Quelques exemples d’architectures et de milieux pompés
Lasers cristallins
Nous l’avons vu, une grande majorité des milieux à gain considérés à l’époque étaient dopés aux ions néodyme (dans une matrice de YAG essentiellement), mais d’autres matériaux ont également été investigués comme l’Yb:YAG (Reinberg et al. 1971), différents dopants dans une matrice de CaF2 (Keyes & Quist 1964; Ochs & Pankove 1964) ou encore l’alexandrite, uniquement dans le cadre d’un brevet (Pressley 1982).
Ainsi, pour illustrer les démonstrations de l’époque, nous avons naturellement choisi un système laser basé sur un cristal de Nd:YAG réalisé par (Allen & Scalise 1969). Le barreau utilisé était long de 30 mm, dopé à hauteur de 1,5% et pompé transversalement par 15 LEDs. Tout le système était refroidit à 77 K. À cette température, l’éclairement d’une LED (en GaAsP pour une longueur d’onde centrée à 803 nm) est d’environ 31 mW/cm², soit une puissance de pompe totale de 750 mW. Le système de pompage utilise des cylindres recouverts d’or pour rediriger les rayons provenant des LEDs partant dans la mauvaise direction vers le cristal de Nd:YAG. Cette géométrie a permis aux auteurs d’obtenir 40 mW de puissance laser (à 1,06 µm) en régime continu. Ce résultat correspond à une efficacité optique-optique de 5,3%. La puissance électrique totale injectée dans les 15 LEDs est de 8 W correspondant ainsi à un rendement laser électrique-optique de 0,5%.
Lasers fibrés
L’une des premières démonstrations de l’utilisation des fibres cristallines comme milieu à gain laser a été faite par (Stone et al. 1976). Il s’agissait alors d’une fibre Nd:YAG (dopée 1%) pompée longitudinalement par l’une des faces par une unique LED (en AlGaAs), émettant 7 mW à température ambiante. Le cœur de la fibre avait un diamètre de 80 µm pour une longueur de 5 mm. Comme pour l’exemple précédent (et beaucoup d’autres non cités), le Nd:YAG était pompé autour de la bande d’absorption située à 808 nm et émettait à 1064 nm. Les auteurs ont réussi à atteindre le seuil laser, mais malheureusement, la puissance de sortie était trop faible pour faire une quelconque mesure.
Milieux pompés
Polymères
Graham Turnbull et Ifor Samuel, de l’université de Saint Andrews, ont fait des lasers à polymère leur sujet principal de recherche. Dans leur publication de 2008 (Yang et al. 2008), ils expliquent que le milieu à gain est un polymère (ADS233YE) piégé entre une couche d’un second polymère (CYTOP) et une couche de silice. L’ADS ayant un indice optique plus élevé que celui des deux enveloppes, cet ensemble forme donc un guide optique. La lumière émise par la LED est recyclée par un miroir dichroïque situé sous la couche de silice qui a une réflectivité de 98% pour la pompe et une transmission supérieure à 90% pour le signal laser (ici autour de 570 nm). Enfin, l’oscillation laser se fait horizontalement dans la couche ADS pour sortir verticalement par le dichroïque. Leur LED émet un éclairement de 28 W/cm² en continu (à 1,5 A) et jusqu’à 255 W/cm² en régime impulsionnel (en injectant 160 A dans des impulsions de 47 ns) ! C’est uniquement lorsque la pompe fonctionne de façon impulsionnelle qu’ils parviennent à obtenir un effet laser. Ils concluent leur article en précisant que comparées à d’autres sources laser de pompage, les LEDs InGaN sont électroniquement et physiquement plus robustes et bien moins chères.
Semi-conducteurs
Très récemment, nous avons pu voir l’apparition de nouveaux milieux pompés par LED tels que les lasers à semi-conducteur (X. Liu et al. 2013). Dans cette publication, Liu nous parle d’un régime de fonctionnement de la LED un peu particulier, il s’agit du régime thermo-électrophotonique (régime TEP).
Dans cette configuration, la LED et le laser à semi-conducteur sont un seul et même bloc, monolithique. Ainsi, dans ce régime de fonctionnement, le semi-conducteur laser peut absorber la chaleur émise par la LED. Il s’agit donc d’un régime dans lequel la LED peut pomper le semi-conducteur aussi bien optiquement que thermiquement. C’est dans cette configuration qu’il est possible d’obtenir une efficacité totale supérieure à 100%. En effet, ce type d’intégration de la LED avec le semi-conducteur laser élimine tout problème d’extraction de la lumière comme c’est le cas pour les LEDs composées d’un dôme en plastique. Étant donné la très faible différence d’indice entre la LED et le semi-conducteur laser, le coefficient de réflexion de Fresnel est faible, ce qui implique que la quasi-totalité du flux émis par la LED est couplée dans la partie laser du semi-conducteur. De plus, les auteurs ont montré dans leurs simulations que dans le cas où le seuil laser et les pertes par propagation (de la LED aux puits quantiques) étaient suffisamment bas, alors il serait possible que la LED (ré)absorbe la chaleur et entre dans un régime d’auto-refroidissement, entrainant ainsi une efficacité supérieure à 100%. Pour le moment, un tel régime de fonctionnement n’a pas encore été observé expérimentalement.
Les LEDs d’aujourd’hui
Les LEDs connaissent une forte croissance depuis le début des années 2000 environ. cette croissance est principalement soutenue par le marché de l’éclairage (on voit que les autres parts de marché sont plutôt constantes, voire diminuent pour les écrans). Aujourd’hui, le nombre de lampes dédiées à l’éclairage dans le monde est estimé à 30 milliards. Ainsi, ce n’est pas moins de 19% de la consommation électrique mondiale qui est destinée uniquement à l’éclairage (urbain et domestique pour la majeure partie). Alors que l’efficacité des autres sources lumineuses stagne autour de 150 lm/W pour la meilleure d’entre elles (les lampes à Sodium), celle des LEDs, à l’opposé, connait une progression fulgurante. Pourtant, les LEDs ont commencé très bas avec des efficacités comparables aux premières lampes à incandescence. À titre d’exemple, les premières LEDs commercialisées en 1968 par Monsanto avaient une efficacité de 0,1 lm/W. Ces LEDs, alimentées avec une puissance électrique typique de 0,1 W produisaient une puissance de 0,01 lm (Craford 2004). Cependant, depuis l’apparition des LEDs blanches, ces dernières ont rattrapé leur retard sur les autres sources concurrentes en une dizaine d’années, dépassant il y a 5 ans les 200 lm/W (Hummel 2011) et les 300 lm/W il y a deux ans .Comment une telle prouesse technologique est-elle possible ? Comment expliquer ce succès ? Les LEDs les plus efficaces sont les LEDs blanches dites à très hautes puissances (supérieures à 250 lm). La majorité d’entre elles sont constituées d’une LED bleue recouverte d’une couche de phosphore. Le phosphore le plus utilisé est le Ce:YAG car ce matériau possède une bande d’absorption centrée à 450 nm et émet une lumière jaune-vert (de 530 nm à 700 nm environ). Ainsi, le mélange du résidu de lumière bleue non absorbée avec la lumière émise par le Ce:YAG permet d’obtenir une couleur blanche. Ce large spectre d’émission possède un recouvrement important avec la courbe de sensibilité de l’œil humain, ce qui explique les efficacités élevées des LEDs blanches (en lm/W). Nous comprenons donc que tout ceci ne serait possible sans l’avènement des LEDs bleues.
Au milieu des années 1980, alors que la plupart des laboratoires de recherche de l’époque cherchent à exploiter le ZnSe pour tenter de réaliser des diodes laser bleues, un certain Shuji Nakamura travaillant pour la société japonaise Nichia Chemical (aujourd’hui n°1 des fabricants de LED devant Cree, Osram ou encore Epistar) décide lui, de concentrer ses recherches sur le GaN. C’est alors qu’il va s’intéresser à la croissance MOVPE5 pour ensuite concevoir ses propres réacteurs de croissance. À compter de cette période, Nakamura deviendra le leader dans son domaine et cumulera les découvertes, comme la première LED bleue de forte brillance (Nakamura et al. 1994), le premier laser GaN impulsionnel (Nakamura et al. 1996) ou encore les premières LEDs blanches de forte efficacité (Nakamura 1998). Nous sommes en droit de nous demander ce qui, dans les LEDs de Nakamura, a permis d’aboutir aux LEDs blanches de fortes brillances et efficacités que l’on connait aujourd’hui ? La réponse est double : lorsque Nakamura publie ses résultats sur les premières LEDs bleues (en 1994), puis blanches (en 1998), il combine deux astuces ingénieuses : l’utilisation de LEDs à double hétéro-structure avec des puits quantiques dans la zone active.Les avantages d’une double hétéro-structure sont multiples. L’utilisation de matériaux différents en dehors et dans la zone active permet de créer des barrières de potentiel augmentant de façon importante la concentration des porteurs de charge dans la zone active (contrairement au cas d’une homo-jonction où les porteurs sont répartis sur toute la longueur de diffusion). Il est ainsi possible de doper fortement les couches de confinement (zones dopées n et p), ce qui augmente le nombre de porteurs de charge et donc le nombre de recombinaisons. Enfin, le matériau de la zone active est choisi de façon à ce que son indice optique soit plus élevé que ceux des zones n et p afin de confiner les photons émis par guidage optique.
Cependant, lorsqu’un champ électrique est appliqué sur la double hétéro-jonction, cela a tendance à séparer partiellement les électrons des trous, réduisant l’efficacité de recombinaison et décalant le spectre d’émission vers les hautes longueurs d’onde . Ainsi, pour pallier ce phénomène, il faut que la zone de confinement des porteurs reste fine, d’où l’utilisation de puits quantiques dans la zone active.
Performances des LEDs
En régime continu
Les LEDs de fortes puissances couvrent par bandes tout le spectre visible et le début de l’infrarouge proche. On en trouve à partir de 365 nm jusqu’à 950 nm. Les puissances varient beaucoup selon les couleurs. En effet, la longueur d’onde d’émission est déterminée par le matériau du semi-conducteur dont dépend la technologie de fabrication associée. Nous pouvons très nettement voir la différence de largeur spectrale entre les LEDs bleues/UV et les LEDs IR et l’impact que cela a sur l’intensité spectrale crête. En effet, bien que la LED IR à 850 nm soit 50% plus puissante que la LED UV à 365 nm (900 mW contre 600 mW), cette dernière a tout de même son maximum spectral plus élevé que celui de la LED IR, dû à sa faible largeur spectrale. Enfin, en trois ans, certaines LEDs ont vu leurs puissances multipliées par deux .
En régime impulsionnel
Il est souvent nécessaire de faire fonctionner les LEDs en régime impulsionnel pour générer un effet laser. En effet, un semi-conducteur est limité par la thermique qui apparait lorsqu’un fort courant est imposé à ses bornes. Ainsi, un fonctionnement des LEDs en régime impulsionnel permet d’atteindre ce même niveau de thermique critique avec des courants plus forts, mais pendant un temps plus court. Voici quelques détails sur les ordres de grandeur quant au gain que l’on peut obtenir.
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Table des matières
Introduction
I. État de l’art du pompage par LED
I.1 Résumé de l’histoire
I.2 Architectures et systèmes dans les années 1970
I.2.1 Quelques exemples d’architectures et de milieux pompés
I.2.1.a Lasers cristallins
I.2.1.b Lasers fibrés
I.2.1.c Cavité avec un réflecteur hémisphérique
I.2.2 Bilan des grandeurs caractéristiques de l’époque
I.3 Architectures et systèmes laser depuis le début des années 2000
I.3.1 Milieux pompés
I.3.1.a Polymères
I.3.1.b Semi-conducteurs
I.3.1.c Fibres
I.3.1.d Cristaux
I.3.2 Bilan et comparaison des grandeurs caractéristiques avec les anciens systèmes
I.4 Les LEDs
I.4.1 Généralités sur les LEDs
I.4.1.a Principe des LEDs
I.4.1.b Les LEDs d’aujourd’hui
I.4.1.c Les technologies des LEDs : du composant au « chip on board » (COB)
I.4.1.d Limites et améliorations
I.4.2 Performances des LEDs
I.4.2.a En régime continu
I.4.2.b En régime impulsionnel
I.5 Conclusion
Bibliographie Chapitre I
II. Pompage direct par LED
II.1 Étude théorique du pompage direct
II.1.1 Calcul théorique du gain laser
II.1.2 Étude des différents paramètres clés du gain laser
II.1.2.a Le pompage
II.1.2.b Spectre d’absorption et dopage des cristaux
II.1.2.c Produit « Section efficace d’émission × temps de vie » : ??? × ?
II.1.3 Synthèse et représentation graphique du gain
II.2 Réalisation expérimentale
II.2.1 Dimensionnement du cristal
II.2.2 Choix des longueurs d’onde de pompe
II.2.3 Cavité laser
II.2.4 Présentation de la tête de pompage
II.2.4.a Mécanique et électronique
II.2.4.b Géométrie des LEDs
II.2.5 Performances des panneaux de LEDs
II.2.5.a LEDs ambre
II.2.5.b LEDs IR
II.2.5.c LEDs bleues recouvertes de phosphore : Luxeon Z PC Amber
II.2.6 Résultats laser
II.2.6.a Performances laser avec un pompage ambre
II.2.6.b Performances laser avec un pompage IR
II.2.6.c Performances laser avec un pompage bleu avec phosphore
II.2.6.d Comparaison des différents types de pompage
II.2.6.e Comparaison avec l’état de l’art
II.2.7 Validation expérimentale des simulations et analyse théorique
II.3 Bilan et perspectives
Bibliographie Chapitre II
III. Comment augmenter la luminance des LEDs ?
III.1 État de l’art des concentrateurs
III.1.1 Rôle des concentrateurs de lumière
III.1.2 Les différents types de concentrateurs
III.1.2.a Concentrateurs imageants
III.1.2.b Concentrateurs non imageants
III.1.2.c Choix du type de concentrateur
III.1.3 Cas des concentrateurs luminescents
III.2 Étude théorique du concentrateur luminescent massif pompé par LED
III.2.1 Définition des grandeurs
III.2.2 La géométrie
III.2.3 Le choix des indices
III.2.3.a Différence d’indice Δn21 = n2-n1
III.2.3.b Différence d’indice Δn32 = n3-n2
III.2.4 L’effet des pertes
III.2.5 Bilan : comment définir un concentrateur ?
III.3 Étude expérimentale
III.3.1 Choix du concentrateur pour un pompage laser
III.3.1.a Accord LED – concentrateur : λémission LED = λabsorption concentrateur
III.3.1.b Accord concentrateur – matériau laser : λémission concentrateur = λabsorption laser
III.3.2 Mesures des pertes et de l’absorption
III.3.3 Mesures de C (avec ηfill = 1)
III.3.4 Description des concentrateurs pompés par LED
III.3.4.a Panneaux matriciels de LEDs
III.3.4.b Matrices de LEDs à haut taux de remplissage
III.3.5 Mesures de CLED
III.4 Bilan
Bibliographie Chapitre III
IV. Pompage indirect par LED
IV.1 Démonstration de principe de la faisabilité d’un pompage indirect
IV.1.1 Principe
IV.1.2 Réalisation
IV.1.3 Résultats laser
IV.2 Cristaux envisageables en pompage indirect par Ce:YAG
IV.2.1 Nouveaux spectres et éclairements de pompe à considérer dans les simulations
IV.2.2 Bilan : peut-on de nouveau considérer ces matériaux laser ?
IV.3 Résultats expérimentaux des lasers pompés par concentrateur
IV.3.1 Description du dispositif de pompage optimisé
IV.3.2 Laser Nd:YVO4
IV.3.2.a Cavité plan-plan
IV.3.2.b Cavité plan-concave
IV.3.3 Laser Nd:YAG
IV.3.4 Preuve de concept sur le Ti:saphir
IV.3.4.a Montage expérimental
IV.3.4.b Résultats laser
IV.4 Conclusion et perspectives
Bibliographie Chapitre IV
V. Conclusion générale et perspectives
V.1 Bilan des travaux
V.2 Perspectives
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