Les ETM en milieu marin
La présence d’ETM dans le milieu marin résulte à la fois :
– De processus naturels, principalement via l’érosion des sols et des roches (Ralph et al., 2006), mais également des dépôts atmosphériques (poussières provenant des éruptions volcaniques et des incendies de forêts (Joiris et al., 1999).
– De l’activité anthropique avec les rejets urbains, les effluents industriels, les exploitations minières, les activités agricoles (Ralph et al., 2006). Les utilisations, les sources mais également les impacts environnementaux des ETM sont multiples (Tableau 1). La biodisponibilité des ETM en milieu marin est influencée par de nombreux paramètres biotiques et abiotiques comme le pH de l’eau et des sédiments, la taille des particules en suspension, le potentiel redox, la matière organique dissoute, la température de l’eau, la salinité et la concentration des autres métaux (Ralph et al., 2006). Ces paramètres physicochimiques ont une grande influence sur les phénomènes de disponibilité des ETM. En effet, ceux-ci peuvent :
Rester en solution,
Etre adsorbés sur des particules sédimentaires,
Précipiter sur le fond,
Ou être ingérés (absorbés) par les organismes et s’accumuler ainsi dans leurs tissus jusqu’à atteindre des concentrations toxiques (Ifremer, 2001 ; Ralph et al., 2006).
Le cuivre
Elément chimique métallique de couleur rouge-brun, de symbole Cu et NA 29. Il est indispensable au métabolisme des êtres vivants (oligo-éléments). L’ion Cu2+ forme de nombreux complexes stables avec des ligands minéraux, comme les chlorures ou l’ammonium, ou avec des ligands organiques (ATSDR, 1990 ; Dameron et Howe, 1998). Dans les milieux aqueux, le comportement du cuivre est influencé par de nombreux processus :
Complexation avec des ligands organiques (surtout sur les groupes NH2 et SH, et dans une moindre mesure sur le groupe OH) ou minéraux,
Adsorption sur des oxydes métalliques, des argiles ou des matières organiques particulaires,
Bioaccumulation, présence de cations de compétition (Ca2+, Fe2+, Mg2+).
Echanges entre les sédiments et l’eau (ATSDR, 1990 ; Dameron et Howe, 1998).
L’oxyde cuivreux Cu2O est insoluble dans l’eau alors que les formes CuSO4, Cu (OH)2 et CuCl2 le sont. La majorité du cuivre rejeté dans l’eau est sous forme particulaire et tend à se déposer, à précipiter ou à s’adsorber à la matière organique, au fer hydraté, aux oxydes de manganèse ou aux argiles. Dans l’eau, le cuivre particulaire représenterait de 40 à 90 % du cuivre (ATSDR, 1990). Après introduction du cuivre dans le milieu aquatique, l’équilibre chimique est généralement atteint en 24 heures.
Propriétés biologiques et toxicité du cuivre
Le cuivre est indispensable au métabolisme des êtres vivants (Clemens, 2001 ; MuñozOlivas et Cámara, 2001 ; Gaetke et Chow, 2003 ; Elisabetta et Gioacchino, 2004). Le cuivre est un élément essentiel chez l’homme et l’animal. Il est impliqué dans de nombreuses voies métaboliques, notamment pour la formation d’hémoglobine et la maturation des polynucléaires neutrophiles. De plus, il est un cofacteur spécifique de nombreuses enzymes et métalloprotéines de structure intervenant dans un métabolisme oxydatif, la respiration cellulaire, la pigmentation (OMS.IPCS, 1998). Il a une importance capitale dans l’entretien des processus biologiques. Chez les mollusques, le sang renferme un pigment respiratoire à base de cuivre, l’hémocyanine. Cependant, en excès, il peut interférer avec de nombreux processus physiologiques et devenir alors toxique (De Vos et al., 1991 ; Fernandes et Henriques, 1991 ; Ouzounidou et al., 1992 ; Chang et Sibley, 1993). Chez l’homme, une forte exposition au cuivre entraîne des cirrhoses du foie, des épisodes d’hémolyse et dommages au niveau des reins, du cerveau et d’autres organes (Winge et Mehra, 1990 ; Goyer et Clarkson, 2001). La toxicité vis à vis des organismes marins dépend de la forme chimique du cuivre et de son état d’oxydation. En particulier, la concentration létale en 48 h pour 50 % des larves d’huîtres plates serait de 1 à 3 μg/L et des inhibitions de croissance du phytoplancton se produisent à partir de 4 μg/l. Les caractéristiques physico-chimiques du milieu (pH, dureté, teneurs en autres éléments inorganiques) agissent sur le degré de dissociation entre les formes métalliques et ioniques. Le cuivre complexé est moins toxique que le cuivre à l’état ionique.
Principales pressions anthropiques le long de la côte Algérienne
Près de 45% de la population Algérienne réside et active dans les wilayas littorales. En 1998 la population littorale était de 12 564 151 habitants, soit une augmentation de près de 2 millions d’habitants depuis 1987. Cette tendance s’est maintenue, voire accentuée dans certaines zones jusqu’au milieu des années 2000. La population littorale augmente considérablement en période estivale. La densité de la population littorale est également importante : en 1998, elle était de 280.9 hab./km² pour une moyenne nationale de 12.2 hab./km², soit un facteur de près de 23. La population du domaine exclusivement littorale présente une densité très élevée, soit près de 800 hab/km², très loin de la moyenne nationale. Cette forte pression humaine qui, le plus souvent, s’explique par des considérations socio-économiques, génère de fortes pollutions multiformes (organique, chimique, thermique, bactérienne…) qui ont nécessairement un impact sur l’organisation de la vie macrobenthique en zone côtière (Grimes, 2010). L’industrie algérienne dominée par les activités pétrochimique, chimique, sidérurgique et aujourd’hui agroalimentaire s’est concentrée dans la bande littorale où l’on recense plus de 50 % des unités industrielles nationales. La zone algéroise concentre à elle seule 38 % des unités industrielles du pays. Les villes d’Arzew et de Bethioua et celle de Skikda sont des pôles de l’industrie pétrochimique algérienne et à ce titre elles sont considérées comme les principales sources de pollution par les hydrocarbures auxquelles s’ajoutent de moindre manière les ports d’Alger et de Béjaia. Le Cadastre des déchets, réalisé par le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement (MATE), met en évidence la présence en zone littorale de 786 unités industrielles, 21 zones d’activités, 13 zones industrielles, 14 sablières, 27 carrières et 91 industries à risque. Les zones côtières les plus affectées par la pollution hydrique, sont adjacentes aux grandes métropoles (Alger, Oran, Annaba) ou bien voisines des complexes industrialoportuaires (Ghazaouet, Mostaganem, Arzew, Béjaia, Skikda). Ces zones sont le réceptacle de diverses sources de pollution (Grimes, 2010) :
(i) Les rejets domestiques des grandes villes maritimes ; Alger, Annaba et Oran sont les villes les plus exposées aux conséquences de la pollution organique.
(ii) Les rejets des industries chimiques et pétrochimiques ; même s’il est difficile d’être exhaustif et sans les hiérarchiser on retrouve : les métaux lourds, les hydrocarbures et les composés organiques, l’acide sulfurique, les matières fibreuses et les substances chromiques, les éléments basiques, les composés azotés, les cyanures, les catalyseurs usagés et les goudrons, la soude, les pesticides, les détergents les organo- chlorés.
(iii) Les rejets des centrales thermiques : les eaux de refroidissement des unités de SONELGAZ augmentent la température des eaux marines et leur teneur en chlore (Marsat El Hadjadj, Alger, Cap Djinet).
(iv) Le lessivage des sols des grands périmètres agricoles (littoral centre et plaine d’Annaba surtout) élève la teneur en éléments nutritifs des zones marines voisines (rejets dû à la fabrication des fertilisants agricoles à Annaba).
Les eaux usées sont l’une des causes majeures si ce n’est la plus importante source de dégradation de l’écosystème marin côtier algérien. Ces eaux usées chargées pour l’essentiel de matières organiques, de matières en suspension, de détergents et des huiles lubrifiantes génèrent des pollutions organiques et chimiques. Cette situation est aggravée par le déficit en traitement des eaux avant leur rejet en mer dans la plupart des cas. La quasitotalité des stations d’épuration ne sont pas opérationnelles ou bien fonctionnent par intermittence ou partiellement. Le déficit du prétraitement dans les entreprises et l’absence de prise en charge que pose l’élimination des boues d’épuration compliquent la situation. La couverture en stations d’épuration en zone côtière demeure faible, en effet sur les 68 stations d’épurations recensées pour tout le territoire algérien, 17 sont implantées en zone littorale dont 10 sont à l’arrêt et 2 fonctionnant partiellement ou par intermittence. En termes de capacité, les stations d’épuration fonctionnant normalement en zone littorale représentent seulement 25.59 % des stations littorales et 14.47 % des stations d’épurations nationales. Une capacité de traitement de 1 723 000 équivalent/habitant est faible en regard de la population littorale (Grimes, 2010).
Certaines villes côtières qui sont peu pourvues en unités industrielles en zone littorale sont par ailleurs responsables de pollutions spécifiques. C’est le cas de la ville de Ghazaouet pour son unité d’électrolyse de zinc et de la ville d’Annaba (complexe ASMIDAL) pour les composés azotés et phosphatés. Pour la région Ouest, les principales sources génératrices de déchets étant la zone industrielle d’Arzew qui génère le plus de déchets avec les boues et slops issues du raffinage du pétrole, du nettoyage et de l’entretien des bacs de stockage des hydrocarbures. La région centre se caractérise, quant à elle, par une forte production de déchets de plomb et le stockage d’accumulateurs au plomb (350000 t) stockés au sein de l’entreprise ENPEC (Grimes, 2010).
Adsorption des métaux sur les sédiments
L’adsorption des métaux sur les sédiments fait intervenir plusieurs types de phénomènes de surface : la précipitation, la co-précipitation et l’adsorption sur les composés minéraux et organiques. Dans le cas des métaux, les formes majeures sont adsorbées sur les particules minérales par des interactions ioniques ou liées à la matière organique formant ainsi des complexes métalliques par l’intermédiaire de liaisons covalentes. De plus, l’adsorption dépend selon Serpaud et al., (1994) de l’origine des substances et des conditions environnementales (pH, potentiel redox, etc.). L’influence de ces dernières est importante, car elles définissent les liens participant à la fixation des cations métalliques sur les sédiments, ainsi que les capacités d’adsorption, variables selon la nature du métal (Noppe, 1996).
Influence du pH : En général, l’acidification (pH <5) conduit à la solubilisation de Fe, Mn, Al et d’autres métaux. Par contre, quelques éléments (Pb) forment des sulfates insolubles à faible pH et faible condition redox, car la solubilité des sulfates est inversement proportionnelle au pH. De plus, l’augmentation du pH favorise l’adsorption métallique sur la fraction réductible des sédiments (oxydes de fer et de manganèse) (Chapman, 1992) et sa diminution augmente la toxicité des métaux.
Effet de la taille du grain : II existe une certaine hétérogénéité chimique du sédiment. L’interprétation de la qualité de l’eau à travers l’espace et le temps, basée sur l’analyse des métaux dans les sédiments nécessite de prendre en compte l’effet de la taille du grain. C’est un des facteurs les plus importants contrôlant la capacité du sédiment à adsorber les métaux lourds. Quand la taille du grain diminue, les concentrations augmentent. Or, deux techniques sont utilisées pour réduire l’effet de la taille du grain (Noppe, 1996). La première est une normalisation mathématique basée sur une analyse indépendante de la taille du grain. Mais, la corrélation entre la taille du grain et la variabilité des teneurs en métaux dépend de nombreux facteurs, ce qui exclut l’existence d’un facteur de normalisation universel (Horowitz et Elrick 1988). La seconde technique est une séparation physique suivie d’une analyse chimique, qui permet d’obtenir des valeurs plus précises, mais nécessite plus de sédiment. Dans le cas du sable, chacune des phases contribue à la surface totale alors que pour les sédiments fins, elles agissent comme inhibiteurs en cimentant les grains fins ensemble pour former des agrégats. Ceci peut expliquer pourquoi les fractions inférieures à 63 µm sont les plus importantes pour l’estimation des teneurs en métaux lourds des sédiments, car les particules les plus fines sont généralement les plus riches en éléments traces. De plus, quand la matière particulaire totale est considérée, la teneur en élément trace est généralement directement proportionnelle à la quantité de fraction la plus fine (Chapman ,1992).
Effet de la matière organique : La matière organique (MO) présente une aptitude particulière à se combiner avec les ETM (Davis, 1984). Ainsi, les processus de dégradation et floculation affecte qualitativement la MO (Sholkovitz et al., 1978; Wen et al., 1997; Abril et al., 2002; Lemaire et al., 2002) et peuvent directement influencer la spéciation des ETM (Mantoura et al., 1978; Mantoura, 1981). Nous notons que la dégradation de la MO peut aussi influencer localement les conditions physicochimiques comme le potentiel redox ou le pH, et ainsi indirectement induire des modifications entre les différentes phases des ETM. Lors de la diagénèse précoce, la colonne sédimentaire devient plus acide et plus réductrice, la force ionique augmente. Or, le pH, le redox et la force ionique sont les principaux paramètres contrôlant la fixation des métaux traces sur les particules. Ainsi la diagénèse va entraîner des évolutions du fractionnement solide-liquide au sein de la colonne sédimentaire : ceci concerne en particulier les métaux fixés sur la matière organique, les oxydes de manganèse et de fer, les phases sulfurées et carbonatées. (Fig.18).
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Table des matières
Introduction
I Généralités sur les contaminants métalliques
I.1 Les contaminants métalliques
I.1.1 Définitions et caractéristiques
I.1.2 Les ETM en milieu marin
I.1.3 Propriétés des ETM
I.1.4 Les ETM dans l’environnement
I.1.5 ETM et réglementation
I.1.6 Evaluation de la contamination métallique dans le milieu marin
I.2 La Méditerranée
I.2.1 Le littoral méditerranéen
I.2.2 Caractéristiques générales de la Méditerranée
I.2.3 L’écosystème méditerranéen
I.2.4 Le littorale Algérien
I.2.5 Le Golfe d’Annaba
I.3 Le concept de bio-indication
I.3.1 Définition
I.3.2 Classification des bio-indicateurs
I.3.3 Espèces végétales bio-indicatrices utilisées en milieu aquatique
I.3.4 Bioécologie de Posidonia oceanica
I.4 Caractérisation du sédiment
I.4.1 Principales caractéristiques des sédiments côtiers
I.4.2 Granulométrie
I.4.3 Adsorption des métaux sur les sédiments
II Matériel et méthodes
II.1 Le Golfe d’Annaba
II.2 Etat de la pollution dans le Golfe d’Annaba
II.3 Stations d’échantillonnages
II.3.1 Station Ain Achir
II.3.2 Station Belvédèr
II.3.3 Station Lacaroube
II.3.4 Station Levet de l’aurore
II.3.5 Station Draoueche
II.3.6 Station Lehnaya
II.4 Caractérisation physico-chimique de l’eau de mer
II.4.1 Mesure du pH, TC, salinité et oxygène dissous
II.4.2 Prélèvements et dosage des MES, de la chlorophylle a et des sels nutritifs
II.5 Caractérisation du sédiment superficiel du Golfe d’Annaba
II.5.1 Détermination de la granulométrie
II.5.2 Potentiel d’hydrogène
II.5.3 Détermination de la matière organique totale
II.6 Prélèvement et préparation des échantillons de Posidonia oceanica
II.7 Dosage des métaux lourds dans les divers compartiments
II.7.1 Minéralisation de l’eau de mer
II.7.2 Minéralisation du sédiment
II.7.3 Minéralisation de P. oceanica
II.8 Evaluation des niveaux de contamination métallique
II.8.1 Calcul de l’indice géoaccumulation
II.8.2 Calcul du facteur de bioconcentration
II.9 Analyse statistiques des données
II.9.1 Description des données
II.9.2 Comparaison des moyennes : ANOVA
III Résultats et discussion
III.1 Paramètres physico-chimiques de l’eau de mer
III.1.1 Températures
III.1.2 Oxygène dissous
III.1.3 Potentiel d’hydrogène
III.1.4 Salinité
III.1.5 Matières en suspension
III.1.6 Chlorophylle a
III.1.7 Teneurs en ammonium
III.1.8 Teneurs en nitrates
III.1.9 Teneurs en nitrites
III.1.10 Teneurs en orthophosphates
III.2 Paramètres physico-chimiques du sédiment superficiel
III.2.1 Détermination de la granulométrie du sédiment superficiel
III.2.2 Matières organiques du sédiment superficiel
II.2.3 Potentiel d’hydrogène du sédiment superficiel
III.3 ETM dans les eaux du golfe
III.4 ETM dans le sédiment superficiel
III.5 ETM dans les compartiments de P. oceanica
III.5.1 Teneurs des ETM dans les racines
III.5.2 Teneurs des ETM dans les rhizomes
III.5.3 Teneurs des ETM dans les feuilles juvéniles
III.5.4 Teneurs des ETM dans les feuilles intermédiaires
III.5.5 Teneurs des ETM dans les feuilles adultes
III.6 Evaluation de la concentration des ETM par le calcul du facteur de bioconcentration (BCF)
III.6.1 BCF des racines
III.6.2 BCF des Rhizomes
III.6.3 BCF des feuilles juvéniles
III.6.4 BCF des feuilles intermédiaires
III.6.5 BCF des feuilles adultes
Références bibliographiques
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