Présentation du contexte réglementaire pour l’hydroélectricité
L’hydroélectricité s’inscrit dans le cadre de nombreux textes et codes (Code de l’environnement, de l’Energie, des collectivités territoriales…). Elle est donc soumise à de nombreuses lois et réglementations dont certaines assez anciennes (1919). Cette partie n’est pas exhaustive mais présente les principaux textes concernant l’implantation de centrales hydroélectriques et d’ouvrages en rivières. Les réglementations qui influencent la mobilisation du potentiel hydroélectrique sont présentées ci-après. Loi du 16 octobre 1919 sur l’utilisation de l’énergie hydraulique: elle crée le régime général du droit d’usage de la force hydraulique des cours d’eau, lacs et marées, en les soumettant systématiquement à autorisation ou concession. Il est inscrit dans cette loi que: ≪ Nul ne peut disposer de l’énergie des cours d’eau quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’Etat ≫. Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 : elle consacre le grand principe de l’eau comme bien commun de la nation dans son article 1er: ≪ L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. L’usage de l’eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis ≫. Cette loi introduit le principe d’une gestion équilibrée de la ressource en eau entre différents usages dont celui des milieux aquatiques. La loi sur l’eau prévoit la mise en place dans chaque bassin hydrographique ou groupement de bassins d’un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), chargé de fixer les orientations fondamentales de la gestion des ressources en eau. Ces schémas directeurs sont complétés dans chaque sous-bassin par des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Le respect des objectifs de qualité inscrits dans les SDAGE vont également impacter le développement de l’hydroélectricité. La directive européenne du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE), transposée en droit français par la loi du 21 avril 2004 : Ce texte permet d’harmoniser toute la politique de l’eau communautaire développée depuis 1975. Cette directive fixe un objectif clair et ambitieux : le bon état des eaux souterraines, superficielles et côtières en Europe en 2015. Pour la France, la directive confirme la gestion par bassin hydrographique et place le milieu naturel comme l’élément central de la politique de l’eau. Elle renforce le principe d’une gestion équilibrée de la ressource selon les dispositions de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et affirme le principe pollueur – payeur, le rôle des acteurs de l’eau et la participation du public. L’atteinte de ces objectifs suppose l’aménagement, voire la destruction, d’un certain nombre d’ouvrages empêchant la circulation des poissons migrateurs, et impactant la morphologie ou l’hydrologie du cours d’eau. La directive européenne du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité: fixe quant à elle un objectif global de 21% d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables pour chaque Etat membre. Cette directive favorisant les ouvrages hydroélectriques peut apparaitre en contradiction avec la directive précédente, qui induit des aménagements ou des suppressions de certains de ces ouvrages. Néanmoins, la concomitance de ces deux directives implique d’être particulièrement attentif à l’équilibre entre l’intérêt énergétique d’un ouvrage et son impact sur les milieux aquatiques, et de n’accepter un développement de l’hydroélectricité, énergie renouvelable, que si l’impact de cette activité est compatible avec les objectifs de préservation et de restauration des milieux aquatiques. Loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE): elle simplifie un certain nombre de procédures pour les propriétaires d’ouvrages hydroélectriques, comme par exemple la possibilité d’augmenter la puissance d’au maximum 20% sans avoir à demander une autorisation à l’administration, ou encore le turbinage du débit réservé. Cependant, la possibilité d’augmenter une fois la puissance d’au plus 20% par simple déclaration à l’administration s’attache aux seuls ouvrages concédés ou autorisés au titre de la loi de 1919, et ne saurait s’appliquer aux ouvrages fondés en titre. En effet, son article 44 modifie l’article 2 de la loi de 1919, et selon l’article 29 de cette dernière, ≪ les usines ayant une existence légale, (…), ne sont pas soumises aux dispositions des titres Ier et V de la présente loi ≫. Toute augmentation de puissance au-delà de la consistance légale d’un ouvrage fondé en titre est soumise à une procédure complète d’autorisation. La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006: cette loi réforme les obligations relatives au débit minimal à laisser dans le lit mineur à l’aval des ouvrages. Elle impose le relèvement du plancher fixé jusqu’alors aux ouvrages existants, y compris fondés en titre, du 1/40 au 1/10 du module, au plus tard au 1er janvier 2014. Elle rénove aussi le classement des cours d’eau et crée une obligation d’aménagement des ouvrages 5 ans maximum après la parution du classement du cours d’eau pour assurer la circulation des poissons migrateurs. Ces dispositions s’imposent également aux ouvrages fondés en titre situés sur les cours d’eau classés. La circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau met en application le principe de cette législation. Son objectif est d’améliorer la circulation des espèces et le bon déroulement du transport des sédiments. Il s’agit d’atteindre les objectifs fixés par le Grenelle, comme par exemple le bon état de 66% des eaux douces de surface d’ici 2015, de mettre en place à l’échéance 2012 une trame verte et bleue visant à restaurer les continuités écologiques, ou encore, dans le cadre du plan de gestion de l’anguille, d’aménager 1500 ouvrages d’ici 2015. Les ouvrages hydrauliques devront être aménagés pour assurer la circulation des poissons migrateurs, voire supprimés s’ils sont inutiles et abandonnés. Afin d’assurer l’avancement du plan, un objectif chiffré de 1200 ouvrages à traiter à l’échelle nationale d’ici 2012 a été donné aux agences de l’eau.
Outils d’aide à la décision pour l’implantation de microcentrale
La réalisation d’un projet de production d’hydroélectricité est donc très compliqué de par la complexité des paramètres écologiques, géographiques, physiques et réglementaires à prendre en compte. Afin de faciliter le choix d’un ouvrage existant ou d’un tronçon à équiper, un outil décisionnel a été créé. Cet « arbre de décision » présente l’intérêt d’avoir des entrées multiples pour choisir le tronçon ou l’ouvrage, en fonction :
– de la puissance hydraulique désirée (et du nombre de foyers équivalents),
– du contexte réglementaire (afin de choisir en fonction de la capacité de mobilisation du potentiel),
– d’une commune ou un cours d’eau déjà identifié,
– des équipements déjà présents sur l’ouvrage (passe à poissons…).
Cet outil permet donc de mettre en relation la réglementation présente, les techniques existantes, la puissance des cours d’eau (en fonction du débit, de la pente ou de la hauteur de chute d’un ouvrage) et leur localisation afin de choisir l’ouvrage ou le tronçon le plus évident à équiper, selon les critères des maîtres d’ouvrages. Le tableau de croisement entre la réglementation et les techniques de production d’hydroélectricité est situé en annexe 4. Il permet donc d’aider les maîtres d’ouvrages à réaliser leur projet, en fonction de ces critères et présente le déroulement du projet, une fois le site d’implantation et la technique définis. Il s’agit d’un outil qui croise des questions à choix multiples pour guider l’utilisateur et les bases de données (BD_ouvrages et BD_troncon) pour apporter des réponses sur les sites envisagés ou pour en proposer. Cet arbre de décision dans son format de trame pour « système expert » est situé en annexe 5. Il est en cours de réalisation par un informaticien sous format web, afin de généraliser l’accès à l’outil et ainsi permettre une plus large lisibilité aux gestionnaires de projet.
Le tronçon
Le tronçon choisi se situe à l’aval de l’Esves, proche de la confluence avec la Creuse (figure 10), principalement sur la commune de Descartes. Le site précis a été déterminé après des prospections de terrains, afin d’estimer les sites ou la vitesse serait la plus importante. Généralement, ces sites sont situés sur des zones à plus fortes pentes ou lors de rétrécissement de la section mouillée (en largeur ou en hauteur sur un radier), par exemple au passage d’un pont. Le choix s’est porté sur une section où la pente est plus importante que le reste du linéaire et qui présente un chute d’environ 50 cm (figure 11) augmentant la vitesse des écoulements à l’aval. Le site étudié est situé à environ 200 m de l’exutoire (figure 10). A ces paramètres s’ajoutent la facilité d’accès au site pour l’installation de la technique (y compris le générateur), les travaux, et la proximité d’un raccordement possible à une ligne électrique ou à un site de consommation (bâtiment), critères qui sont remplis par le site. La puissance hydraulique théorique du site est de 74kW avec un module théorique de 2,3m3/s. Or ce module théorique est supérieur au module calculé. La puissance hydraulique évaluée (avec le module calculé par comparaison soit 1,1m3/s) est de 35kW. Celle-ci est inférieure mais il faut relativiser quant à sa fiabilité (valeur issue de calcul par comparaison de bassins). Cependant, cela donne une estimation de la valeur moyenne de la puissance hydraulique, qui variera dans tous les cas en fonction du débit de la rivière.
Conclusion
Concernant l’évaluation du potentiel hydroélectrique de l’Indre et Loire, il est possible de l’exploiter en respectant les contraintes réglementaires et physiques du milieu. Le réseau hydrographique est important et présente un potentiel non négligeable. Il n’existe pas de potentiel absolument « non mobilisable » en Indre-et-Loire. Cependant près de 70 % du linéaire est soumis à des contraintes réglementaires qui rendent le potentiel « mobilisable sous conditions strictes » et « très difficilement mobilisable ». Les 30% restant sont « mobilisable normalement » mais concernent les chevelus amont des cours d’eau et présentent donc un débit et une puissance hydraulique faible (Cf. carte de mobilisation du potentiel hydroélectrique en Indre-et-Loire). Pour la mobilisation, plusieurs possibilités existent pour développer l’hydroélectricité :
– l’optimisation de centrales existantes (non présentée dans ce rapport, et la production existante en Indre-et-Loire est très faible avec seulement 15 petites centrales dont la production n’a pas été communiquée),
– l’équipement d’ouvrages existants avec un système de production d’électricité : cette possibilité est présentée dans la première étude de cas sur le barrage du Cher à Savonnières. Cette solution peut-être fortement développée car le département présente de nombreux moulins et ouvrages à réhabiliter et à équiper de centrales hydroélectriques,
– l’implantation de nouveaux ouvrages sur des tronçons non aménagés. Cependant cette dernière possibilité va à l’encontre des politiques actuelles de gestion des milieux aquatiques car elle porte atteinte à la continuité écologique. Une alternative peut-être développée : la mise en place d’hydroliennes ou de techniques au fil de l’eau qui présentent un impact très faible sur le milieu. En effet, ces techniques ne barrent pas tout le cours d’eau et ont une grande capacité d’adaptation au milieu. C’est l’objet de la seconde étude de cas sur l’Esves. Cependant en dehors des hydroliennes, la construction de nouveaux ouvrages ne peut se faire que sur les zones ou le potentiel est « mobilisable normalement ». Ces zones correspondent à des petits cours d’eau avec une très faible puissance. Cette possibilité ne semble donc pas la plus adaptée au département d’Indre-et-Loire. Quelle que soit la technique employée pour produire de l’électricité, la réglementation soumet le projet à une demande d’autorisation ou de concession. La législation permet ainsi de contrôler la création de nouveaux ouvrages, la production d’hydroélectricité et protège les milieux aquatiques contre une surexploitation pouvant engendrer leur destruction. La réalisation d’un projet d’installation de centrale hydroélectrique nécessite donc la réalisation d’un dossier contenant tous les éléments techniques, écologiques et réglementaires inhérents à celui-ci. A cela s’ajoute la procédure d’instruction du dossier qui est relativement longue (1 à 3 ans en moyenne) et qui nécessite la consultation de tous les acteurs et usagers du territoire (enquête publique, avis des services de l’état…). L’outil d’aide à la décision pour les maîtres d’ouvrages est en cours de réalisation par un informaticien. Celui-ci indique les différentes étapes de la réflexion et de la réalisation du projet et intègre ces différents points, qu’ils soient réglementaires, techniques ou écologiques. La difficulté réside donc dans l’adéquation entre la production d’énergie renouvelable avec l’hydroélectricité et la protection des milieux aquatiques, souvent altérés par les ouvrages. L’hydroélectricité reste cependant une solution d’avenir en produisant une énergie « verte », propre (sans dégagement de gaz à effets de serre) et renouvelable. Elle répond aux objectifs de la politique énergétique du gouvernement (loi POPE de 2005) et à ceux de la directive européenne de 2001 qui ont pour but d’atteindre une production de 21% d’électricité à partir d’énergie renouvelable dans chaque état membre.
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Table des matières
Summary
SIGLES/ABREVIATIONS
Introduction
1. Contexte de l’étude
1.1. Présentation du site d’étude
1.2. Présentation du SIEIL (Syndicat Intercommunal d’Energie d’Indre-et-Loire)
1.3. Présentation de l’étude et de la première phase de travail
1.4. Présentation du contexte réglementaire pour l’hydroélectricité
1.5. Présentation de la seconde phase d’étude
2. Matériels et méthodes
3. Résultats et discussions
3.1. Réglementation et mobilisation du potentiel en Indre et Loire
3.2. Outils d’aide à la décision pour l’implantation de microcentrale
3.3. Etude de cas d’un ouvrage existant à équiper
3.3.1. Méthodologie
3.3.2. Présentation du site et de l’ouvrage
3.3.3. Contexte réglementaire et écologique
3.4. Etude de cas d’un tronçon à équiper
3.4.1. Méthodologie
3.4.2. Présentation du site et du tronçon
3.4.3. Contexte Règlementaire et écologique
3.5. Procédure d’autorisation
Conclusion
Bibliographie
Table des illustrations
ANNEXES
1. Réseau hydrographique
2. Réglementation
3. Mobilisation du Potentiel
4. Tableau de corrélation entre la réglementation et les techniques de production
5. Arbre de décision
6. Densité d’ouvrages par km de cours d’eau (carte d’état)
7. Densité d’ouvrages par km de cours d’eau, carte d’aide à la décision
8. Linéaire impacté (en %) par les ouvrages (carte d’état)
9. Linéaire impacté en (%) par les ouvrages, carte d’aide à la décision
10. Données hydrologiques et mesures de débits et vitesses sur le Cher
11. Données hydrologiques et mesures de débits et vitesses sur l’Esves
12. Formules utilisées par les différents SDAGE pour l’évaluation de la puissance théorique
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