Les zones tropicales semi-arides de l’Afrique de l’Ouest sont caractérisées par une pluviométrie faible et irrégulière, des températures (sol et air) élevées, des sols à faible fertilité, un encroûtement des sols et une faible capacité de rétention en eau (Bationo, et al., 1998). En Afrique subsaharienne, les sols de la plupart des pays ont une faible fertilité intrinsèque et les éléments minéraux exportés ne sont pas remplacés de manière adéquate (Nebhan, 2003). Les systèmes de production actuels sont non soutenables, c’est-à-dire faibles en productivité et destructeurs de l’environnement et pour la plupart, avec un bilan faible en éléments nutritifs (Bationo, et al., 1998). La productivité annuelle de ces terres est ainsi faible spécialement dans les zones où la pluviométrie est inférieure à 400 mm. Le Sahel est la zone de transition entre les zones arides du Sahara au nord et les savanes tropicales subhumides dans le sud, marqué par une pente raide du gradient nord-sud de la moyenne annuelle des précipitations (Le Houerou, 1980). Au Sénégal, le domaine sahélien correspondant à la zone sylvo-pastorale, est caractérisé par une végétation arbustive et arborée dominée par les épineux avec essentiellement des espèces du genre vachellia. Ces ligneux jouent un rôle essentiel dans la vie des populations en constituant un fourrage de relais en saison sèche. Mais aussi, c’est une ressource fourragère stable pendant tout le cycle annuel car moins tributaire de la répartition des pluies de la saison précédente comme l’ont souligné Rippsten et Peyre de Fabregues , (1972).
A cela s’ajoute le problème de dégradation cruciale des terres qui résulte surtout de l’utilisation inappropriée de ces dernières principalement par des pratiques culturales non durables, la déforestation et le surpâturage ( Bakhoum, 2012). L’urbanisation, la salinisation des terres et d’autres formes de dégradations de l’environnement ont également un impact négatif sur la disponibilité et la qualité des sols. Une des alternatives les plus récentes qui ont été proposées est l’utilisation des espèces à usages multiples qui sont des espèces agroforestières qui peuvent restaurer la productivité agricole plus rapidement que les jachères naturelles et en même temps qui constituent des produits forestiers tels que le combustible, le bois ((Larwanou, 2012), (Palm & Szotta, 1996), (Harmand & Balle, 2001)) .
La désertification pose l’un des plus grand défis environnementaux d’aujourd’hui et représente un obstacle majeur à la satisfaction des besoins humains de base dans les zones sèches. Elle ronge inexorablement les terres arables et les ressources naturelles. Elle contribue fortement à l’élargissement et à la multiplication des zones endémiques de pauvreté, d’insécurité alimentaire et de flux migratoires. En Afrique, des tentatives de revégétalisation sont en expérimentation pour contrecarrer l’avancée inexorable du désert. Née d’une idée de Son Excellence Olusegun OBASANJO, président du Nigéria de 1999 à 2007, l’édification d’un mur de végétation a été conceptualisée par Me Abdoulaye Wade président de la république du Sénégal de 2000 à 2012 sous l’appellation de la Grande Muraille Verte. Ce projet d’envergure continentale porte le choix sur des espèces à large plasticité écologique, à valeur socioéconomique, d’importances écologiques et résilientes aux conditions climatiques. Parmi les espèces proposées, Vachellia senegal L. Wild. et Balanites aegyptiaca Del. répondent à ces critères de choix pour la zone du Ferlo (Bâ , 2012).
Balaites aegyptiaca Del. ou «dattier du désert » fait partie des espèces disposant de caractères adaptatifs au climat sahélien qui permettent leur culture sans recours à l’irrigation, contrairement à la majorité des espèces fruitières cultivées des régions semi-arides (Soloviev, et al., 2004). Dans le Ferfo devenu la cinquième réserve du Sénégal (UNESCO, 2012), c’est l’une des espèces choisies par l’ANGMV pour les reboisements.
L’agroforesterie
Au Sénégal, malgré les politiques de relance des productions agricoles, la contribution de l’agriculture dans l’économie nationale est en deçà des espérances. Ceci serait dû en grande partie à la désertification (Ndiaye & Gogo , 2006). De plus, la pression démographique et son corollaire, la recherche de nouvelles terres de culture, ont souvent contribué à la diminution des espaces forestiers entraînant des conflits ouverts entre les différents acteurs du développement rural. Dans ce contexte, l’agroforesterie constitue une alternative viable pour répondre à ces différents défis environnementaux et sociaux.
L’agroforesterie est un système d’utilisation des terres qui combine des arbres et des cultures et/ou bétail au même endroit. L’agroforesterie est de plus en plus reconnue comme une approche utile et prometteuse de la gestion des ressources naturelles qui associe des objectifs de développement agricole durable aux agriculteurs tropicaux démunis en ressources et présente des avantages environnementaux supérieurs à ceux des systèmes agricoles, de pâturages ou de monocultures moins diversifiées (Schroth, et al., 2004). L’agroforesterie permet aussi de diversifier les activités des exploitations avec le bois de rente, les fruitiers et le bois-énergie (ADEME, 2015). La présence d’arbres renforce voire développe la biodiversité en diversifiant les habitats et les ressources alimentaires (Liagre & Dupraz, 2008). Bien qu’étant une pratique ancestrale, l’intégration de l’arbre dans les systèmes de production actuels, doit s’accompagner d’une réflexion sur le long terme (ADEME, 2015). Les associations se réalisent par des techniques dites agroforestières dont on distingue trois catégories structurales : le système agrosylvicol, le système sylvopastoral et le système agrosylvopastoral. En général selon des critères géographiques, climatiques ou même d’objectifs, plusieurs classifications des systèmes peuvent être proposées. Torquebiau (2000) propose une classification simple en cinq catégories sur la base de critères structuraux de disposition dans l’espace ou dans le temps, des composantes de l’association, autrement dit, sur des critères physionomiques faciles à reconnaître :
– les cultures sous couvert arboré
À cette première catégorie appartiennent toutes les combinaisons d’arbres et de cultures dans lesquelles la composante arborescente constitue un étage supérieur recouvrant des cultures,
– les techniques agroforestières en disposition linéaire
La ligne est une constante de nombreux paysages agricoles et souvent l’arbre vient s’y loger. Ce sont les brise-vent et autres plantations de lisière dont le but est parfois seulement de marquer les limites des parcelles.
– les agroforêts
Parcelles à la physionomie typiquement forestière, les agroforêts sont des associations multistrates de plusieurs espèces arborées et saisonnières aux utilisations multiples et complémentaires, parfois nommées « systèmes agroforestiers complexes » (MICHON, et al., 1995),
– les techniques agroforestières séquentielles
Cette catégorie regroupe des cas où l’interaction entre arbres et cultures a lieu dans le temps. L’agriculture itinérante, par l’intermédiaire de la friche reconstructrice de la fertilité du sol en est l’archétype.
– les techniques agroforestières mineures
Cette dernière catégorie rassemble les cas un peu particuliers où des arbres sont associés à des productions animales spécifiques, à l’instar de certaines pêcheries de mangrove (Torquebiau, et al., 2002). D’après Nair (1993), l’agroforesterie désigne tous les systèmes d’utilisation du territoire qui associent des arbres ou d’autres végétaux ligneux pérennes et des productions animales ou/et végétales sur la même unité de surface. Cette définition renvoie à une forme d’exploitation et d’optimisation des interactions entre les composantes, notamment entre les ligneux et les autres composantes considérées. Les cultures peuvent être des plantes ligneuses (manguiers, caféier, cacaoyer, etc.) ou des plantes herbacées ou cultures annuelles (sorgho, mil, maïs, niébé et plantes maraîchères, etc.). La composante animale peut être constituée par les animaux domestiques, aquatiques ou même par des insectes. Dans un système agroforestier, les différents composants sont en interaction les uns avec les autres pour assurer une production des terres plus durables et plus diversifier. La complémentarité arbre/culture permet d’accroître la productivité globale de la parcelle : les arbres poussent plus régulièrement et plus rapidement et la culture bénéficie d’un environnement qui, lorsqu’il est bien géré, peut lui être très favorable sur le long terme, et ce, malgré une baisse des rendements dû à la présence de l’arbre (Liagre & Dupraz, 2008). L’agroforesterie a par ailleurs des implications environnementales multiples, grâce aux différents rôles que jouent les arbres dans de nombreux équilibres écologiques (Torquebiau, et al., 2002). Ecologiquement, elle permet un accroissement de l’activité biologique des sols, de meilleures utilisations des sols par le recyclage d’éléments nutritifs, une augmentation de la teneur d’humus, un maintien de la fertilité indispensable pour une production soutenue, une meilleure occupation de l’espace horizontal, vertical, aérien et souterrain, une protection des variations extrêmes de température, et même une meilleure pénétration des eaux pluviales. Dans certains systèmes agroforestiers, le rendement en produits animaux peut être augmenté d’environ 60 % tout en protégeant le sol de l’érosion (Buck, et al., 1999). Outre les avantages écologiques, l’agroforesterie peut aussi procurer des biens et service socio-économiques. Les arbres apportent des produits divers : bois de feu, fourrages, fruits, bois d’œuvre, bois de services, gommes, résines, tannin… Les ménages ruraux peuvent consommer eux-mêmes les divers produits ou les vendre pour obtenir des revenues monétaires (Le Coënt, et al., 2001). Dans la mesure où des transhumants désirent s’installer de façon durable, des réalisations agroforestières, notamment dans de domaine sylvopastoral, peuvent constituer un premier pas vers la sédentarisation. L’agroforesterie constitue alors pour l’agriculteur la première occasion de devenir véritablement « le propriétaire » de ses arbres. L’importance des parcs agroforestiers pour la durabilité des moyens d’existence, surtout ceux des groupes vulnérables de la société, et en tant que réservoirs de diversité génétique, sont de plus en plus largement reconnus par les décideurs et par le monde de la recherche, d’où un intérêt croissant pour promouvoir leur conservation et améliorer davantage leur gestion afin d’accroître leurs effets positifs pour les communautés rurales ( Boffa, 2000).
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Table des matières
INTRODUCTION
I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1 L’agroforesterie
I.2 Les espèces ligneuses étudiées
I.2.1 Vachellia senegal (L.) Wild
I.2.2 Balanite aegyptiaca (L.) Del.
I.2.3 Le niébé [Vigna unguiculata (L.) Walp.]
I.3 Symbioses mycorhiziennes
I.3.1 Généralités sur les mycorhizes
I.3.2 Les différents types de mycorhizes
I.3.3 Rôle de la symbiose mycorhizienne à arbuscules
II. MATERIEL ET METHODES
II.1 Présentation de la zone d’étude
II.1.1 Caractéristiques Bioclimatiques
II.1.2 La Grande Muraille Verte
II.1.3 Le site d’étude
II.1.4 Enquêtes sur la perception de l’agriculture dans le Ferlo
II.1.5 Matériel végétal
II.1.6 Dispositif expérimental
II.1.7 Conduite de la culture
II.1.8 Paramètres mesurés
III. RESULTATS
III.1 Savoir-faire et perceptions sur les pratiques agricoles dans le Ferlo : le cas de la culture du niébé
III.1.1 La production de niébé
III.1.2 Utilisation des intrants
III.1.3 Gestion des résidus de récoltes
III.1.4 Avenir de l’agriculture dans le département de Ranérou, Ferlo
III.2 Effet des espèces ligneuses sur la culture du niébé
III.2.1 Sur le potentiels infectieux mycorhizogènes des sols cultivés (MPN)
III.2.2 Sur les paramètres de mycorhization
III.2.3 Sur les paramètres de croissance
III.2.4 Sur la biomasse du niébé
III.2.5 Sur le rendement du niébé
IV. Discussion
IV.1 Perception de la population sur les pratiques agricoles
IV.2 Effet de Vachellia senegal Willd et Balanites aegyptiaca Del sur les paramètres étudiés
IV.3 Potentiel agroforestier de la zone sylvo-pastorale de Ranérou (Ferlo)
CONCLUSION
Référence Bibliographique
ANNEXES