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Données environnementales et socio-économiques sur l’assainissement
Quelques données historiques sur les réseaux d’assainissement
Les premiers systèmes d’adduction d’eau sont probablement apparus en même temps que les premiers habitats urbanisés. Ainsi, on retrouve des traces de canalisations très tôt dans l’histoire, à partir du IIIème millénaire avant J.C.. Ces canalisations étaient des tunnels creusés dans la roche (quanat), taillés à flanc de falaise ou taillés dans un arbre ou dans la pierre. Les villes de la vallée de l’Indus située autour de l’actuel Pakistan (civilisation harappéenne, IIIéme millénaire avant J.C.) intégraient déjà l’usage de l’eau dans les habitations et, plus remarquable encore, l’évacuation de ces eaux. On retrouve dans la ville de Mohenjo-Daro des vestiges d’habitations avec salle de bain et parfois des latrines. Les eaux usées étaient évacuées des maisons par des conduites en terre cuite puis acheminées par des caniveaux couverts de dalles, puis par des canalisations creusées sous les ruelles et recouvertes de briques. Des fosses de décantation étaient également implantées, afin de prévenir les obstructions du réseau (Viollet, 2004).
Malgré l’apparition très précoce des systèmes d’égouts, l’entretien de ces réseaux et leur utilisation se sont raréfiés dans les premiers siècles après J.C.. En France, les travaux d’assainissement ont recommencé vers le XIIIéme siècle avec le pavement des rues de Paris qui comportaient, en leur milieu, une rigole d’écoulement. A partir du XIVéme siècle sont apparus des égouts à fossé ainsi que le premier égout vouté afin d’évacuer les eaux stagnantes. Le développement des réseaux d’assainissement à grande échelle a réellement débuté au XIXème siècle pour des soucis de santé publique (épidémie de choléra). A Paris, la longueur totale du réseau d’assainissement a centuplé entre le début du XIXème siècle et aujourd’hui (Clément et al., 2001).
La situation contemporaine à l’échelle mondiale
En 1991, des directives européennes ont été émises afin d’imposer aux agglomérations de collecter et de traiter les eaux urbaines résiduelles (91/271/CEE). Grace à la mise en vigueur de ces directives, de nombreuses structures ont été construites. Lors de l’année internationale de l’assainissement en 2008, les nations unies se sont engagées à diminuer de moitié le nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’assainissement.
La Figure 1 montre la carte mondiale de l’accès des populations à un réseau d’assainissement. En 2015, il restait 2,4 milliards de personnes qui n’avaient pas accès à des toilettes décentes. Parmi ces personnes 40% habitent en Asie du Sud, 29 % en Afrique subsaharienne et 14 % en Asie de l’Est. Les maladies, telles que le choléra ou la schistosomiase peuvent justement être contractées par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par les bactéries et les virus présents dans les excréments humains. Dans les pays en voie de développement, ces maladies font partie des premières causes de mortalité chez les enfants. En 2015, 32% de la population mondiale n’avait toujours pas accès à un réseau d’assainissement convenable (OMS/UNICEF, 2015)
En 2008, selon une enquête du Commissariat Général au Développement Durable, 98 % des logements français avaient accès à l’assainissement (SOeS-SSP, 2008). Selon cette même enquête, la longueur du réseau d’assainissement français était évaluée à près de 300 000 km.
Description générale d’un réseau d’assainissement
Il existe deux grandes formes d’assainissement : autonome ou collective. L’assainissement autonome convient aux maisons isolées pour lesquelles le coût de raccordement serait trop élevé et il est à la charge des propriétaires des habitations. L’assainissement collectif est géré par les communes ou les regroupements de communes, c’est ce que nous allons développer dans les deux paragraphes suivants.
Un réseau d’assainissement a pour but de collecter et transporter les eaux usées évacuées d’un bâtiment jusqu’à une station d’épuration pour les y traiter. Au cours d’une journée, la quantité d’eau évacuée par les canalisations d’assainissement varie : par exemple le matin et le soir l’utilisation du réseau est plus importante. Il est donc primordial de prendre en compte ces fluctuations dans le dimensionnement d’un réseau d’assainissement. De même, les villes touristiques doivent considérer l’augmentation de population lors des périodes de vacances dans le dimensionnement de leur réseau d’eau. La prise en compte de tous les paramètres pouvant induire une fluctuation de la quantité d’eau déversée dans le réseau est importante pour éviter toute surcharge. Il faut aussi veiller à la bonne étanchéité du réseau. La présence de fuites pourrait induire une pollution du milieu extérieur, ou des entrées d’eau dans le réseau en cas de forte pluie.
La Figure 2, tirée de (Peyre Lavigne, 2014), illustre la structure d’un réseau rural et différentes situations pouvant être rencontrées lors de la collecte d’eaux usées. La plupart des canalisations utilisées dans l’acheminement des eaux usées sont gravitaires (canalisations vertes) mais cette méthode est limitée lorsqu’il faut franchir des obstacles, lorsque la pente naturelle est très faible ou qu’il faut parcourir de longues distances pour arriver à la station d’épuration. Dans ces conditions il est nécessaire de passer par des stations de pompage (de refoulement ou de relevage). Un poste de relevage permet de relever l’eau jusqu’à un certain point pour la reverser gravitairement par la suite. Il permet notamment de limiter la profondeur et donc les coûts de pose des canalisations. Un poste de refoulement consiste à relever l’eau et la pousser sur une certaine distance pouvant être de l’ordre du kilomètre, avant d’être déversée dans un ouvrage. Dans ces organes, l’eau est provisoirement stockée dans la station de pompage puis mise sous pression pour atteindre son point d’arrivée. Afin de pouvoir accéder aux canalisations pour réaliser des contrôles ou des entretiens, des regards sont positionnés sur le réseau de canalisation et notamment au niveau des stations de pompage. Une fois acheminées à la station d’épuration, les eaux sont traitées puis rejetées dans le milieu naturel. Afin de pouvoir être rejetée, l’eau doit obéir à certaine normes en fonction du milieu naturel. Ces normes ont des exigences sur les concentrations en demande biologique en oxygène et demande chimique en oxygène, matière en suspension, azote, phosphore, … ou sur les taux d’élimination minimums.
On peut noter aussi que l’évacuation des eaux usées et pluviales peut être réalisé dans une même conduite, on parle alors de réseau unitaire ; ou bien dans deux conduites séparés on parle alors de réseau séparatif. Les réseaux séparatifs ont l’avantage de diminuer la quantité d’eau traitée par une station d’épuration et d’être moins sensibles aux fortes pluies. Aujourd’hui, en France les nouveaux réseaux sont toujours séparatifs.
D’autres méthodes d’assainissement sont possibles comme par exemple le traitement sélectif des eaux grises (eaux venant des douches, lavabos, laves linges etc.). Ce traitement sélectif permet de diminuer la quantité d’eau envoyé dans les réseaux d’assainissement. Il est possible aussi de réutiliser les eaux grises pour la chasse des toilettes (en moyenne ~6/8 litres par chasse), mais ceci demande de réinstaller un circuit d’eau au sein des maisons. Une autre méthode consiste à utiliser des toilettes sèches, auquel cas il faut aussi modifier les installations. D’autres méthodes sont en cours d’étude ou en phase pilote comme la séparation à la source des urines. Cette méthode demande l’installation de toilettes particulières permettant d’acheminer dans deux conduites séparées les urines et les eaux noires. Les urines sont riches en minéraux et le fait que, dans les réseaux classiques, elles soient diluées dans le reste des eaux usées complique la revalorisation de ces minéraux.
Types de canalisations utilisées en réseau d’assainissement
Les matériaux fréquemment utilisés pour les canalisations d’assainissement sont le béton, la fonte ductile revêtue, le grès et les matériaux plastiques. Leur fréquence d’utilisation est très variable en fonction des conditions environnementales, de l’utilisation, des contraintes de poses etc. Le Tableau 1 donne un aperçu des avantages et inconvénients de ces différents matériaux.
Les canalisations en béton ont l’avantage de compenser les efforts de remblai mais leur transport et leur manutention sont délicats et elles sont très sensibles aux pH <4 et donc à la biodétérioration. Le second matériau le plus utilisé est le plastique. Il est facile à transporter et à poser donc très pratique pour les travaux particuliers ou sur des zones difficilement accessibles. Malheureusement ce matériau est plus flexible, et donc plus sujet à des déformations pouvant mener à des fuites. Le troisième matériau le plus utilisé est le grès. Il a l’avantage d’être résistant à la corrosion par contre son coût, sa disponibilité et sa fragilité posent problème. Le matériau qui suit en matière de fréquence d’utilisation est la fonte ductile avec revêtement. Ce matériau a une durabilité très importante, où après 50 ans les résistances chimiques et mécaniques de la canalisation sont conservées. De plus, il est totalement recyclable et la pose est peu contraignante.
Populations microbiennes impliquées dans la biodétérioration en réseau d’assainissement
Espèces microbiennes identifiées dans des réseaux d’assainissement détériorés
Des études ont analysé la diversité microbienne qui se développe dans les canalisations d’assainissement en béton (Milde et al., 1983; Nica et al., 2000; Parker, 1951; Vincke et al., 2001). Les consortia microbiens identifiés dans de tels environnements sont complexes et forment tout un écosystème. Dès 1945, Parker a identifié des bactéries sulfo-oxydantes se développant sur des ciments détériorés en présence d’H2S. En 1983, Milde et al. ont travaillé sur l’activité spécifique des populations microbiennes et ont détecté une activité de micro-organismes hétérotrophes sur différents sites détériorés du réseau d’assainissement de la ville de Hambourg (Milde et al., 1983). En 1998, Davis et al. ont exposé des échantillons de béton dans la partie supérieure et à mi-hauteur de canalisations du réseau d’assainissement de la ville de Houston (Davis et al., 1998). La Figure 6 représente les résultats pour un site étudié. La figure montre la présence de bactéries hétérotrophes combinées à des microorganismes sulfato-réducteurs et des micro-organismes sulfo-oxydants sur la zone détériorée d’un échantillon de béton.
Bactéries sulfato-réductrices
Les bactéries sulfato-réductrices (SRB) sont des micro-organismes procaryotes hétérotrophes se développant dans des milieux anaérobies. Leur température optimale de croissance est comprise entre 25 et 30°C et leur pH optimal de croissance entre 6 et 7,5 (Kluyver and Van Niel, 1936; Muyzer and Stams, 2008). Ces bactéries utilisent le sulfate comme accepteur d’électrons (Barton, 1995). Le produit final de la respiration des SRB est l’hydrogène sulfuré (H2S) et le dioxyde de carbone (CO2). Elles croissent en oxydant la matière organique ou l’hydrogène contenu dans les eaux usées tout en réduisant les sulfates en H2S. L’équation de respiration des SRB est la suivante : 2− + è → 2−+ + Équation 1
On peut noter que certaines espèces peuvent remplacer le sulfate par des nitrates comme accepteur d’électrons (Steenkamp and Peck, 1981).
Bactéries sulfo-oxydantes (Sulfur-oxidizing bacteria SOB)
Les bactéries sulfo-oxydantes obtiennent de l’énergie pour leur croissance par l’oxydation du soufre réduit (H2S, S0, S2O32-, S4O62-…) en sulfate. L’oxydation de ces composés soufrés s’accompagne d’une diminution du pH (Parker and Prisk, 1953). La plupart des SOB sont des bactéries autotrophes, bien que certaines soient reportées comme étant mixotrophes (Roberts et al., 2002).
Les SOB appartenant au genre Acidithiobacillus ont été isolées de différents sites de réseau d’assainissement exposés à un environnement H2S. En 1945, Parker a isolé entre autres Thiobacillus concretivorus ( reclassifiée Acidithiobacillus thiooxidans) et T. thioparus qui produisent de l’acide sulfurique (Parker, 1951; Parker and Prisk, 1953). En 1983, Milde et al ont isolé dans un échantillon exposé à un réseau d’assainissement Thiobacillus neopolitanus, T. thiooxidans, T intermedius et T. novellus.
Thiobacillus thioparus, Starkey novella (autrefois appelée Thiobacillus novellus), Halothiobacillus neapolitanus (autrefois appelée Thiobacillus neapolitanus), Thiomonas intermedia (autrefois appelée Thiobacillus intermedius) et Acidithiobacillus thiooxidans sont les espèces bactériennes les plus recensées pour la biodétérioration des réseaux d’assainissement en béton (Milde et al., 1983; Mori et al., 1991; Okabe et al., 2007; Parker, 1945; Parker and Prisk, 1953; Vincke et al., 2001). Ces bactéries sont réparties en deux groupes en fonction de leur pH de croissance (Miokono et al., 2011; Lors et al., 2009; Roberts et al., 2002) : les bactéries neutrophiles avec un pH de croissance compris entre 1,7 et 10, et les bactéries acidophiles avec un pH de croissance compris entre 0,5 et 5. Les conditions de croissances de ces populations sont reportées dans le Tableau 3. Etant donné leur pH de croissance, en fonction de l’évolution du pH local, différentes populations bactériennes vont se succéder au contact du matériau.
Succession microbienne et évolution du pH de surface
La biodétérioration d’un matériau cimentaire est dans un premier temps lié à l’abaissement du pH au contact du matériau. Cet abaissement du pH en surface est décrit dans la littérature en trois étapes impliquant des processus physico-chimiques et biologiques présentés dans les sections précédentes. La Figure 8 présente ces 3 étapes.
L’étape 1 correspond à la diminution abiotique du pH de surface. La libération d’ions H+ ainsi que, dans une plus faible mesure, la carbonatation, font chuter le pH de surface du matériau (Joseph et al., 2012). Les travaux récents de Grandclerc ont montré, pour différents matériaux cimentaires, exposés pendant 15 jours en conditions abiotiques sous une atmosphère de 100 ppm en H2S, l’obtention de pH de surface d’environ 5 (Grandclerc, 2017). L’absorption du soufre et la diminution du pH favorisent le développement des microorganismes et engendrent le développement d’une succession de populations. Des microorganismes sulfo-oxydants neutrophiles colonisent, dans un premier temps, le matériau en oxydant en acide les composés soufrés réduits (Figure 8 étape 2). Le produit final de l’oxydation est l’acide sulfurique biogénique. Les bactéries neutrophiles associées à cette diminution du pH sont Thiothrix spp, plusieurs Thiobacillus (T. thioparus, T. plumbophilus, T. neapolitanus, T. intermedius, T. thiooxidans), Thimonas sp. et Halothiobacillus neapolitanus (Okabe et al., 2007; Roberts et al., 2002).
La production de H+ accentue la diminution du pH de surface du matériau cimentaire et favorise le développement de microorganismes sulfo-oxydants acidophiles (Figure 8 étape 3). Le pH de surface peut atteindre des pH inférieurs à 2. Acidithiobacillus thiooxidans paraît être l’espèce bactérienne aérobie prédominante responsable de l’acidification à ce pH (Grengg et al., 2015; Okabe et al., 2007). Une étude récente s’interroge sur le rôle non négligeable de l’espèce bactérienne Acidithiobacillus Ferrooxidans dans la biodétérioration (Grengg et al., 2017). Dans la couche de corrosion interne d’échantillons détériorés, cette bactérie se développerait en conditions anoxique et anaérobie et fonctionnerait comme un catalyseur microbien pour l’oxydation du fer et la production d’acide sulfurique. La détérioration du matériau est plus intense à pH acide, lors du développement des microorganismes acidophiles (De Muynck et al., 2009; Islander et al., 1991). Pour illustrer la succession microbienne, Okabe et al. ont réalisé une analyse de population durant un an sur des coupons d’un matériau cimentaire exposés en réseau d’assainissement (concentration en H2S autour de 20-30ppm) (Okabe et al., 2007). La Figure 9 montre l’évolution du pH ainsi que de la perte de matière des coupons exposés au cours du temps. La Figure 10 montre, sur la même période, les abondances de population sulfo-oxydantes obtenues par analyses FISH (hybridation in situ en fluorescence).
Ciment spéciaux : ciment alumineux
Les ciments alumineux ont une variété d’assemblage de phases importante. La composition des phases peut varier en fonction de la nature du ciment. La principale phase réactive est l’aluminate de calcium (CA), elle représente environ 65% des phases. La seconde phase la plus réactive est la géhlénite (C2AS) qui peut être présente à hauteur de 20-25% (Gosselin, 2009). La larnite β-C2S est généralement présente en petites quantités (~5%) (Gosselin, 2009). Les matériaux à base de CAC contiennent du titane entre autres présent sous la forme de pérovskite (CaTiO3) pouvant atteindre ~5% (Taylor, 1997). La mayénite (C12A7) est une phase secondaire présente en faible quantité. De la brownmillerite est présente dans les CAC riches en fer (C4AF) (Gosselin, 2009). Dans les CAC à faible teneur en alumine, les ferrites peuvent être biphasiques et composées de fines lamelles de type pérovskite noyées dans la brownmillerite. Les phases de silicate peuvent coexister avec l’aluminate de calcium et les ferrites (Gosselin, 2009). Les ciments peuvent contenir de la pléochroite (autrefois appelée Q-phase). C’est une solution solide contenant du silicium, du magnésium, du calcium et de l’aluminium, et pouvant incorporer des ions ferreux et ferrique. La formule générique est C20(A,F)32-2n(M,F)nSn (Hewlett, 2003). Les ciments riches en alumine peuvent contenir de la grossite (CA2), de l’hibonite (CA6) et de l’α-Al2O3, et la teneur en CA2 peut atteindre 40 % dans le CAC blanc (Taylor, 1997). Bien que les compositions des ciments alumino-calcique puissent varier d’un ciment à l’autre, un récapitulatif des différentes phases typiques est donnée dans le Tableau 10.
Définitions et caractéristiques des matrices cimentaires
Hydratation des ciments
Ciment Portland avec ou sans additions minérales
La réaction dite d’hydratation des liants hydrauliques est une réaction de dissolution des anhydres et de reprécipitation de phases hydratées moins solubles (Ollivier and Vichot, 2008). Avec l’hydratation du ciment et le durcissement du matériau, le ciment est composé de phases solides, d’une phase gazeuse (air) et d’une solution poreuse interstitielle. Cette solution est présente dans la porosité du matériau. Les phases hydratées sont en constant équilibre avec la solution interstitielle et sa composition dépend des hydrates présents. L’hydratation d’un ciment n’est pas complète, il reste donc des grains anhydres résiduels dans le matériau cimentaire hydraté (jusqu’à ~30%, dépendant de l’âge du matériau).
Lors de son hydratation, le ciment Portland forme des silicates de calcium hydratés (C-(A)-S-H), de la portlandite (CH) et des mono- et trisulfoaluminate de calcium hydratés notés AFm (stratlingite, hydrotalcite et hydrogrenat) et AFt (ettringite). Les AFt se forment notamment grâce au sulfate ajouté au clinker pour ralentir sa prise. La Figure 13 présente une image au microscope électronique à balayage en électrons rétrodiffusés d’une pâte de ciment (mélange de 60% de ciment Portland, 40% de laitier) à 90 jours. On observe la présence de grains anhydres résiduels de ciment et de laitier de haut fourneau (plus anguleux). Autour des grains anhydres les C-A-S-H précipitent, ainsi que la portlandite. On distingue aussi des zones ou des laitiers étaient présents et ont complètement réagi.
Les C-A-S-H sont la phase majoritaire de la pâte hydratée avec la portlandite. Ils proviennent de l’hydratation du C3S et du C2S. La réactivité du C3S est plus importante que celle du C2S. Kocaba a réalisé la mesure du degré de réaction du C3S et C2S lors de l’hydratation de ciment Portland par DRX et RMN du silicium. A 100 jours elle observe un degré de réaction de près de 90% pour l’alite et d’environ 50% pour la bélite (Kocaba, 2009). Par la suite le degré d’hydratation de la bélite augmente plus que celui de l’alite mais reste inférieur. On retrouve donc plus de C2S que de C3S dans la partie anhydre d’un matériau hydraté, le C3S étant presque complètement consommé. Les silicates de calcium hydratés sont des phases faiblement cristallines, présentant un ordre à courte distance ou des régions nanocristallines (Taylor, 1997). Par diffraction des Rayons X, les C-A-S-H forment une bosse large, c’est pourquoi ils sont souvent appelés « gel », leur caractérisation est délicate.
Les C-A-S-H sont composés de feuillets octaédriques de CaO intercalés entre deux feuillets tétraédriques de silice. Les modèles nanostructuraux utilisés pour modéliser ce composé sont le 14Å tobermorite et la jennite (Bonaccorsi et al., 2005, 2004; Richardson, 2014). La chaine de trois tétraèdres qui se répète est appelée « dreierketten ». Les deux tétraèdres de cette chaine reliés au feuillet de CaO par un bord O-O sont dits « paired » (P), que l’on pourrait traduire par appariés, tandis que le tétraèdre qui relie les deux tétraèdres P est dit « Bridging » (B), soit pontant. Les inter-couches sont composées d’eau et d’ions mobiles, essentiellement de calcium. (Figure 14). Avec ajout de laitier, l’aluminium substitue certains atomes dans la structure. Il substitue le silicium au niveau des tétraèdres pontants. Il a aussi été suggéré que l’aluminium pouvait substituer des calciums au niveau des tétraèdres non pontants et dans l’inter-couche (Richardson, 2014).
Figure 14. a) Représentation schématique d’une chaine « dreirketten » présente dans la 14 Å tobermorite (en théorie infinie). Les chaines ont un motif coudé. Certains tétraèdres de silicate (« appariés » : P) partagent les liaisons O-O avec la couche centrale de Ca-O, d’autres (« Pontant », B) relient les tétraèdres P (Richardson, 2004). b) Pour les C-A-S-H avec un ratio Ca /Si de 1,5, un schéma plus représentatif de la pâte de ciment hydratée (Richardson, 2008).
Les études menées par Muller sur du ciment blanc ont montré deux sortes d’eau dans les C-S-H. L’eau contenue dans l’inter-couche entre les feuillets et celle contenue dans les pores du gel formés par l’agencement des feuillets entre eux (Figure 15b).
Avec l’avancée de l’hydratation, la proportion de ces deux types d’eau augmente durant les deux premiers jours, puis l’eau contenue dans le gel atteint un plateau alors que l’eau contenue dans l’intercouche continue d’augmenter avec la formation des C-A-S-H (Figure 15a).
Les mesures par RMN du proton permettent la mesure de la densité des C-A-S-H. Deux types de densité existent : la densité exclusive, du solide (« solid density ») et la densité inclusive, du bulk (« bulk density ») (Figure 15b). La densité du bulk augmente avec l’avancé de l’hydratation dû à la densification en C-A-S-H, alors que la densité solide reste constante (Muller, 2014).
Figure 15. a) Evolution du signal (par RMN du proton) en fonction du temps pour une pâte de ciment blanc (E/C=0,4). L’eau capillaire devient l’eau interhydrates après 2 jours d’hydratations. A 2 mois le degré d’hydratation est de 80% (Muller, 2014). B) Schéma de représentation des C-A-S-H. Les lignes noires correspondant aux feuillets de CaO avec les tétraèdres de SiO2, les carrés rouges correspondent à l’eau présente dans l’intercouche, les triangles verts à l’eau dans les pores du gel (Mota Gassó, 2015).
L’ajout de laitier peut entrainer une modification de la composition de la solution porale et modifier les caractéristiques des C-A-S-H (Richardson, 2008; Rossen, 2014).
La cohésion de la pâte de ciment est réalisée grâce à deux facteurs selon Jönsson et al. (Jönsson et al., 2005). La densité de charge de surface et la présence d’ions mono- (Na+) et di-valent (Ca2+). La surface des C-S-H et des particules de C3S sont chargées négativement (de par la présence de SiO-) et du pH très élevé. A courte distance, les particules de C-S-H s’attirent entre elles.
Lors de l’hydratation, les C-A-S-H se développent au cours du premier jour essentiellement dans les zones remplies d’eau. On les appelle les produits externes (« outer products »). Ils sont plutôt poreux et sont mêlés avec de l’ettringite et des monosulfoaluminates. Ils peuvent continuer à se former jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de zones aqueuses libres. Les anhydres réagissent ensuite avec la solution poreuse pour former en surface des grains anhydres des C-A-S-H dit internes (« inner products ») (Figure 16). La réaction est plus lente et se déroule après le premier jour seulement. Tout comme pour les produits externes, à l’échelle locale les produits internes sont mélangés avec d’autres produits de réaction. La différence de niveau de gris observée (Figure 16) entre les produits externes et internes s’expliquerait par la présence de phases finement mélangées tel que l’hydrotalcite et non par une différence importante de composition des C-A-S-H internes et externes (Rossen, 2014). Rossen constate néanmoins une différence de stœchiométrie entre ces deux produits, avec un rapport Al : Si légèrement plus important pour les produits externes dans le cas d’un CEM I (0,08 pour les C-A-S-H internes, 0,11 pour les C-A-S-H externes). La formation des produits internes à la surface des grains anhydres ralentit au fur et à mesure la réaction de dissolution des anhydres limitant donc la vitesse d’hydratation (Muller, 2014).
Plusieurs facteurs pourraient déterminer les propriétés mécaniques de résistance d’une pâte de ciment durcie, les principaux sont (Mota Gassó, 2015) : les pores, le ratio entre le volume d’hydrates et le volume de pores capillaire, les anhydres résiduels la nature et la morphologie des hydrates.
Plusieurs auteurs ont étudié la stœchiométrie des C-A-S-H par l’analyse de la concentration en [CaO] d’une solution à l’équilibre contenant des C-A-S-H. Le rapport Ca/Si est compris entre 0,7 et 2,0 réparti en 3 domaines. Les C-A-S-H(α) de 0,7 à 1, les C-A-S-H(β) de 1 à 1,5 et au-dessus les C-A-S-H (γ) (Damidot and Nonat, 1994a, 1994b; Lecoq, 1993; Ménétrier, 1977). Avec l’addition de laitier, le rapport Ca/Si au sein des C-A-S-H peut varier dans un plus large domaine que pour les C-A-S-H classique : entre 0,8 et 2,3 (Rossen, 2014). Avec l’augmentation de la proportion de laitier on observe une augmentation du ratio Al/Si au sein des C-A-S-H. Le rapport Al/Si évolue en fonction du rapport Ca/Si : plus le rapport Ca/Si est bas, plus il semble que les C-A-S-H puissent incorporer de l’aluminium (Richardson and Groves, 1993; Rossen, 2014). Le rapport Al/Si est compris entre 0,05 et ~0,3.
Lothenbach représente le ratio Ca/(Al+Si) pour un CEM I et un mélange CEM I/laitier (60/40) à 28 jours, 90 jours et 1 an. Elle met en évidence que le rapport Ca/(Si+Al) diminue avec l’incorporation de laitier. De plus, ce ratio paraît plus bas pour le laitier noté S8, à cause de sa réactivité ou de l’influence d’autres ions dans le système (de plus, le laitier noté S8 contient une part plus importante d’Al2O3 et SiO2 mais moins de CaO que le laitier noté S1) (Kocaba, 2009).
Lors de l’hydratation du C3A, il y a formation d’ettringite (C6AS̅3H32). L’ajout de sulfate de calcium (sous forme hydratée ou non) permet de contrôler la réaction et de ralentir l’hydratation du C3A pour éviter les problématiques de prise flash. L’épuisement du sulfate de calcium provoque une redissolution de l’ettringite et la formation de monosulfoaluminate de calcium. Le C4AF réagit de façon similaire au C3A mais à une vitesse plus lente et formant des hydrates contenants du Fe2O3 en remplacement de certains Al2O3. En présence de sulfate de calcium en solution, le C4AF produira du C6(A,F)S̅3H32 , C4(A,F)S̅H12 et du C3(A,F)H6.
Yu et al. ont évalué la composition des ciments CEM I et III en fonction de la teneur en laitier à 0%, 40% et 70%. Ils l’ont réalisés par l’étude du degré de réaction (analyse d’images MEB-BSE), la quantification des phases cristallines (DRX quantitative) et par l’équilibre des masses prenant en compte la composition chimique des C-A-S-H (grâce à une analyse statistique de pointés EDS). En plus d’une augmentation de la concentration en aluminium dans les C-A-S-H, la répartition des phases varie avec l’augmentation de la teneur en laitier (Figure 18).
On observe une augmentation de la teneur en phase anhydre (le laitier est en effet moins réactif que le clinker Portland) ainsi qu’une forte diminution de la teneur en portlandite dans les produits d’hydratation. L’augmentation de la teneur en laitier provoque aussi l’augmentation de la porosité entre 0% et 70% d’addition minérale et une diminution de la taille de pores entre 0% et 40% d’addition minérale (Yu et al., 2015). On peut noter l’évolution du degré de réaction des anhydres, où l’augmentation de la teneur en laitier induit une diminution du degré de réaction du laitier. On retrouve environ 40,5% de ciment + laitier anhydres dans le matériau à 70% en laitier, contre 23,5% pour le matériau à 0%.
Comparaison de la porosité entre CAC et OPC/GGBS
La porosité du CEM I est d’environ 30% à 28 jours et elle évolue peu après 1 an (25%), et la taille des pores est inférieure à 0,14 µm. Avec l’ajout de laitier, la porosité passe d’environ 35% à 25% entre 28 jours et 1 an, elle est donc légèrement plus importante avant un an, par contre la taille des pore est inférieure (0,1 µm à 28 jours). A 90 jours, le CAC ayant subi une cure thermique à 70°C présente une porosité plus faible que les ciments Portland (20%) mais une taille de pore similaire (inférieur à 0,1). On peut noter que la répartition de la taille des pores semble légèrement différente entre le CAC 70°C et les matériaux à base d’OPC. Le CAC ayant subi une cure à 20°C présentent une porosité beaucoup plus faible (3%) ainsi qu’une taille de pore plus petite (inférieure à 0,01) que les autres matériaux.
Propriétés de transfert d’un matériau
Lors de l’attaque acide d’un matériau cimentaire, les phases constitutives de la matrice sont lixiviées ou dissoutes. Ces éléments subissent alors des transports dans la solution inertielle à travers la porosité du matériau ou reprécipitent s’il y a sursaturation.
La durabilité d’un matériau est fonction de la pénétration des agents agressifs dans le réseau poreux de la matrice. Les deux moteurs du transport de la matière dans un matériau poreux sont la diffusion et la convection. La convection correspond au transfert de matière sous l’effet d’un gradient de pression. Elle n’intervient pas directement dans notre étude. La diffusion correspond au transport de la matière sous l’effet d’un gradient de potentiel chimique dans le matériau saturé ou partiellement saturé.
Dans un milieu poreux saturé, pour un gradient de concentration unidirectionnel, le transport de particules non chargées est régi par la première loi de Fick (Équation 5) = ∗ Équation 5
Cette loi donne le flux J de l’espèce considérée (en mol.m-2.s-1) suivant l’axe x, en fonction de la concentration de l’espèce C (en mol.m-3) et du coefficient de diffusion effectif De (en m².s-1). De correspond au coefficient de diffusion dans le cas où il n’y a pas d’interaction entre l’espèce considérée et le matériau poreux. Il dépend des caractéristiques géométriques du matériau (tortuosité, constrictivité, facteur de formation). Or l’acide et les sulfates produit par les microorganismes réagissent avec le matériau, ce qui modifie sa structure et ses propriétés.
Le transport des espèces dans le matériau est donc modifié par la réactivité du matériau, fixant les concentrations en ions locales dans la solution porale, et de l’avancée de la biodétérioration, modifiant notamment la porosité du matériau.
Mécanismes de biodétérioration des matrices cimentaires en réseau d’assainissement
Dans les parties précédentes, nous avons vu les processus qui induisent l’installation d’un environnement agressif pour les matériaux cimentaires en réseau d’assainissement, ainsi que la nature et la composition des matériaux cimentaires qui subissent l’attaque acide biogénique. Dans cette partie, nous allons approfondir le comportement des matériaux cimentaire silico-calcique et alumineux lors de la biodétérioration.
Le revêtement cimentaire est sujet à une attaque d’acide sulfurique biogénique. Il subit un flux de SO42- et d’H+ produit par les SOB à sa surface. Les productions biologiques induisent un pH de surface acide pouvant atteindre 2 au niveau du biofilm dans les conditions les plus sévères. Le matériau sain a un pH compris entre 10 et 14 suivant la composition de la matrice cimentaire. Il y a donc un gradient de pH suivant la profondeur du matériau.
Ciment Portland avec ou sans additions minérales
L’attaque acide induite par la présence des ions H+ provoque la lixiviation du matériau cimentaire. Dans un premier temps la portlandite se dissout et relargue des ions OH- et Ca2+. L’équation suivante décrit la réaction de dissolution de la portlandite en milieu acide (Taylor, 1997). ( )2 + 2 + → 2+ + 2 2 Équation 6
La constante de dissolution est : Kd =1022,7 (De Windt and Devillers, 2010).
Simultanément, l’attaque acide biogénique provoque la lixiviation des C-A-S-H. Kiliswa a réalisé l’analyse de composition chimique de bétons exposés en réseau d’assainissement (Kiliswa, 2016). La Figure 27 montre le profil de composition en soufre, calcium et aluminium, d’un matériau à base de ciment Portland et d’agrégats de dolomite en fonction de la profondeur de l’échantillon. Il met entre autres en évidence une décalcification progressive dans la zone « semi-détériorée » (entre 0,4 et 0,5 mm), et la présence de soufre et de calcium dans la zone détériorée.
Expériences sur différentes matrices cimentaires
Depuis plusieurs décennies, différentes études ont été réalisées pour, soit évaluer la durabilité de différents matériaux cimentaires dans le contexte des réseaux d’assainissement, soit pour améliorer la compréhension des processus participant à ce phénomène. Ces différentes études se sont appuyées, (i) sur l’exposition de matériaux dans des réseaux d’assainissement réels (expériences in-situ), (ii) sur des expériences laboratoires visant à reproduire l’environnement des réseaux d’assainissement. Dans cette partie nous allons développer les expériences majeures.
Expériences in-situ
Mise en évidence terrain des mécanismes de détérioration
Certaines études, basées sur un seul type de matériau, ou directement sur des prélèvements terrain sur des ouvrages ont permis de mettre en évidence l’évolution des matériaux classiques, basés sur des ciments Portland, face à des environnements d’assainissement.
Davis et al. ont réalisé des analyses de populations bactériennes ainsi que analyses minéralogiques sur des canalisations exposées dans le réseau d’assainissement de la ville de Houston (USA) (Davis et al., 1998). Comme présenté dans la partie 2, ils ont mis en évidence la biodiversité de l’écosystème microbien. D’autre part, Davis et al. ont réalisé des analyses DRX sur des échantillons de canalisations exposés et ont observé la présence de gypse et basanite (CaSO4, 12 H2O) dans la zone détérioré et d’ettringite dans une zone apparemment saine du matériau. Ces précipitations secondaires sont imputées à l’action des micro-organismes et mettent en évidence la pénétration des sulfates à travers le matériau.
Okabe et al. ont réalisé une étude sur des coupons de mortiers à base ciment Portland et de granulats siliceux qui ont été exposés au réseau d’assainissement de la ville de Hachinohe (Japon) durant 1 an (Okabe et al., 2007). La Figure 29 montre l’évolution de la détérioration du coupon au cours du temps. La biodétérioration a mené à la formation de gypse à la surface du matériau (6mm de gypse après un an) le matériau a perdu 6mm en 1 an.
La figure suivante donne l’évolution du pH de surface et de la perte d’épaisseur du matériau exposé au réseau d’assainissement, ainsi que les concentrations en soufre et sulfate.
Figure 30. A) Evolution du pH de surface et de la perte de matière des coupons de CEM I au cours du temps. B) Concentrations en SO42- et S0 à la surface du coupons de CEM I placé en réseau d’assainissement (Okabe et al., 2007).
Avec l’avancée de la biodétérioration il y a une diminution progressive du pH qui se stabilise vers 2. Dans les premiers mois la perte d’épaisseur du matériau est faible mais elle augmente fortement après 1 an. Okabe observe aussi la précipitation de soufre jusqu’au jour 100 environ, cette précipitation diminue avec l’augmentation de la concentration en sulfate.
En Australie, des chercheurs ont exposé des bétons sains et des bétons à base de ciment Portland âgés de 70 ans (de même nature que les bétons sains) dans différents réseaux d’assainissement australiens durant 4 ans. Les conditions environnementales de chacun des sites étaient les suivantes :
– Perth : H2S 80-420ppm, Température 26-27°C, Humidité relative 91-98%.
– Sydney : H2S 2ppm, Température 22°C, Humidité relative 90-94%.
– Melbourne : H2S 1,5-6ppm, Température 19-21°C, Humidité relative 100%.
Cette étude met en évidence un comportement différent pour les deux types d’échantillons. Les matériaux sains ont une période d’incubation au début de la biodétérioration durant laquelle, le pH diminue jusqu’à devenir neutre et la détérioration est peu ou pas visible. Après l’incubation, le matériau se détériore avec une vitesse de 30,4mm/an. Pour les matériaux âgés, il n’y pas de période d’incubation car le milieu est déjà favorable à leur croissance, la vitesse de détérioration est similaire au matériau sain (30,7mm/an). La différence entre les deux types de matériaux réside dans la période d’incubation qui retarde la détérioration des matériaux jeunes.
En 2015, les études réalisées par Grengg et al sur le réseau d’assainissement de la ville de Graz (Autriche), ont confirmé et approfondi les mécanismes de biodétérioration sur des matériaux à bases de ciment Portland (Grengg et al., 2015). Les zones d’études étaient constituées de deux canalisations gravitaires en aval de 2 postes de refoulement. Les concentrations en H2S étaient comprises entre 0 et 367 ppm pour une concentration moyenne de 6 ppm lors de l’injection de chlorure ferrique, pour une valeur moyenne de 150 ppm sans injection. Des prélèvements de matériaux ont été réalisés au niveau des regards de visites, sur des ouvrages mis en place 9 ans auparavant. Des analyses de la solution interstitielle, des observations, MEB et des DRX, ont permis de mettre en évidence des mécanismes de dissolution et re-précipitation, faisant intervenir des phases minéralogiques qui n’avaient pas étaient identifiées auparavant, telle que l’anhydrite (CaSO4). D’un autre côté, la grande variabilité mesurée de la composition des solutions interstitielles révèle l’aspect fortement localisé des phénomènes de détérioration, dans un environnement lui-même variable et complexe. De plus, ces études ont été couplées avec des analyses de populations microbiennes qui révèlent le potentiel fort, dans les processus de détérioration, de microorganismes ferrooxidans liés au cycle du soufre.
Comparaison de différents matériaux en conditions réelles : expériences in-situ
Certaines études, basées sur plusieurs types de matériaux, permettent de comparer les comportements des matériaux face à la biodétérioration.
Résultats d’expériences in-situ
En Afrique du Sud, le « Virignia experimental sewer » est un réseau d’assainissement expérimental qui a été mis en place depuis 1989 et qui est toujours à l’étude. Ce réseau de 65m de long est équipé d’une voie de dérivation afin de détourner les effluents lors des inspections des canalisations. Sur ce site, Alexander et Fourie (2011) ont comparé le comportement de différents revêtements cimentaires (coupons de canalisation). Les mortiers testés étaient basés sur des ciments Portland (OPC) ou des ciments alumineux (CAC) complétés par des granulats soit siliceux (Sil) soit de type dolomite (dol). La Figure 31 illustre, en termes d’exemple de conditions d’exposition, les variations quotidiennes et saisonnières en H2S au sein de la canalisation expérimentale.
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Table des matières
Chapitre I : Etude bibliographique
Partie 1. Les réseaux d’assainissement : contexte et structuration
1.1. Données environnementales et socio-économiques sur l’assainissement
1.2. Description générale d’un réseau d’assainissement
1.3. Types de canalisations utilisées en réseau d’assainissement
Partie 2. Processus conduisant à la détérioration des matrices cimentaires
2.1. Description générale
2.2. Bio-réceptivité du matériau
2.3. Populations microbiennes impliquées dans la biodétérioration en réseau d’assainissement
2.4. Production d’acide sulfurique biogénique
2.5. Synthèse des processus conduisant à la création d’un environnement agressif pour les matrices cimentaires
Partie 3. Matrices cimentaires
3.1. Présentation générale
3.2. Définitions et caractéristiques des matrices cimentaires
Partie 4. Mécanismes de biodétérioration des matrices cimentaires en réseau d’assainissement
4.1. Ciment Portland avec ou sans additions minérales
4.2. Ciment alumino-calcique
4.3. Précipitations secondaires
Partie 5. Expériences sur différentes matrices cimentaires
5.1. Expériences in-situ
5.2. Expériences de laboratoire
5.3. Synthèse sur la durabilité des matériaux cimentaires en environnement de réseaux d’assainissement
Partie 6. Hypothèses des mécanismes de résistance à la biodétérioration.
6.1. Résistance physico-chimique
6.2. Résistance bactériostatique liée à l’aluminium
6.3. Synthèse des mécanismes de résistance à la biodétérioration et rôle de l’aluminium
Partie 7. Conclusions
Chapitre II : Plan d’expérience
Chapitre III : Étude en réacteur du potentiel inhibiteur de l’aluminium sur des bactéries sulfo-oxydantes
Partie 1. Introduction
Partie 2. Choix et description de la méthode
2.1. Choix de la méthode
2.2. Plan d’expériences
2.3. Description de la méthode
2.4. Modèle
2.5. Populations étudiées
Partie 3. Résultats
3.1. Effet du chlorure d’aluminium sur des SOM dans des conditions « faiblement acides »
3.2. Effet du chlorure d’aluminium et de sodium sur des SOM dans des conditions d’acidité forte à pH ~2
Partie 4. Discussion
4.1. Capacité de quantifier l’effet inhibiteur de l’aluminium
4.2. Al3+ est-il un inhibiteur de la croissance de SOM ?
4.3. L’effet AlCl3 ou NaCl varie-t-il selon la population sélectionnée ?
Partie 5. Conclusion
Chapitre IV : Matériels et méthodes de l’étude des interactions matrices cimentaires solides-microorganismes sulfo-oxydants
Partie 1. Introduction
Partie 2. Matériaux considérés
2.1. Type de liant et coulage
2.2. Composition
2.3. Concentration en aluminium
Partie 3. Biodétérioration des matériaux
3.1. Analyses des solutions
3.2. Analyse des populations microbiennes
3.3. Analyse des matériaux
3.4. Conclusion
Chapitre V : Influence de la nature physico-chimique du matériau sur le développement de microorganismes
Partie 1. Introduction
1.1. Etat des lieux bibliographique
1.2. Approche scientifique
Partie 2. Matériels et méthodes
2.1. Plan d’expérience
Partie 3. Résultats
3.1. Cas d’un inoculum présélectionné
3.2. Cas d’un inoculum non présélectionné (boue de STEP)
Partie 4. Discussion
Partie 5. Conclusion
Chapitre VI : Influence de l’activité sulfo-oxydante sur la résistance à la biodétérioration de différents matériaux : Influence des caractéristiques physico-chimiques du matériau sur son comportement
Partie 1. Introduction
Partie 2. Objectif de l’étude
Partie 3. Matériels et méthodes
Partie 4. Résultats
4.1. Lixiviats
4.2. Analyse chimique des matériaux détériorés
4.3. Analyse minéralogique des matériaux détériorés
Partie 5. Discussion
5.1. Phénoménologie
5.2. Investigation du rôle des propriétés physico-chimiques des liants dans les mécanismes de résistance à la biodétérioration
5.3. Influence de la cure en température des mélanges à base de ciment alumineux
5.4. Evolution de la minéralogie de l’AH3
5.5. Influence de l’agressivité du test sur la détérioration
Partie 6. Conclusion
Discussion générale
Partie 1. Introduction
Partie 2. Modélisation de la biodétérioration d’une matrice cimentaire
2.1. Synthèse des modèles de transport/réactions existants
2.2. Présentation synthétique du modèle
2.3. Définition du modèle
2.4. Simulations
Partie 3. Synthèses
3.1. Description générique d’une biodétérioration intensifiée des matrices cimentaires
3.2. Rôle de la stabilité chimique des phases alumineuses
3.3. Rôle physique des phases alumineuses
3.4. Impact des phases alumineuses sur les activités biologiques
3.5. Applications industrielles
3.6. Vers une meilleure description de la réactivité des matériaux cimentaires
Conclusions et perspectives
Partie 1. Conclusion générale
1.1. Apport de l’étude sur le rôle bactériostatique de l’aluminium
1.2. Apport de l’étude sur le comportement des matériaux face à la l’attaque acide biogénique
1.3. Apport du modèle sur la compréhension du système
Partie 2. Perspectives
Références
Annexes
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