 3.2 GHz (bande S) et 13.6 GHz (bande Ku) et infยดerieur a` 1 cm dans la frยดequence 37 GHz (bande Ka). La correction ionosphยดerique a` appliquer est directement mesurable avec un altim`etre bi-frยดequence sur lโocยดean ou par modยดelisation si la mission nโest pas bi-frยดequence.
La correction de la troposph`ere humide, due a` la prยดesence de vapeur dโeau dans lโatmosph`ere, peut หetre evaluยดee grหace aux mesures des deux ou trois frยดequences des radiom`etres micro-ondes embarquยดes a` bord des satellites altimยดetriques ou grหace a` des mod`eles sur lโocยดean. Cette erreur est dโune magnitude comprise entre 0 et 50 cm sur les ocยดeans. Lโinfluence de la troposph`ere humide peut หetre considยดerยดee nยดegligeable sur la calotte Antarctique
La correction de la troposph`ere s`eche, due a` la prยดesence de gaz dans les basses couches de lโatmosph`ere qui modifie lโindice de rยดefraction du milieu a๏ฌectant ainsi le trajet aller-retour de lโonde radar, est gยดenยดeralement estimยดee grหace a` des mod`eles atmosphยดeriques car ne peut pas หetre mesurยดee depuis lโespace.
Il est a` noter que la correction ionosphยดerique est nยดecessaire que pour certaines frยดequences radar alors que toutes les autres corrections sont obligatoires et indispensables. Une fois les corrections faites, les mesures altimยดetriques sont dโune bonne prยดecision (infยดerieure a` 5 cm) et exploitables.
Le signal altimยดetrique : impulsion et forme dโonde
Lโaltim`etre radar envoie une impulsion radar et enregistre lโonde rยดeflยดechie (ยดecho radar) par la cible. Ces impulsions sont des signaux linยดeairement modulยดes en frยดequence avec une largeur de bande et sont ยดemis a` des intervalles rยดeguliers dยดefinis par la frยดequence de rยดepยดetition des impulsions.
Afin de rยดeduire les fluctuations statistiques et de suivre lโยดevolution de lโยดecho dans le temps, ces ยดechos individuels sont moyennยดes a` bord du satellite (typiquement toutes les 50 ms). La puissance de lโยดecho est ainsi enregistrยดee et mยดemorisยดee dans une fenหetre (composยดee de plusieurs portes, voir Fig. 2.3) de largeur ยดequivalente a` la largeur de la bande (typiquement 64 ou 128 portes au total par fenหetre). Lโยดevolution de la puissance de lโยดecho radar en fonction de la durยดee dโยดechantillonnage dยดecrit une courbe appelยดee โforme dโonde altimยดetriqueโ.
Pour comprendre la forme dโonde, prenons lโexemple du fonctionnement de lโaltim`etre micro-onde sur lโocยดean (Fig. 2.2). Lโimpulsion radar est un faisceau qui se propage sous forme conique ayant une ยดenergie dยดecroissante vers les bords. Une fois lโimpulsion ยดemise, lโaltim`etre passe en mode โยดecouteโ ou rยดecepteur, un signal de bruit de faible puissance est premi`erement reยธcu suite a` la rยดeflexion parasite de lโimpulsion dans lโionosph`ere et lโatmosph`ere et du bruit ยดelectronique de lโinstrument. Lorsque lโimpulsion entre en contact avec la surface de la cible, lโempreinte au sol de lโimpulsion est un disque qui sโยดetale linยดeairement avec le temps, ceci fait augmenter lโยดecho radar jusquโ`a un maximum. Ce maximum correspond a` la fin de lโยดecho radar de la surface situยดee sous le disque. Une fois que tout le signal de la surface du disque est renvoyยดe, lโempreinte se transforme en un anneau de surface et ยดenergie ยดequivalente. La puissance dยดecroit alors, jusquโ`a revenir au niveau nominal dโยดenergie dยดefini par le bruit thermique en raison de la dยดecroissance du diagramme dโantenne. Cette ยดevolution temporelle de la rยดeception de lโยดecho radar dยดefinit la forme dโonde altimยดetrique.
Dans le cas o`u la surface de lโocยดean nโest pas lisse mais rugueuse a` cause de la prยดesence des vagues, le processus de rยดeception est le mหeme mais lโaspect de la forme dโonde est di๏ฌยดerent (Fig. 2.2b). En fait, lโempreinte au sol de lโimpulsion nโest plus un parfait disque, lโยดecho radar du premier contact avec la surface est tout dโabord renvoyยด par les crหetes des vagues et ensuite par les creux. Ceci explique lโยดetalement dans le temps de lโยดecho radar donc du front montant de la forme dโonde. La forme de lโยดecho altimยดetrique dยดepend donc des diverses caractยดeristiques de la surface observยดee. Les surfaces prยดesentant de fortes hยดetยดerogยดenยดeitยดes, telles que des discontinuitยดes topographiques, des rugositยดes de surface, des glaces, des rivi`eres ou des terres emergยดees, dยดefinissent lโallure de la forme dโonde altimยดetrique et rendent son interprยดetation plus di๏ฌcile. Lโanalyse des caractยดeristiques des formes dโonde permet non seulement de mesurer la topographie mais aussi dโextraire dโautres caractยดeristiques du milieu.
La mesure altimยดetrique au-dessus des calottes polaires est fortement perturbยดee par la topogra-phie a` lโยดechelle kilomยดetrique car les reliefs de la surface peuvent dยดecalยดes le point dโimpact de lโonde radar par rapport a` la direction spยดeculaire de lโantenne : on parle dโerreur de pente. Cependant, cette erreur peut หetre corrigยดee en appliquant une correction a` lโยดelยดevation de surface estimยดee (Brenner et al. (1983); Remy et al. (1989)) ou en relocalisant le point dโimpact du signal radar (Hurkmans et al., 2012). La plus grande di๏ฌยดerence entre lโaltimยดetrie radar sur les ocยดeans et sur les calottes polaires rยดeside dans la pยดenยดetration de lโonde radar dans la neige (Ridley and Partington, 1988). Cette pยดenยดetration est de lโordre du centim`etre a` quelques m`etres et varie temporellement et spatialement. Ceci complique encore plus lโinterprยดetation des mesures dโยดelยดevation de surface de calottes polaires car elles peuvent comporter des erreurs liยดees aux changements des propriยดetยดes de la neige qui sont tr`es complexes. De plus, ces propriยดetยดes ยดevoluent rapidement au grยดe des conditions mยดetยดeorologiques. Toutes ces raisons font que lโerreur de la pยดenยดetration est la plus di๏ฌcile a` corriger. Toutefois, la pยดenยดetration de lโonde radar dans la neige fournie des informations sur les propriยดetยดes de la neige des premiers m`etres et fait ainsi de lโaltim`etre un outil tr`es prometteur pour lโยดetude des propriยดetยดes de la neige des calottes polaires.
(a) (b)
Caractยดeristiques de la forme dโonde
Connaissant lโallure de la forme dโonde, dยดecouvrons comment la distance satellite-surface est dยดeterminยดee et quelles sont les autres caractยดeristiques de la forme dโonde. Lโanalyse des formes dโonde altimยดetriques pour en extraire ses caractยดeristiques sโappelle le โretrackingโ. Il existe plusieurs algorithmes de retracking dont chacun prยดesente des avantages et inconvยดenients. Ils peuvent หetre classยดes dans deux catยดegories : les algorithmes de retracking empiriques et les algorithmes de retracking physiques. Les premiers consistent a` calculer le centre de gravitยดe de la forme dโonde et a` fixer un seuil arbitrairement pour extraire la distance satellite-surface, par exemple OCOG (O๏ฌset Centre Of Gravity). Ils prยดesentent lโavantage dโหetre applicables a` tous types de formes dโonde et permettent dโextraire le range et la largeur du front de montยดee. Par contre, les algorithmes de retracking physiques sont basยดes sur le mod`ele physique de Brown (1977) et tiennent compte des caractยดeristiques instrumentales et des propriยดetยดes gยดeophysiques de la surface de la cible. En pratique, ils consistent a` ajuster une forme dโonde Brownienne a` la forme dโonde observยดee. Parmi eux, il y a OCEAN dยดeveloppยด pour analyser les formes dโonde ocยดeaniques et ICE-2 spยดecialement adaptยดe pour lโanalyse des formes dโonde sur les calottes polaires. Ces derniers prยดesentent lโavantage de fournir dโautres informations en plus de la distance satellite-surface et la largeur du front de montยดee. Dans ce manuscrit, les caractยดeristiques des formes dโonde altimยดetriques de la calotte polaire Antarctique ont etยด extraites grหace a` lโalgorithme de retracking ICE-2 dยดeveloppยด au LEGOS (Legresy et al., 2005) ICE-2 permet de caractยดeriser la forme dโonde altimยดetrique par les quatre param`etres suivants (Fig. 2.3) :
– Le range, correspondant a` la distance entre le satellite et la surface de la cible, a` partir duquel on estime lโยดelยดevation de la surface de la cible ou la topographie connaissant lโaltitude exacte du satellite. On parlera le plus souvent de lโยดelยดevation de la surface (h) a` la place du range.
– Le coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion (ฯ0), est lโintยดegrale de la puissance du signal renvoyยด par la cible. Ce coe๏ฌcient est la somme de deux composantes : ยดecho de surface (ฯ0surf ) et ยดecho de volume (ฯ0vol). Le coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion permet de caractยดeriser la surface du milieu cโest-a`-dire de savoir si la surface est plus rยดeflยดechissante ou pas. Nous verrons a` travers les chapitres suivants que le coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion ne fournit pas que des informations sur les caractยดeristiques rยดeflยดechissantes de la surface mais aussi sur la dynamique des propriยดetยดes de la neige. Lโยดetude des variabilitยดes spatio-temporelles et saisonni`eres de ce param`etre constitue la principale mati`ere de mes travaux.
– La largeur du front de montยดee (Lew), est le temps entre lโยดecho du premier contact de lโimpulsion avec la surface de la cible et le maximum de la forme dโonde. Elle sโallonge avec la taille des aspยดeritยดes de la surface et avec la profondeur de pยดenยดetration de lโonde dans la neige.
– La pente du flanc descendant (TeS), correspond a` la partie o`u le diagramme dโantenne fait diminuer lโยดenergie qui revient a` lโantenne. Le flanc se rel`eve avec la pente de la surface et avec la pยดenยดetration.
Chacun de ces param`etres contient des informations sur le milieu observยด o๏ฌrant une meilleure vision et interprยดetation de la forme dโonde et de lโยดetat du milieu.
Les altim`etres radar ENVISAT/RA-2 et SARAL/AltiKa
Une mission altimยดetrique est caractยดerisยดee par : une frยดequence radar, un gain dโantenne, une polarisation, une rยดepยดetitivitยด temporelle et un ยดechantillonnage spatial. Le choix de ces di๏ฌยดerents param`etres dยดepend principalement des objectifs et contraintes de la mission, des possibilitยดes techniques et des rยดegulations de lโITU (International Telecommunication Union). Le choix de la rยดepยดetitivitยด temporelle et de lโยดechantillonnage spatial vont de pair et les missions doivent faire un compromis entre observer souvent localement ou tout observer moins souvent. Les missions altimยดetriques sur les calottes polaires optent le plus frยดequemment pour le second choix. Par ailleurs, lโorbite est souvent hยดeliosynchrone ce qui consiste a` ยดechantillonner a` intervalle rยดegulier le mหeme point de mesure a` la mหeme heure solaire. Ce choix permet dโยดeviter les artefacts de mesures liยดes au changement dโยดeclairage solaire.
Dans cette th`ese, nous allons nous intยดeresser uniquement aux missions altimยดetriques dโEN-VISAT et de SARAL/AltiKa lancยดees sur une orbite polaire hยดeliosynchrone rยดepยดetitive de 35 jours, cโest-a`-dire quโelles ยดechantillonnent rยดeguli`erement la surface sans jamais repasser au mหeme endroit pendant ces 35 jours. En outre, ces deux missions ensemble o๏ฌrent une extension des observations dโun mหeme point dans trois frยดequences radar di๏ฌยดerentes. Elles op`erent dans les frยดequences 3.2 GHz (bande S) et 13.6 GHz (bande Ku) pour ENVISAT/RA-2 et 35.75 GHz (bande Ka) pour SARAL/AltiKa. Les caractยดeristiques des altim`etres radar de ces deux missions sont rยดesumยดees dans le tableau 4.1.
Le satellite ENVISAT, successeur des missions ERS-1 et ERS-2, a etยด lancยดe en 2002 par lโESA sur une orbite rยดepยดetitive de 35 jours afin dโassurer la continuitยดe des observations. Il a embarquยด a` son bord une sยดerie de 10 instruments dยดediยดes a` lโยดetude de lโenvironnement dont un altim`etre bi-frยดequence (RA-2, Radar Altimeter – 2). Cet altim`etre a la particularitยดe dโยดechantillon-ner simultanยดement la mหeme cible dans deux frยดequences radar, S et Ku. La bande de frยดequence Ku (13.6 GHz ), hยดeritยดee des missions ERS-1 et 2, o๏ฌrait un bon compromis entre la dimension de lโantenne (pour un meilleur gain dโantenne) et sa faible attยดenuation a` travers lโatmosph`ere. La bande S (3.2 GHz) avait etยดe ajoutยดee pour mesurer directement depuis lโespace les erreurs liยดees au rallongement du temps du trajet aller-retour de lโonde radar lors de la traversยดee de lโionosph`ere. Ces deux frยดequences ont fonctionnยดe simultanยดement de 2002 a` 2008. La bande S a cessยด de fonctionner suite a` une panne dโinstrument. La bande Ku a quant a` elle fonctionnยดe jusquโ`a la fin de la mission en 2012, mais a` partir de 2010 le satellite ENVISAT a` etยด mise sur une orbite dยดerivante di๏ฌยดerente de lโorbite rยดepยดetitive de 35 jours.
La mission altimยดetrique Franco-Indienne SARAL/AltiKa, fruit de la collaboration du CNES (Centre National des Etudes Spatiales) et lโISRO (Indian Space Research Organisation), a etยด lancยดee en fยดevrier 2013 sur la mหeme orbite rยดepยดetitive de 35 jours dโENVISAT (la distance entre les traces successives par rapport `a la trace nominale est infยดerieure `a 1 km). Lโobjectif est dโassurer la continuitยดe des observations des prยดecยดedentes missions de lโESA telles que ERS-1 et 2 et ENVISAT. Contrairement `a ces missions, le satellite SARAL/AltiKa embarque, pour une premi`ere dans lโhistoire de lโaltimยดetrie radar, la frยดequence tr`es elevยดee de 35.75 GHz (bande Ka) au lieu de la bande Ku classique, ouvrant ainsi la voie `a de nouvelles et intยดeressantes observations de la surface des calottes polaires. Par consยดequent, elle contribue `a une amยดelioration de notre connaissance de lโinteraction de lโonde radar avec le manteau neigeux.
Avec une altitude moyenne de 800 km, le satellite met 100 minutes pour faire le tour complet de la Terre. Ainsi, en 35 jours, le satellite fait 501 rยดevolutions compl`etes, ce qui ยดequivaut a` 1002 traces de pหole a` pหole (on parle de traces ascendantes et descendantes). La bande Ka est respectivement supยดerieure dโun facteur de 2.7 et 11.5 aux bandes Ku et S. Lโouverture dโantenne a` 3 dB de la bande Ka est plus petite que celles des bandes Ku et S, donc son empreinte au sol (โผ 7.6 km) est moins large que celles de Ku (โผ 18.8 km) et S (โผ 76.76 km), par consยดequent elle est moins impactยดee par les ondulations de surface et fournie ainsi des mesures plus prยดecises. Sur une trace, SARAL/AltiKa ยดechantillonne la surface tous les 175 m au lieu de 370 m pour ENVISAT. La frยดequence Ka a un taux dโยดechantillonnage plus dense que Ku et S. Aussi, la rยดesolution verticale est plus fine en Ka quโen Ku et S. En raison de ces caractยดeristiques, les mesures dans la bande Ka sont moins bruitยดees que celles des deux autres bandes.
Donnยดees โalong-tracksโ
Bien que le satellite SARAL/AltiKa soit placยดe sur la mหeme orbite rยดepยดetitive de 35 jours quโENVISAT, leurs orbites sont en moyenne a` ยฑ1 km de la trace nominale. Afin dโobtenir un jeu de donnยดees altimยดetriques spatialement homog`enes et comparables, on applique donc une correction qui dยดepend de la distance et de la pente moyenne entre les traces nominales des deux missions. Cette correction amยดeliore dโenviron 80 % la comparaison de lโยดelยดevation de la surface des deux missions. Une correction des erreurs de pente est ยดegalement appliquยดee aux coe๏ฌcients de rยดetrodi๏ฌusion en fonction du gain dโantenne de chaque satellite. Les donnยดees sont ensuite moyennยดees tous les kilom`etres sur la trace nominale dโENVISAT. En e๏ฌet, pour chaque point de mesure dโune trace nominale, on sยดelectionne toutes les mesures situยดees dans un rayon de 500 m (plutหot un rayon de 1 km sur la figure 2.4, mais on prend un point tous les 1 km) et on moyenne. Ensuite on dยดecale dโun kilom`etre sur la trace nominale et on rยดep`ete la procยดedure. Ces traitements sont e๏ฌectuยดes pour chaque trace nominale, on obtient ainsi environ 1.9 millions de points de mesures sur la calotte polaire Antarctique : on parlera de donnยดees โalong-tracksโ.
Pยดenยดetration des ondes radar dans la neige sur la calotte polaire Antarctique
La pยดenยดetration de lโonde radar dans la neige fut mise en ยดevidence suite a` plusieurs accidents mortels dโavion lors dโatterrissages sur une piste enneigยดee. En e๏ฌet, on sโest alors aperยธcu que les radars altimยดetriques utilisยดes par les avions pour dยดeterminer lโaltitude pยดen`etrent en profondeur dans la neige et ne donnent pas la bonne distance qui sยดepare lโappareil de la surface. En modยดelisant la forme dโonde altimยดetrique, Ridley and Partington (1988) ont dยดemontrยด que les ondes radar utilisยดees dans lโaltimยดetrie spatiale pยดen`etre significativement dans le manteau neigeux des calottes polaires. La pยดenยดetration de lโonde radar dans la neige engendre une forte contribution de lโยดecho de volume. Lโerreur de pยดenยดetration sur lโestimation de la hauteur est en moyenne de 0.53 a` 1 m dans la bande Ku (Michel et al., 2014), ainsi il est impยดeratif de corriger cette erreur afin dโobtenir une bonne prยดecision des variations du bilan de volume des calottes polaires.
Lโยดecho de volume ou lโe๏ฌet de pยดenยดetration de lโonde radar en Antarctique peut หetre identifiยด par deux moyens (Remy et al. (2012); Rยดemy et al. (2015)) : lโanalyse des donnยดees de lโยดelยดevation de surface et du coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion aux points de croisements des traces satellites (Fig. 2.5) et les variations temporelles de lโยดelยดevation de la surface par rapport a` celles du coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion (Fig. 2.6).
Les analyses ont montrยดe que lโยดecho de volume varie a` plusieurs ยดechelles de temps : un e๏ฌet statique et un e๏ฌet temporel. Lโanti-corrยดelation entre les di๏ฌยดerences aux points de croisements de lโยดelยดevation de la surface et celles du coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion a etยด attribuยดee a` la prยดesence de lโยดecho de volume. Son impact dยดepend de lโangle entre la polarisation de lโantenne et lโorientation de la rugositยดe de surface. Elle est expliquยดee par la modulation de la surface a` travers la rugositยดe ou la modulation de lโยดecho de volume due a` la profondeur de pยดenยดetration de lโonde radar (Armitage et al. (2014); Arthern et al. (2001); Remy et al. (2012)). Cependant, son e๏ฌet est stationnaire et localisยดe seulement dans une certaine rยดegion de lโAntarctique. Les corrยดelations nยดegatives entre les variations temporelles de lโยดelยดevation de la surface et le coe๏ฌcient de rยดetrodi๏ฌusion observยดees dans certaines rยดegions sont dues a` la variation de lโยดecho de volume dans le signal total tandis que les corrยดelations positives dans les autres rยดegions sont liยดees a` la variation de lโยดecho de surface (Fig. 2.6). En e๏ฌet, lorsque que le signal de volume est tr`es important, ceci crยดee une distorsion de la forme dโonde en rallongeant la largeur du front de montยดee. Le rallongement du front de montยดee augmente le range en diminuant lโยดelยดevation de la surface. Son impact dยดepend des propriยดetยดes du manteau neigeux.
La pยดenยดetration de lโonde radar dans le manteau neigeux dยดepend donc de lโanisotropie de la surface et des variations liยดees aux propriยดetยดes du manteau neigeux. Dans le chapitre 3, nous allons tenter de comprendre la dynamique saisonni`ere de la pยดenยดetration de lโonde radar par rapport aux propriยดetยดes du manteaux neigeux.
Capteur passif : radiom`etre micro-onde
La radiomยดetrie est la mesure du rayonnement electromagnยดetique. Le radiom`etre micro-onde mesure donc le rayonnement electromagnยดetique dans la gamme des micro-ondes. Le premier radiom`etre micro-onde spatial fut lancยดe en 1962, il ยดetait embarquยด a` bord de Mariner 2 et ยดetait destinยด a` lโobservation de la plan`ete Venus. Lโobservation de la Terre a commencยด en 1968 avec le lancement du satellite russe Cosmos 243, lequel avait embarquยด a` son bord quatre radiom`etres micro-ondes. Les premi`eres mesures radiomยดetriques, sur des rยดegions centrales de lโAntarctique, furent publiยดees en 1971 par des glaciologues soviยดetiques. Puis, a` partir de 1972, le radiom`etre ESMR (Electrically Scanning Microwave Radiometer) fut embarquยด sur les sยดeries de satellites mยดetยดeorologiques Nimbus de la NASA. Ces capteurs se sont rยดevยดelยดes tr`es importants pour lโยดetude de la glace de mer et permirent pour la premi`ere fois de dยดecrire leurs variations saisonni`eres (voir par exemple (Cavalieri and Parkinson (2008); Parkinson and Cavalieri (2012))). Depuis 1978, des radiom`etres de mหemes caractยดeristiques sont systยดematiquement embarquยดes sur des satellites, ce qui fournit la plus longue sยดerie dโobservation satellite a` lโยดechelle globale des rยดegions polaires. De plus, par la suite les mesures radiomยดetriques ont permis dโextraire diverses propriยดetยดes gยดeophysiques du manteau neigeux telles que les evยดenements de fonte, la tempยดerature de lโair, la stratification de la neige, la taille moyenne des grains de neige, lโaccumulation de neige, la teneur en vapeur dโeau de lโatmosph`ere et le vent sur les ocยดeans.
Principe de la radiomยดetrie
Un corps naturel ยดemet un rayonnement electromagnยดetique dans toutes les longueurs dโonde du spectre electromagnยดetique. Le radiom`etre micro-onde spatial permet donc de mesurer ce rayonnement depuis lโespace dans une frยดequence, a` un angle dโobservation et une polarisation donnยดes. La quantitยดe physique mesurยดee est la tempยดerature de brillance (TB), exprimยดee en Kelvin. En gยดenยดeral, la tempยดerature de brillance mesurยดee reprยดesente tout le rayonnement electromagnยดetique ยดemis vers le capteur, intยดegrยด sur toutes les directions et pondยดerยด par le diagramme dโantenne. Pour obtenir une mesure prยดecise de la tempยดerature de brillance, correspondant a` celle de lโobjet ยดemetteur, il est important de tenir compte des e๏ฌets liยดes aux ยดemissions de lโatmosph`ere et de lโattยดenuation de lโonde lors de la traversยดee de lโatmosph`ere. Heureusement, ces e๏ฌets sont mesurables, on peut donc les corriger grหace aux mesures directes et aux mod`eles mยดetยดeorologiques. Les donnยดees radiomยดetriques utilisยดees dans cette th`ese ne sont pas corrigยดees des e๏ฌets de lโatmosph`ere, puisque sur la calotte Antarctique on consid`ere que ces e๏ฌets sont tr`es faibles donc nยดegligeables.
Les radiom`etres `a visยดee verticale `a bord de ENVISAT et SARAL
Les satellites ENVISAT et SARAL embarquent un radiom`etre micro-onde bi-frยดequence de 23.8 GHz (bande K) et 37 GHz (bande Ka). Ces radiom`etres permettent de mesurer les contenus en vapeur dโeau et dโeau liquide en suspens dans lโatmosph`ere afin de corriger les e๏ฌets de lโatmosph`ere sur le signal altimยดetrique, notamment sur les ocยดeans. Ces radiom`etres sont a` visยดee verticale et ont une empreinte au sol de 12 km dans la bande K et 8 km dans la bande Ka (Steunou et al., 2015b). Ils ยดechantillonnent rยดeguli`erement le mหeme point de la surface tous les 35 jours sur la trace au sol du satellite. En appliquant le traitement dยดecrit dans la section 2.5.1 aux mesures brutes des radiom`etres des deux missions, on obtient ยดegalement un jeu de donnยดees homog`enes et compatibles dโenviron 1.9 millions de points de mesures sur la calotte polaire Antarctique. Nous disposons ainsi de 8 ans de donnยดees de tempยดerature de brillance, de 2002 a` 2010, pour les radiom`etres micro-ondes dโENVISAT et 3 ans de donnยดees, de 2013 a` 2016, pour les radiom`etres micro-ondes de SARAL.
Les radiom`etres `a angle dโincidence oblique
Les radiom`etres micro-ondes, issus des missions mยดetยดeorologiques, utilisยดes dans cette th`ese, SSM/I (Special Sensor Microwave / Imager) dยดetiennent la plus longue sยดerie de mesures de tempยดerature de brillance. Le radiom`etre AMSR-E (Advance Microwave Scanning Radiometer, Earth Observation System), une nouvelle gยดenยดeration de radiom`etre, fonctionne dans les basses frยดequences. Contrairement aux radiom`etres des missions altimยดetriques, ces missions radiom`etres micro-ondes mesurent les tempยดeratures de brillance a` un angle dโincidence proche de 55ยฐ (angle de Brewster) en polarisation verticale et horizontale. Dans la suite de nos travaux, on sโintยดeressera notamment aux mesures dans la bande Ka.
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Table des matiรจres
1 Introductionย
1.1 Le continent Antarctique
1.1.1 La decouverte de l’Antarctique
1.1.2 Geographie
1.2 Pourquoi le continent Antarctique fascine autant ?
1.2.1 Le continent des superlatifs
1.2.2 La calotte Antarctique : archives des climats anciens, actuels et futurs
1.3 Dynamique de la calotte Antarctique
1.4 Contexte scientique
1.5 Les observations : in situ et spatiales
1.6 Objectifs et plan du manuscrit
2 La teledetection spatiale dans la gamme des micro-ondesย
2.1 Introduction
2.2 Capteur actif : altimetre micro-onde
2.2.1 Principe de l’altimetrie radar
2.2.2 Corrections orbitales et atmospheriques
2.2.3 Le signal altimetrique : impulsion et forme d’onde
2.2.4 Caracteristiques de la forme d’onde
2.2.5 Les altimetres radar ENVISAT/RA-2 et SARAL/AltiKa
2.3 Capteur passif : radiometre micro-onde
2.3.1 Principe de la radiometrie
2.3.2 Les radiometres a visee verticale a bord de ENVISAT et SARAL
2.3.3 Les radiometres a angle d’incidence oblique
2.4 Conclusion
3 Etude des coecients de retrodiusion mesures par les altimetres ENVISAT/RA- 2 et SARAL/AltiKaย
3.1 Introduction
3.2 Distributions spatiales du coecient de retrodiusion moyen des bandes S, Ku et Ka
3.3 Variations saisonnieres des coecients de retrodiusion mesures par les altimetres radars
3.3.1 Caracteristiques saisonnieres du coecient de retrodiusion
3.3.2 Analyse de la sensibilite du coecient de retrodiusion en fonction des proprietes du manteau neigeux
3.3.3 Cycle saisonnier de l’echo de volume
3.3.4 Cycle saisonnier du coecient de retrodiusion de la bande S
3.3.5 Cycle saisonnier du coecient de retrodiusion de la bande Ka
3.3.6 Cycle saisonnier du coecient de retrodiusion de la bande Ku
3.3.7 Distribution spatiale des amplitudes saisonnieres du coecient de retrodiffusion en fonction de la temperature
3.4 Tendances pluri-annuelles du coecient de retrodiusion des bandes S, Ku et Ka en Antarctique
3.5 Discussion.
3.6 Conclusion et Perspective
4 Complementarite des missions altimetrique SARAL/AltiKa et radiometrique SSM/I a la frequence de 37GHzย
4.1 Introduction
4.2 Calcul des caracteristiques saisonnieres des temperatures de brillance
4.3 Cas d’etude
4.4 Distribution spatio-temporelle des temperatures de brillance (TB) sur la calotte polaire Antarctique
4.4.1 Le radiometre embarque sur SARAL
4.4.2 Le radiometre SSM/I a 37GHz
4.5 Interpretation des caracteristiques saisonnieres du PR et du coecient de retrodiffusion
de la frequence 37GHz
4.5.1 Distribution spatiale des moyennes
4.5.2 Distribution spatiale des amplitudes saisonnieres
4.6 Conclusion
5 Conclusion et Perspectivesย
5.1 Conclusion
5.2 Perspectives
Bibliographieย
A Article : ยซย Seasonal Variations of the backscattering coecient measured by radar altimeters over the Antarctic Ice Sheetย ยป I
B Grillage des donnees altimetriques XV
C Distribution spatiale des amplitudes saisonnieres du PR a 37 superposee a une carte de mosaque RADARSAT
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