Potentiel de gestion énergétique à l’échelle de l’îlot de bâtiments
Gestion de la demande énergétique
Demand Side Response (DSR)
Gellings (1985) définit le Demand Side Management (DSM) comme un ensemble de stratégies qui conduit à une modification du profil de charge électrique du consommateur. Parmi ces stratégies, les principales constituent la Demand Side Response (DSR) (ou gestion active de la demande). La DSR correspond à un ensemble de stratégies d’effacement dont l’objectif est de lisser le profil de charge électrique.
— Écrêtage (Peak clipping) : cette modulation consiste à diminuer la pointe de consommation électrique grâce au report à court terme d’un usage tel que la réfrigération, le chauffage, la climatisation ou la ventilation. L’écrêtage influence peu les usagers.
— Remplissage des creux (Valley filling) : cette modulation consiste à remplir les heures creuses afin de lisser la courbe de charge.
— Report de la demande (Load shifting) : cette modulation consiste à reporter un usage sur la journée, sous la contrainte que la demande doit être entièrement satisfaite dans la journée.
Dans un article sur l’application de la DSR aux smart grids, Siano (2014) souligne l’importance de la DSR dans l’implémentation des smart grids. Pour les raisons évoquées dans l’introduction, c’est-à-dire face à l’intensification du recours aux énergies renouvelables et la présence de pointes de consommation électrique.
Stratégies existantes de la DSR
Pour parvenir à moduler la charge, il existe diverses stratégies de la DSR. Elles peuvent être classées en deux catégories :
— Time-Based DSR : ces stratégies sont basées sur une variation du prix de l’électricité au cours du temps. Le prix de l’électricité peut varier de façon statique (ex: programme Time-Of-Use (TOU), où deux coûts de l’électricité sont fixés, un pour la période de pic et un autre pour la période hors pic) ou de façon dynamique (programmed Real Time Pricing (RTP), où le prix de l’électricité est mis à jour suivant un pas de temps considéré). Les programmes RTP requièrent une attention particulière du consommateur ; Allcott (2011) étudie l’application d’un programme RTP dans le cas résidentiel, les consommateurs réagissent en évitant les excédents de consommation pendant les heures de pointe sans consommer davantage pendant les heures creuses. Plus particulièrement, des programmes Day-Ahead RTP (DA-RTP) qui permettent d’informer les consommateurs des prix pour le jour suivant sont également à l’étude (Jiang et Fei, 2011).
— Incentive-Based DSR : ces stratégies sont basées sur des paiements incitatifs versés au consommateur si ce dernier parvient à effacer sa consommation aux moments où le réseau est saturé. Ces stratégies peuvent inclure des pénalités si le consommateur ne parvient pas à effacer sa consommation aux moments souhaités par le gestionnaire de réseau. Ces stratégies sont généralement utilisées dans les secteurs commerciaux et industriels.
Applications de la DSR
Lorsque plusieurs fonctions sont représentées (habitats, bureaux, commerces) au sein d’un même quartier ou bâtiment, on parle de mixité fonctionnelle. En urbanisme, la mixité fonctionnelle est recherchée pour favoriser « les courtes distances » dans le cadre du développement de la ville durable. Puisque cette thèse s’intéresse aux stratégies de gestion énergétique à l’échelle d’un îlot de bâtiments pouvant inclure plusieurs fonctionnalités, dans cette partie sont traitées les possibilités d’application de la gestion de la demande énergétique suivant la fonctionnalité du bâtiment.
Application au secteur résidentiel
Les stratégies de DSR appliquées au secteur résidentiel sont essentiellement des TimeBased DSR (Aduda et al., 2016). Dans le cadre de l’étude d’un système domotique multiagent pour la gestion de l’énergie dans l’habitat, Abras (2009) classe les services énergétiques utilisés dans le secteur résidentiel (cf. Figure 1.2). Un service énergétique correspond au résultat d’une transformation d’énergie par un équipement afin de répondre à un besoin de l’usager. Parmi ces services sont distingués les services permanents (ils interviennent sur tout l’horizon d’un plan d’affectation de ressources énergétiques) et les services temporaires caractérisés par une durée et un temps d’exécution. Pour chacune de ces catégories, les services pilotables peuvent être différenciés des services non pilotables. Pour les premiers, il est possible de modifier à distance l’instant de leur démarrage (lavelinge, lave vaisselle) ou leur consigne de fonctionnement (chauffage, climatisation). Pour les seconds, il n’est pas possible de modifier leur régime de fonctionnement (téléviseur, ordinateur).
Da Silva (2011) propose une analyse de la flexibilité des usages électriques résidentiels. Le chauffage électrique apparaît comme l’équipement présentant le plus grand potentiel, cependant ce potentiel dépend essentiellement de l’inertie (capacité de stockage) du bâtiment (Favre, 2013 ; Da Silva, 2011).
Application aux commerces et aux bureaux
Le profil de consommation des commerces et des bureaux est plus régulier que celui des bâtiments résidentiels et essentiellement dépendant des conditions météorologiques et de l’occupation (Lazos et al., 2014). Pour une application aux commerces et aux bureaux, les stratégies du type incentive-based sont plus largement employées (Aduda et al., 2016 ; Vardakas et al., 2015). Comparativement aux bâtiments résidentiel, Aduda et al. (2016) soulignent une marge de manœuvre plus faible pour l’application des stratégies de DSR à ce type de bâtiment. Cela est dû à des charges liées aux usages des commerces et des bureaux qui peuvent être difficilement reportées. Divers travaux montrent cependant l’intérêt de l’application de stratégies de DSR aux commerces (Yin et al., 2010) et aux bureaux (Puchegger, 2015) notamment pour des applications thermiques. Les systèmes de climatisation présentent un potentiel en terme de gestion de la demande, la plupart des études portent cependant sur le secteur du tertiaire. En effet, dans ce secteur, les caractéristiques des systèmes et de leur utilisation diffèrent de celles du secteur résidentiel. Puchegger (2015) génère des profils de charge propres aux bâtiments de bureaux qui dépendent des profils stochastiques d’occupation et météorologique. Ces profils de charge sont ensuite utilisés pour étudier le pré-refroidissement des bureaux pendant les périodes creuses et le contrôle des appareils électriques. L’auteur parvient à une réduction du coût annuel de près de 20 %. Yin et al. (2010) abaissent le pic de consommation de 15 à 30 % avec le pré-refroidissement d’un bâtiment commercial.
Application à un ensemble de bâtiments
Ramchurn et al. (2011) compare la demande en électricité de 500 habitations lors de l’application de trois types de programmes basés sur la tarification de l’électricité. Le premier programme considère un tarif fixe de l’électricité. Le second programme appelé Time-Of-Use tient compte de deux tarifs de l’électricité, l’un pendant la période de pic et l’autre pendant la période hors-pic. Le troisième programme considère un coût réel de l’électricité (RTP) qui est mis à jour toutes les 30 minutes (cf. Figure 1.3). Lors de l’application du programme TOU et dans une moindre mesure lors de l’application du programme RTP, les consommateurs modulent leur consommation énergétique de manière similaire ce qui conduit à la création de nouveaux pics au cours de la journée.
Da Silva (2011) applique une stratégie d’effacement de la pointe de consommation sur un ensemble de 250 bâtiments. Pour tous les bâtiments, la stratégie d’effacement est appliquée au chauffage électrique uniquement entre 18h et 20h. La remise en marche simultanée de tous les équipements de chauffage entraîne un pic de puissance et conduit à une perte de foisonnement. caractéristique aux groupes de bâtiments. Il s’agit de l’effet « load pickup », essentiellement dépendant du temps de coupure des appareils et de la température extérieure (Agneholm et Daalder, 2000). Les travaux mentionnés dans cette section soulignent la limite de l’application d’une stratégie de DSR unique pour un ensemble de bâtiments. Pour ne pas déplacer dans le temps les pointes de consommation, il est possible d’appliquer des stratégies de DSR différentes d’un bâtiment à l’autre. Une coordination de ces stratégies est alors nécessaire afin d’éviter la formation de nouveaux pics de consommation et de tendre vers une courbe de charge globale lissée. Deux approches sont alors envisageables suivant le niveau auquel sont prises les décisions relatives à l’application de la DSR :
— Approche centralisée : dans le cas d’une approche centralisée de la DSR, un régulateur central décide de l’implémentation et de la coordination de la stratégie de DSR . Les consommateurs participent donc à la stratégie de DSR de façon individuelle. La taille du système à considérer est importante ce qui complexifie son pilotage et sa régulation. Da Silva (2011) propose dans une approche centralisée de la DSR des effacements tournants ou foisonnés. L’application de stratégies d’effacements foisonnées permet de réduire la reprise de charge (ré-enclenchement des systèmes après la périodes d’effacement) de 50 % dans son cas d’étude.
— Approche distribuée : dans le cas d’une approche distribuée, le fournisseur envoie un signal tarifaire aux consommateurs. Par un retour d’état de la part de l’ensemble des systèmes (présents chez les usagers), l’aggrégateur coordonne la demande énergétique .
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Table des matières
Introduction
Positionnement du sujet
Objectifs scientifiques
Démarche proposée
Résultats attendus
1 État de l’art
1.1 Introduction
1.2 Potentiel de gestion énergétique à l’échelle de l’îlot de bâtiments
1.2.1 Gestion de la demande énergétique
1.2.2 Gestion des sources d’énergie décentralisées
1.2.3 Stockage de l’énergie : une source de flexibilité
1.2.4 Conclusion sur le potentiel de gestion énergétique à l’échelle de l’îlot de bâtiments
1.3 Régulation des bâtiments
1.3.1 Les sytèmes de régulation sans modèle de bâtiment
1.3.2 Les systèmes de régulation avec modèle de bâtiment
1.4 Principe de la commande prédictive
1.4.1 Principe de la commande optimale
1.4.2 Méthodes de résolution de la commande optimale
1.5 Résolution de la commande optimale à l’échelle des grands systèmes
1.5.1 Approche de résolution centralisée
1.5.2 Approche décentralisée
1.5.3 Approche décomposée-coordonnée
1.5.4 Méthodes de décomposition-coordination dans le cas d’un couplage par les commandes
1.5.5 Décomposition-coordination dans le cas de l’existence de variables d’interconnexion
1.5.6 Conclusion
2 Modèles et algorithme nécessaires à la régulation multizone
2.1 Introduction
2.2 Modèle thermique dynamique des bâtiments
2.2.1 Maillage et formulation du modèle thermique dynamique associé à une zone thermique sous COMFIE
2.2.2 Formulation des modèles thermiques de zone pour la recherche décomposée-coordonnée de la commande optimale
2.2.3 Formulation du modèle thermique pour la recherche centralisée de la commande optimale
2.3 Modèle de climat
2.4 Modèle d’occupation
2.5 Recherche de la commande optimale monozone
2.5.1 Principe des méthodes de pénalisation intérieure
2.5.2 Algorithme de commande optimale monozone
2.6 Conclusion
3 Prise en compte d’une contrainte de confort sur la variation de la température
3.1 Introduction
3.2 Recherche de la commande optimale monozone avec prise en compte d’une contrainte sur la variation de la température
3.2.1 Énoncé du problème de commande optimale
3.2.2 Changement de variable et reformulation du problème de commande optimale
3.2.3 Minimisation de l’hamiltonien
3.2.4 Algorithme de commande optimale monozone avec prise en compte d’une contrainte sur la variation de la température
3.3 Application à un cas d’étude
3.3.1 Présentation du cas d’étude
3.3.2 Sollicitations extérieures
3.3.3 Sollicitations intérieures
3.3.4 Contraintes
3.3.5 Tarif de l’électricité
3.3.6 Implémentation de l’algorithme
3.3.7 Résultats
3.4 Conclusion
4 Stratégies de gestion énergétique en temps réel à l’échelle bizone, cas de l’existence de couplages thermiques entre zones
4.1 Introduction
4.2 Énoncé du problème de commande optimale bizone global
4.2.1 Critère d’optimisation
4.2.2 Contrainte dynamique
4.2.3 Contraintes d’état
4.2.4 Contraintes de commande
4.3 Algorithme centralisé de résolution du problème de commande optimale bizone
4.3.1 Méthode de pénalisation intérieure
4.3.2 Application du principe du minimum de Pontryagin
4.3.3 Description de l’algorithme centralisé
4.4 Algorithmes décomposés-coordonnés de résolution du problème de commande optimale bizone
4.4.1 Algorithme 1 : algorithme décomposé-coordonné par les prix
4.4.2 Algorithme 2 : algorithme décomposé-coordonné par relaxation de l’estimation de la température de la zone adjacente
4.4.3 Algorithme 3 : algorithme décomposé-coordonné par les prédictions
Conclusion
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