Polymérisation des résines composites en technique directe

Dans les années 60, un nouveau matériau de restauration dentaire fait son apparition : les résines composites (RC). Du fait de l’augmentation de la demande esthétique ainsi que de la préservation tissulaire, le composite dentaire a très vite pris le monopole au sein de la pratique dentaire comme matériau d’obturation. Au départ chémopolymérisable, le RC connaît un développement rapide et dans les années 70, la photopolymérisation est pour la première fois utilisée. Ce procédé de polymérisation repose sur l’émission de photons permettant de lancer puis d’accompagner la réaction de polymérisation. Les techniques s’étant développées, les fabricants proposent une grande diversité de matériau ayant chacun ses recommandations en matière de polymérisation. L’évolution des RC au fil des années a été accompagnée par une amélioration considérable des lampes à photopolymériser. Aujourd’hui, les lampes LED sont les plus utilisées au sein des cabinets. Pour évaluer la qualité de la polymérisation de nombreux facteurs liés au praticien, au matériau utilisé et au patient traité doivent être pris en compte. L’objectif de ce travail réside dans la réalisation d’une synthèse des données actuelles de la polymérisation des RC en technique directe. Dans un premier temps, la composition ainsi que la classification des RC seront détaillées, puis nous verrons dans un deuxième temps le mécanisme des réactions de polymérisation. Les différentes sources lumineuses utilisées actuellement ainsi que les facteurs influençant la polymérisation seront décrits. Dans une troisième partie, nous verronsles différents procédés de polymérisation en fonction des RC utilisées.

Les résines composites 

Les premiers matériaux de restauration dentaire esthétique tels que les résines époxy ont rapidement laissé apparaître une faiblesse sur le plan mécanique. En effet, on a pu observer une adhérence faible aux tissus dentaires, une contraction importante de polymérisation ainsi qu’une dilatation thermique importante. Afin de palier à ces déficits majeurs, les premiers matériaux de restauration dentaire esthétique ont dû être modifiées donnant en conséquence naissance au RC et à la dentisterie adhésive.

Définition

Le terme « composite » est employé pour signifier que le matériau est composé d’au moins de deux constituants dont les qualités se complètent et qui lui permettent d’acquérir des propriétés supplémentaires que chaque élément seul ne possède pas. (1) Les RC à usage dentaire sont composées de 3 éléments :
– La phase organique
– La phase inorganique
– L’agent de couplage
Chacun de ces éléments joue un rôle primordial et complémentaire.

La résine matricielle : monomère ou oligomère 

Le composant chimiquement actif de la RC est la résine matricielle. C’est au sein de celle-ci que se passe la réaction de polymérisation. La matrice résineuse est à l’origine de la consistance visco-élastique du matériau avant polymérisation et elle permet donc sa manipulation clinique. Elle assure également la cohésion de l’ensemble des constituants après polymérisation.(1) Ce sont tous des monomères « R – di méthacrylates » (à l’exception du silorane, 3M ESPE), rendant ainsi toutes les RC compatibles entre elles et avec les adhésifs.(3) Initialement, il s’agit d’une réaction d’addition engendrant la conversion d’un monomère fluide en un polymère rigide. Cette possibilité́de passer d’une masse plastique à un solide rigide permet l’utilisation de ce matériau pour la restauration en technique directe. (2) La polymérisation initie la formation d’un réseau tridimensionnel dans lequel les charges sont dispersées et fixées. Suite à la faible flexibilité́du polymère en formation, seule une partie des monomères est convertie en polymères. La viscosité́ , la rétraction de prise, l’absorption d’eau et les propriétés mécaniques du composite sont fortement influencés par la sélection des monomères. (4) La résine matricielle de la RC constitue le maillon faible : rétraction de prise, coefficient d’expansion thermique trop élevé́ , propriétés mécaniques réduites.

Diluants ou contrôleurs de viscosité

Les monomères de Bis-GMA et de UDMA sont des liquides avec un poids moléculaire élevé, ce qui les rend très visqueux. L’ajout d’une grande quantité́de charges provoque la formation d’un matériau de consistance trop épaisse pour l’usage clinique. Par conséquent, pour palier à ce problème, des monomères de faible viscosité́sont ajoutés :
– méthacrylate de méthyle (MMA) ;
– éthylène glycol diméthacrylate (EGDMA) ;
– diéthylène glycol diméthacrylate (DEGMA) ;
– triéthylène glycol diméthacrylate (TEGDMA) : Le TEGDMA est le diluant le plus utilisé.
Le diluant influence les propriétés physiques du matériau. La résine est plus flexible, moins cassante, cependant il induit une augmentation de la rétraction de prise, une diminution de la résistance à l’abrasion. Il présente également des inconvénients sur le plan de la biocompatibilité.

Les agents de polymérisations 

Le passage de monomère à polymère va être initié par la transformation des initiateurs ou amorceurs en radicaux libres. Cette transformation va être permise grâce à des activateurs ou catalyseurs. Dans la partie II, nous verrons de manière plus détaillée leur rôle dans le processus de polymérisation.

Les inhibiteurs de prises

Les matériaux composites doivent pouvoir être conservés sans qu’il y ait de polymérisation spontanée. Les inhibiteurs de prise se caractérisent par une forte réactivité́avec les radicaux libres. Si des radicaux libres sont formés comme, par exemple, lors de l’exposition du composite à la lumière ambiante pendant la manipulation, l’inhibiteur réagit prioritairement avec les radicaux libres, empêchant un début de polymérisation. Ce n’est qu’après consommation de tout l’inhibiteur que les radicaux libres induisent la polymérisation. Les principaux inhibiteurs de polymérisation sont des dérives des phénols :
– Le butyl-hydroxy-toluène ou BHT (2,6-di-tert-butyl-4-méthyle phénol) ;
– Le 4-méthoxyphénol (MEHQ).
Étant donné le pouvoir inhibiteur des phénols sur les résines diméthacryliques, l’utilisation des ciments à base d’eugénol comme fond de cavité́est contre-indiquée avec les composites.

La phase inorganique

Les charges constituent la partie inerte.
Réduire la proportion de résine est l’objectif principal de l’incorporation des charges. La résine constituant le maillon faible du matériau. Les charges inorganiques améliorent les propriétés des RC. Les propriétés mécaniques, physiques et la rétraction de prise ont été perfectionnées par l’augmentation du pourcentage de charges. A l’inverse l’état de surface, l’esthétique et la résistance à l’usure sont quant à eux améliorés par la diminution de la dimension des charges. D’un point de vue clinique, la viscosité́ et la facilité de manipulation pourront, grâce aux charges, être modulées selon les indications et les demandes du praticien. (4) Les RC contiennent une grande diversité́de charges qui varient par leurs compositions, taille, forme et pourcentage.

Natures des charges

– Minérales
Les charges minérales sont formées de silice et de verres de métaux lourds.
La silice se présente sous forme cristalline (quartz) ou non cristalline.
Le quartz a l’avantage d’être stable chimiquement mais il n’est pas radio- opaque, sa structure cristalline lui confère des arêtes vives. Il est par conséquent très dur et difficile à polir. En revanche, il se silanise plus facilement que le verre et est, de ce fait, plus résistant à l’érosion et plus stable pour la teinte.
Les verres de métaux lourds (silicate de verre de baryum, de strontium, verre de dioxyde de zirconium) ont pour objectif de rendre le matériau radio-opaque, ce qui permet de le visualiser sur les radiographies .

– Organo-minérales
Le noyau minéral des charges est enrobé de matrice résineuse polymérisée. Les micro-charges sont utilisées sous cette forme ainsi que les charges OrMoCers. Il s’agit de macro monomères composés d’un noyau en silice inorganique greffé de groupements multifonctionnels de méthacrylate.

– Organiques
On trouve dans la RC des charges uniquement organiques constituées de triméthylolpropane triméthacrylate.

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Table des matières

1 Introduction
2 Les résines composites
2.1 Définition
2.2 Composition
2.2.1 La phase organique
2.2.1.1 La résine matricielle : monomère ou oligomère
2.2.1.2 Diluants ou contrôleurs de viscosité
2.2.1.3 Les agents de polymérisations
2.2.1.4 Les inhibiteurs de prises
2.2.1.5 Les pigments
2.2.2 La phase inorganique
2.2.2.1 Natures des charges
2.2.2.2 Forme des charges
2.2.2.3 Taille des charges
2.2.2.4 Pourcentage des charges
2.2.3 L’agent de couplage : Le silane
2.3 Classification
2.3.1 En fonction des charges
2.3.2 En fonction de la matrice organique
2.3.2.1 Conventionnelle
2.3.2.2 Ormocers
2.3.2.3 Bulk
2.3.2.4 Silorane
2.3.3 En fonction de la viscosité
2.3.4 En fonction de la polymérisation
3 Polymérisation des résines composites
3.1 Réaction de polymérisation
3.1.1 Étapes principales de la réaction de polymérisation
3.1.1.1 Initiation
3.1.1.2 Propagation
3.1.1.3 Terminaison
3.1.2 Les différentes catégories de réaction de polymérisation
3.1.2.1 Chémopolymérisation
3.1.2.2 Photopolymérisation
3.1.2.2.1 Étapes de la photopolymérisation
3.1.2.2.2 Les nouveaux photo-sensibilisateurs
3.1.2.2.3 Les avantages et les inconvénients de la photopolymérisation.
3.1.2.3 La polymérisation duale
3.1.3 Polymérisation et degré de conversion
3.2 Lampes à polymériser
3.2.1 Famille de lampes à polymériser
3.2.1.1 Lampes halogènes ou QHT (quartz halogène tungstène)
3.2.1.1.1 Constitution
3.2.1.1.2 Fonctionnement
3.2.1.1.3 Avantages et inconvénients
3.2.1.2 Lampe à arc plasma/xénon
3.2.1.2.1 Constitution
3.2.1.2.2 Fonctionnement
3.2.1.2.3 Avantages et inconvénients
3.2.1.3 Lampe laser Argon
3.2.1.3.1 Constitution
3.2.1.3.2 Fonctionnement
3.2.1.3.3 Avantages et inconvénients
3.2.1.4 LED
3.2.1.4.1 Constitution
3.2.1.4.2 Fonctionnement
3.2.1.4.3 Avantages
3.2.1.4.4 Lampe LED de 1ère génération
3.2.1.4.5 Lampe LED de 2ème génération
3.2.1.4.6 Lampe LED de 3ème génération
3.2.2 Cahier des charges d’un générateur de photopolymérisation
3.2.3 Risques des lampes à photopolymériser
3.2.3.1 Risques d’élévation de la température
3.2.3.2 Risques de la lumière bleue
3.2.3.3 Risques liés aux lampes à bas prix
3.2.4 Maintenance des lampes à photopolymériser
3.2.5 Facteurs influençant la polymérisation concernant l’utilisation des lampes
3.2.5.1 Temps d’irradiation
3.2.5.2 Distance et diamètre de la pointe de la lampe
3.2.5.3 Technique
3.2.5.4 Irradiance et émission spectrale
3.2.5.5 Mode de polymérisation de la lampe
3.3 Autres facteurs influençant la polymérisation
3.3.1 Types de RC
3.3.2 Lumière scialytique et aide optique
3.3.3 Chaleur dégagée par la lampe
3.3.4 Phénomène de contraction de prise
4 Application clinique de la polymérisation
5 Conclusion

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