La production de déchets à travers le monde est importante. En 2010, la France produit 355 millions de tonnes de déchets par an et se retrouve au-dessus de la moyenne de l’Union Européenne. Globalement, les quantités de déchets traitées sont inférieures à 5 % des quantités produites et 64 % des déchets ont été valorisés. Le reste est soit stocké soit envoyé vers les usines d’incinération d’ordures ménagères. Aussi, face à cette production croissante de déchets, l’Etat français oblige les industriels à connaître la composition chimique globale de leurs déchets afin de faciliter leur traçabilité et leur gestion. Le stockage est une des méthodes les plus classiques de traitement des déchets classés comme non dangereux. Pourtant, les lixiviats générés par percolation de l’eau dans les déchets sont potentiellement chargés en contaminants de toutes sortes : organiques (comme des résidus de médicaments), inorganiques (y compris les éléments métalliques) (Kjeldsen et al., 2002) . Le principal risque associé au stockage est la contamination du sous-sol, de l’eau souterraine et des eaux de surface par migration des contaminants lixiviés. Or de nombreuses décharges ont, dans le passé, été implantées sans géomembrane ni drains. Pour la France, depuis l’arrêté du 9 septembre 1997, la mise en place d’une géomembrane en polymères et d’une couche de drainage est obligatoire mais un suivi des lixiviats de décharges doit être régulier car, non seulement la géomembrane peut être dégradée mais certaines études montrent que les déchets peuvent continuer à émettre des contaminants pendant des décennies voire des centaines d’années (Bozkurt et al.,2000 ; Kjeldsen et al., 2002) .
Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2013, les fabricants, importateurs et distributeurs de substances à l’état nanoparticulaire sont tenus de les déclarer. En effet, les nanoparticules (NPs), y compris les NPs métalliques dont le comportement et les effets ne sont pas encore véritablement connus peuvent présenter un risque environnemental et sanitaire spécifique, généralement attribué à leur grande bioassimilabilité. Afin d’être en capacité de prévoir ce risque, il faut connaître les paramètres clés responsables de l’émission de ces NPs ainsi que leur transport à partir de divers types de déchets.
Généralités sur les colloïdes, nanoparticules et nanomatériaux
Caractéristiques d’un colloïde ?
Les colloïdes sont définis la plupart du temps par leur taille et très rarement par leurs propriétés chimiques. L’International Union for Pure and Applied Chemistry (IUPAC) définit, en 1997, un colloïde comme étant une particule, molécule ou édifice polymoléculaires ayant dans au moins une direction, une dimension comprise entre 1 nm et 1 μm. La limite inférieure est définie autour de 1 nm sans ambiguïté (Lead et al., 1997). En revanche, la limite supérieure peut varier selon les auteurs de 0.2 à 0.5 μm en atteignant parfois même 1 μm (Buffle et Leppard, 1995 ; Lead et al., 1997). Cette limite supérieure est définie dès lors que les forces gravitationnelles l’emportent sur les forces dues au mouvement brownien (Wilkinson et Lead, 2007). Ce sont donc des particules très petites, qui ne sédimentent pas et restent en suspension dans un liquide. Ils constituent une troisième classe granulométrique, se situant entre la phase dissoute et la phase particulaire. En sciences environnementales, la définition a été étendue aux particules dont l’une des dimensions peut atteindre 2 à 10 µm à cause de leur grande variété et de leur forme très peu sphérique (Kanti Sen et Khilar, 2006 ; McCarthy et Zachara, 1989a).
Les colloïdes possèdent généralement une grande surface spécifique de l’ordre de 1000 m2 .g -1 pour les plus petites particules (Sposito, 1990). Les colloïdes ne sédimentent pas par eux-mêmes (leur vitesse de sédimentation est inférieure à 10−2 cm.s−1 mais peuvent s’agréger et dans ce cas, sédimenter. En pratique, la prise en compte du transport colloïdal revient à considérer une nouvelle phase : la matrice solide, la phase gazeuse, la phase liquide et la phase colloïdale (Choi et Yavuz Corapcioglu, 1997 ; Corapcioglu et Jiang, 1993).
L’origine des colloïdes naturels et manufacturés
Les colloïdes naturels sont rencontrés dans de nombreux compartiments de l’environnement en forte concentration (jusqu’à 100 mg.L -1 ) : eaux douces de surface, eaux souterraines, mers et océans, eaux interstitielles des sédiments, sols… Compte tenu de leur diversité, de leur origine et de leur nature bio-physico-chimique, Lead et Wilkinson se proposent de classer les colloïdes rencontrés dans les eaux naturelles en deux groupes principaux distincts : les colloïdes organiques et les colloïdes inorganiques. Les colloïdes inorganiques sont constitués essentiellement d’argiles de type aluminosilicates, d’oxyhydroxy)des métalliques et de carbonates métalliques, oxydes d’aluminium et de manganèse ainsi que des sulfures de fer. Les colloïdes organiques, quant à eux, comprennent les carbohydrates, les protéines, les lipides, les agrégats humiques, les acides fulviques et humiques. Ils présentent donc une très grande variabilité des propriétés physico-chimiques .
Les colloïdes du sol peuvent être apportés à la surface par les eaux de ruissellement ou par le sol lui-même. Dans ce contexte, la première source importante est la mobilisation de fragments de minéraux et de roche indigène due à un changement dans la chimie de la solution. En effet, la libération et la dispersion de colloïdes dans la plupart des sols est favorisée par un pH élevé et par une force ionique faible (Pan et Xing, 2012).Une deuxième source peut être la présence de composants macromoléculaires de la matière organique du sol. La précipitation de minéraux peut également être une source de colloïdes dans les sols. Ils peuvent également avoir des origines anthropiques comme certains nanomatériaux et les déchets industriels. En effet, les déchets sont des sources potentielles d’émissions de colloïdes mais leur devenir et leur transport dans l’environnement restent pour le moment mal connus. Différents procédés d’émission (volatilisation, aérosols, combustion…) dans l’eau, les sols et l’atmosphère sont décrits mais uniquement partiellement. Les déchets comme étant des sources d’émission de colloïdes est un problème nouveau datant des années 2010. Cependant, très peu d’études jusqu’à présent s’attardent sur l’émission et l’évolution de colloïdes présents dans les déchets (Hennebert et al., 2013).
Les nanoparticules manufacturées, à l’inverse des nanoparticules naturelles, sont des nanoparticules produites intentionnellement et utilisées dans de nombreux domaines scientifiques et technologiques telles que les nanosciences et nanotechnologies qui sont devenues une priorité R&D en Europe et Amérique du Nord. Depuis les années 90s, il existe un accroissement rapide des nanotechnologies, qui trouvent leurs applications dans de nombreux domaines de l’industrie et de la vie de tous les jours et médecine. La production mondiale de 2011 des nanomatériaux était estimée à plus de 270 000 tonnes.
Nanoparticules manufacturées et nanomatériaux
D’après le rapport écrit par Eric Gaffet en 2011, la définition de nanoparticules a été donné par l’ISO (International Standard Organisation) en septembre 2008, à savoir : « 1) la définition nanométrique considère le domaine de dimension compris entre 1 et 100 nm. 2) les nano-objets sont des matériaux présentant une, deux ou trois dimensions externes dans le domaine nanométrique. » (Gaffet E., 2011) .
Emission et devenir des colloïdes et des nanoparticules dans l’environnement
L’émission des nanoparticules dans l’environnement se fait par deux voies essentiellement :
– Un relargage involontaire : les effluents industriels, lors de la baignade de personnes ayant mises de la crème solaire, lors de lavages textiles, lors du ruissellement des eaux de pluie pour les ciments et peintures extérieures, lorsque les peintures appliquées aux bateaux se corrodent, par le dépôt atmosphérique, par un déversement accidentel.
– Un relargage volontaire : les activités liées à l’agriculture et à la remédiation des écosystèmes pollués.
Le relargage des nanomatériaux intervient aussi bien lors de l’utilisation directe des produits que sous l’effet d’usure, d’abrasion ou de dégradation de ces derniers. En fin de vie des produits, le relargage existe. Des études ont démontré la présence de nanoparticules d’oxyde de cérium intactes dans des résidus de la combustion des déchets de telle sorte qu’elles peuvent se retrouver dans les centres d’enfouissement ou dans les matières premières (Walser et al. 2012). Une étude plus récente a démontré que la nanostructure des déchets peut se transférer dans les émissions brutes en sortie de four (INERIS, 2015).
Néanmoins, peu de travaux sont menés et publiés sur le relargage et le devenir des nanomatériaux dans l’environnement. La majorité des travaux réalisés jusqu’à présent sont souvent dans des conditions éloignées de la réalité. Or la notion de transport des NPs dans l’environnement doit être comprise pour améliorer les modèles prédictifs. Le transport des NPs est difficile à prédire tant que les processus et interactions qu’elles subissent ne seront pas élucidés.
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Table des matières
Remerciements
Introduction générale
Chapitre 1 : Les colloïdes, les nanoparticules et les nanomatériaux dans l’environnement, un état de l’art.
I. Généralités sur les colloïdes, nanoparticules et nanomatériaux.
I.1. Caractéristiques d’un colloïde ?
I.2. L’origine des colloïdes naturels et manufacturés.
I.3. Nanoparticules manufacturées et nanomatériaux
II. Emission et devenir des colloïdes et des nanoparticules dans l’environnement
II.1. Emission et devenir des NPs dans le sol.
II.2. Devenir et devenir des nanoparticules dans le milieu aquatique.
II.3. Emission des colloïdes issus de déchets.
III. Transport des colloides en milieu poreux.
III.1. Forces jouant un rôle sur le transport des nanoparticules
III .1.1. Le mouvement brownien
III.1.1. Force hydrodynamique sur une sphère en mouvement
III.2. Interactions jouant un rôle sur le transport de nanoparticules à travers un milieu poreux
III.2.1. Les interactions de type Van der Waals
III.2.2. Les interactions électrostatiques.
III.3.Mécanismes de transport des colloïdes en milieu poreux
III.3.1. Le phénomène d’advection
III.3.2. Le phénomène de dispersion hydrodynamique
III.3.2.1. La diffusion moléculaire
III.3.2.2. La dispersion cinématique
III.4. Caractéristiques influençant le transport des colloïdes au sein d’un milieu poreux.
III.4.1. La porosité
III.4.2. Surface spécifique et distribution des tailles de pores.
III.4.3. La perméabilité du matériau.
III.4.4. Le pH
III.4.5. Le rapport L/S
III.4.6. Le débit d’injection
III.5. Dépôt et mobilisation (théorie de la filtration).
III.6. Transport des métaux dans l’environnement et le rôle des colloïdes dans ce transport.
IV. Techniques analytiques appliquée à l’étude des colloïdes.
IV.1. Les techniques microscopiques
IV.1.1. La microscopie électronique à balayage couplée à la spectrométrie de rayons X (SEM-EDX)
IV.1.1.1. Principe et fonctionnement du SEM-EDX
IV.1.1.2 Avantages et inconvénients du SEM-EDX
IV.1.2. La microscopie électronique à transmission couplée à la spectrométrie de rayons X (TEM-EDX)
IV.1.2.1. Principe et fonctionnement du TEM-EDX
IV.1.2.1. Avantages et inconvénients du TEM-EDX.
IV.1.3. L’Atomic Force Microscopy (AFM)
IV.1.3.1.Principe et fonctionnement de l’AFM
IV.1.3.2. Avantages et inconvénients de l’AFM
IV.2. Les techniques analytiques utilisées pour la mesure de taille et du potentiel zêta des colloides
IV.2.1. La diffusion dynamique de la lumière (DLS)
IV.2.1.1. Principe et fonctionnement de la DLS
IV.2.1.2.Avantages et inconvénients de la DLS
IV.2.2. Le Nanoparticles Tracking Analyser (NTA)
IV.2.2.1.Principe et fonctionnement du NTA
IV.2.2.2.Avantages et inconvénients du NTA
Chapitre 2 : Matériels et méthodes
I. Echantillons de Déchets Etudiés
I.1. Bauxaline®
I.2.Boues de station d’épuration urbaines (STEP)
I.3.Les mâchefers d’incinération d’ordures ménagères (MIOM)
I.4.Sédiments marins de la baie de Marseille
I.5.Déchets ménagers broyés (fraction > 30 mm)
II. Protocoles expérimentaux de lixiviation et de percolation.
II.1. Lixiviation de 5 déchets industriels selon la norme EN 12457-2
II.1.1. Détermination de la teneur en eau des échantillons
II.1.2. Lixiviation en batch
II.1.3. Filtration frontale agitée
II.2. Percolation en colonne de 4 déchets industriels différents
II.2.1. Mise en place des colonnes
II.2.2. Fractionnement et isolement de la fraction colloïdale
II.2.3.Test de détermination du volume de pores ayant participé à l’écoulement
III. Analyse des lixiviats et des percolats.
III.1. Distribution en tailles
III.2. Analyse chimique
III.2.1. l’ICP-AES (Inductively coupled Plasma-Atomic Emission Spectroscopy).
III.2.2. La chromatographie ionique (Dionex DX-120)
III.3. Analyse des matières organiques
III.3.1. L’analyseur de carbone (TOC V-CSH/CSN, Shimadzu)
III.3.2. Spectrométrie de fluorescence (F4500, Hitachi)
III.4. Microscopie électronique à balayage couplée
IV. Conclusion sur la stratégie d’étude choisie pour la thèse
Chapitre 3 : Emission des nanoparticules et colloïdes issus de différents déchets
I. Mesures de taille d’échantillons hétérogènes et polydisperses
I.1. Comparaison des mesures réalisées par deux techniques : DLS/NTA
I.2.Suivi de l’évolution de la taille des échantillons par NTA
II. Evolution de la composition chimique des échantillons au cours du vieillissement
III. Identification des phases porteuses
III.1. La matière organique
III.2. Les oxydes métalliques
IV. Conclusion
Chapitre 4 Transport des colloïdes et nanoparticules dans un milieu poreux
I. Expérience de percolation avec un traceur inerte
I.1. Hydrodynamique des particules dans les colonnes
I.2. Analyse du comportement hydrodynamique des métaux
II. Toxicité des déchets.
II.1. Analyse des métaux pour l’essai de percolation en colonne
II.2. Caractérisation des substances organiques
II.3. Mode de transport des contaminants au cours de l’essai de percolation
III. Comparaison et complémentarité des tests de lixiviation en batch et de percolation dans notre étude
IV. Discussion et conclusion
Conclusion générale
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