Etat des connaissances
Les techniques conventionnelles d’extraction ou d’isolation de composés chimiques de matrices végétales présentent souvent des contraintes telles que celles des faibles rendements, des temps d’extraction très longs et d’utilisation de grandes quantités de solvants. Ces dernières années de nombreuses techniques alternatives ayant pour but de pallier à ces problèmes se sont développées. Parmi elles émergent les micro-ondes, les fluides supercritiques et les ultrasons. Les contraintes écologiques et l’émergence de la sécurité alimentaire et industrielle, incitent les professionnels à découvrir de nouvelles applications aux technologies innovantes. Toutes visent une performance accrue et un meilleur respect de l’environnement.
Les ultrasons de puissance sont maintenant bien connus pour avoir des effets significatifs sur la cinétique de certaines réactions chimiques ou encore sur la réduction du temps des procédés industriels. En effet la cavitation induite par les ultrasons de faibles fréquences dans les milieux liquides se traduit entre autres par des accélérations de cinétique et/ou des améliorations du rendement, notamment dans le cas de l’extraction solide-liquide [1].
L’olivier (Oleaeuropaea L.) est l’un des arbres les plus importants dans les pays Méditerranéens, sa culture couvre environ 8 millions d’ha et représente environ 98% de la récolte mondiale. La production de l’huile d’olive est devenue une des activités essentielles dans l’agriculture de cette région. Ceci démontre sa grande importance économique et sociale, ainsi que les avantages possibles de l’utilisation de ses co-produits (huile, fruits et feuilles) [2]. L’huile d’olive est le produit Méditerranéen par excellence. On la retrouve à travers l’histoire, depuis la civilisation grecque jusqu’à nos jours, et représente la principale source de matières grasses . Ce type de régime a souvent été associé à une meilleure résistance à certaines maladies: cardio vasculaires et dégénératives [3-6]. Si l’huile d’olive est un produit intéressant d’un point de vue nutritionnel, c’est tout d’abord pour sa composition en acides gras, sensibles au phénomène d’oxydation, et ses composés minoritaires tels que les polyphénols [7]. Ces antioxydants sont présents en faible quantité, puisque ≈ 98% de ses composés phénoliques sont perdus lors du procédé de fabrication. Ces pertes sont dues d’une part à leur faible affinité pour la fraction lipidique [8], mais aussi aux procédés de blanchiment appliqués aux olives avant le broyage et le pressurage. L’oxydation des lipides d’huile d’olive est considérée comme l’une des réactions majeures correspondantes à la dégradation de sa qualité organoleptique et nutritionnelle [9]. Ainsi la lutte contre l’oxydation de cette huile au cours de la transformation technologique, du stockage et de la distribution s’impose. Parmi les diverses solutions possibles, l’addition d’agents antioxydants aux huiles et aux aliments riches en lipides [10], est pratiquée depuis fort longtemps. Toutefois, les antioxydants synthétiques (BHT et BHA) présentent une sérieuse menace pour la santé [11, 12]. L’ampleur de ce problème a fait que des antioxydants naturels deviennent de plus en plus recommandés. Dans cette démarche, la stabilisation des huiles végétales (huile d’olive, tournesol, soja…etc.) [10], a fait l’objet de nombreuses recherches, ayant opté pour l’enrichissement de ces huiles à base de matrices végétales (origan, feuilles d’olivier…etc.) [13-15]. L’inconvénient de ces supplémentations pratiquées en général par macération est qu’elles sont longues et nécessitent des zones de stockage importantes. Dans cette présente étude un enrichissement assistée par ultrasons a été testé, afin de réduire ce temps et de faciliter sa mise en place pour les professionnels de l’huile d’olive.
Les ultrasons ont de nombreuses applications potentielles dans le domaine de l’agroalimentaire comme dans le domaine de la nutraceutique. Si de nombreuses études ont déjà été menées sur leurs effets, il reste beaucoup de secteurs à développer car les champs d’application des ultrasons ne sont pas encore pleinement explorés.
Ultrasons
Principe et mécanisme de la cavitation ultrasonore
Les ultrasons sont des ondes mécaniques qui sont capables de se déplacer dans un milieu élastique à une fréquence supérieure à la limite maximale d’audibilité de l’oreille humaine (16 kHz) (Fig. I.1). Les ultrasons peuvent être divisés en deux catégories en fonction de leurs fréquences [16]:
– Ultrasons de diagnostic: Ces ultrasons sont aussi appelés ultrasons de basse intensité ou de haute fréquence (2 à 10 MHz). Les ultrasons constituent une méthode non destructive d’évaluation de propriétés physico-chimiques ou mécaniques, de mesures de concentrations, de mesures de niveaux, etc. Les applications sont nombreuses dans le domaine médical comme outil de diagnostic et de contrôle car leur utilisation est simple, efficace et autorise une visualisation en temps réels des organes comme le cœur sans effet ionisant ni destructif [16].
– Ultrasons de puissance: Aussi appelés ultrasons de haute intensité ou de basse fréquence (20 kHz à 100 kHz). Ils sont appliqués à des domaines industriels variés comme le nettoyage des surfaces, la production d’émulsion, l’accélération de réactions chimiques en milieu hétérogène ou l’extraction d’arômes. Contrairement aux ultrasons de diagnostic, ces ultrasons sont capables de générer des bulles de cavitation [16].
Chaque milieu liquide a une distance moléculaire critique : au-dessous de cette distance le liquide reste intacte, mais au-dessus de ce seuil caractéristique, les forces maintenant la cohésion du liquide sont vaincues et des bulles de cavitation contenant de la vapeur du liquide et des gaz dissous apparaissent. Ce phénomène, appelé cavitation, a été étudié de manière théorique et expérimentale. Neppiras et Noltingk [17], ont initié la théorie du point chaud selon laquelle l’implosion d’une bulle de cavitation génère des valeurs locales de température et de pression très élevées (milliers de degrés Kelvin et milliers de kPa). Cette théorie a ensuite été reprise par Suslick et Price [18]. Le comportement des bulles dépend de leur taille et de la nature du champ ultrasonore local qui détermine leur stabilité ou leur implosion.
Facteurs influençant la cavitation
– Présence de gaz dissous : Les bulles de cavitation peuvent être constituées de vapeur du liquide dans lequel elles sont générées. La cavitation prend naissance à partir des noyaux qui sont constitués par les occlusions gazeuses au sein du liquide. La présence de gaz dissous favorisera donc le phénomène de cavitation [1].
– Pression du milieu : Les bulles de cavitation peuvent être générées lorsque la pression appliquée au milieu (PL) descend au-dessous de la tension de vapeur de ce liquide (Pv). La pression appliquée au milieu quand celui-ci est soumis aux ultrasons peut être calculée comme étant la somme de la pression hydrostatique (Ph) et de la pression acoustique (Eq. 3). Par conséquent la cavitation sera possible dans le liquide si la tension de vapeur du liquide est supérieure à la somme de la pression hydrostatique et la pression acoustique (Eq. 4). Cela signifie que plus la pression appliquée au milieu sera élevée, plus il sera difficile de provoquer de la cavitation. En effet, pour la provoquer, il faudra augmenter la pression acoustique et donc augmenter l’intensité des ultrasons [1].
– Intensité des ultrasons : il y a une relation directe entre l’intensité des ultrasons et l’amplitude de la pression de l’onde sonore qui est-elle corrélée à la pression acoustique (Eq. 1). La pression acoustique étant un paramètre clé dans la génération des ultrasons, plus l’intensité des ultrasons sera élevée plus facilement la cavitation pourra se faire [1].
– Fréquence des ultrasons : Les fréquences les plus couramment utilisées sont entre 20 et 40 kHz. De plus haute fréquences rendent plus difficile la cavitation. En effet, les bulles de cavitation ont besoin d’un petit laps de temps pour être générées pendant la phase de raréfaction. Plus la fréquence est élevée, plus les phases de raréfaction sont courtes donc moins la bulle a de chance d’être créée. C’est la raison pour laquelle les ultrasons de haute fréquence sont dits non destructeurs ; la fréquence est trop élevée pour pouvoir permettre la cavitation [1].
– Température : L’importance de ce paramètre est difficile à évaluer, car elle modifie la viscosité du milieu et la pression de vapeur saturante ce qui peut influencer la capacité de cavitation du milieu d’étude. Plus l’on se rapproche du point d’ébullition du liquide, plus les bulles de cavitation vont être générées facilement, mais elles perdent leur capacité d’implosion, c’est pourquoi la majorité des réactions sonochimiques sont favorisées par de faibles températures.
– Impuretés : Chaque impureté présente dans le liquide ou à la surface de la verrerie utilisée peut agir comme un nouveau site de cavitation. En effet, des gaz peuvent être emprisonnés dans les interstices des impuretés et les dépressions générées par les cycles de raréfaction vont déloger ces gaz de l’impureté et constituer un nouveau noyau de cavitation [1].
Les différentes conditions expérimentales vont produire différents types de bulles de cavitation. Certaines sont dites stables, les autres sont dites transitoires. Les bulles transitoires n’existent que pendant quelques cycles acoustiques avant d’imploser violemment. Sachant que la durée de vie de telles bulles est trop faible pour observer un transfert de matière par diffusion de gaz vers l’intérieur ou l’extérieur de la bulle, leur implosion ne se trouve pas amortie et procède d’une grande violence. Selon Mason et Lorimer [19], on peut ainsi atteindre des températures voisines de 5000 K et des pressions de l’ordre de 1000 atmosphères (Tab. I). Les bulles de cavitation stables sont des bulles de gaz et de vapeur qui oscillent de manière non linéaire autour d’une taille de pseudo-équilibre pendant plusieurs nombre de cycles. A chaque cycle, leur volume augmente car le bilan des échanges entre les phases de désorption et de condensation (entrée dans la bulle) et celles d’absorption et de vaporisation (sortie de la bulle) est positif. La bulle implose alors lorsqu’elle atteint une taille critique. Cette implosion est moins violente car elle est amortie par les gaz présents et les températures atteintes alors se situent aux alentours de 1800 K [20].
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Table des matières
Introduction
Chapitre I: Ultrasons
I. Etat des connaissances
I.1. Ultrasons
I.1.1 Principe et mécanisme de la cavitation ultrasonore
I.1.2. Facteurs influençant la cavitation
I.2. Equipements de laboratoires et industriels
I.3. Applications des ultrasons
I.3.1. Ultrasons en technologie de transformation
I.3.2. Ultrasons en technologie de préservation
I.3.3. Ultrasons en technologies d’extraction
I.3.3.1. Extraction des huiles essentielles et des arômes
I.3.3.2. Extraction des antioxydants
I.4. Coût, investissement et impact environnemental
Références bibliographiques
Chapitre II: Enrichissement de l’huile d’olive
II. Introduction
II.1. Matériels et méthodes
II.1.1. Matériel végétal
II.1.2. Huile végétale
II.1.3. Procédures de l’extraction
II.1.4. Etude préliminaire
II.1.5. Macération assistée par ultrasons
II.1.6. Macération conventionnelle
II.1.7. Extraction des composés phénoliques des huiles
II.1.8. Quantification des polyphénols totaux
II.1.9. Plan d’expérience méthodologie et application
II.1.λ.1. Méthodologie des plans d’expérience
II.1.9.1.1. Analyses statistiques
II.1.λ.2. Application du plan d’expérience
II.1.10. Analyse en Chromatographie Liquide Haute Performance (CLHP)
II.1.11. Etude cinétique
II.1.12. Dosage de α-tocophérols
II.1.13. Test de l’activité antiradicalaire
II.1.14. Détermination du taux de la fraction polaire totale
II.1.15. Evaluation de la couleur
II.1.16. Analyse sensorielle
II.1.17. Cytohistologie
II.2. Résultats et discussions
II.2.1. Etude préliminaire
II.2.2. Conditions optimales
II.2.2.1. Analyse de la variance
II.2.2.2. Analyse des surfaces de réponse
II.2.3. Comparaison des méthodes d’extractionsμ EAU et EC
II.2.4. Histochimie
II.2.5. Activité antioxydante
II.2.6. Dosage des α-tocophérol
II.2.7. Enrichissement de l’huile et test de friture
II.2.8. Evaluation de la couleur
II.2.9. Analyse sensorielle
II.2.10. Etude de l’extraction à l’échelle pilote et essais industriels …
Conclusion
Références bibliographiques
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