Posologie des antidépresseurs
Posologie des antidépresseurs
56.9 % des patients (n = 70) ont eu la même dose d’ATD tout au long de leur prise en charge (sans prendre en compte la décroissance du traitement avant l’arrêt). Pour ces patients, la moitié (49.6 %) prenait l’ATD à la dose minimale recommandée (n = 61), et 7.3 % étaient sous-dosés (n = 9). Les molécules concernées par le sous-dosage étaient la paroxétine, la sertraline, la venlafaxine et la mirtazapine. Aucun n’a eu une dose initiée supérieure à la dose minimale recommandée à l’introduction. A contrario, le traitement de 43.1 % des patients a été majoré au cours de la prise en charge (n = 53). Cette augmentation a permis dans 73.6 % des cas d’atteindre la dose recommandée à l’introduction (n = 39). L’antidépresseur a été augmenté pour la première fois dans les 2 premières semaines de traitement pour deux tiers des patients (67.9 %, n = 36) et entre 3-4 semaines pour 18.9 % des patients (n = 10). Pour 13,2 % des patients (n = 7) l’augmentation du traitement a eu lieu après 6 semaines (à 6 semaines, 3 mois, 7 mois, 8 mois et 36 mois). 91.6 % des augmentations dans les 2 premières semaines (34 patients sur 36) avaient finalement pour but d’atteindre la dose minimale recommandée. 8.1 % des patients (n = 10) ont bénéficié de plusieurs majorations de dose (annexe II).
Concernant l’escitalopram (n = 5), les majorations ont été échelonnées de 0 à 12 mois pour atteindre une dose de 15 ou 20 mg. Pour la venlafaxine (n = 2), les majorations ont été échelonnées de 0 à 12 mois pour atteinte 150 mg. Le citalopram et la fluvoxamine ont été respectivement augmentés jusqu’à 2 mois et jusqu’à 4 mois pour atteindre 30 mg et 150 mg. La sertraline a été majorée à seulement deux reprises, à 2 semaines et à 24 mois, jusqu’à la dose maximale de 75 mg. L’augmentation des doses n’a été maximale que pour l’escitalopram (tableau V). Cela concerne 10.6 % des patients (10 femmes et 3 hommes). Aucun autre ATD n’a été prescrit à la dose maximale. La duloxétine et la mirtazapine n’ont été prescrites qu’à la dose recommandée à l’introduction. Le citalopram pris par 14 patients (11.4 %), n’a été prescrit qu’à la dose recommandée à l’introduction de 20 mg, sauf pour 1 patient (0.08 %) qui a reçu 30 mg.
Résultats principaux
Cette étude quantitative rétrospective des patients ayant pris un antidépresseur en 2017 montre une certaine prudence à l’augmentation du traitement par les médecins généralistes. Notons que 43.1 % des patients ont eu une majoration de la posologie durant leur prise en charge et, dans 73.6 % des cas, l’augmentation a seulement permis d’atteindre la dose recommandée à l’introduction. Nous constatons également que 49.6 % ont pris l’ATD à la dose recommandée à l’introduction tout au long de leur prise en charge et 7.3 % des patients étaient sous dosé. De plus, nous relevons qu’aucun ATD n’a été prescrit à la dose maximale autorisée, excepté l’escitalopram. Par ailleurs, pour les patients prenant des antidépresseurs depuis plus de 18 mois, nous remarquons qu’il n’y a pas eu de réelle augmentation de dose. Enfin, concernant la durée de prescription, on observe que 31.7 % des patients ont arrêté leur traitement précocement avant 6 mois, alors que l’HAS préconise de maintenir le traitement entre 6 mois et 1 an après rémission.
Sélection des patients
Rappelons que pour limiter les biais de l’étude, les patients devaient être âgés de moins de 65 ans. En effet, la posologie des antidépresseurs nécessite parfois d’être diminué de moitié pour les sujets plus âgés. Ainsi, 50 % des dossiers ont été exclus, car les patients étaient âgés de plus de 65 ans. Ces dossiers n’ont pas été analysés en détails, ce qui ne permet pas d’affirmer, par méconnaissance de leurs antécédents, qu’ils soient dépressifs ou non. La prise d’antidépresseur chez les patients de plus de 65 ans pourrait également être liée à d’autres motifs (autre pathologie psychiatrique, douleurs neuropathiques etc.). Ce chiffre va à l’encontre de plusieurs études qui témoignent que la dépression chez les personnes âgés est encore trop souvent sous-diagnostiquée [23, 24]. Cependant chez les patients âgés, la phase de consolidation serait plus longue et la dépression aurait tendance à se chroniciser. Il s’ajoute la polypathologie et la polythérapie plus fréquente chez le sujet âgé pouvant induire un syndrome dépressif. Des recherches complémentaires sur cette population pourraient être menées.
Diagnostic de dépression
Les patients sous antidépresseur présentaient-ils tous un EDC modéré à sévère ? Hypothétiquement, les patients sous-dosés dans cette étude étaient finalement peut être équilibré, si l’on suppose qu’ils ne présentaient qu’une dépression légère ou qu’ils n’étaient pas dépressifs. Il était difficile de retrouver dans les dossiers l’utilisation d’une échelle de dépression, que ce soit par la méconnaissance du logiciel, parce que cela n’était pas précisé dans le dossier, ou parce qu’elles n’étaient pas utilisées. Une enquête de l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie (URCAM) d’Ile de France publiée en 2005 avait mis en avant que seulement 50 % des généralistes connaissaient ces outils de repérage et d’évaluation de la dépression et parmi eux 20 % les utilisaient [25]. Une thèse évaluant l’utilisation des échelles de dépression par 184 médecins généralistes en 2015 avait abouti au même résultat. 46.8 % des médecins n’utilisaient pas ces échelles par méconnaissance [26].
L’observance
Dans un premier temps, avant d’augmenter ou de changer d’antidépresseur, il est important de s’assurer de l’observance de celui-ci. Une étude suisse de 2013 indique l’utilité du dosage plasmatique des médicaments antidépresseurs notamment dans l’optimisation de la posologie ou la suspicion de non-compliance [30]. En France, le dosage plasmatique est plus facilement utilisé pour les médicaments imipraminiques pour lequel il existe un effet dose-dépendant avec une grande variabilité inter-individuelle dans la réponse clinique. L’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) préconise donc le dosage plasmatique en cas de réponse insuffisante ou afin de vérifier l’observance du traitement [11]. Dans un second temps, afin d’éviter les arrêts précoces par les patients, il semble nécessaire d’insister sur l’information du patient. Des études objectivent que la confirmation de la dépression par une échelle psychiatrique permettrait au patient d’avoir une meilleure acceptation de sa maladie et ainsi espérer une meilleure observance du traitement [29, 31].
L’observance des patients est déjà un sujet d’étude depuis des années, il est lié à différents facteurs dont la maladie, le traitement, la relation médecin-malade, l’entourage du malade… [28, 32, 33]. Le dépistage et la mise en évidence d’un ou plusieurs de ces facteurs est fondamental pour améliorer l’adhésion du patient et cibler l’éducation thérapeutique lors d’une consultation. En médecine générale, un travail interprofessionnel parait nécessaire, le protocole Asalée (Action de santé libérale en équipe) débuté en 2004 a permis de développer et de renforcer l’éducation thérapeutique de certaines maladies chroniques, grâce à des infirmières formées lors de consultations dédiées au cabinet [34]. Ce protocole ne prend cependant pas en compte la maladie dépressive. Il serait intéressant d’étendre leurs compétences à ce domaine afin d’améliorer et d’aider à la compréhension de cette maladie avant qu’elle ne se chronicise. De même, un décret de 2018, relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée, propose une autre forme innovante de travail interprofessionnel. L’infirmier sera notamment formé dans l’éducation du patient pour des pathologies chroniques ou polypathologies courantes en soins primaires [35]. L’HAS met en avant l’information du patient dans ses recommandations de 2017, et insiste sur l’intérêt « d’établir avec le patient un projet thérapeutique afin d’éviter les abandons de traitement » [7]. Il serait donc nécessaire d’établir un contrat tacite pour lequel l’acceptation de la prise du traitement antidépresseur engage sur une durée minimale de 6 mois.
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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS
RESUME
INTRODUCTION
MÉTHODES
1. Sélection des médecins
2. L’inclusion des patients
3. Le recueil des données
RÉSULTATS
1. Description des cabinets
2. Description de la population
3. Description des antidépresseurs
4. Posologie des antidépresseurs
5. Changement d’antidépresseur
6. Durée du traitement
7. Question complémentaire
DISCUSSION ET CONCLUSION
1. Résultats principaux
2. Forces et limites
2.1. Recrutement des médecins
2.2. Sélection des patients
2.3. Diagnostic de dépression
2.4. Observance médicamenteuse
2.5. Durée du traitement
3. Ouverture
3.1. Représentation des traitements antidépresseurs
3.2. Les échelles de dépression
3.3. L’observance
4. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
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