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CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
Analyse Cinรฉmatique et Anthropomรฉtrique
Dans le cadre de lโanalyse cinรฉmatique du mouvement humain, les articulations et segments corporels peuvent รชtre modรฉlisรฉs. Depuis les travaux de Muybridge (1883), Marey (1884) et Demeny (1904) utilisant la chronophotographie, les possibilitรฉs de mesure de la cinรฉmatique du corps humain ont รฉvoluรฉ.
Dโun point de vue mรฉcanique, le corps humain est gรฉnรฉralement reprรฉsentรฉ comme un systรจme composรฉ de n segments Si de centre de gravitรฉ Gi, de masse mi et de rayon de giration ri reliรฉs par des articulations considรฉrรฉes ยซ parfaites ยป (Hull and Jorge 1985, figure 2 pour illustration).
Figure 2 : modรจle cinรฉmatique utilisรฉ pour reprรฉsenter un cycliste en 3 dimensions. (Gauche) : vue dans le plan saggital. (Centre) : vue dans le plan frontal. (Droite) positionnement de 54 marqueurs cutanรฉs afin de dรฉcrire la cinรฉmatique du corps complet (adaptรฉ de Hayot, 2010).
Afin de capturer les positions de diffรฉrents points dโintรฉrรชt du corps humain, puis dโen calculer par dรฉrivation par rapport au temps les vitesses, accรฉlรฉrations, voire les jerks (variations dโaccรฉlรฉration par rapport au temps), lโutilisation de systรจme optoรฉlectroniques sโest progressivement dรฉveloppรฉe depuis les annรฉes 1970. Ces sytรจmes permettent dรฉsormais lโenregistrement en temps rรฉel des positions de plusieurs dizaines de marqueurs dans un espace en 3 dimensions, avec une prรฉcision de lโordre du milimรจtre (Poirier 2009) et des frรฉquences dโacquisition dรฉpassant 200 Hz. Classiquement, une articulation peut ainsi รชtre repรฉrรฉe ร partir de la position de deux marqueurs. Par exemple pour le coude, le centre de rotation est dรฉterminรฉ comme รฉtant le milieu du segment reliant les marqueurs apposรฉs sur lโรฉpicondyle et lโรฉpitrochlรฉe (Figure 3).
Toutefois, quelques limitations existent ร ces mesures. La premiรจre est la portรฉe des camรฉras, qui restreint le champ dโanalyse ร quelques dizaines de mรจtres carrรฉs, en fonction de la quantitรฉ de camรฉras utilisรฉes. Pour y pallier dans le cas du cyclisme, trois principales mรฉthodes expรฉrimentales ont รฉtรฉ utilisรฉes : lโutilisation dโun ergocycle (Bini, Hume, and Kilding 2014; Martin and Brown 2009), celle dโun tapis roulant motorisรฉ (Stone and Hull 1995; Duc et al. 2008), ou encore lโenregistrement en un point fixe sur un vรฉlodrome (Bertucci, Taiar, and Grappe 2005), qui ne permet donc pas un enregistrement en continu. Une seconde limitation est que si la prรฉcision du repรฉrage des marqueurs dans lโespace est devenue acceptable, le mouvement de ces derniers ne reproduit pas exactement celui des os du corps humain en raison dโartefacts liรฉs aux mouvements des tissus mous (Thouzรฉ et al. 2013; Dumas et al. 2014). En particulier dans le cas du cyclisme, la cinรฉmatique de la hanche a รฉtรฉ dรฉcrite comme mesurรฉe de faรงon imprรฉcise par lโenregistrement du mouvement dโun marqueur collรฉ ร la surface de la peau au niveau de la tubรฉrositรฉ proximale du fรฉmur (grand trochanter). Neptune et Hull (1995, 1997) ont รฉtudiรฉ cette problรฉmatique et montrรฉ que lโerreur sur la position du centre articulaire de la hanche dans le plan saggital pouvait atteindre 4 cm (Figure 4).
Figure 4 (Gauche): modรจle expรฉrimental utilisรฉ par Neptune et Hull (1995). Noter la triade de marqueurs associรฉe ร un pin intracortical fixรฉ ร lโarticulation de la hanche et utilisรฉ comme standard afin de mesurer lโerreur cinรฉmatique entraรฎnรฉe par diffรฉrentes configurations de marqueurs. (Droite) : Position du centre articulaire de la hanche au cours dโun cycle de pรฉdalage ร 225 W et 90 RPM. STD : rรฉfรฉrence basรฉe sur le pin intracortical. TRO : marqueur cinรฉmatique placรฉ sur le Grand Trochanter. ASIS : mรฉthode basรฉe sur lโutilisation dโun marqueur placรฉ sur lโรฉpine illiaque antรฉro-supรฉrieure.
Pour diminuer cette erreur, ces auteurs proposent lโutilisation dโune mรฉthode basรฉe sur lโutilisation dโun marqueur placรฉ sur lโรฉpine illiaque antรฉro-supรฉrieure. Lโimportance de la prรฉcision de la cinรฉmatique รฉtant fondamentale lors de lโanalyse biomรฉcanique, et en particulier pour lโapplication de mรฉthodes de dynamique inverse, dโautres mรฉthodes ont รฉtรฉ proposรฉes. La mรฉthode ยซ SCoRE ยป (pour Symetrical Center of Rotation Estimation, voir Figure 5) est lโune dโentre elles et a notamment รฉtรฉ utilisรฉe dans les articles proposรฉs dans le 3รจme chapitre de cette thรจse (Ehrig et al. 2006; Monnet et al. 2007). Son principe est dโestimer la position relative du centre articulaire en recherchant un point commun moyen appartenant ร la fois au segment proximal et au segment distal, et implique donc de connaรฎtre la position et la matrice de rotation de ces deux segments et nรฉcessitent la rรฉalisation dโun enregistrement prรฉalable sollicitant les mouvements de flexion-extension, abduction-adduction et de rotation interne et externe de lโarticulation รฉtudiรฉe (Begon, Monnet, and Lacouture 2007). Cette mรฉthode a รฉtรฉ dรฉcrite en dรฉtail dans la littรฉrature (Hayot 2010; Villeger 2014) et permet la localisation de lโarticulation de la hanche avec une prรฉcision de 1,2 mm (Ehrig et al. 2006) et de 3 mm pour lโรฉpaule (Monnet et al. 2007).
Figure 5 : localisation du centre articulaire de la hanche par la mรฉthode SCoRE. R0 dรฉsigne le rรฉfรฉrentiel global (du laboratoire), Rc le rรฉfรฉrentiel local associรฉ ร la cuisse, et Rba le rรฉfรฉrentiel local associรฉ au pelvis. Les points verts rรฉprรฉsentent les marqueurs passifs permettant la mesure de la cinรฉmatique du bassin, et les carrรฉs noirs pour la cuisse. Le point rouge est le centre articulaire de la hanche dont la position est estimรฉe ร lโaide de la mรฉthode SCoRE. (Adaptรฉ dโHayot, 2010).
Malgrรฉ lโamรฉlioration de la prรฉcision de la cinรฉmatique grรขce ร cette mรฉthode, elle reste simplificatrice car dรฉcrivant le mouvement de centre de rotation moyen, alors que les articulations humaines possรจdent des centres de rotation instantanรฉs et donc mobiles du fait de la gรฉomรฉtrie des surfaces de contact osseuses.
Enfin, une derniรจre source dโerreur en cinรฉmatique rรฉside dans la propagation des erreurs dans la mesure des positions lors des opรฉrations de dรฉrivation. Pour y remรฉdier, des mรฉthodes dโoptimisation du signal existent (Cahouรซt, Martin, et Amarantini (2002). Lโapproche la plus simple et la plus utilisรฉe est de filtrer le signal ร lโaide de filtres de type Butterworth, appliquรฉs en aller-retour afin dโรฉliminer le dรฉphasage temporel crรฉรฉ (Winter, 1990). Afin dโen dรฉterminer de faรงon objective la frรฉquence de coupure passe-bas, une approche est de conserver un certain pourcentage de la puissance spectrale dรฉterminรฉe par transformรฉe de Fourier (Amarantini 2003; Kamen and Gabriel 2010 / Figure 6).
Figure 6 : exemple de reprรฉsentation graphique de spectres de puissances de signaux cinรฉmatiques et analogiques dรฉterminรฉs par transformรฉe de Fourier et permettant la dรฉfinition objective dโune frรฉquence de coupure passe-bas permettant la conservation dโau moins 90% du signal (adaptรฉ dโAmarantini, 2003).
Lโobjectif des procรฉdures de filtrage est dโรฉliminer une partie des sources de perturbation du signal non dรฉsirรฉes liรฉes notamment aux vibrations des marqueurs passifs, aux mouvements des cรขbles dans le cas de la mesure รฉlectromyographique, ou encore ร lโimprรฉcision instantanรฉe inhรฉrente ร toute mesure physique.
Les donnรฉes anthropomรฉtriques (masses et rayons de giration des diffรฉrents segments corporels) ont aussi une importance cruciale dans lโanalyse biomรฉcanique. Ces derniรจres constituent une donnรฉe dโentrรฉe dans le calcul des moments dynamiques au niveau des articulations. Elles sont gรฉnรฉralement issues de statistiques basรฉes sur la taille et la masse de diffรฉrentes populations, reportรฉes dans des tables anthropomรฉtriques. Le choix de la table anthropomรฉtrique utilisรฉe se doit donc รชtre adaptรฉ ร la population รฉtudiรฉe et peut constituer une source dโerreur (Rao et al. 2006).
Dans le cadre de ces travaux de thรจse, la table anthropomรฉtrique proposรฉe par de Leva (1996) a รฉtรฉ utilisรฉe au vu de la population de jeunes sportifs รฉtudiรฉe (Figure 7).
Mesure des Efforts Externes
La mesure des efforts externes permet de caractรฉriser lโintรฉraction entre le cycliste et sa bicyclette. Lors du pรฉdalage en position assise, cinq appuis existent et sont rรฉpartis sur les pรฉdales, le cintre et la selle. Dรจs ses dรฉbuts en lโan 1896, la littรฉrature scientifique sโest focalisรฉe sur la mesure des efforts appliquรฉs sur les pรฉdales (Figure 8). Ces premiers ยซ cyclographes ยป avaient dรฉjร permis de noter la prรฉsence de forces anti-propulsives lors du pรฉdalage. Les mรฉthodes se sont ensuite modernisรฉes progressivement (Hoes et al. 1968; Sargeant and Davies 1977) pour permettre des mesures en 3 dimensions (Stone and Hull 1995; Gregersen and Hull 2003). En parallรจle, en 1986, ont รฉtรฉ dรฉveloppรฉs les premiers capteurs SRM (Schoberer Rad Messtechnik, Jรผlich, Allemagne) permettant la mesure embarquรฉe de la puissance mรฉcanique dรฉveloppรฉe au niveau de lโaxe de pรฉdalier.
La mesure de la puissance mรฉcanique appliquรฉe sur les pรฉdales en cyclisme est fondamentale car cโest dโelle que dรฉpend la vitesse de dรฉplacement dโun cycliste en fonction des forces extรฉrieures appliquรฉes sur lui (traรฎnรฉe aรฉrodynamique, poids et frottements des pneus et de la transmission, principalement). Lโusage des capteurs de puissance se dรฉmocratise et lโoffre se diversifie avec actuellement plus dโune dizaine de fabricants sur le marchรฉ. Mรฉcaniquement, la puissance mรฉcanique dรฉveloppรฉe au niveau de lโaxe du pรฉdalier dรฉpend de trois facteurs : la longueur de la manivelle, la valeur de la force appliquรฉe sur la pรฉdale perpendiculairement ร la manivelle (le produit de ces deux premiรจres variables reprรฉsentant le couple mรฉcanique), et la vitesse de rotation des manivelles. Il est ร noter dans cette รฉquation que seule la composante normale ร la manivelle de la force appliquรฉe sur la pรฉdale crรฉรฉe un travail mรฉcanique, la partie restante nโรฉtant pas propulsive, mais pas non plus gratuite en terme dโeffort musculaire ou de contrainte articulaire. La puissance mรฉcanique au pรฉdalier nโรฉtant pas suffisante pour quantifier lโeffort global du systรจme musculo-squelettique, il est nรฉcessaire de quantifier les torseurs mรฉcaniques ร chaque contact entre le cycliste et sa bicyclette. Peu dโรฉtudes ont รฉtรฉ consacrรฉes ร la mesure des efforts appliquรฉs sur le cintre et la selle. Les premiers dynamomรจtres permettant ce type de mesure datent de 1985 (Bolourchi et Hull, 1985 / Figure 9).
Dรฉtermination du Torseur des Actions Mรฉcaniques par Dynamique Inverse
La combinaison des mesures de la cinรฉmatique, anthropomรฉtriques et des efforts externes exposรฉs prรฉcรฉdemment permet lโapplication de la ยซ dynamique inverse en bottom-up ยป. Par lโapplication des lois fondamentales de Newton et dโEuler, ce procรฉdรฉ permet lโestimation du torseur des actions mรฉcaniques aux articulations. A partir de ces torseurs, le travail, la puissance et lโรฉnergie dรฉveloppรฉs peuvent รชtre calculรฉs. Les forces rรฉsultantes au niveau des articulations sont associรฉes aux forces de contact inter-articulaires, tandis que les couples dรฉveloppรฉs sur ces mรชmes articulations sont principalement associรฉs ร la crรฉation de force par les diffรฉrents actionneurs du corps humain (muscles, tendons et ligaments) et ร leurs caractรฉristiques visco-รฉlastiques (Figure 10). Il est aussi ร noter que la contraction dโun chef musculaire agoniste dโune articulation est systรจmatiquement associรฉe ร une co-contraction plus ou moins importante des chefs antagonistes, qui crรฉent donc un couple articulaire opposรฉ ร celui des agonistes. Les couples rรฉsultants sont donc associรฉs aux couples crรฉรฉs simultanรฉment par les agonistes et par les antagonistes (Amarantini and Martin 2004)
Figure 10 : reprรฉsentation schรฉmatique des principaux muscles actionneurs du membre infรฉrieur. Ma, Mk et Mh reprรฉsentent les moments rรฉsultants au niveau de la cheville, du genou et de la hanche, respectivement. (Adaptรฉ de Poirier, 2009).
Cette technique qui permet de dรฉterminer les actions mรฉcaniques appliquรฉes ร un solide rigide est basรฉe sur la deuxiรจme loi de Newton (1687) : (Equation 1) reprรฉsente la masse du solide S รฉtudiรฉ, lโaccรฉlรฉration de son centre de gravitรฉ (G) par rapport ร un rรฉfรฉrentiel galilรฉen , la somme des forces extรฉrieures sโexerรงant sur S, le moment dynamique en un point A quelconque et la somme des moments des forces. Avec ou est le tenseur dโinertie en A du solide รฉtudiรฉ et la vitesse de rotation du solide.
Afin de dรฉterminer le torseur des actions mรฉcaniques au niveau des articulations du corps humain, cette procรฉdure implique lโutilisation dโun modรจle faisant lโhypothรจse que chaque segment humain est un solide indรฉformable (de masse constante et de centres de masse et dโinertie fixes par rapport au segment), et que ces derniers sont reliรฉs par des articulations ne produisant pas de force de friction.
Pour exemple dans le cas du cyclisme, le moment articulaire rรฉsultant au niveau de la cheville (de la jambe sur le pied, notรฉ sโexprime de la faรงon suivante : (Equation 2) Oรน est le moment liรฉ ร lโaction de la pesanteur sur le pied, est le moment des efforts de rรฉaction mesurรฉs par la pรฉdale instrumentรฉe, et est le moment dynamique du pied au niveau de la cheville dans le rรฉfรฉrentiel du laboratoire.
Le principe de la dynamique inverse ยซ bottom-up ยป est dโitรฉrer ces calculs au segment proximal suivant par dรฉduction. Consรฉquemment, le moment articulaire rรฉsultant au niveau du genou peut รชtre รฉcrit : (Equation 3) dynamique de la jambe au niveau du genou dans le rรฉfรฉrentiel du laboratoire. Il est ร noter que la prรฉcision finale des donnรฉes de sortie de la dynamique inverse est liรฉe ร celle des donnรฉes dโentrรฉe au niveau de la cinรฉmatique, de lโanthropomรฉtrie et de la mesure des efforts (Amarantini, 2003).
Calcul des Puissances aux Articulations
Dans le cadre de lโanalyse biomรฉcanique du cyclisme, les puissances dรฉveloppรฉes au niveau des articulations ont aussi รฉtรฉ source dโintรฉrรชt (G. Caldwell, van Emmerik, and Hamill 2000; Martin and Brown 2009; Elmer et al. 2011; McDaniel et al. 2014). Ces derniรจres peuvent รชtre calculรฉes sur la base du calcul des couples articulaires prรฉsentรฉs lors des paragraphes prรฉcรฉdents. Un des intรฉrรชts du calcul de ces puissances est sous-jacent ร lโapplication du thรฉorรจme de lโรฉnergie mรฉcanique pour les systรจmes physiques conservatifs. Ce thรจorรจme indique que la variation dโรฉnergie mรฉcanique dโun solide isolรฉ dans un rรฉfรฉrentiel galilรฉen est รฉgale ร la somme des travaux des forces non conservatives internes et externes qui sโexercent sur le solide considรฉrรฉ.
Analyse Electromyographique
Lโรฉlectromyographie (souvent abrรฉgรฉe ยซ EMG ยป) est dรฉfinie comme ยซ lโรฉtude fonctionnelle du muscle ร travers le recueil et lโanalyse du signal รฉlectrique gรฉnรฉrรฉ par les muscles en contraction ยป (De Luca 1997). Dโun point de vue physiologique, ce signal รฉlectrique est le rรฉsultat de la stimulation de la cellule musculaire par les motoneurones alpha qui crรฉent un potentiel dโaction musculaire au niveau de la plaque motrice, qui en se propageant le long du sarcolemme provoque le dรฉclenchement de la contraction. Cette activitรฉ รฉlectrique peut รชtre mesurรฉe de faรงon invasive ร lโaide dโรฉlectrode-aiguilles placรฉes en sous-cutanรฉ, ou de maniรจre non invasive ร lโaide dโรฉlectrodes collรฉes ร la surface de la peau, on parle alors ยซ dโEMG de surface ยป. La mรฉthode invasive รฉtant difficilement applicable ร lโanalyse du mouvement, lโรฉlectromyographie de surface, pourtant moins prรฉcise, lui est majoritairement prรฉfรฉrรฉe. Dans le cadre de cette mรฉthode, et aprรจs un traitement de la surface de la peau incluant rasage et nettoyage (www.seniam.org), le doublet dโรฉlectrodes enregistre la diffรฉrence de potentiel entre deux points du muscle. La tension รฉlectrique mesurรฉe reprรฉsente la somme algรฉbrique des potentiels dโaction musculaires (Day and Hulliger 2001) et donne une reprรฉsentation du nombre dโunitรฉs motrices activรฉes et de leur frรฉquence de dรฉcharge (Figure 12). Cette rรฉprรฉsentation nรฉcessite plusieurs prรฉcautions quant ร son interprรฉtation. En effet, certains facteurs physiologiques et non physiologiques peuvent influencer la forme du signal EMG recueilli (Farina, Merletti, and Enoka 2004).
Effets de la position sur les variables mรฉcaniques
Par analogie au fait que la course soit prรฉfรฉrรฉe ร la marche pour les vitesses รฉlevรฉes de dรฉplacement, la position en danseuse est souvent prรฉfรฉrรฉe ร celle assise lorsquโil est nรฉcessaire de dรฉvelopper des puissances mรฉcaniques รฉlevรฉes. Hansen et Waldeland (2008) ont testรฉ sur tapis roulant motorisรฉ le temps de soutien maximal dans les deux positions ร diffรฉrents pourcentages de la puissance correspondant ร la consommation maximale dโoxygรจne dรฉterminรฉe lors dโun test incrรฉmental (Figure 18).
Figure 18 : temps de soutien ร diffรฉrents pourcentages de la puissance correspondant ร la consommation maximale dโoxygรจne en position assise et danseuse. Trait plein : Assis. Trait pointillรฉ :
Danseuse. (Adaptรฉ de Hansen et Waldeland, 2008).
Cette รฉtude montre que le temps de soutien est maximisรฉ pour la plupart des participants ร basse puissance en position assise, et ร haute puissance en position danseuse. La puissance de transition thรฉorique reprรฉsentait en moyenne 94% de la puissance correspondant ร la consommation maximale dโoxygรจne dรฉterminรฉe lors dโun test incrรฉmental en position assise. Dโautres รฉtudes ont montrรฉ la supรฉrioritรฉ de la position en danseuse pour la production de puissance mรฉcanique. Reiser et al. (2002) ont montrรฉ que la puissance dรฉveloppรฉe รฉtait supรฉrieure au cours de plusieurs tests de Wingate (รฉpreuve de pรฉdalage maximale de 30 secondes) rรฉalisรฉs sur ergocycle, avec en moyenne 11 ยฑ 0,4 W.kg-1 en position danseuse contre 10,4 ยฑ 0,6 W.kg-1 en position assise. Millet et al. (2002) ont publiรฉ des rรฉsultats similaires sur 30 secondes (803 ยฑ 103 W en danseuse vs 635 ยฑ 123 W assis). McLester et al. (2004) ont quant ร eux montrรฉ que la puissance dรฉveloppรฉe au cours de 3 tests de Wingate rรฉpรฉtรฉs รฉtait amรฉliorรฉe lors de la 3รจme rรฉpรฉtition en raison dโune plus faible perte de puissance au cours des 30 secondes.
Plusieurs รฉtudes ont montrรฉ que cette augmentation de puissance en danseuse sโaccompagne gรฉnรฉralement dโune diminution de la cadence de pรฉdalage spontanรฉment utilisรฉe (Millet et al. 2002; Harnish, King, et Swensen 2007; Lucรญa, Hoyos, et Chicharro 2001).
Du point de vue des couples articulaires, le couple de flexion plantaire ainsi que celui dโextension du genou augmenteraient en danseuse (Li et Caldwell 1998; Caldwell et al. 1999 / Figure 19).
Figure 19 : patterns de moments articulaires en fonction de lโangle de la manivelle. LS : position assise sur terrain plat. US : position assise sur terrain en pente de 8%. ST : position danseuse sur pente de 8%. (Adaptรฉ de Li et Caldwell, 1998).
Une seule รฉtude a testรฉ lโeffet de la position sur une fonction de coรปt (Gonzalez and Hull 1989) basรฉe sur les moments articulaires (Poirier, Do, and Watier 2007 / Figure 20).
Cette รฉtude montre que la position choisie spontanรฉment minimiserait la fonction de coรปt utilisรฉe. Ces rรฉsultats ont รฉtรฉ confirmรฉs dans un contexte expรฉrimental diffรฉrent dans la section III.8 de cette de thรจse. Lโรฉtude de Poirier et al. (2007) montre aussi un dรฉcalage des valeurs dโangle et de valeur du maximum de couple appliquรฉ ร lโaxe mรฉdiolatรฉral du pรฉdalier (Figure 21). Ce rรฉsultat est retrouvรฉ dans dโautres รฉtudes (Caldwell et al. 1998; Li and Caldwell 1998).
Effet de la position sur les variables physiologiques
Dโun point de vue physiologique, de nombreuses รฉtudes se sont intรฉressรฉes ร la distinction entre position assise et danseuse du point de vue de la consommation dโoxygรจne, de la frรฉquence cardiaque, de la perception de lโeffort, du rendement et de lโactivitรฉ รฉlectromyographique.
Au niveau de la consommation dโoxygรจne, la position assise a รฉtรฉ montrรฉe comme moins coรปteuse ร faible puissance de pรฉdalage (Ryschon et Stray-Gundersen 1993; Tanaka et al. 1996), mais aucune diffรฉrence nโa pu รชtre observรฉe entre les deux positions ร haute puissance (Harnish, King, et Swensen 2007; Millet et al. 2002; Tanaka et al. 1996). Le rendement ne semble pas non plus diffรฉrent entre les deux positions pour du pรฉdalage sur le terrain ร une puissance correspondant ร 75% de celle correspondant ร la consommation maximale dโoxygรจne dรฉterminรฉe lors dโun test incrรฉmental en position assise (Millet et al., 2002). La frรฉquence cardiaque a รฉtรฉ dรฉcrite comme plus รฉlevรฉe en danseuse (Millet et al., 2002 ; Tanaka, 1996). Poirier montre des rรฉsultats lรฉgรจrements diffรฉrents avec une frรฉquence cardiaque plus faible assis lors du pรฉdalage ร faible puissance, et une absence de diffรฉrence ร haute puissance (Figure 23).
Au niveau de la perception de lโeffort, seulement deux รฉtudes ont comparรฉ les deux positions. Millet et al. (2002) nโont pas montrรฉ de diffรฉrence significative entre les deux positions pour deux niveaux de puissance, tandis que Poirier (2009) a confirmรฉ ce rรฉsultat pour une plus large รฉtendue de puissance.
Enfin, au niveau de lโactivitรฉ รฉlectromyographique, la littรฉrature suggรจre des diffรฉrences dans les profils temporels et les niveaux dโactivation de plusieurs muscles (Li and Caldwell 1998, Figure 24). Par exemple, Duc et al. (2008) ont montrรฉ une diminution du niveau de lโactivitรฉ du semimembranosus en danseuse, ainsi quโune importante augmentation du niveau dโactivitรฉ des muscles du bras (Triceps Brachii et Biceps Brachii) et du tronc (Rectus Abdominis et Ilio-Costalis) dans cette position. Au contraire, Li et Caldwell (1998) ont montrรฉ des niveaux dโactivation augmentรฉs des muscles gluteus maximus, tibialis anterior, et rectus femoris en danseuse (Figure 24). Poirier (2009) montre quant ร lui une diminution du temps dโactivation du biceps femoris en danseuse. Du point de vue des synergies musculaires, aucun avantage dโune position sur lโautre nโa pรป รชtre dรฉmontrรฉ ร ce jour (Hug et al. 2011) : les synergies musculaires des membres infรฉrieurs semblent identiques dans les deux positions et seul un dรฉcalage temporel au cours du cycle permet de les distinguer.
EFFET DE LA POSITION ET DE LA PUISSANCE SUR LA DYNAMIQUE DES MEMBRES SUPERIEURS
Ce premier article acceptรฉ dans la revue ยซ Journal of Applied Biomechanics ยป est intitulรฉ ยซ Influence of Position and Power Output on Upper Limb Kinetics in Cycling ยป. Faisant le constat du faible nombre dโรฉtudes consacrรฉes ร lโanalyse du rรดle du membre supรฉrieur en cyclisme, et des quelques donnรฉes indiquant un potentiel effet de la puissance et de la position (assis vs danseuse), notre objectif a รฉtรฉ de prรฉsenter pour la premiรจre fois une analyse du rรดle mรฉcanique du membre supรฉrieur en cyclisme. Basรฉe sur une analyse de dynamique inverse des actions mรฉcaniques effectuรฉes au niveau du poignet, du coude et de lโรฉpaule avec comme donnรฉes dโentrรฉe la cinรฉmatique du membre supรฉrieur et les efforts rรฉsultant au niveau du cintre, lโรฉtude a portรฉ sur un รฉchantillon prรฉliminaire de 17 participants. Les rรฉsultats montrent que la puissance de pรฉdalage et la position ont un effet sur 43 des 58 variables mรฉcaniques รฉtudiรฉes. En position assise et ร faible puissance, le membre supรฉrieur semble nโavoir quโun rรดle รฉquilibrateur et de support du tronc. A partir du niveau de puissance correspondant ร la transition spontanรฉe en danseuse, les actions mรฉcaniques des articulations du membre supรฉrieur associรฉes ร la traction sur le cintre apparaissent. Suite ร cette analyse, une question sโest posรฉe : pourquoi les participants tirent-ils sur le cintre ร haute puissance ? Une hypothรจse explicative serait que lโactivation des membres supรฉrieurs permettrait une activation plus importante des muscles du membre infรฉrieur (Ebben, Leigh, et Geiser 2008; Turpin et al. 2014). Toutefois, cette action de traction pourrait-elle nโavoir quโune explication mรฉcanique ?
LA TRANSITION ASSIS-DANSEUSE EST ASSOCIEE A UNE MINIMISATION DE FONCTIONS DE COUT
Ce quatriรจme article intitulรฉ ยซ Minimization Of Cost Functions Is Associated With The Sit-Stand Transition In Cycling ยป est en rรฉvision pour la revue ยซ Journal of Biomechanics ยป. A lโimage de la transition de la marche vers la course, largement รฉtudiรฉe chez lโhumain, notre hypothรจse est que la transition assis-danseuse pourrait elle aussi avoir une explication multifactorielle (Raynor et al. 2002). A la suite des travaux prรฉcurseurs de Gonzalez and Hull (1989) sur lโusage de fonctions de coรปt mรฉcanique adaptรฉes ร lโรฉtude du pรฉdalage, et des travaux de thรจse de Poirier (2009) ayant montrรฉ une minimisation dโune ยซ Moment Cost Function ยป dans la position spontanรฉment choisie en cyclisme, diffรฉrents objectifs ont รฉtรฉ proposรฉs. Le premier a รฉtรฉ de tester ร nouveau lโeffet de la puissance de pรฉdalage sur une fonction de coรปt basรฉe sur les moments articulaires afin de confirmer les rรฉsultats de Poirier en utilisant un autre protocole incrรฉmental conduisant ร la transition assis-danseuse. En profitant dโavancรฉes techniques, cette fonction de coรปt a รฉtรฉ actualisรฉe par lโutilisation dโun procรฉdรฉ de dynamique inverse en 3 dimensions au lieu de 2, et par lโutilisation dโune mรฉthode dโadimensionnalisation des rรฉsultats (Hof 1996). Un second objectif a รฉtรฉ de tester une autre fonction de coรปt basรฉe sur lโactivitรฉ รฉlectromyographiques de plusieurs chefs du membre infรฉrieur (MacIntosh, Neptune, and Horton 2000). Enfin, un troisiรจme objectif a รฉtรฉ de tester la corrรฉlation entre ces deux fonctions. En effet, si cette derniรจre paraรฎt รฉvidente en thรฉorie, de nombreuses limitations pratiques (participation dโefforts non musculaires dans les couples articulaires, prรฉcision relative de la dynamique inverse, non-linรฉaritรฉ de la relation EMG-force, non exhaustivitรฉ des chefs musculaires รฉtudiรฉs, pondรฉration des donnรฉes de chaque muscle dans la fonction de coรปt EMG…) pourraient limiter cette association entre les donnรฉes รฉlectrophysiologiques et mรฉcaniques. Les rรฉsultats de cette รฉtude ont montrรฉ que les deux fonctions sont hautement corrรฉlรฉes et minimisรฉes dans la position spontanรฉment choisie par les participants. Ces rรฉsultats confirment ceux de Poirier (2009) et apportent de nouvelles pistes pour amรฉliorer la sensibilitรฉ de fonctions de coรปt reprรฉsentatives des efforts musculaires du membre infรฉrieur, ces derniรจres รฉtant minimisรฉes dans la position spontanรฉment choisie par le cycliste, et proposant donc un nouveau critรจre explicatif de la transition assis-danseuse en cyclisme.
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Table des matiรจres
I) INTRODUCTION GENERALE
II) ETAT DE LโART
II.1. CONSIDรRATIONS MรTHODOLOGIQUES
II.1.1. Analyse Cinรฉmatique et Anthropomรฉtrique
II.1.2. Mesure des Efforts Externes
II.1.3. Dรฉtermination du Torseur des Actions Mรฉcaniques par Dynamique Inverse
II.1.4. Calcul des Puissances aux Articulations
II.1.5. Analyse Electromyographique
II.1.6. Fonctions de Coรปt
II.2. POSITION ASSISE VERSUS POSITION DANSEUSE
II.2.1. Introduction
II.2.2. Effet de la position sur les variables mรฉcaniques
II.2.3. Effet de la position sur les variables physiologiques
III) CONTRIBUTIONS PERSONNELLES
III.1. INTRODUCTION
III.2.PLATEAU EXPรRIMENTAL
III.3. ETUDE 1 : EFFET DE LA POSITION ET DE LA PUISSANCE SUR LA DYNAMIQUE DES MEMBRES SUPERIEURS
III.4. ETUDE 2 : PATTERNS DโACTIVร MUSCULAIRE DES MEMBRES SUPรRIEURS ET DU TRONC PENDANT LE PรDALAGE ASSIS ET EN DANSEUSE
III.5. ETUDE 3 : AUGMENTATION DE PUISSANCE ET MESURE DES EFFORTS APPLIQUรS SUR LA BICYCLETTE
III.6. ETUDE 4 : UNE DIMINUTION DE LA FORCE VERTICALE SUR LA SELLE DECLENCHE LA
TRANSITION ASSIS-DANSEUSE
IV.7. ETUDE 5 : PATTERNS DโACTIVITร MUSCULAIRE ASSOCIรS AVEC LA TRANSITION ASSISDANSEUSE EN CYCLISME : MODULARITร ET PREUVES DโUNE TRANSITION OPTIMALE
III.8. ETUDE 6 : LA TRANSITION ASSIS-DANSEUSE EST ASSOCIEE A UNE MINIMISATION DE FONCTIONS DE COUT
IV) CONCLUSION ET PERSPECTIVES
V) ANNEXES
IV.1. INTRODUCTION
IV.2. ETUDE 7 : AN INVERSE DYNAMIC STUDY SUGGESTS THAT CYCLISTS MARGINALLY USE HIP JOINT TORQUE AT MAXIMAL POWER
IV.3. ETUDE 8 : TRANSFERABILITY BETWEEN ISOLATED JOINT TORQUES AND A MAXIMUM POLYARTICULAR TASK : A PRELIMINARY STUDY
IV.4. ETUDE 9 : SELECTIVE MUSCLE CONTRACTION IS INCOMPATIBLE WITH MAXIMAL VOLUNTARY TORQUE ASSESSMENT
IV.5.PROPOSITION DโAPPROCHE ADIMENSIONNELLE DU CYCLISME
IV.6. ETUDE 10 : VARIABILITY IN THE SPATIAL STRUCTURE OF MUSCLE COORDINATION ASSOCIATED WITH THE SIT-TO-STAND TRANSITION IN PEDALING
BIBLIOGRAPHIE
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