Polysémie et polysémie nominale Enjeux théoriques

Cette étude s’inscrit dans le domaine de la sémantique lexicale. À ce titre, elle se veut une contribution à l’exploration du sens linguistique. L’emploi de cet adjectif est une façon d’ancrer explicitement cette recherche dans le champ des Sciences du langage et de lui fixer des bornes : elle n’a pas d’ambition philosophique – elle ne répondra pas à la question « Qu’est-ce que LE sens ? » – et ne cherchera pas non plus à s’aventurer sur le terrain cognitif – elle ne vise pas l’exploration de l’interface pensée / langage.

Polysémie et polysémie nominale Enjeux théoriques

Du sens linguistique à la notion de polysémie

Description du sens chez Anna Wierzbicka 

Le nom de Wierzbicka est immanquablement associé à l’idée de primitifs sémantiques. Dans un article destiné au public francophone, la chercheuse affirme en effet que « la sémantique n’aura de valeur explicative que si elle parvient à  »définir » (ou à expliciter) des sens complexes et obscurs en faisant appel à des sens simples susceptibles de se passer d’explication » (1993 : 10). Ces sens simples et irréductibles constituent pour Wierzbicka des primitifs sémantiques.

Dans son esprit, ce qui est absolument fondamental, c’est que ces primitifs sont considérés comme universels, c’est-à-dire qu’ils sont envisagés comme des donnés de la cognition humaine. Cette hypothèse forte – que Wierzbicka n’a eu de cesse de chercher à conforter en multipliant ses travaux dans de nombreuses langues – l’autorise à parler d’un Natural Semantic Metalanguage (NSM) constitué de « empirically established universal human concepts » (2007 : 37). Le métalangage NSM est au cœur de la démarche de Wierzbicka et elle l’utilise pour décrire n’importe quelle unité lexicale dans n’importe quelle langue.

Soucieuse de produire des descriptions compréhensibles par le plus grand nombre, Wierzbicka refuse l’usage de tout langage artificiel (même si elle revendique un certain degré de formalisation) pour son travail de description sémantique. Or, comme elle considère que toutes les langues (et toutes les cultures associées) disposent de mots pour exprimer les primitifs identifiés , le choix de la langue de description lui semble relativement secondaire : ce qui s’exprime dans une langue L1 peut, par hypothèse, s’exprimer dans une langue L2. Dès lors, l’usage de l’anglais auquel Wierzbicka a généralement recours est simplement motivé par le fait qu’elle l’envisage comme la lingua franca des linguistes (2007 : 45), langue commune facilitant un travail contrastif. Mais, elle ne néglige jamais de rappeler que, si une autre langue est en jeu dans une étude, elle pourrait tout aussi bien se substituer à l’anglais . En effet, les primitifs sémantiques sont « expressible not only in English but also in the indigenous [c’est-à-dire celui qui fait l’objet de l’étude] language itself » (2007 : 37). Plutôt que de donner la liste des primitifs sémantiques , les paragraphes qui suivent offrent un rapide aperçu de la méthode NSM en portant un regard sur une description récente que propose Wierzbicka du mot anglais head (2007 : 39) :

i. one part of someone’s body
ii. it is above all the other parts of the body
iii. it is round[M]
iv. when someone thinks about something, something happens in this part of this someone’s body .

Il faut bien sûr comprendre que les mots one, part, someone, body, above, all, other, part… sont l’expression anglaise de concepts considérés comme primitifs. La seule exception est round qui ne renvoie pas à un primitif : l’indice [M] indique une molécule sémantique qui peut elle-même être définie au moyen de primitifs. Ainsi, en s’appuyant sur des mots déjà définis, selon une progression de type récursif, Wierzbicka peut définir des mots dont le sens est considéré comme plus complexe. Par exemple, pour neck, elle recourt au mot head envisagé comme une molécule (2007 : 39) :

i. one part of someone’s body
ii. it is near the head[M]
iii. it is below the head[M]
iv. all the other parts of the body are below this part
v. when this part of someone’s body moves, this someone’s head[M] moves at the same time .

Pour Wierzbicka, l’un des enjeux essentiels est de surmonter l’obstacle de la circularité bien connu en lexicographie. Les utilisateurs de dictionnaires sont souvent confrontés à cette difficulté : un mot M1 est défini au moyen d’un mot M2 lui-même défini au moyen du mot M1 ! De ce point de vue, le démarche de Wierzbicka rejoint le projet de Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain de l’équipe d’Igor Mel’čuk .

Selon Wierzbicka, un autre intérêt essentiel est que le métalangage NSM est à même de décrire les mots de n’importe quelle langue d’une façon rigoureuse en évitant les pièges de l’ethnocentrisme. Car, pour Wierzbicka, l’analyse sémantique ne peut être dissociée de la culture (ni d’ailleurs de la cognition) et, au cœur de son projet de recherche, se trouve le souci constant de mettre en évidence les spécificités culturelles et les différences de conceptualisation dont les langues portent la trace.

Par exemple, voici la description du mot anglais legs (2007 : 32) :

i. two parts of someone’s body
ii. they are below all the other parts of the body
iii. they are long[M]
iv. these two parts of someone’s body can move as this someone wants
v. because people’s bodies have these two parts, people can move in many places as they want .

Cette description est à rapprocher de celle que Wierzbicka fait du mot polonais nogi (2007 : 30- 31) qui peut, selon les contextes, osciller entre celle de feet et celle de legs (c’est précisément ce qui intéresse Wierzbicka) :

i. two parts of someone’s body
ii. they are below all the other parts of the body
iii. they are long [podłużne[M]]
iv. these two parts of someone’s body can move as this someone wants
v. because people’s bodies have these two parts, people can move in many places as they want
vi. the bottom[M] parts of these two parts of the body are flat[M]
vii. when people are moving because they want to be somewhere else these bottom[M] parts of these two parts of the body touch the ground[M] .

Pour Wierzbicka, il est question de montrer que les concepts auxquels renvoient legs (anglais) et nogi (polonais), s’ils se recouvrent partiellement, ne sont pas exactement les mêmes. Or, précisément, le recours à un métalangage (ici, exprimé en anglais mais, elle est claire sur ce point, il aurait tout aussi bien pu être exprimé en polonais ou dans une langue tierce) facilite la comparaison : les éléments (i-v) sont communs mais la description de nogi nécessite deux éléments de description supplémentaires : vi et vii.

Pour conclure, citons ce propos de Wierzbicka qui résume sa démarche :

Semantic primes provide a principled ‘‘vocabulary’’ for semantic-conceptual representation: clear, accessible, minimal, non-circular, non-ethnocentric. Because the vocabulary and syntax of NSM are recruited from ordinary language, it can achieve much greater clarity and accessibility than is possible with more technical and more obscure modes of representation. Because the metalanguage is minimal in size, one can achieve maximum resolution of semantic detail and ward off any possibility of circularity. It is or aspires to be a formal semantic metalanguage based on natural language. (2007 : 19-20)  .

Fort de ces éléments, venons-en aux problèmes que pose cette approche du sens linguistique.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 Polysémie et polysémie nominale Enjeux théoriques
1 -Du sens linguistique à la notion de polysémie
2 -La polysémie : entre variation et invariance
3 -Problèmes posés par le concept d’invariant sémantique
4 -Invariant sémantique et acception première
5 -Conclusion
Chapitre 2 Délimitation de l’objet d’étude et options méthodologiques
1 -Délimitation de l’objet d’étude
2 -Options méthodologiques
3 -Conclusion
Chapitre 3 Panorama de la variation sémantique des noms de parties du corps humain
1 -Entre QUALITÉ et PARTIE NÉCESSAIRE
2 -Acceptions ÉTAT et PERSONNE
3 -Entre PARTIE NÉCESSAIRE et ZONE
4 -Acception QUALITÉ hors de la sphère humaine
5 -Acception QUANTITÉ
6 -Conclusion
Chapitre 4 Étude de la polysémie du nom cœur
1 -État des lieux des acceptions en présence
2 -Éléments d’analyse sémantique
3 -Le nom cœur entre invariance et variation
4 -Conclusion
Chapitre 5 La polysémie des noms artère, épaule, bouche et pied
1 -Le nom artère
2 -Le nom épaule
3 -Le nom bouche
4 -Le nom pied
Conclusion générale

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