Portage de Streptococcus pneumoniae et de Salmonella spp

La drépanocytose est l’hémoglobinopathie d’origine génétique la plus fréquente dans le monde. Elle affecte principalement le sujet de race noire, qu’il vive en Afrique ou dans les pays à forte immigration noire. Cette maladie pose un problème de santé publique ; en effet, plus de 50 millions d’individus portent le trait drépanocytaire dans le monde. Sa prévalence varie de 10 à 40% en Afrique selon les régions ; au Sénégal, ce taux est de 10% [1]. L’enfant drépanocytaire est plus sensible aux infections invasives dues aux bactéries capsulées, notamment Streptococcus pneumoniae [2, 3, 4] et Salmonella enterica. Le risque de survenue de ces infections invasives dont la létalité est élevée [5, 4, 6, 7], peut être réduit au maximum par la vaccination anti pneumococcique précoce et l’antibioprophylaxie par une pénicilline orale [8].

Le portage du pneumocoque chez l’enfant est largement documenté [9, 10]. Il en est de même de la prévalence des pneumococcies survenant chez l’enfant drépanocytaire [5, 2, 3, 6, 4]. Par contre, peu d’études portent sur le portage oropharyngé du pneumocoque par le drépanocytaire [6, 11, 12] ; il n’est existe pratiquement pas sur le portage des salmonelles. Afin de pallier l’absence de données au Sénégal sur le portage de ces deux bactéries (S. pneumoniae et S. enterica) respectivement dans le rhinopharynx et le tube digestif, nous avons entrepris cette étude dans le Service d’Hématologie Clinique de l’Hôpital d’Enfants Albert Royer (HEAR) de Dakar. Elle a été réalisée sur une cohorte d’enfants drépanocytaires homozygotes âgés de 10 mois à 15 ans ; certains étaient vaccinés contre ces deux bactéries, d’autres étaient sous antibioprophylaxie à base de pénicilline orale.

DREPANOCYTOSE

La drépanocytose est une maladie génétique à transmission autosomique récessive ; elle entraîne une anomalie dans la structure de l’hémoglobine.

HISTORIQUE

❖ En 1910, Herrick découvre des hématies en faucilles (Sickle cell) chez un étudiant noir à Chicago.
❖ Emmel (1917) évoqua le caractère familial de la maladie et mit au point le test de falciformation in vitro.
❖ La transmission héréditaire autosomique est décrite par Talliaffero (1923) ; cette hypothèse est confirmée par Neel (1947) grâce aux lois de Mendel.
❖ Hann et Gillepsie (1927) démontrent que la falciformation est réversible.
❖ Pauling, Itano, Singer et Wells (1949) montrent la différence de migration électrophorétique entre l’hémoglobine S et l’hémoglobine normale.
❖ Ingran (1956 à 1959) démontre le remplacement dans la chaine polypeptidique beta, de l’acide glutamique par la valine en position 6.
❖ Les haplotypes ont été décrits en 1978 par Kan et Dozy.

EPIDEMIOLOGIE

C’est l’hémoglobinopathie la plus fréquente et la plus grave. On estime à plus de 50 millions le nombre d’individus atteints dans le monde. Lehmann a décrit une « ceinture sicklémique » ou « sickle belt » qui s’étend en Afrique, du sud du Sahara au nord du Zambèze. Cette aire est comprise entre le 15ème parallèle de latitude nord et le 20ème parallèle de latitude sud. Sa prévalence varie de 7% à 20% en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, elle est de 10% en milieu scolaire pour le portage du trait drépanocytaire [1]. Des chiffres de 30 à 45% sont retrouvés en Afrique centrale et Orientale [13]. La drépanocytose, plus fréquente dans la race noire, atteint aussi les autres races. Sa prévalence est assez forte en Inde (31 à 34%). Elle varie de 0,3% à 13,3% en Europe.

En Amérique, les taux vont de 7% dans la communauté noire des Etats Unis à 8% au Brésil ; elle atteint 12% aux Antilles [13].

GENETIQUE  ET PHYSIOPATHOLOGIE

C’est au niveau du bras court du chromosome 11 que se situe le gène β responsable de la synthèse de la chaine β de la globine. Chez le sujet drépanocytaire, le gène β muté (β S) est caractérisé par la substitution de la thymine à l’adénine au niveau du sixième codon (GAG→GTG) ; d’où le remplacement de la valine par l’acide glutamique en position 6 de la chaine β. Cinq haplotypes correspondant aux polymorphismes de restriction situés dans la région du gène β S sont actuellement individualisés : 4 en Afrique (Bantou, Bénin, Cameroun et Sénégal) et 1 en Asie (Arab-India) [13]. Les mécanismes physiopathologiques de la drépanocytose peuvent être classés en trois principaux phénomènes : la polymérisation de l’hémoglobine et la falciformation du globule rouge, la déshydratation du globule rouge et l’interaction entre les globules rouges et la paroi endothéliale.

-La polymérisation de l’hémoglobine et la falciformation du globule rouge
Les modifications structurales rendent compte d’un certain nombre de propriétés spécifiques de l’HbS, à savoir la diminution de la solubilité, l’instabilité mécanique et la polymérisation qui est la conséquence de loin la plus importante car étant à l’origine de la pathologie drépanocytaire. La falciformation est favorisée par l’augmentation de la température ; la déshydratation cellulaire ; la baisse du pH ; l’augmentation de la 2-3 DPG (diphosphoglycérate) ; la baisse de la pression partielle en oxygène ; l’augmentation de la CCMH (concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine) ; la concentration élevée d’HbS dans le globule rouge (16g/dl). Les conséquences rhéologiques de cette falciformation sont essentiellement l’augmentation de la rigidité des globules rouges ; la diminution de leur filtrabilité qui entraîne une hyperviscosité sanguine ; une fragilité et une sensibilité à l’hémolyse.

-La déshydratation du globule rouge
La falciformation du globule rouge est un phénomène réversible en cas de ré-oxygénation. Mais au bout d’un certain temps, les lésions de la membrane érythrocytaire entraînent une déshydratation cellulaire, puis la falciformation devient irréversible. Deux canaux sont impliqués dans ces phénomènes de déshydratation: le co-transport K-Cl et le canal Gardos, qui exercent un effet négatif sur le «Delay Time». En effet sous l’effet de la polymérisation, il existe une entrée massive de Ca2+dans le globule rouge, ce qui entraîne une acidose cellulaire qui active le co transport K Cl et provoque une sortie massive de K+ et d’eau [13].

– l’interaction entre les globules rouges et la paroi endothéliale
Il a été montré que la mutation βs était certes impliquée de façon prépondérante dans l’échafaudage moléculaire, mais les polynucléaires neutrophiles et les systèmes de coagulation interviennent également. Ainsi, la nature moléculaire des interactions à l’origine des adhérences est de mieux en mieux décrite. Il y a d’un coté des interactions entre le globule rouge et les cellules endothéliales et de l’autre des interactions entre le globule rouge et la matrice sub-endothéliale exposée à la circulation sanguine suite aux altérations de la paroi interne des vaisseaux. Ainsi les globules rouges drépanocytaires falciformés deviennent rigides, peu déformables et adhèrent à la paroi endothéliale des capillaires, augmentant ainsi la viscosité sanguine ; d’où l’occlusion de la micro circulation qui s’exprime sous forme de crise vaso-occlusive. On note également une augmentation de l’adhésion des neutrophiles à la fibronectine.

– l’immunité et la drépanocytose 
La susceptibilité aux infections du drépanocytaire apparait dès l’âge de 2 mois. Diverses hypothèses sont avancées ; elles semblent agir en synergie.

● Asplénisme fonctionnel
La rate, véritable filtre à microbes, fonctionne mal à la naissance ; ses fonctions se dégradent avec l’âge car elle s’atrophie. On comprend alors que les bactériémies deviennent souvent des septicémies chez le malade.

● Altération de la voie du complément
Le complément, ensemble de protéines stimulant en urgence nos globules blancs, favorise la phagocytose des germes. Cela induit la synthèse d’anticorps. Chez le drépanocytaire, le système immunitaire est défaillant. Les anticorps acquis après vaccination ou à la suite d’infections itératives sont protecteurs.

● Nécrose intestinale
Les crises vaso-occlusives provoquent des minis nécroses de la muqueuse intestinale. Les bactéries passent alors dans le sang à partir du tube digestif. Les bactériémies à Salmonella s’expliqueraient par ce mécanisme.

● Crises vaso-occlusives
Elles provoquent une stase sanguine qui serait fréquente dans l’os et les poumons; d’où la grande fréquence des foyers infectieux dans ces organes.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. DREPANOCYTOSE
1.1. HISTORIQUE
1.2. EPIDEMIOLOGIE
1.3. GENETIQUE [13] ET PHYSIOPATHOLOGIE
1.4. MANIFESTATIONS CLINIQUES
1.4.1. TYPE DE DESCRIPTION : DREPANOCYTOSE SS NON COMPLIQUEE
1.4.2. AUTRES SYNDROMES DREPANOCYTAIRES MAJEURS
1.4.3. FORMES COMPLIQUEES
1.4.4 PRONOSTIC
1.5 PRISE EN CHARGE DE LA DREPANOCYTOSE
1.5.1 SUIVI MEDICAL DE LA DREPANOCYTOSE
1.5.2 TRAITEMENT DE LA DREPANOCYTOSE
1.5.3 PREVENTION DE LA DREPANOCYTOSE
2. STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE
2.1 HISTORIQUE
2.2 TAXONOMIE
2.3 HABITAT
2.4 CARACTERES BACTERIOLOGIQUES
2.4.1 CARACTERES MORPHOLOGIQUES
2.4.2 CARACTERES CULTURAUX
2.4.3 CARACTERES BIOCHIMIQUES
2.4.4 CARACTERES ANTIGENIQUES
2.4.4.1 ANTIGENE CAPSULAIRE
2.4.4.2 ANTIGENES SOMATIQUES
2.4.4.3. TOXINES
2.4.5 SENSIBILITE AUX ANTIBIOTIQUES
2.5 PNEUMOCOCCIES
2.6 DIAGNOSTIC BACTERIOLOGIQUE
2.6.1. EXAMEN MICROSCOPIQUE DES PRODUITS PATHOLOGIQUES
2.6.2. ISOLEMENT DE STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE
2.6.2.1. MISE EN CULTURE DES PRODUITS PATHOLOGIQUES
2.6.2.2. IDENTIFICATION DE STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE
2.6.2.3. REALISATION DE L’ANTIBIOGRAMME
2.6.3. DETECTION DIRECTE DES ANTIGENES CAPSULAIRES
2.6.4 DIAGNOSTIC MOLECULAIRE
2.7. ELEMENTS DE THERAPEUTIQUE
2.7.1. ANTIBIOTHERAPIE
2.7.2. PREVENTION VACCINALE
3. SALMONELLA ENTERICA
3.1. HISTORIQUE
3.2. TAXONOMIE
3.3. CARACTERES BACTERIOLOGIQUES
3.3.1. CARACTERES MORPHOLOGIQUES
3.3.2. CARACTERES CULTURAUX
3.3.3. CARACTERES BIOCHIMIQUES
3.3.4. CARACTERES ANTIGENIQUES
3.3.5. SENSIBILITE AUX ANTIBIOTIQUES
3.4. EPIDEMIOLOGIE
3.4.1. RESERVOIR DES SALMONELLES
3.4.2. TRANSMISSION DES SALMONELLES
3.4.3. REPARTITION DES SEROTYPES
3.5. SALMONELLOSES
3.5.1. FIEVRE TYPHOÏDE
3.5.2. GASTROENTERITES AIGUËS
3.5.3. AUTRES SALMONELLOSES
3.6. DIAGNOSTIC BACTERIOLOGIQUE
3.6.1. ISOLEMENT DES SALMONELLES
3.6.2. SERODIAGNOSTIC DE WIDAL ET FELIX
3.7. ELEMENTS DE THERAPEUTIQUE
3.7.1. TRAITEMENT CURATIF DES SALMONELLOSES
3.7.2. PREVENTION DES SALMONELLOSES
1. CADRE ET PERIODE DE L’ETUDE
1.1 HÔPITAL D’ENFANTS ALBERT ROYER (HEAR)
1.2. PERIODE DE L’ETUDE
2. PATIENTS ET METHODES DE L’ETUDE
2.1. POPULATION DE L’ETUDE
2.1.1. CRITERES D’INCLUSION
2.1.2. RECRUTEMENT DE LA POPULATION DE L’ETUDE
2.2. MATERIEL DE L’ETUDE
2.2.1. MATERIEL DE RECUEIL DES ECHANTILLONS
2.2.2. MATERIEL DE LABORATOIRE
2.2.3. LOGICIEL D’EXPLOITATION
2.3. METHODE DE TRAVAIL
2.3.1. RECUEIL DES ECHANTILLLONS
2.3.2. TECHNIQUE AU LABORATOIRE
2.3.2.1. RECHERCHE DU PNEUMOCOQUE
2.3.2.2 RECHERCHE DE SALMONELLE
1. RESULTATS GLOBAUX
2- STREPTOCOCCUS PNEUMONIAE
2.1 STATUT VACCINAL DES ENFANTS PORTEURS DE PNEUMOCOQUE
2.2 REPARTITION MENSUELLE DES SOUCHES DE PNEUMOCOQUE
2.3 SENSIBILITE DES ISOLATS DE PNEUMOCOQUE AUX ANTIBIOTIQUES
2.4 PORTAGE DE SOUCHES DE PNEUMOCOQUE SELON L’ANTIBIOPROPHYLAXIE A LA PENICILLINE V
3. SALMONELLA ENTERICA
3.1 STATUT VACCINAL, AGE ET SEXE DES ENFANTS PORTEURS DE SALMONELLA
3.2 REPARTITION MENSUELLE DES SOUCHES DE SALMONELLE
3.3 SENSIBILITE DES ISOLATS DE SALMONELLE AUX ANTIBIOTIQUES
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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