Pourquoi gamifier la grammaire ?

Pourquoi gamifier la grammaire ?

L’évolution de la place de la grammaire dans l’apprentissage des langues 

Pour pouvoir comprendre l’intérêt de la gamification de la grammaire, il est d’abord nécessaire de s’intéresser à l’histoire de l’enseignement de la grammaire dans le cadre de l’apprentissage des langues afin de définir quelle est la place qu’elle occupe aujourd’hui.

L’approche grammaire – traduction
A une époque où le latin était encore la lingua franca en Europe, l’enseignement du latin comme des langues vernaculaires passait par l’apprentissage des règles de grammaire de la langue cible, ce qui permettait ensuite de faire des exercices de thème et de version. La maîtrise de la grammaire et du lexique était donc au centre de cette méthode, davantage fondée sur l’écrit que sur la communication en langue cible. Cette approche a encore une certaine influence en France – rappelons qu’elle est souvent adoptée dans l’apprentissage des langues anciennes dans le système français et, plus tard, dans les CPGE littéraires et à l’université où le thème et la version restent présents –, ce qui peut expliquer pourquoi certains parents et élèves semblent encore penser qu’étudier exclusivement la grammaire pourrait permettre une plus grande maîtrise de la langue.

L’approche directe
Avec l’approche directe, le but est d’acquérir la langue cible d’une manière similaire à l’apprentissage de la langue maternelle. C’est en quelque sorte l’inverse de la méthode grammaire – traduction : la langue source n’est plus utilisée en classe, l’oral devient prépondérant et la grammaire est uniquement enseignée de manière inductive. Cette méthode vise avant tout à permettre aux apprenants de communiquer en langue cible et la grammaire devient périphérique. C’est en ce sens qu’on peut dire que l’approche directe est un tournant dans l’enseignement des langues. C’est même en quelque sorte le précurseur de l’approche communicative qui met au centre de l’enseignement la communication en langue cible, l’importance de l’authenticité des documents étudiés et des tâches et projets à réaliser. De nouveau, la grammaire est enseignée de manière inductive et n’est mobilisée que pour accomplir les tâches et projets en question.

L’approche actionnelle
Inspirée par l’approche communicative, l’approche actionnelle est celle que nous utilisons aujourd’hui dans le secondaire. Elle met en avant la nécessité de communiquer entre apprenants en langue cible, mais aussi de réaliser des projets concrets. Avec l’approche actionnelle, la séquence pédagogique a pour but de permettre la réalisation d’un projet concret que l’on appelle « la tâche finale » (il peut s’agir d’un débat, de la rédaction d’une nouvelle, etc.) en mobilisant les connaissances culturelles, littéraires mais aussi linguistiques nécessaires.

Cependant, la grammaire n’intervient que pour permettre la réussite de la tâche finale et ce de manière inductive. Josse (2017, p.2) justifie cela en se fondant sur une approche de l’acquisition des langues basée sur l’usage (Tomasello, 2003). Ainsi, l’approche actionnelle est bien en quelque sorte l’héritière de l’approche directe, ce qui explique la place limitée réservée à la grammaire en cours de langue. Josse (2017, p.2) affirme également que : « la grammaire ne peut occuper qu’une place marginale dans le cours de langue et les activités de conceptualisation […] doivent rester limitées ». En effet, elle tient compte du fait qu’un cours traditionnel dans le secondaire dure environ 55 minutes et que l’on n’a que trois heures environ par semaine en seconde (en LV1 contre 2h30 en LV2) pour apprendre aux élèves à communiquer dans la langue cible. Il n’est alors pas envisageable de passer plus de 10 minutes sur un point de grammaire.

La Conceptualisation Inductive Complète en classe de langue 

La conceptualisation, c’est-à-dire la partie du cours réservée à l’observation d’un fait de langue, est décrit de la manière suivante par Josse (2017, p.3) :

Il s’agit de moments en classe qui peuvent être menés en français et dont l’objectif est de permettre aux élèves de collège et de lycée de prendre conscience d’un fait de langue et d’en comprendre l’enjeu et le fonctionnement.

Etant donné que l’un des buts de l’approche actionnelle est la communication entre apprenants en langue cible, la conceptualisation est problématique pour plusieurs raisons : 1) même dans le cas d’une approche inductive, l’interaction entre élèves reste difficile à mettre en place pendant la conceptualisation ; 2) la conscientisation se fait généralement en français – rappelons que les élèves ne possèdent généralement pas la métalangue nécessaire en langue cible. Insister pour faire la conceptualisation en langue cible peut se révéler être contreproductif lorsqu’un fait de langue est abordé pour la première fois puisque l’objectif est avant tout de s’assurer que les élèves ont assimilé ce fait de langue (cela ne veut pas pour autant dire qu’il est inutile de leur apprendre la métalangue en anglais, ce qui pourra être intéressant par la suite lors d’une éventuelle révision de ce fait de langue). Cette description de la conceptualisation justifie donc le fait que l’enseignement de la  grammaire soit limité dans le secondaire à quelques minutes par cours.

Si la CIC semble être une méthode d’enseignement de la grammaire logique et bénéfique pour les élèves, elle a tout de même un inconvénient majeur que Josse (2017, p.4) reconnaît : « cette démarche est chronophage ». Or, comme on l’a vu précédemment, la partie du cours réservée à la grammaire doit être brève car c’est non seulement un moment où les élèves sont autorisés à parler dans leur langue maternelle, mais c’est également un moment où il y a rarement interaction entre les élèves. Pour remédier à ce problème, il pourrait être nécessaire d’intégrer la CIC de manière plus actionnelle au cours, ce que la gamification de la grammaire pourrait permettre de faire.

Quelle est la place de la grammaire dans l’enseignement des langues d’après le CECRL ? 

Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) (Conseil de l’Europe, 2001) est un outil indispensable pour les professeurs de langue car il explique quelles sont les compétences à évaluer (compréhension écrite et orale, interaction écrite et orale) ainsi que les niveaux attendus (un niveau B2 est généralement attendu pour obtenir la totalité des points lors du baccalauréat). Puisque les professeurs de langue se réfèrent souvent au CECRL, il peut être intéressant de voir ce qu’il avance quant à l’enseignement de la grammaire dans le secondaire.

On peut noter que le CECRL intègre la compétence grammaticale au sein des compétences qui peuvent être évaluées. Le CECRL (Conseil de l’Europe, 2001, p.89) définit cette compétence de la manière suivante :

La compétence grammaticale est la capacité de comprendre et d’exprimer du sens en produisant et en reconnaissant des phrases bien formées selon ces principes et non de les mémoriser et de les reproduire comme des formules toutes faites.

Cela signifie que connaître des structures ne suffit pas et que les apprenants doivent également comprendre leur fonctionnement. Cette définition semble donc tout à fait compatible avec l’approche suggérée par Josse (2017).

Gamification et apprentissage

Le jeu pédagogique 

Aujourd’hui, de nombreux psychologues (Freud, 1907 ; Piaget, 1945 ; Winnicott, 1975 😉 et sociologues reconnaissent les vertus pédagogiques du jeu, particulièrement son rôle chez les jeunes enfants. Piaget (1978, p.192), notamment, explique que le jeu leur permet de découvrir le monde qui les entoure pour pouvoir l’assimiler. Selon lui, l’apprentissage du monde passe donc par le jeu. Même chez les animaux, le jeu a une place importante (Alvarez et al., 2016, p.17) car, en jouant, les jeunes animaux apprennent des comportements et développent des compétences qui leur seront utiles à l’âge adulte.

Comme l’expliquent Alvarez et al. (2016, p.16), le jeu a toujours été utilisé à des fins pédagogiques dans les sociétés occidentales. Ils donnent l’exemple du jeu d’échecs, l’un des plus vieux jeux inventés pour ces raisons, qui vise le développement de l’esprit stratégique (dans la même catégorie, il y a le jeu de go qui, selon la légende, aurait été inventé pour le fils de l’empereur Yao afin de parfaire son éducation ). On peut également penser aux jeux éducatifs destinés aux très jeunes enfants qui leur permettent de développer diverses capacités (jeux d’association, de reconnaissance des formes et des couleurs, jeu d’exploration, jeu de motricité, etc.) – des jeux que l’on peut d’ailleurs retrouver à l’école maternelle. Sur le plan informatique, on peut mentionner ce qu’Alvarez et al. (2016, p.16) appellent les « logiciels ludo-éducatifs » et les jeux sérieux, jeux dont « la finalité première est autre que le simple divertissement » , souvent numériques même si ce n’est pas toujours le cas. J’ai également pu constater dans mon expérience professionnelle qu’un élève qui joue aux jeux vidéo a tendance à avoir un vocabulaire étendu et à connaître de nombreuses expressions idiomatiques en anglais car les jeux vidéo sont souvent plus accessibles en langue originale et donc en anglais pour des jeux occidentaux ou en traduction anglaise pour des jeux d’origine asiatique. Ils peuvent donc être un outil appréciable.

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Table des matières

Introduction
1. Pourquoi gamifier la grammaire ?
1.1. L’évolution de la place de la grammaire dans l’apprentissage des langues
1.1.1. L’approche grammaire – traduction
1.1.2. L’approche directe
1.1.3. L’approche actionnelle
1.1.4. La Conceptualisation Inductive Complète en classe de langue
1.2. Quelle est la place de la grammaire dans l’enseignement des langues d’après le CECRL ?
1.3. Gamification et apprentissage
1.3.1. Le jeu pédagogique
1.4. Avantages et inconvénients de la gamification
1.4.1. Les avantages
1.4.2. Les inconvénients
1.5. Avantages spécifiques de la gamification de la grammaire
1.5.1. Lutter contre les aprioris des élèves quant à la grammaire
1.5.2. Démarche inductive VS démarche déductive
1.5.3. Evaluation formative des compétences grammaticales
1.6. Conclusion
2. Expérimentations et méthodologie
2.1. Choix et contexte des groupe-classes qui ont participé aux expérimentations
2.1.1. Pourquoi réserver les expérimentations aux classes de seconde ?
2.1.2. Présentation des deux groupe-classes de seconde
2.2. Mise en place des jeux en classe
2.2.1. Le passif
2.2.2. Le comparatif (supériorité, égalité)
2.2.3. Les article (a, the, Ø)
2.2.4. Les pronoms relatifs (who, which, where, what, that, Ø)
2.3. Recueil des données
2.3.1. L’importance de l’output des élèves
2.3.2. Quel output choisir ?
2.3.3. Comment analyser les erreurs à partir des productions des élèves ?
2.4. Questionnaire
2.5. Conclusion
3. Analyses des données et observations
3.1. Analyse des données recueillies grâce au questionnaire
3.1.1. Aprioris des élèves quant à la grammaire en cours d’anglais
3.1.2. L’intérêt des élèves pour les différentes activités
3.1.3. Gamification et mémorisation
3.2. Analyse des données recueillies grâce aux productions écrites
3.2.1. Mobilisation des faits de langue étudiés lors des expérimentations
3.2.2. Les erreurs des élèves
3.3. Observations faites en classe pendant et après les expérimentations
3.3.1. Apport de la gamification
3.3.2. Inconvénients de la gamification
3.4. Conclusion
Conclusion

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